N°15 - 2003

Amérique latine: la mondialisation du capital reconfigure sociétés et institutions
Des sociétés chamboulées et des acteurs sociaux nouveaux

Ce texte de Francisco Oliveira est issue d'une conférence donnée dernièrement par ce sociologue brésilien très connu. Il tente de saisir les nouvelles configurations sociales en Amérique latine, suite à l'accélération de la paupérisation et des déstructurations sociales provoquées par «l'externalisation» des économies sous les contraintes de la mondialisation du capital.

Son jugement sur le rôle des Etats nationaux des pays de la périphérie latino-américaine peut être débattu. Oliveira tend, dans certaines de ses formulations, à laisser entendre que cet Etat national serait quasiment effacé. Ce qui ne nous semble pas exactement le cas, à l'examen des politiques en cours en Argentine, au Brésil ou au Chili. Certes le degré de subordination des classes dominantes, des élites dirigeantes et des institutions étatiques aux exigences de l'ajustement imposé par l'impérialisme apparaît toujours plus fort.

Au-delà de ces remarques, la contribution de Francisco de Oliveira nous semble non seulement apporter une réflexion originale, mais saisir des traits décisifs des mobilisations sociales en cours dans ce continent. Réd.

Francisco Oliveira*

Ma source d'inspiration est évidente: il s'agit du livre classique d'Eduardo Galeano Les veines ouvertes de l'Amérique latine1. Ces veines ouvertes peuvent-elles être transformées en voies ouvertes pour se libérer, pour réduire les inégalités internes à l'Amérique latine, pour renouer avec le développement économique, pour occuper une nouvelle place dans le monde contemporain. Va-t-il se produire dès lors une transformation dialectique des «veines ouvertes» en «voies ouvertes» ou continuerons-nous à lire Borges [Jorge Luis Borges, né à Buenos Aires en 1899 et décédé à Genève en 1986] comme le maître de nos mirages, et le titre de Galeano continuera-t-il à avoir toute sa vigueur ?

Il ne convient pas de répéter de manière inconsistante ce que l'on peut trouver, sous une forme originale et suffisante, dans les rapports de la Cepal [Commission économique pour l'Amérique latine]: les deux dernières décennies furent marquées par la stagnation, la régression ou, au mieux, dans quelques cas, une croissance médiocre. L'Amérique latine fut asservie par le néolibéralisme pour reprendre la formule que la critique a popularisée, quand bien même cet énoncé, en tant que tel, est quelque peu mystificateur pour ce qui a trait à la dernière période du siècle passé et à celle qui continue aujourd'hui. L'Amérique latine est la région où règne la plus grande inégalité, encore plus grande qu'en Afrique. L'inégalité a augmenté dans nos sociétés entre le début des années 1990 et les premières années du XXIe siècle. Le Mexique et le Brésil, sur ce terrain, n'ont pas connu de changements. En ce qui concerne des sociétés qui, par le passé, étaient plus égalitaires, comme l'Argentine ou l'Uruguay, ces dernières furent projetées vers une «inégalitarisation» radicale 2.

L'exception à cette réalité, connue de «toujours», est Cuba, dont le progrès mutilé sans cesse par l'impérialisme nord-américain n'a pas pu être mené à bien dans l'ensemble du continent latino-américain dévasté par la stagnation. Cuba doit faire face au risque «du socialisme dans un seul pays», qui serait un anachronisme s'il n'y avait pas l'épopée de sa dignité et les immenses sacrifices de son peuple. Oui, Galeano, nos veines resteront ouvertes, peut-être beaucoup plus que par le passé dans lequel s'enracine cette métaphore. La mondialisation se transforme en une puissante succion, au travers de laquelle le travail des habitants de l'Amérique latine s'écoule vers l'extérieur.

Derrière le diagnostic général se cachent des spécificités. On peut mentionner la transformation très rapide du Mexique comme principal exportateur, isolé, vers les Etats-Unis - cela dans le cadre du TLCAN [Traité de libre commerce de l'Amérique du Nord: Canada, Etats-Unis, Mexique, signé en janvier 1994-ALENA] ; ce qui n'a pas libéré ce pays du poids de sa dette extérieure et de sa déclaration de défaut au début des années 1990. De cette exportation, il n'en a pas découlé la résolution de l'inégalité sociale au sein du Mexique. On peut faire référence à l'échec fracassant et à l'incroyable involution de l'Argentine, autrefois, dans les débuts du XXe siècle, la cinquième économie la plus importante du monde. Le Chili a connu un développement moins instable à partir de la dictature de Pinochet. Mais, à l'heure de solder les comptes, ses travailleurs doivent avaler la potion amère de la sécurité sociale privatisée.

De toute façon, l'isolement chilien par rapport à l'Amérique latine fait dépendre ce pays presque exclusivement du marché nord-américain. Et, de fait, le Chili a reculé en termes de division sociale du travail. Il est retourné à la condition d'une économie de production de biens primaires, exportatrice, s'appuyant, de plus, sur le bon et vieux cuivre toujours étatisé…

Les économies uruguayennes et paraguayennes souffrent directement de la régression de l'économie argentine et de la politique néolibérale en cours au Brésil ; le Mercosur [marché commun réunissant le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay ; le Chili s'y est associé depuis 1996 et la Bolivie depuis 1997], dans cette situation, n'a pas pu insuffler à ces deux pays un dynamisme.

