N° 2 novembre 2001

Le mouvement syndical au-devant d’un retournement conjoncturel.
Entretien avec Pino Sergi

"Un nouveau projet syndical est nécessaire"

Négociations salariales, renouvellement de la convention collective nationale de travail (CCT) du gros œuvre dans le bâtiment, nouvelle CCT aux CFF remplaçant le statut du personnel: le mouvement syndical en Suisse est confronté cet automne à plusieurs échéances importantes. A chaque fois, un constat: les politiques choisies par les directions des fédérations membres de l’Union syndicale suisse (USS) contribuent plus souvent à aggraver la crise de l’organisation syndicale des salarié·e·s de ce pays qu’à y apporter un début de réponse. Engager la réflexion sur les conclusions à tirer de cette situation est d’autant plus important que le retournement conjoncturel qui a débuté sera l’occasion pour le patronat de lancer une nouvelle attaque en règle contre le peu de dispositif de défense des salarié·e·s encore en place.

A l’encontre s’est entretenu de ces sujets avec Pino Sergi. Pino Sergi est membre de solidarietà au Tessin. Il est membre du comité de section du SIB à Bellinzone et du Manifeste-SIB. Ce regroupement de militants s’est constitué au printemps 2000 afin de faire le bilan des impasses de la politique suivie par la direction nationale du Syndicat industrie & bâtiment (SIB) ces dernières années et de proposer au congrès de ce syndicat, qui s’est tenu en octobre 2000, d’autres perspectives. Depuis lors, le Manifeste-SIB a poursuivi son action, en intervenant dans les débats du syndicat, en organisant des journées de discussion (sur la flexibilité notamment) et en publiant une petite feuille d’information.

L’Union syndicale suisse (USS) a lancé en août dernier la campagne salariale des syndicats. Elle a présenté un objectif commun: 5% d’augmentation. Ses responsables se sont aussi prononcés contre le salaire au mérite, contre les négociations décentralisées au niveau des entreprises, pour la compensation automatique du renchérissement. N’est-ce pas un progrès pour le mouvement syndical suisse?

Pino Sergi — Non, car je pense que ressortait fortement de cette conférence de presse de l’USS tant une absence de priorité de la centrale syndicale qu’un manque de volonté de se donner les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs énumérés.

L’USS traverse une crise d’identité: quel sera son rôle à l’avenir, compte tenu des évolutions en cours au sein des fédérations, de l’avancée de projets comme celui de la Maison syndicale initiée par le SIB et la FTMH?

Sa réponse consiste non pas à tracer des perspectives, mais à additionner ce qui vient des fédérations. Cependant, une somme de revendications ne fait pas encore une orientation.

D’ailleurs, si l’on y regarde de plus près, on constatera que, par exemple, le refus du salaire au mérite, ou la critique des négociations décentralisées au niveau des entreprises, sont loin d’être aussi clairs qu’ils ne peuvent l’apparaître au premier abord: il n’est en fait pas partagé par nombre de directions de fédérations syndicales.

L’autre constat est que l’USS n’a pas manifesté la moindre volonté pratique de centraliser effectivement les revendications salariales et d’en faire un socle pour des mouvements revendicatifs communs, de faire converger interventions et actions afin qu’émerge un mouvement d’ensemble. Dans ces conditions, comment parler de campagne salariale?

Cet automne, le Syndicat Industrie & bâtiment (SIB) est la fédération confrontée à l’échéance la plus importante: le renouvellement de la convention collective de travail nationale (CCT) du gros œuvre, dans le bâtiment. Comment cela se présente-t-il?

La situation est très difficile et je crains que le résultat final ne soit négatif.

Ce renouvellement de la CCT intervient alors que deux dynamiques contradictoires se développent dans la branche.

D’un côté, on assiste à un renforcement du patronat, de sa politique, de sa direction, avec des gens plus profilés, ayant une stratégie vis-à-vis des syndicats.

De l’autre côté, l’affaiblissement du SIB est indéniable. Les causes renvoient aux critiques formulées par le Manifeste-SIB il y a une année, dans ses contributions en vue du congrès national du SIB.

