N°13/14 - 2003
Dossier: le mouvement social en France -Un enjeu européen: Jean-Marie Vincent - La lutte des enseignants: entretien avec Yves Bonin - Le débat sur le financement: Michel Husson - Répartition et propriété: François Chesnais, Claude Serfati - A propos de lappropriation du capital: Jean-Marie Vincent
Préparer la grève générale.Initier un large débat sur un programme Une mise en cause globale de la société Samuel Holder Le mouvement que nous venons de vivre en France est riche en enseignements. Il a eu un profil et une intensité différents selon les villes et les régions. Mais il a été suffisamment large et profond pour augurer de développements ultérieurs encore plus importants. Il n'est que la phase préparatoire d'une lutte plus vaste. Je tenterai d'esquisser ici des réponses à quatre questions: quels sont les acquis du mouvement ? Pourquoi le mouvement ne s'est-il pas transformé en grève générale ? Quel contenu constructif pouvons-nous donner à la préparation d'une grève générale ? Quelles positions programmatiques peuvent avancer les marxistes révolutionnaires au sein du monde du travail dès maintenant ? Les acquis du mouvement Ils ne résident pas tant dans le recul très partiel du gouvernement sur ses projets de décentralisation. Dix mille personnes ne seront pas décentralisées et ensuite privatisées, mais 100 000 personnes le seront bel et bien. Ce petit recul a contenté les directions des syndicats enseignants traditionnels au point qu'elles ont fait pression pour qu'une des institutions sacrées de l'Etat français depuis Napoléon, à savoir le baccalauréat, ne soit pas troublée. Les parfums de la contestation de 1968 ont pu être écartés. Le bac a eu lieu à la date prévue, ce qui n'a pas empêché les traditionnelles erreurs par ci par là dans l'énoncé de certaines épreuves. Même si ce recul est le résultat tangible de la grève, apprécié comme tel, il ne pouvait procurer aux enseignants un sentiment de victoire. Les principaux acquis du mouvement résident dans le fait qu'il s'est construit essentiellement par en bas, avec beaucoup d'opiniâtreté et qu'il s'est doté dans de nombreux endroits de formes démocratiques échappant à la lourde et étouffante tutelle des appareils syndicaux. Les conséquences en ont été une rupture avec tout esprit de corporatisme étroit, le refus de la division entre le «secteur public» et le «secteur privé», l'audace d'aller de l'avant, la volonté enthousiaste d'élargir le mouvement à d'autres secteurs du monde salarié, le réalisme de ne pas attendre que les confédérations syndicales le fassent à la place des grévistes. Des syndicalistes, notamment de la CGT, se sont émancipés des consignes de freinage de leurs dirigeants pour s'impliquer à fond dans la grève. Cette prise d'autonomie de cégétistes a pris parfois un caractère massif, notamment à Marseille. Le meilleur de l'expérience du mouvement de 1995 (et même en partie de Mai 68) a été largement assimilé et transmis à une jeune génération d'enseignants, mais aussi de cheminots, de traminots, de postiers, d'hospitaliers, etc. La féminisation importante du corps enseignant, qui a été le secteur en pointe, a aussi accentué la place des femmes dans la lutte. Bon nombre des acteurs de la lutte se considéraient comme les porte-parole de l'ensemble des salarié·e·s et même des intérêts bien compris de l'ensemble de la collectivité sociale. Cette conscience-là ne va pas se dissiper. Ce que certains commentateurs appellent radicalisation par facilité est en fait la cristallisation d'une série d'expériences politiques dans un laps de temps relativement bref: les manúuvres des directions syndicales contre le mouvement ; les contorsions du Parti socialiste qui ne peuvent masquer l'accord profond avec une réforme qu'il avait préparé au gouvernement ; le caractère dérisoire et grotesque du saint des saints de la démocratie des nantis, à savoir la Chambre des députés ; l'usage de la répression policière et judiciaire qui contribue à dissoudre les illusions dans «l'Etat de droit» et à aguerrir les grévistes. Différents dispositifs institutionnels de l'ordre bourgeois en sortent discrédités. Il y a eu un début de confrontation entre la légalité bourgeoise garantissant l'injustice sociale et la légitimité de la lutte. Pourquoi le mouvement ne s'est pas transformé en grève générale ? Il serait superficiel et puéril de s'imaginer qu'il «ne manquait pas grand-chose» pour que la grève générale se produise. Les obstacles ont été de deux ordres: le rôle des bureaucraties syndicales et la situation dans laquelle se trouve une grande partie de la classe ouvrière. L'appareil de la CGT a pesé à plusieurs moments décisifs, notamment les 14 et 15 mai, pour empêcher la lutte en cours de faire boule de neige. Les directions de la CGT, de FO et des syndicats enseignants FSU et UNSA1programmaient des journées d'action en comptant sur l'affaiblissement progressif de la mobilisation dans l'Education nationale. Ce calcul a été en partie déjoué par les grévistes, mais pas au point de surmonter l'obstacle et d'entraîner d'autres catégories importantes de travailleurs. Dès que le risque de généralisation était amoindri, la CGT pouvait à nouveau, dans certains endroits, cesser de freiner et même donner quelques coups d'accélérateur pour garder sa crédibilité et masquer ses manúuvres visant à endiguer la portée du mouvement. Des millions