La Colombie s'est transformée en une tragédie, dont les caractéristiques sont connues par tous et qui est en train de devenir un non-Etat et une non-nation. L'Equateur, le Pérou et la Bolivie ont souffert de spasmes si violents que même la science sociale la plus précautionneuse ne se risquerait pas à faire un pronostic: on peut passer, quasi sans médiation, de Sendero Luminoso3 à Fujimori4 et de ce dernier à Toledo5 ; d'expérimentations à la Thatcher en Bolivie, entre autres avec Gonzalo Sanchez de Lozada [élu en 1993 - lui succédera le général Hugo Banzer Suares ; Lozada sera à nouvel élu en août 2002, pour être contraint à la démission le 17 octobre 2003] à Evo Morales [dirigeant du Mouvement pour le socialisme - MAS - qui a réuni 30 % des voix aux dernières élections] ; de la dollarisation imposée au forceps au récent soulèvement indigène anticapitaliste6.

Le Venezuela a connu la corruption la plus diffuse sous la direction du parti le plus social-démocrate qu'ait connu le continent [l'Action démocratique de Carlos Andres Perez, élu à la présidence en 1989 et suspendu en 1993 pour malversations, emprisonné quelques mois] et fait face, aujourd'hui, de manière quasi quotidienne, aux tentatives de déstabiliser la révolution bolivarienne dont le leader est Hugo Chavez, déstabilisation qui a été jusqu'à une tentative de coup d'Etat contre la présidence de la République, menée directement par le président de l'association du patronat, une situation qui exprime le fait que, de manière fréquente, la bourgeoisie se passe des institutions politiques et de ses ex-représentants intermédiaires.

Le «miracle de la démocratisation»

Depuis la crise des dictatures, fin des années 1980, un souffle de liberté a parcouru l'Amérique latine. Dans toutes les parties du continent, on assista à une relance de la politique sous l'impulsion d'une union des mouvements sociaux, en ascension ; d'un syndicalisme rénové (ce fut le cas au Brésil) ; du maintien de la crise de la dette extérieure ; de la création de nouveaux partis de masse ayant une composante de travailleurs, comme l'illustre l'exemple du PT (Parti des travailleurs) au Brésil ou du MAS en Bolivie ; de la réconciliation entre des forces démocrates-chrétiennes et social-démocrates au Chili ; du rejet populaire de la corruption d'un Carlos Andres Perez au Venezuela et d'une identification massive avec l'idéologie bolivarienne [d'indépendance et de justice sociale] ; de la fin du bain de sang au Guatemala. Tout cela a abouti au miracle de la démocratisation de l'Amérique latine. Et, avec lui, s'est affirmé l'espoir de faire disparaître les expériences néolibérales socialement quasi génocidaires. Pour la première fois dans l'histoire latino-américaine, dans aucun de ses 35 pays n'était en place un régime dictatorial. Il semblait que le mélange grotesque de dictature, de chefs, de tyrans - la plupart du temps brutalement sanguinaires - et de quelques régimes démocratiques avait laissé la place à l'affirmation de la démocratie.

Quelque chose de complètement imprévu s'est produit. Peut-être avions-nous sous-estimé le «sale travail» des dictatures et les destructions ayant miné la structure sociale, ayant stimulé les inégalités, ayant atteint la capacité des Etats de réguler les conflits et ayant frappé l'identité entre projet national pour les classes dominantes et projet national pour les classes dominées, ayant abouti à une déterritorialisation de la politique qui transforme nos Etats nationaux en un anachronisme. Une sorte de situation schizophrénique s'était produite. Les bourgeoisies avaient renoncé à un projet national [projet de relative «indépendance» politique proclamée face à l'impérialisme] et, de cette manière, l'espace politique se transformait en passant d'une apparente libération à un confinement pour les classes dominées. En effet, la mondialisation du capital a absorbé la vague de démocratisation de la fin des années 1980 et 1990 avec toute une série de conséquences. Les dictatures avaient réussi à insérer définitivement les économies de l'Amérique latine dans la financiarisation du capital, lequel diminuait de façon extrême le pouvoir de l'Etat national dans la nouvelle vague de démocratisation.

La réponse des forces politiques qui ont assumé le pouvoir étatique dans la période post-dictature consista à accélérer le rythme pour mener à bien le travail de financiarisation, essayant d'insérer les différents pays, au travers de diverses formules, dans la trappe d'une mondialisation supposée à caractéristique homogénéisante [qui rapprocherait à long terme la situation des sociétés à l'échelle mondiale]. Ainsi ont disparu les barrières protectionnistes douanières au nom du libre commerce ; ainsi ont été privatisées des entreprises étatiques qui furent les piliers de l'industrialisation [dans des pays comme l'Argentine, le Mexique, le Brésil, l'Uruguay] depuis les années 1940 ; ainsi furent déréglementés, sous diverses formes, les marchés du travail qui structuraient un «état de bien-être» très précaire. Quelques pays ont été très loin. Le Mexique, par le biais de son intégration au TLCAN, a perdu son autonomie pour appliquer une quelconque politique économique propre ; l'Argentine a tout privatisé et a mis en place une dollarisation qui aboutit à éliminer toutes les protections non douanières - annulant la fonction d'un fragile Mercosur - et est arrivée au point d'inscrire dans sa Constitution la parité entre le peso et le dollar, enlevant par conséquent aux électeurs la capacité de gouverner. De la Rua7, après Menem, poussa au paroxysme cette désétatisation de la monnaie.