Premièrement, la présence du SIB sur les lieux de travail s’est encore fragilisée: elle est de fait inexistante dans nombre de régions.

Deuxièmement, la crise de la direction nationale du SIB, qui se combine avec une crise de la direction du secteur devant mener ce renouvellement conventionnel, n’a pas été résorbée, au contraire.

Troisièmement, se poursuit l’affaiblissement du réseau de cadres qui, dans les sections, ont une certaine expérience des batailles pour le renouvellement du contrat et qui ont aussi une capacité de mobilisation de leurs collègues.

Quatrièmement, un certain nombre de sections décisives du point de vue stratégique, comme celle de Zurich qui couvre la région de Suisse avec la plus forte concentration d’ouvriers du bâtiment, sont en crise ouverte, incapables d’agir.

Certes, un petit nombre de sections, où souvent — et ce n’est pas un hasard — les militants du Manifeste sont présents, conservent une capacité de mobilisation. Dans d’autres régions, comme Genève, la présence du Syndicat interprofessionnel des travailleurs·euses (SIT) permet aussi de mener des actions. Mais ces quelques forces ne contrebalancent pas l’incapacité d’agir du SIB dans les régions décisives.

Or ce rapport de forces négatif pèse d’autant plus fort que le patronat veut obtenir des changements importants dans la convention collective. En particulier, il est décidé à imposer une marge nettement accrue en matière de flexibilité. Simultanément, il veut affaiblir les dispositions normatives nationales de la CCT, en particulier le contrôle de son application par des instances paritaires ainsi que l’articulation entre contrat national et contrats cantonaux.

Les entrepreneurs se préparent ainsi à l’entrée en vigueur des bilatérales, à l’ouverture des marchés et donc à une concurrence accrue. Ils ne le font cependant pas comme la direction du SIB l’avait imaginé: en consolidant une alliance de type corporatiste de défense de la profession face aux "étrangers", carte jouée au moment de la votation sur les bilatérales. Mais en s’attaquant au dispositif de défense des salarié·e·s. Cette option est portée en particulier par les grandes entreprises, qui ont des liens à l’échelle européenne.

De ce point de vue, l’accord salarial de l’année passée (200 fr. d’augmentation) ne doit pas faire illusion. Dans un contexte de reprise économique, il correspondait clairement au choix du patronat d’apporter un coup de pouce à la direction Pedrina du SIB, alors confrontée à un débat de congrès rendu plus difficile par les critiques du Manifeste. Mais il n’y a pas de congrès du SIB cette année…

S’ajoute à cela l’expérience négative du précédent renouvellement. On se souvient que fin 1999 début 2000 avaient été marqués dans la construction par une mobilisation, en partie importante, puis par une sérieuse désillusion. Malgré la volonté de poursuivre le combat manifestée par d’importants secteurs des membres, la direction nationale du SIB avait imposé un accord négocié sous l’égide de Pascal Couchepin, cassant l’élan existant. Or, il s’avère que même cet accord n’a pas été respecté. Il prévoyait par exemple des discussions sur les intempéries et leur couverture par l’assurance chômage. Rien n’a été fait. Le résultat de toute cette opération est donc que les salariés ont été doublement désillusionnés et démobilisés.

Dans ces conditions, ce renouvellement conventionnel s’annonce difficile.

Effectivement. Ce qui s’est passé jusqu’à maintenant le confirme. Le patronat a une attitude extrêmement arrogante (cf. encadré sur les exigences patronales). En face, la direction du SIB n’a pour l’instant pas construit une vraie mobilisation. Son appel précipité à des actions fin septembre, pas vraiment préparées et annulées à la dernière minute, a débouché sur un fiasco. Une nouvelle échéance nationale de mobilisation est fixée au 19 novembre; on verra l’ampleur qu’elle prendra.

Dans cette situation, on pourrait envisager deux réactions. Premièrement, le syndicat répond à l’attaque patronale; il a la capacité et la volonté de faire. Cela me semble cependant très difficile à court terme, pour les raisons que je viens d’indiquer.

