N° 2 novembre 2001

Sommaire

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Palestine

Le conflit israélo-palestinien dans l’impasse: une vision pour redonner courage (Edward Saïd)

La parole d’un militant du campde réfugiés de Balata. Le retour à des principes (entretien avec Husam Khader)

OMC et propriété intellectuelle

Du brevet à l’expropriation sans rivage (Robert Lochhead)

Un entrepreneur indien face l’OMC et à l’Etat indien (entretien)

Thaïlande: la contrainte et… l’argument juridique (Aileen Kwa)

Afrique: Etats démantelés et privatisations (Pierre Touret)

Les élites, d’une appropriation à l’autre

Libéralisation et corruption. Un exemple: les marchés de travaux publics

L’avenir du développement: les PME? Des sous-traitants tenus en laisse

Suisse

Lutte des salariés sans-papiers: à l’aube de la répression (Gaétan Zurkinden)

La "modernisation" du système de formation dans le canton de Zurich (Alessandro Pelizzari)

Services publics hors service. Le démantèlement des PTT (George Waardenburg)

Convention collective de La Poste: une forte opposition (Agostino Soldini)

Le mouvement syndical au-devant d’un retournement conjoncturel (entretien avec Pino Sergi)

Editorial

Depuis quatre semaines, des centaines de tonnes de bombes sont déversées sur l’Afghanistan. Le commentateur de la BBC World, le 31 octobre, déclare: "Depuis le Vietnam, on n’a plus jamais vu de tels tapis de bombes larguées sur un pays par des B-52, même si ce n’est pas encore comparable en intensité!" La "guerre contre le terrorisme" progresse, bien que la proportion de "bombes intelligentes" se réduise.

Des centaines de victimes civiles sont dénombrées. Mais le "chiffre exact" ne peut être donné, faute "d’informations indépendantes". Car il est manifeste que, depuis le 11 septembre, pour l’essentiel, ce sont des "informations indépendantes" qui assurent le débat et les décisions démocratiques prises par la vaste coalition allant de Bush à Poutine en passant par le dictateur président Musharraf, le roi Fahd d’Arabie saoudite et le pouvoir militaire de Turquie.

Par contre, il est indubitable qu’un chiffre exact ne peut pas être fourni: celui ayant trait au nombre d’Afghans qui fuient les bombardements, errent affamés dans le pays et/ou cherchent à entrer au Pakistan et en Iran. Avant les bombardements, toutes les agences humanitaires estimaient à 7-8 millions les personnes qui manquaient de nourriture et de soins, en Afghanistan. Une grande partie est donc en danger de mort cet hiver. L’Unicef vient de déclarer que 100000 enfants mourront dans les mois à venir de diarrhées, de pneumonie et d’autres maladies. A nouveau, le chiffre n’est pas précis… comme celui du nombre des civils tués à l’occasion de l’attaque criminelle contre les deux tours du World Trade Center.

En réalité, l’insistance sur l’évaluation rigoureuse des "dégâts collatéraux" a pour fonction de camoufler le fait qu’un crime contre l’humanité est en train d’être perpétré. Selon le porte-parole de Christian Aid, Dominic Nutt: "Nous avons dépassé la situation où l’on peut s’asseoir autour d’une tasse de thé pour discuter de ladite catastrophe humanitaire. S’ils arrêtent de bombarder, nous pouvons faire entrer de la nourriture; c’est aussi simple que cela. Tony Blair et George W. Bush répètent sans cesse qu’il s’agit d’une offensive à trois dimensions: diplomatique, militaire et humanitaire. Pour ce qui est du diplomatique et du militaire, ils sont là; qu’en est-il de l’humanitaire? Quelques avions qui lancent des rations alimentaires sur les montagnes, c’est déplorable."

En invoquant l’article 51 de la Charte de l’ONU, l’administration Bush s’est réclamée du "droit à l’autodéfense". Cette "autodéfense" consisterait-elle à empêcher des centaines de milliers d’êtres humains d’avoir accès à la nourriture? Si c’est le cas, il faut alors reconnaître que cette politique relève de la même conception que celle adoptée par les preneurs d’otages qui ont lancé deux avions contre des bâtiments afin d’assassiner des milliers de civils innocents.

Mais, pourrait-on rétorquer, n’oubliez-vous pas délibérément l’engagement à hauteur de 324 millions de dollars "d’aide humanitaire". Examinons ce chiffre rigoureux. Une ration alimentaire, telle que celles parachutées, coûte officiellement 4,25 dollars. En admettant (par souci de démonstration) que les 324 millions ne soient consacrés qu’à ces aliments — et pas au financement des opérations de largage, etc. — il en découlerait que 3 millions de personnes, censées chacune pouvoir s’approprier une ration, pourraient être "secourues", durant 25 jours! Pour comparaison, un bombardier B-2 coûte 2,1 milliards de dollars. La précision est révoltante.

La conclusion est, elle, limpide. En continuant de bombarder l’Afghanistan, l’administration américaine et le social-démocrate Blair proclament haut et fort: "Vous, millions d’Afghans menacés par la faim, vous ne pesez d’aucun poids en comparaison de nos objectifs visant à imposer notre loi au-dessus de toutes les autres (y compris celles des institutions internationales auxquelles nous adhérons) et à faire valoir nos intérêts économico-stratégiques en Asie centrale comme au Moyen-Orient."

Toute la rhétorique d’un Blair ne peut cacher ce fait élémentaire. Et des centaines de millions d’êtres humains, entre autres dans les pays de la périphérie, l’ont compris, sans être obligatoirement musulmans (car "eux", selon certains chroniqueurs, seraient "naturellement" portés à croire des informations "pas indépendantes").

L’arrêt immédiat des bombardements se doit donc d’être le premier objectif du mouvement anti-guerre. (Réd.)

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