Le Brésil, au cours des deux mandats de quatre ans de Fernando Henrique Cardoso [de 1995 à 2002], a privatisé tout le puissant complexe industriel étatique, à l'exception de Petrobras, au moyen d'une cession de la propriété qui a bouleversé les structures de pouvoir et les relations entre les classes, ainsi que celles qu'elles entretenaient avec la politique. Restait dès lors un important parc industriel privé, miné par l'ouverture commerciale indiscriminée et une ouverture identique aux investissements. Il serait trop long, fastidieux et superflu, face au formidable ensemble de données, d'analyses et d'interprétations de la Cepal, de reconstruire les principaux désastres qui s'expriment au travers des indicateurs économiques les plus courants.

Cette implosion des relations de classes a des conséquences au plan politique. Les tensions sociales se sont radicalisées à un niveau imprévu. Cette implosion exigeait une avancée politique d'une telle ampleur qu'il n'était pas recommandé d'attendre. Les hauts niveaux de chômage et de travail informel rampant déplacèrent du centre de gravité politique auquel elles étaient parvenues les catégories sociales organisées dans le travail formel. L'élection de Luiz Inacio Lula da Silva [octobre 2002, mandat présidentiel en janvier 2003] à la présidence de la République brésilienne n'a pas abouti à une montée du pouvoir syndical comme assise du pouvoir politique du PT. Sa signification est différente. Le chômage et le travail informel dans un pays comme le Brésil concernent environ 60 % de la population active - en Argentine, ce pourcentage est encore plus haut - et ont créé une nouvelle classe que le lexique politique de la gauche et de la science sociale est incapable de qualifier: ce ne sont pas des travailleurs informels, ce sont des chômeurs mais pas des chômeurs sans emploi ; ce ne sont pas des «masses marginales», selon la conception de José Nun8 ; c'est un lumpensinat9 [par analogie à prolétariat ou à paupériatat], sans reprendre la connotation si dépréciative qu'avait ce terme lorsqu'il était utilisé par Adolphe Thiers [le politicien conservateur qui dirigea l'écrasement de l'insurrection de la Commune en 1871].

Pourquoi, donc, cette dénomination, même si elle est provisoire, est importante ? Parce que c'est dans la politique que cette couche peut devenir lumpen ou, plus exactement, c'est dans l'antipolitique que cela peut se produire. Autrement dit, virtuellement, sont créées les conditions d'un populisme de caractère néofasciste, pour la première fois dans l'histoire de l'Amérique latine ; puisque l'interprétation du populisme au début de l'industrialisation [en Amérique latine] fut souvent une erreur sociologique et politique.

Cette puissante déstructuration sociale a suscité une implosion dans les rapports de représentation politique. Qui représentent donc aujourd'hui les partis politiques issus des anciennes structures sociales ?

Le justicialisme argentin [le péronisme] est divisé entre de puissantes fractions bureaucratiques et, y compris, de type maffieux. Qui représente-t-il ? Les piqueteros [les chômeurs organisés] ? Demandez-leur. Le Parti des travailleurs au Brésil représente-t-il le 60 % du total des «informels», au Brésil ? Les partis politiques traditionnels de Colombie représentent-ils les forces en conflit depuis plus de trente ans [allusion à l'affrontement militaire continue qui marque la vie colombienne depuis la fin des années 1940], une situation qui s'est aggravée avec l'entrée en scène des paramilitaires ? Evo Morales du MAS, le nouvel homme des cocaleros [paysans pauvres cultivant la coca], représente une nouveauté effective, parce que les partis boliviens, depuis longtemps, ont perdu leur insertion populaire. Le MNR [Mouvement nationaliste révolutionnaire - parti qui s'est trouvé à la tête de la révolution de 1952 qui aboutit à la nationalisation des mines et à diverses réformes d'envergure] s'est converti en une oligarchie depuis fort longtemps [le président renversé Sanchez de Lozada était membre du MNR, comme l'est le nouveau, Carlos Mesa Gisbert]. Le mouvement indigène d'Equateur [très actif depuis 1994, et représenté entre autres par la Confédération de nationalités indigènes d'Equateur (Conaie)] est aussi une nouveauté et s'inscrit dans le même filon de ce point de vue que le processus en cours en Bolivie. Au Pérou, Fujimori représenta une réaction libérale à une situation d'anarchie ; mais les fortes structures oligarchiques du pays, qui disposent d'un immense appareil de cooptation, l'ont rapidement intégré et transformé en principal symbole de l'impunité corrompue des vieilles classes dominantes péruviennes. Le président Toledo est arrivé avec dans ses bagages ses études à Harvard et connaît déjà un processus de perte de crédibilité et d'image qui rend son doctorat sans efficacité.