Deuxièmement, le syndicat s’engage dans un travail de longue haleine de réorganisation et de remobilisation. Cela prendra du temps; cela implique donc d’assumer la possibilité de rester sans convention collective durant une période. Cela exige des changements dans l’orientation politique et syndicale du SIB, ainsi que dans sa direction. Compte tenu de la situation interne au sein du SIB, cette deuxième voie me semble elle aussi difficile.

Dès lors je crains que ne s’impose une troisième option: celle d’un mauvais compromis, pire que celui conclu au printemps 2000 sous les auspices de Couchepin.

Ce printemps, lors de la définition du cahier de revendications, le Manifeste-SIB a proposé de faire du refus de la flexibilité une exigence centrale. Cette proposition a obtenu le soutien d’une majorité des militant·e·s à l’échelle nationale, contre la volonté de la direction du SIB. Or, depuis lors, on a l’impression que cette revendication a disparu. Que s’est-il passé?

Pour le comprendre, il faut garder à l’esprit qu’il y a deux niveaux au sein d’un syndicat comme le SIB. L’un est celui où les travailleurs interviennent, comme la conférence professionnelle. Là, l’opposition de fond à la flexibilité est très forte. Les travailleurs comprennent clairement ce qu’elle représente pour leurs conditions de travail et leur vie quotidienne. La conviction est très largement partagée que face aux pressions patronales incessantes, la réponse passe par la limitation du temps de travail quotidien. C’est sur cette expérience que se fonde la revendication d’une limitation à 8 heures de la journée de travail.

Cependant, cette position ne correspond pas à celle défendue au second niveau, celui de la direction du SIB et des responsables nationaux du secteur de la construction. Eux pensent qu’il est inévitable d’accepter une certaine dose de flexibilité. Ils considèrent que, dans la meilleure des hypothèses, il sera possible de conserver la situation actuelle, qui prévoit pourtant déjà une large flexibilité, refusée par les travailleurs.

Résultat: lors des pourparlers avec le patronat, ce qu’ont dit les travailleurs est oublié et la revendication de la journée de 8 heures disparaît presque complètement.

Quelles perspectives le Manifeste-SIB peut-il proposer?

Nous sommes en train d’en discuter. Nous pensons que c’est la perspective d’un travail de longue haleine de remobilisation, qui devrait être privilégiée. Et qu’il faut refuser l’idée qui est en train de faire son chemin parmi la direction du SIB: limiter ses propres revendications pour signer, à tout prix, une convention collective, même si cette dernière représente le prolongement du statu quo, jugé inacceptable par les travailleurs, ou, pire, un recul.

Nous sommes convaincus que le point de départ pour les choix du syndicat doit être l’exigence d’être en syntonie avec les revendications des travailleurs. Nous sommes aujourd’hui confrontés au fait que, dans de nombreuses sections, le syndicat est en train de perdre tout lien avec les travailleurs, avec leurs expériences, leur façon de ressentir les choses. Or ça, c’est la mort d’un syndicat. Face à cette menace, maintenir un lien avec les travailleurs, développer la capacité de travailler avec les salarié·e·s, d’être à leur écoute, de placer leurs attentes et leurs revendications au centre de l’activité syndicale, tout cela est décisif. Cela implique, dans la situation actuelle, d’accorder la priorité à faire des expériences, même limitées, permettant de retisser ces liens.

Bien sûr, cela a pour conséquence de prendre le risque de ne pas pouvoir conclure un accord acceptable et de rester durant un temps sans convention. Je crois cependant que, dans la situation où nous sommes, il faut en passer par là.

Car, à l’inverse, en faisant un pas en arrière aujourd’hui, et encore un pas en arrière demain et après-demain, on se retrouvera dans la situation d’un syndicat qui, formellement, négocie des CCT, qui a encore quelques membres, mais qui n’est plus un instrument de défense des travailleurs et de leurs conditions de travail.

