N°15 - 2003 Sommaire téléchargez le pdf Suisse - Elections, cacophonie et baudruches (J.-F. Marquis, C.-A. Udry) - 11e révision de l'AVS: chances et pièges d'une campagne (J.-F. Marquis, C.-A. Udry) Union européenne - Constitution européenne: une charte néolibérale (Yves Salesse) Impérialisme - Mondialisation et crise agraire (Samir Amin) Amérique latine - Sociétés chamboulées et acteurs sociaux nouveaux (Francisco Oliveira) - Le Brésil de Lula et le FMI (César Benjamin) Etats-Unis - Irak - La guerre contre l'Irak et le mépris pour la démocratie (Noam Chomsky) France - Appel adopté par le XVe Congrès de la LCR A lire - Des retraites à la Sécu: la grande démolition Michel Husson
«Relance» et super-exploitation L'annonce d'une croissance de 7,2 % (en taux annualisé) de l'économie américaine, au troisième trimestre 2003, a fait la une de la presse, y compris en Suisse. Mais, comme l'écrit l'éditeur du magazine Fast Company, Alan M. Webber: «Le problème, c'est que cette croissance ne descend pas jusqu'aux travailleurs.» Certes, il y a une légère relance de l'emploi: 143 000 nouveaux emplois créés, quasi exclusivement dans les services. Pour initier une baisse du chômage enregistré officiellement, il faudrait créer chaque mois entre 100 000 et 150 000 emplois, afin de répondre à l'entrée de nouveaux venus sur le marché du travail. Malgré ce début de relance, les travailleurs et travailleuses des Etats-Unis ne sont pas en train de retrouver ce qu'ils ont perdu au cours des dernières années. Et les suppressions d'emplois, dans de grandes sociétés, continuent à un rythme impressionnant: 171 874 pour le mois d'octobre 2003 (contre 76 506 en septembre). Ben Bernanke, de la Réserve fédérale (banque centrale), dans une conférence faite le 6 novembre à la Carnegie Mellon University, indique que 2,8 millions d'emplois ont été supprimés depuis le début de la récession de mars 2000, dont 2,4 dans le secteur manufacturier. Autrement dit, la relance concerne prioritairement le marché boursier et les profits déclarés, au troisième trimestre, des entreprises qui y sont cotées. Une des explications de ce processus réside dans la croissance de la production par heure travaillée (productivité) et dans l'augmentation tout à fait négligeable du salaire effectif obtenu (0,8 %) malgré les heures supplémentaires accomplies. Cette double dynamique se traduit par la baisse enregistrée des coûts unitaires salariaux (part des salaires dans chaque unité produite), qui est de 4,6 % au troisième trimestre 2003. Le nombre total de sans-emploi aux Etats-Unis reste de 8,8 millions. Parmi eux, 23 % cherchent, selon le Bureau of Labor Statistics (BLS), un emploi depuis 27 semaines ou plus. Le BLS indique que 1,6 million de personnes sont «marginalement rattachées à la force de travail». Ce sont en grande partie des personnes qui ont cherché un emploi, mais qui, sans perspectives, ont cessé de le faire, quatre semaines avant l'enquête du BLS (communiqué du 7 novembre 2003). Le total des chômeurs dépasse donc les 10 millions, dans lesquels ne sont pas inclus les plus de 2 millions de personnes incarcérées dans les prisons américaines. Le nombre de citoyens et citoyennes pauvres, désespérément, de sans-logis, de sans couverture médicale, n'a fait que croître depuis trois ans. A ce propos, il est des plus significatif que, selon une toute récente étude du Commonwealth Fund, le nombre de salarié·e·s employés par des grandes sociétés ne disposant pas d'une assurance maladie a passé de 25 % en 1987 à 32 % en 2001. C'est le résultat, entre autres, de la précarité, c'est-à-dire des emplois intérimaires et de la sous-traitance. L a création d'emplois ne recouvre plus, comme dans les années 1970 ou 1980, le même type d'emplois, ni les mêmes conditions de travail, ni la même couverture sociale. Le durcissement de l'exploitation accompagne la récession et la relance frémissante. En ce sens, les Etats-Unis montrent «l'avenir». Et l'admiration d'un Pascal Couchepin ou de la NZZpour la «vitalité économique»des Etats-Unis doit être interprétée comme une volonté d'appliquer un tel programme. Avec le soutien de Christoph Blocher. - Réd. Haut de page
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