Etats nationauxet «état d'exception»

La politique institutionnelle tourne en rond dans la mesure où les contraintes et les limites imposées par la mondialisation du capital rendent inutiles et superflues les institutions démocratiques et républicaines. Les banques centrales sont la véritable autorité nationale et ce ne sont pas des institutions démocratiques. Selon la théorie schmittienne10, est souverain celui qui décide de «l'état d'exception». Et qui en décide entre nous ? Les Etats nationaux se transforment, effectivement, en «état d'exception»: toutes les politiques publiques sont des politiques d'exception. On a presque dollarisé en Argentine pour ceux qui possédaient des dollars et des titres libellés en dollars ; on a dollarisé en Equateur avec le même objectif. Au Brésil, on a maintenu une monnaie surévaluée pour attirer des capitaux spéculatifs. De nouveau, le rosaire serait interminable à égrener ; toutefois, il est important de signaler que, grâce à ce rosaire, les Etats nationaux et leur politique se sont transformés et Etats d'exception et cela dans un double sens. Tout d'abord, ils existent pour protéger les intérêts de la finance de marché. Ensuite, ils maintiennent le gros des populations dans un état d'indigence, d'exceptionnalité, en rendant fonctionnelle au système la pauvreté, ce qui est la pire des exceptions.

La politique institutionnelle a attiré les forces populaires les plus transformatrices vers ce qui se structure comme un piège. En effet, ce sont ces nouvelles forces populaires qui sont arrivées finalement au seuil du pouvoir et sont devenues les exécuteurs de l'exception: des excédents budgétaires décidés conjointement avec le FMI [allusion à l'accord du gouvernement Lula qui a défini un excédent primaire, donc avant paiement des intérêts de la dette, de 4,25 % du PIB] ; une accélération de l'intégration à l'ALCA [Zone de libre-échange des Amériques, pilotée par les Etats-Unis] ; une soumission à l'OMC ; une conversion à un non-contrôle des changes et aux libres échanges commerciaux.

L'Amérique latine a oublié la leçon fondamentale de Raul Prebisch11, celle de l'asymétrie du rapport de force entre le centre et la périphérie. Les bourgeoisies nationales, dans cette configuration de forces, se sont complètement subordonnées aux impératifs de la mondialisation, renonçant à la politique. Elles préfèrent mettre leur confiance dans les dispositifs si bien désignés par Michel Foucault: dans ces limitations et procédures au sein des institutions, dans ces automatismes qui annulent la politique.

Le cas brésilien illustre cela jusqu'à satiété. Comme le gouvernement Lula, qui promettait d'être un gouvernement de transformation, a passé tous les compromis, il n'y a pas d'opposition politique, même pas d'opposition d'un quelconque secteur économique. On est donc face au paradoxe suivant: les forces qui gagnent les élections luttent entre elles, alors que les classes dominantes continuent à mettre en úuvre des conflits. La réforme agraire au Brésil en est un exemple. Le MST (Mouvement des paysans sans-terre) cherche à ce que le gouvernement réponde aux nécessaires installations de paysans [mise à disposition de terres et appuis techniques]. Le gouvernement s'y refuse, peut-être pas par manque de volonté politique, mais à cause du cadre budgétaire déterminé par l'excédent primaire imposé par le FMI. Et les médias provoquent en exacerbant les éléments du conflit entre le MST et le gouvernement Lula. Il en découle un affaiblissement des deux et les positions contre la réforme agraire commencent à se renforcer.

Peut-on être arrivé au bout de l'agenda de la phase néolibérale ? Y compris cela doit être mis en question, d'autant plus si l'on prend l'exemple du gouvernement Lula qui approfondit les «réformes» néolibérales. Mais si l'on considérait même que l'agenda néolibéral avait été mené à bon port, la question qui se pose est plus compliquée: que faire pour soigner l'usure organisationnelle profonde des classes laborieuses, pour restaurer le minimum de capacités régulatrices d'un Etat totalement dévasté ? Comment relancer la croissance économique si l'investissement étatique, qui fut décisif pour l'industrialisation de l'Amérique latine, est étranglé par le service pesant des dettes internes et externes ? Et encore plus si cet Etat se trouve sans moyens d'agir à cause des privatisations ? La confiance dans le marché comme mécanisme pour allouer les ressources doit être mise en question, et cela encore avec plus de force que durant les années dorées de la Cepal [les années 1950 et 1960] puisque la distribution des richesses s'est dégradée et que, dès lors, les investissements se dirigent seulement vers les secteurs qui répondent aux demandes des classes disposant de hauts revenus, redoublant la concentration perverse qui fut constatée et dénoncée par Celso Furtado12.

La croissance économique, avec une redistribution de la richesse chaque fois plus inégalitairement concentrée et sans Etat comme instrument de régulation d'un projet de transformation, prend les traits d'un bourreau exécutant ses propres promesses.

Ne pouvant agir sur le terrain des politiques de développement, les Etats nationaux en Amérique latine ne peuvent plus qu'administrer des politiques de mise en action fonctionnelle de la pauvreté pour le système. Il s'agit de politiques d'exception, ce qui transforme l'Etat en un Etat d'exception. Les professionnels du marketing politique ont inventé des termes comme la «bourse scolaire»13, la «bourse alimentaire»14, le «premier emploi», «commencer de nouveau»15. «Faim zéro» est l'expression la plus prétentieuse de toutes et qui, de plus, met en lumière le caractère anti-universel de ces politiques [le projet «Faim zéro» avance lentement et se concentre sur une fraction de la population, selon les préceptes développés par la Banque mondiale et des agences de l'ONU], alors que les politiques qui stimulaient une redistribution plus grande de la richesse au cours de l'histoire du capitalisme des pays du centre, c'est-à-dire les politiques dites de sécurité sociale, sont annihilées dans les pays de la périphérie par les privatisations et les réformes, véritable escroquerie sémantique.