Alors, les salariés de la construction se retrouveraient dans la même situation que ceux de la Migros, de la Coop ou que les coiffeurs: il existe un contrat collectif de travail, mais celui-ci n’a plus aucun rapport réel avec leurs conditions de travail et de vie effectives; la défense de ce contrat n’est plus le fruit d’un mouvement où les travailleurs jouent un rôle décisif. De tels contrats, reprenant le Code des obligations, ont une seule fonction: permettre à un employeur de répondre, dès qu’un problème est soulevé: "Nous avons signé une convention avec les syndicats, cette question est donc réglée". Et d’étouffer ainsi toute tentative de revendiquer et de s’organiser.

Les difficultés rencontrées dans cette bataille conventionnelle soulignent le fait qu’un syndicat comme le SIB, s’il veut continuer à jouer un rôle d’organisation des salarié·e·s, est aujourd’hui confronté à l’exigence d’un changement radical d’orientation, de construction, de direction. Un nouveau projet syndical est nécessaire. C’est la question posée par le Manifeste lors du dernier congrès du SIB, il y a une année. Nous annoncions alors les difficultés qui nous menacent aujourd’hui.

Au lendemain de ce Congrès 2000, la direction du SIB avait défini une nouvelle priorité pour le syndicat des services unia: la construction dans les grands magasins, à Migros en particulier. Or, une année plus tard, on apprend que la Migros et la FCTA, le syndicat traditionnel de la vente, ont signé un accord, sans unia. Que s’est-il passé?

C’est une autre démonstration de la faillite du projet défendu par la direction nationale du SIB. Le projet unia-SIB était construit autour d’une idée: il faut participer au renouvellement de la CCT chez Migros. Pour cela, il faut travailler avec tous ceux qui sont d’accord de le faire. Donc, on collabore dès le départ avec la FCTA, la Fédération du commerce, des transports et de l’alimentation.

Avec une telle conception, on part "du haut" et l’on ne cherche pas à construire un syndicat en partant des travailleurs et de leurs réalités, en construisant une pratique syndicale à partir des réponses que l’on cherche à apporter, avec les travailleurs et en les organisant, à leur situation.

Le résultat est là: la FCTA a mené ses propres négociations et a conclu toute seule un accord avec la direction de Migros. Il ne reste plus à unia qu’à participer à une sorte de commission de recours prévue dans le cadre de l’accord.

Cela fait une année que le projet Migros a été lancé par unia. Les résultats sont très décevants, du point de vue quantitatif (nombre de membres) et qualitatif. On a en rien progressé dans la connaissance de la réalité de cette entreprise, dans l’établissement de liens avec les salarié·e·s. Exemple caricatural: le jour même où la FCTA et Migros rendaient public leur accord, la presse du SIB et de la FTMH publiait les revendications d’unia pour ces négociations… qui venaient d’être conclues.

Les seules exceptions sont celles où un travail différent de celui voulu direction nationale a été engagé. Par exemple à Bellinzone: là, le SIB ne met pas au centre de ses préoccupations la question de la convention, mais celle des conditions de travail. C’est ainsi qu’il a réussi à développer un travail d’organisation syndicale.

On touche avec cet exemple à une question centrale. Dans un secteur comme la vente, il n’est pas possible de construire un nouveau syndicalisme sans faire une critique radicale des syndicats qui ont existé jusqu’à maintenant, de la FCTA en particulier: des organisations complètement subordonnées aux entreprises, qui écartent la participation active des travailleurs et qui signent des conventions collectives de travail n’apportant aucune réponse aux problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés.

Or, l’approche d’unia est exactement inverse. Son but n’est pas de partir des problèmes réels des salarié·e·s et de développer sur cette base un travail de longue haleine de construction. Son objectif est de signer des conventions. En d’autres termes, il est plus important pour les dirigeants d’unia d’être reconnus comme des "partenaires sociaux" par les patrons, que d’être reconnus comme une organisation syndicale par les travailleurs·euses.

Les CFF sont la régie fédérale où la direction a réussi, avec l’appui de la direction du syndicat, le SEV, à passer le plus rapidement du statut du personnel de la Confédération à un régime régi par une CCT. Quel est le bilan, une année plus tard?