Comme les forces organisées des travailleurs ont été fortement érodées et ont perdu leur capacité de proposer des politiques alternatives et de les mettre en úuvre ou d'empêcher les contre-réformes, les Etats nationaux en Amérique latine frisent ce que la littérature politique caractérisait, dans le passé, comme du populisme. Mais cette caractérisation est erronée. Cela dans la mesure où, dans le passé, le populisme signifiait l'inclusion par «la voie passive», de manière autoritaire, des classes laborieuses dans la politique. Alors que le néopopulisme, acceptons la formule, recouvre une exclusion des travailleurs de la politique et leur transformation en objets de mesures compensatoires [aides contre la pauvreté]. Que José Nun me pardonne, mais la «masse marginale» s'est transformée, par le biais des politiques qui rendent fonctionnelle la pauvreté, en armée de réserve maintenue [masse de chômeurs, chômeuses et hyper-précaires faisant pression sur les conditions de travail et de reproduction de la force de travail], nécessaire pour la gestion des processus les plus primitifs de mise au travail, pour ceux qui obtiennent une place fonctionnelle dans l'accumulation du capital. Evidemment, ce n'est pas la pauvreté qui est à l'origine de cette accumulation. C'est la révolution «moléculaire-digitale» [la révolution des biotechnologies et de l'informatique] dans les pays du centre qui fait de la pauvreté un facteur fonctionnel à l'accumulation du capital16. Les économies de l'Amérique latine appartiennent, aujourd'hui, à la famille des ornithorynques17, une combinaison arrogante de hauts revenus, de consommation ostentatoire, d'accumulation du capital placée sous le commandement de la révolution «moléculaire-digitale», de pauvreté extrême, de lumpesinat moderne asservi par le capital financier et d'incapacité scientifico-technique à trouver une concrétisation socio-économique. L'Argentine, qui nous a donné l'unique Prix Nobel dans une branche de la science, celle de la physiologie-biologie-médecine. Ce potentiel dort aujourd'hui dans la Recoleta [quartier très riche de Buenos Aires] ; c'est là que gît ce qui pouvait être une promesse de futur pour la nation.

Pourquoi le défi est-il plus grand aujourd'hui que celui qui s'est manifesté au cours de la période du développementisme qui trouvait dans la brave Cepal son principal porte-parole. Tout d'abord, pour une raison fondamentale, stratégique. Alors que la situation passée se caractérisait par un «échange inégal» (Samir Amin) entre producteurs de matières premières (Amérique latine) et producteurs de biens manufacturiers (le centre dynamique) - situation qui pouvait être contrecarrée par l'industrialisation, option par excellence de la Cepal -, la mondialisation actuelle est, avant tout, celle du système financier. La plus importante contradiction ne réside pas dans le fait que ce sont les transnationales elles-mêmes qui sont présentes dans le processus d'industrialisation de substitution d'importations  - ce qui aggrave la dépendance financière et est un de ses éléments structurants -, mais elle réside dans la monnaie mondialisée, dans le dollar et l'euro (dans une moindre mesure pour ce dernier) qui sont les éléments qui constituent les deux bouts de la boucle du fonctionnement des économies latino-américaines de la périphérie. En d'autres termes, ce qui finance l'activité productive latino-américaine, c'est la monnaie internationale et il n'y a pas «d'industrialisation substitutive» [analogie par rapport à l'industrialisation des années 1950 qui permettait de substituer par des biens produits localement des biens importés] de la monnaie internationale. Dans ce cas, le remède tue [allusion à la volonté d'assurer le flux de devises en accrochant une monnaie au dollar, en élevant les taux d'intérêt, en libéralisant, etc.]. L'équation de la dépendance est plus complexe et sa solution aussi.

Sortir de la contrainte impérialiste

Etant donné les conditions rapidement énoncées ci-dessus, les nouvelles revendications sont plus radicales. Le renversement de Sanchez de Lozada par une puissante union du mouvement des cocaleros avec le mouvement indigéniste et la centrale ouvrière bolivienne (COB) - c'est-à-dire presqu'une répétition de la révolution de juin 1951 qui avait porté au pouvoir Victor Paz Estenssoro du MNR, avec l'appui des mineurs et des paysans, alors que le colonel Gualberto Villaroel-Lopez, qui avait, en 1943, pris le pouvoir avec le MNR, avait été renversé par les barons de l'étain en 1946, puis pendu à un réverbère à La Paz - indique que la Bolivie traverse une situation révolutionnaire. Les forces et les mouvements qui ont renversé Sanchez de Lozada ont été contraints de se positionner hors des frontières du système: Felipe Quispe [dirigeant Aymara, très actif dans la ville d'El Alto et secrétaire de la centrale syndicale des travailleurs paysans de Bolivie] l'a compris de façon lucide 18. Ce mouvement sera-t-il à la hauteur ? La stagnation générale et un certain recul en Amérique latine créeront-ils les conditions pour circonvenir l'audace des classes laborieuses en Bolivie ? L'isolement de Cuba nous oblige à réfléchir à deux fois avant de célébrer une victoire, il faut tirer une conclusion: la victoire n'est qu'un commencement.

La victoire du gouvernement de Lula constitue un autre cas devant servir d'avertissement. Elle peut susciter l'illusion de l'hégémonie des forces laborieuses. Néanmoins, si l'on analyse l'action présidentielle, la vérité pourrait se trouver dans le camp opposé. Toute la longue accumulation des mouvements sociaux brésiliens, y compris le propre mouvement syndical duquel Lula a émergé, a produit une quasi-hégémonie, selon les termes mêmes de Gramsci: une direction légitime des mouvements de la société, accompagnée d'un rejet de la mondialisation qui soumet le pays, de la dénonciation de la dégradation de l'environnement, du manque d'éthique en politique, de la forte dérégulation des structures du marché du travail ; et cela s'appuyant sur une volonté clamée de sécurité sociale qui balaie l'incapacité chronique de l'économie à produire les emplois nécessaires, sur un combat contre le clientélisme et le népotisme des élites politiques traditionnelles, pour une distribution de la richesse qui permet de sortir le Brésil de cette position obscène faisant du Brésil la quatrième des sociétés parmi les plus inégalitaires de la planète capitaliste.

Le gouvernement de Lula nie, dans la pratique, cette quasi-hégémonie. Au contraire, il accepte de refaire tout ce qu'il a combattu. Afin que nous ne tombions pas dans le registre d'une simple dénonciation morale, qui certes continue d'être urgente et continuera à être un élément de la politique, il est nécessaire d'approfondir les causes structurelles de telles déviations.

Au-delà des particularités de nos pays, qui enseignent qu'il y a diverses routes, diverses voies pour l'Amérique latine, il y a un trait structurel qui, une fois de plus, met en relief une possible communauté de nations, de peuples, d'ethnies, de cultures dans ce continent. Dans le passé, notre colonisation ibérique [organisée par l'Espagne et le Portugal] a abouti à la destruction de nos cultures autochtones ; puis il y a eu l'impérialisme anglais et, par la suite, nord-américain. Actuellement, la mondialisation du capital est un terme nouveau et un phénomène nouveau qui conduit à annihiler les classes sociales historiques qui ont construit notre propre et précaire histoire. Y compris cette histoire qui fit de nos classes dominantes, de façon volontaire ou involontaire, les agents de la domination, une domination implacable dans la majeure partie des cas et brutale dans d'autres. La mondialisation liquide tout cela. Cette mondialisation, dont le nom le plus approprié est la virtualité impériale des Etats-Unis s'exprime au travers de deux puissantes tendances.

La première réside dans la dénationalisation de la politique et la seconde dans la dépolitisation de l'économie ; ce qui en termes juridiques est nommé: déterritorialisation de la politique et judiciarisation de la marchandise. Par le premier terme, il faut entendre la supraterritorialité des politiques financières, monétaires, budgétaires, de commerce extérieur, de droit de patentes et de propriété intellectuelle. En d'autres mots, il s'agit du FMI, de la Banque mondiale, de la Banque interaméricaine de développement et de l'Organisation mondiale du commerce. Cela signifie que les politiques nationales sont soumises, réglementées, dirigées, surveillées par les macropolitiques de la mondialisation.

C'est la perte de l'autonomie des Etats nationaux. Les monnaies nationales sont une fiction. Les politiques budgétaires sont fixées de l'extérieur et le non-respect des normes implique des pénalités. On établit les dépenses, leurs ampleurs comme leurs allocations particulières. Il n'est pas conseillé de faire des dépenses «libérales» pour ce qui a trait au personnel des services publics et les «marchés» réagissent, disqualifiant l'action des gouvernements [sortie de capitaux, exigence de taux d'intérêt plus élevés pour opérer des prêts, etc.]. Les agences de notations, qui mesurent les risques encourus par les entreprises privées, font monter ou descendre ledit «risque-pays» [ce qui joue un rôle important pour la fixation des taux d'intérêt]. Avec cet instrument, elles (dés)orientent les investisseurs, stimulent la fuite ou l'entrée de capitaux, (dé)valorisent les titres de la dette des pays sans que rien ne se soit passé à court terme dans l'évolution des comptes extérieurs: ce sont les prophéties auto-réalisantes des marchés. Des niches spécifiques de commerce, de finance internationale, de droits de patente, de propriété intellectuelle sont établies par l'OMC de manière telle qu'elles ne peuvent pas être appliquées aux pays aujourd'hui émergents ou submergés si cela est l'humeur des marchés.

La judiciarisation des marchandises est un mouvement plus mortel. Puisqu'elles intègrent, en elles, leur propre législation qui fait fi des législations nationales. Le cas le plus trivial est devant nous lorsque l'on rentre à la maison avec une bande vidéo et aujourd'hui un DVD: sur ces produits on peut lire, avant de les voir, les conditions à remplir pour l'usage de telles «propriétés» [droits de propriété intellectuelle]. Il y a une supermarchandise: selon Marx, lorsque le consommateur achète une marchandise, il est propriétaire de sa valeur d'usage. Aujourd'hui, la valeur d'usage continue à être la propriété du vendeur: le consommateur ne peut pas donner à ce qu'il a acheté l'usage qu'il lui plaît. De fait, il y a une modification dans la propriété capitaliste. Le plus grave se produit dans le domaine des biens pharmaceutiques. Par exemple, les pays ne peuvent pas tenter d'utiliser des médicaments sans payer les droits de patentes et, y compris, dans ce cas, de respecter les conditions d'usage qui conviennent aux «propriétaires». Le cas des médicaments anti-sida est une belle exception dont le développement doit être examiné à la lumière de tous les autres cas.