Il est vite fait. La dernière proposition salariale de la direction des chemins de fer est une augmentation de la masse salariale globale de 0,5%, à répartir en augmentations individuelles. Pas de compensation du renchérissement, pas d’augmentations générales: cela illustre combien la stratégie défendue par la direction syndicale — "acceptons une CCT, même si elle n’est pas extraordinaire; avec elle nous pourrons ensuite mieux nous battre" — était erronée.

Contrairement à ce qui est souvent affirmé au sein du mouvement syndical, la direction des chemins de fer s’est renforcée ces deux dernières années face aux travailleurs, et pas l’inverse. Même le scandale des hauts salaires n’a pas inversé cette tendance. Pour trois raisons.

Premièrement, la direction des CFF a imposé une CCT et elle a créé une nouvelle situation, face à laquelle le syndicat est incapable de formuler une quelconque stratégie.

Deuxièmement la direction est en train de changer tous les points de repères à l’intérieur de l’entreprise. Les anciens points de contacts syndicaux sont remplacés par un système de commissions d’entreprises, à tous les niveaux. Les travailleurs qui participent à ces commissions sont peut-être membres du syndicat: cela ne change rien au fait que leur intervention dans ces commissions est une action individuelle, enserrée dans un cadre prédéfini par la direction des CFF. D’autant plus que le syndicat n’apporte pas de soutien réel à ces élus.

Troisièmement, la direction a progressé dans ses objectifs (précarisation des emplois, gestion plus autoritaire du personnel, flexibilisation du temps de travail) ce qui suscite un certain découragement. Bref, la politique suivie par la direction de la SEV au cours de ces derniers mois a permis un affaiblissement du rapport de force au détriment des salarié·e·s.

Dans ce contexte, on peut craindre que la réaction des travailleurs soit assez faible. Pas parce qu’il n’y aurait pas la possibilité de réagir, mais parce que la direction syndicale a permis que se mettent en place ces changements qui ont démobilisé les salarié·e·s et affaibli leur défense. Il aurait pourtant pu y avoir des foyers de résistance à la politique de la direction des CFF, comme l’a montré l’action des travailleurs des ateliers de Bellinzone.

Toutes ces difficultés interviennent dans un contexte marqué par un retournement de la conjoncture économique…

Il est désormais assez évident qu’un changement de la conjoncture économique est en cours. Cela aura des conséquences sur le niveau de chômage. Plus important encore: ces dernières années, le patronat a avancé dans l’imposition de toute une série de changements ayant pour effet de renforcer la précarisation du marché du travail. Cela le place aujourd’hui dans une position plus favorable pour consolider ses avantages à l’occasion de la récession qui se profile à l’horizon.

Le retournement conjoncturel risque donc de se solder par un accroissement de la pression sur les salarié·e·s et par une détérioration de leurs conditions de travail et de vie. Je suis d’autant plus pessimiste que les directions syndicales sont incapables de formuler une quelconque proposition pour faire face à la situation.

Cette incapacité est aggravée par le fait que les syndicats ont perdu beaucoup de terrain là où se joue effectivement le rapport de force entre employeurs et salarié·e·s: dans les entreprises. Le recul est évident pour le SIB. Quant à la FTMH, ses liens avec les commissions ouvrières sont de fait inexistants dans un nombre croissant d’entreprises; or, les commissions d’entreprise jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de la CCT de l’industrie des machines.

Nous sommes confrontés aujourd’hui au défi de reconstruire ex novo une présence et une organisation syndicales. En d’autres termes, de refonder un mouvement syndical vivant et lié aux salarié·e·s, alors que celui qui existe n’a plus de vie réelle, en dehors d’un quelques structures, et n’est presque pas constitué en tant qu’expression consciente et organisée de la volonté de travailleuses et travailleurs de défendre leurs intérêts communs.

Quel est le lien entre cette appréciation de la situation du mouvement syndical et le débat qui a polarisé le dernier Congrès du SIB, sur la Maison syndicale?

Avec la crise du mouvement syndical qui s’approfondit, il devient probablement plus clair que la démarche du Manifeste-SIB ne partait pas seulement d’une critique conjoncturelle de certains choix de la direction du SIB, comme par exemple l’accord conclu sous les auspices de Couchepin, ni ne s’explique par le fait que des militant·e·s du futur Manifeste avaient quitté la direction nationale du SIB.