Les transgéniques portent dans leurs nouveaux codes génétiques le veto suivant: ils ne peuvent être choisis par les citoyens qui les utilisent: ces dernières graines transgéniques ne peuvent devenir semence et la marchandise réduit la diversité à un élément unique, ce qui a été dénoncé par Vandana Shiva19, annulant de la sorte le potentiel culturel, technique et scientifique des productions indigènes. L'image constitue un élément final de la judiciarisation de la marchandise. Les droits sur l'image, en dernière instance, font perdre la valeur d'usage d'un simple regard humain: on ne peut regarder que si l'on paie. S'instaure, de la sorte, le monde de la cécité virtuelle.

Toutefois, c'est la mise à l'écart scientifico-technique de nos pays qui représente un danger supplémentaire. L'entrée dans le nouveau paradigme moléculaire-digital s'est effectuée avec la mondialisation. Et cette dernière, en finançant nos économies et les Etats nationaux, a transformé l'épargne interne insuffisante de nos pays pour financer les investissements des pays du centre.

Notre dépendance s'est transformée en une insertion dans les circuits de valorisation externes, même si la réalisation de la valeur est interne [vente sur les marchés de la périphérie des biens durables contrôlés par les transnationales du centre]. Cela nous oblige à suivre les modes de consommation que Celso Furtado a déjà dénoncés. Et, au-delà, cela nous contraint à des investissements et à une mise à l'écart, bien que nos systèmes de production, liés à la deuxième révolution industrielle, aient déjà été insuffisants. De là découle cette tragi-comédie actuelle qui fait que des indigènes [Amérindiens] et des habitants des bidonvilles sont accrochés à leurs téléphones portables alors qu'ils souffrent de la faim.

Nouvelles «révolutions démocratiques»

Tout ce processus conduit à une certaine obsolescence des classes sociales classiques. Les dominants, qui n'ont jamais fait une véritable révolution bourgeoise, ne peuvent maintenant aspirer à rien. Les dominés ont été écrasés par les révolutions scientifico-techniques, par la mondialisation, par les restructurations productives et par l'absence d'un adversaire national, qui n'utilise déjà plus les médiations des institutions politiques représentatives, puisqu'il n'a plus rien à représenter. Et, s'il n'existe plus de représentation, à quoi peut servir la politique ? Et, s'il n'existe plus d'Etat national, à quoi peut servir la conquête du pouvoir ?

Les Etats latino-américains sont contraints à effectuer une révolution démocratique qui se transcende elle-même, qui ne signifie donc pas adopter simplement les règles de la démocratie formelle. Cette dernière s'est transformée en une panacée, en une négation de son historicité. Une révolution démocratique effective commence par redistribuer sérieusement la richesse, frappant un coup fort contre l'obscène inégalité latino-américaine. Devant l'impossibilité de suivre la politique des classes traditionnelles ; il s'agit de dépasser cette révolution pour poser, dans la pratique, une politique de citoyenneté de classe. Tous les processus en cours en Amérique latine indiquent cette radicalité. Prenons le cas argentin. On ne peut avoir confiance dans la restauration de la normalité, même si l'action de Nestor Kirchner [actuel président argentin venant du péronisme - Parti justicialiste - et élu par défaut, après le retrait de Menem] a surpris le scepticisme des Argentins et le nôtre. Mais cette restauration de la normalité ne conduira pas très loin ce grand pays austral qu'est l'Argentine.

Dans le cas du Brésil, il faut démythifier le mythe Lula et remettre la politique au niveau des organisations populaires. Il faut s'opposer aux risques d'une «priisation» du PT [référence à l'institutionnalisation du Parti de la Révolution Institutionnelle du Mexique - PRI]. Le cas vénézuélien nous indique les limites de la démocratie formelle, au même titre que d'autres cas. Et aujourd'hui, la Bolivie nous interroge à nouveau avec les limites qui s'expriment.

En vérité, il existe plusieurs orientations pour l'Amérique latine. Et les réduire à une forme unique, comme cela fut fait par le passé, serait une faute grave. Mais, toutes ces voies passent par une démocratisation radicale comme forme visant à élargir l'influence des masses sur les grands processus, au-delà du rejet de ce que la mondialisation a imposé aux classes traditionnelles. L'activité intellectuelle et académique a pour missions d'interpréter, avec urgence, les situations nouvelles. Et cela non pas pour se substituer aux acteurs réels mais pour les aider dans le processus devant forger une nouvelle identité dépassant les limites des classes et des Etats nationaux tels qu'on le perçoit dans la conjoncture présente. 18 octobre 2003

1. Voir, pour sa traduction française, Editions Plon, coll. «Terres humaines». - Réd.

2. Formule utilisée dans le dernier rapport de la Banque mondiale, «Inégalités en Amérique latine: rompre avec l'histoire», cité par le quotidien Folha de São Paulo, Quaderno B, p. 10, 8 octobre 2003.

3. Organisation de guérilla d'origine maoïste, ayant une base indigène dans le nord du Pérou, utilisant des méthodes s'assimilant au terrorisme. Initialement, elle avait une base parmi les instituteurs de la région d'Ayacucho. Son dirigeant Abimael Guzman a été arrêté en 1992. - Réd.