En fait, le problème que nous posions déjà à l’occasion du débat sur la Maison syndicale était celui de la nécessaire refondation du mouvement syndical en Suisse. Ce qui nous intéressait en premier lieu n’était ni les structures, ni les éventuels "alliés" rejoignant la Maison syndicale, mais les bases politiques nécessaire pour permettre au mouvement syndical de redémarrer: Quelle place pour les syndicats sur les lieux de travail? Quel bilan de la paix du travail? Quelle politique conventionnelle? Quelle place pour les syndicats dans la société capitaliste? Avec la crise des structures syndicales, le retournement conjoncturel et la crise sociale qui se profilent, ce débat est d’une brûlante actualité.


Négociations du contrat national du gros œuvre

Le menu des entrepreneurs

Après avoir rompu les négociations pour le renouvellement du contrat national du gros œuvre, dans l’industrie du bâtiment, les entrepreneurs sont revenus à la table des négociations le 25 septembre avec un cahier de revendications patronales. Leurs exigences:

• Encore plus de flexibilité. Outre le maintien des "heures variables", qui permettent de fait une annualisation du temps de travail, avec les heures supplémentaires non payées que cela implique, ils revendiquent la libéralisation du travail le samedi et l’autorisation de travailler jusqu’à 50 heures par semaine avec la possibilité d’ordonner des heures supplémentaires jusqu’à 23 h.

• La suppression des contrats locaux et cantonaux, qui garantissent des conditions de travail supérieures au contrat national.

• Le renforcement de la paix du travail, déjà "absolue".

• Une augmentation salariale généralisée limitée à 40 fr., avec des augmentations au mérite pour un montant global identique.

Les revendication syndicales

De son côté, la conférence professionnelle du SIB, réunie en mai, avait adopté un cahier un cahier de revendications avec comme points principaux suivants:

• Augmentation salariale de 250 fr. pour tous en 2002.

• Diminution du temps de travail en dessous de 40 heures hebdomadaires.

• Abolition des heures variables.

• Contre la flexibilité et les heures supplémentaires, la journée de 8 heures.

• Paiement des temps de transport.

• Retraite à 60 ans au plus tard, avec une rente représentant au moins 80% du dernier salaire.

• Amélioration de la protection de la santé et de sécurité au travail.

Au total, cinq pages de revendications.

Les membres du Manifeste-SIB ont soutenu l’exigence d’un combat déterminé contre la flexibilité, combinant l’abolition des heures variables, haïes par les salarié·e·s, et le rétablissement de la journée de 8 heures.

La direction nationale du SIB, opposée à cette dernière revendication, a perdu lors de la conférence professionnelle. Elle a réagi par la surenchère, avec notamment la revendication d’une diminution du temps de travail en particulier. Une manière de faire classique pour dissoudre une revendication forte dans un flot d’exigences. Et pour préparer le terrain afin de présenter l’échec prévisible comme le fruit d’un cahier de revendication "excessif", et dissimuler ainsi l’incapacité et le refus de la direction nationale du SIB de construire une vraie mobilisation.

L’accord Migros

L’accord conclu début octobre entre la Migros et la FCTA notamment prévoit:

• Une augmentation de la masse salariale de 3,25%, dont 1,75% pour une augmentation généralisées des salaires, le solde (1,5%) étant réservé à des augmentations individuelles.

• La convention collective de nationale de travail est étendue à tous les salarié·e·s à temps partiel à partir du 1er juillet 2002. Actuellement, les personnes avec un taux d’activité inférieur à 50% n’y sont pas soumis.

• Le salaire minimum sera porté à 3300 fr. brut au 1er janvier 2003.

En ce qui concerne le rôle d’unia, le chef du personnel Migros, John F. Leuenberg, répond ainsi à une question de Construire, l’hebdomadaire du groupe (16 octobre 2001): "Pour ce qui touche unia, un distinguo s’impose: ce syndicat n’a été nullement impliqué dans les négociations salariales, dans la mesure où il ne compte pas au nombre des partenaires sociaux de Migros."

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