4. Alberto Kenjo Fujimori, ingénieur agronome d'ascendance et de nationalité japonaise - pour cette raison, il est actuellement réfugié au Japon - a gagné l'élection présidentielle péruvienne en 1990, avec 58 % des voix, devant Mario Vargas Llosa, écrivain de renommée internationale, auteur entre autres de La faim du monde. Une partie de la gauche s'était prononcée en faveur de Fujimori contre le néolibéral Vargas Llosa. Début 1992, après l'attentat contre l'ambassade américaine, Fujimori dissout le parlement. C'est un véritable auto-coup d'Etat. Les Etats-Unis reconnaîtront Fujimori. Fujimori gagnera des élections à l'Assemblée constituante en obtenant 55 % des sièges avec 38 % des voix. Après de nombreuses péripéties, le régime de Fujimori entrera en crise ouverte lorsqu'éclatent diverses affaires gigantesques de corruption (dont un des piliers était le chef des services de renseignements Vladimiro Montesinos). Fujimori va démissionner en novembre 2000. Il sera par la suite destitué du Congrès pour «incapacité morale». - Réd.

5. Après un président par intérim et un premier ministre de transition, l'ex-secrétaire général de l'ONU Javier Perez de Cuellar, un des conseillers actuels auprès de la banque Safra (Genève), Alejandro Toledo est élu contre le social-démocrate Alan Garcia, contre lequel un mandat d'arrêt international avait été lancé pour corruption. Il se prévaut de ses origines quechuas. Il fera face à de forts mouvements populaires de contestation en 2002 et 2003. - Réd.

6. Voir le site www.alencontre.org et l'ensemble des articles concernant la Bolivie, sous la rubrique «Nouveau». - Réd.

7. Président de l'Argentine, membre du Parti radical, qui succéda à Menem et fut renversé à l'occasion de l'argentinazo de décembre 2001. - Réd.

8. José Nun, sociologue, auteur entre autres de Marginalidad Y Exclusion Social, Ed. Fondo de Cultura Economica, Mexico 2001.

9. Le terme de lumpen a connu une évolution dans sa signification telle que définie par Marx. Dans les écrits de jeunesse, Marx l'a utilisé pour caractériser des couches très paupérisées. Dans les úuvres de maturité, ce qualificatif concerne plus spécifiquement le secteur paupérisé et criminalisé, et Marx utilise le qualificatif de Lazarsichte, la couche des Lazare, pour désigner les couches très paupérisées ayant des emplois très fluctuants, journaliers ; se rapprochant, avec la différence de contexte historique, de ce qu'on désigne aujourd'hui de secteur informel. - Réd.

10. Référence à l'úuvre de Carl Schmitt. Voir entre autres Théorie de la Constitution, PUF ; Les trois types de pensée juridique. PUF. Carl Schmitt a été un juriste apprécié à l'époque d'Hitler. Il a écrit des ouvrages aux titres évocateurs, tels que Le Führer protège le droit (1934), La science allemande dans sa lutte contre l'esprit juif (1936). Cette carrière semble parfois ignorée par ceux qui en font une référence, aujourd'hui. - Réd.

11. Economiste argentin (1933-1984), il est considéré comme l'un des pères du développementisme: stratégie visant à développer une industrie manufacturière domestique pour réduire la dépendance face aux importations et, plus généralement, le statut de dépendance face à l'impérialisme. Il représenta une phase de projets de développement de certaines bourgeoisies nationales. Il occupa des fonctions gouvernementales et universitaires, et eut aussi un rôle à l'ONU. - Réd.

12. Celso Furtado est un des principaux économistes et historiens sociologues de l'Amérique latine. Né en 1920, il fut ministre de la Planification en 1962 et 1963 lors du gouvernement de Joao Goulart. Il fut privé de ses droits politiques par les militaires en 1964. Jusqu'en 1985, il enseigna à Yale (Etats-Unis), Cambridge (GB), puis Paris. Il est actuellement membre de la Commission mondiale de la culture et du développement de l'Unesco. - Réd.

13. Aide scolaire pour les enfants des familles disposant des revenus les plus bas. - Réd.

14. Aide alimentaire aux familles les plus démunies. - Réd.

15. Cela correspond au terme «rebondir» utilisé pour les chômeurs et chômeuses en Europe. - Réd.

16. Concrètement, ce processus peut se vérifier à partir de nombreux exemples: désarmement des grands bateaux, y compris de porte-avions, comme le Clémenceau français, bourré d'amiante, par une main-d'úuvre hyperexploitée et paupérisée du Bangladesh ou de l'Inde ; exploitation de la main-d'úuvre en Chine ou en Amérique latine par les grandes firmes de l'automobile, de l'informatique des pays impérialistes ; travail au noir, super-exploité, d'une main-d'úuvre venant de la périphérie dans les pays du centre, que ce soit dans le textile, l'agriculture ou la restauration ; utilisation d'enfants paupérisés, vendant cigarettes et chewing-gum des grandes marques des pays du centre dans les derniers recoins d'un marché très peu solvable ; etc. - Réd.

17. Francisco de Oliveira vient de publier un livre portant ce titre et analysant la situation au Brésil ainsi que la transformation sociologique du PT. - Réd.

18. Voir le site de à l'encontre (www.alencontre. org), «La Bolivie après la bataille ; entretien avec Felipe Quispe» (25 octobre 2003). - Réd.

19. Vandana Shiva travaille sur la conservation de la biodiversité. Elle dirige dans l'Etat d'Uttar Pradesh (Inde) une Fondation pour la science, la technologie et l'écologie. Elle a reçu, le 30 octobre 2003, la visite du prince de Galles. - Réd.

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