de travailleurs ont vu avec sympathie le mouvement contre la réforme des retraites de Raffarin-Fillon, ce qui a amélioré le rapport des forces. Mais ils ne l'ont pas rejoint. Ce n'est pas seulement parce que les confédérations syndicales ne les y poussaient pas. Le désarroi provoqué par le chômage massif, la menace du licenciement individuel ou collectif, la dégradation des conditions de travail et l'érosion du pouvoir d'achat ont des effets globalement très démobilisateurs depuis de nombreuses années. Se mettre en grève une semaine ou plus ne peut s'envisager de gaieté de cúur quand on a déjà des fins de mois difficiles et que d'autres membres de sa famille sont au chômage ou menacés de licenciement. Dans la kyrielle des attaques du patronat et de l'Etat actuelles ou à venir, celle contre les retraites n'a pas été perçue comme la pire par de nombreux travailleurs. Ce fait doit inciter les acteurs de la grève dans l'Education nationale qui entendent transformer l'essai, d'élargir le champ de leurs préoccupations et de leurs arguments à une série de problèmes concernant les travailleurs plus exploités et plus précarisés qu'eux-mêmes. Ils ont déjà commencé à le faire au cours du mouvement et cela s'esquisse clairement des discussions de bilan dans certaines assemblées de grévistes. Comment préparer la grève générale ? Que des dizaines de milliers de grévistes aient aspiré à transformer leur mobilisation en grève générale relevait du bon sens élémentaire. Sans l'incursion dans la rue et dans la grève reconductible de quelques millions de travailleurs, il n'est pas possible d'obliger le gouvernement et le Medef (organisation patronale) à remballer leurs attaques de grande envergure sur les retraites et la sécurité sociale notamment. L'affirmation de la perspective de la grève générale par une large fraction du mouvement révélait implicitement la volonté d'aller vers une confrontation majeure avec le gouvernement Raffarin pour le faire reculer mais aussi pour le faire tomber. Ceux et celles qui ont lutté et milité pour la grève générale ont démasqué la crainte des dirigeants syndicaux que le mouvement s'engage dans cette voie. Au grand meeting de Marseille du 12 juin, le discours du leader de la CGT, Bernard Thibault, a été interrompu à plusieurs reprises par de nombreux manifestants aussi bien enseignants, de SUD que de la CGT qui scandaient «grève générale !» La reprise à ce même meeting du slogan de «grève générale» par Blondel, le leader de FO, n'entraînait plus à ce stade le risque qu'il se concrétise et n'était plus qu'une diversion démagogique et bouffonne. De la part de ceux qui, sur le terrain, tentaient de généraliser le mouvement, il était logique qu'ils affirment leur volonté de tendre vers une grève générale. Pour autant, il ne fallait pas que le slogan de grève générale se transforme en creuse incantation ; ou pire en revendication auprès de dirigeants syndicaux qui n'en veulent pas et qui, si un tel événement survenait, le saboteraient comme en 1936 ou en 1968. Aujourd'hui, il faut donc dire clairement ce qu'on attend d'une grève générale, comme l'a fait remarqué un cheminot dans une récente assemblée à Rouen. Dans cette perspective, il y a nécessité pour les marxistes révolutionnaires de reprendre une étude approfondie des grèves générales et des grèves de masse qui ont eu lieu depuis les origines du mouvement ouvrier en Angleterre, en Belgique, en Italie, en France, etc. La tâche de reconstruction d'un mouvement organisé des travailleurs en Europe, passe par une telle étude et par les écrits en la matière d'Engels, Franz Mehring, Rosa Luxemburg, Lénine, Gramsci et Trotsky. On sait que les révolutionnaires russes du XIXe et du début du XXe siècle ont passionnément étudié toutes les révolutions et en particulier la Révolution française, ce qui a contribué à les préparer à leurs propres révolutions en 1905 et 1917. Prenons par exemple la lutte de classe en France qui commence avec les grèves dans le textile et les mines en 1930 et s'achève par la défaite de la grève de novembre 1938. Nul doute qu'une bonne connaissance (ou reconnaissance) de cette période nous serait de la plus grande utilité dans les luttes à venir. Si on veut se dégager de la mythologie de «la Grève générale» comme de la mythologie de «la Révolution», l'une comme l'autre envisagées comme une panacée, il faut considérer ces manifestations de la lutte de classe comme des processus complexes et comme les résultats de processus qui se préparent. La question du programme Les appels pathétiques à l'unité des révolutionnaires sont stériles. La focalisation sur l'auto-construction de sa propre organisation politique est terriblement décalée par rapport aux besoins actuels. Toutes les discussions sur le parti ont pour l'instant un caractère largement métaphysique. Il y a un mouvement réel comportant des dizaines de milliers de salariés qui contestent la société capitaliste, qui ont été des «partenaires» des militants d'extrême gauche, au coude à coude avec eux. La demande concrète de ces «partenaires» n'est pas qu'on leur présente un projet séduisant de grand parti, comme ci ou comme ça, ni de renforcer telle ou telle composante de l'extrême gauche. La demande et le besoin de ces salariés qui se sont mobilisés sont d'un autre ordre. Ce qui leur manque à l'évidence aujourd'hui, c'est une proposition de programme qui pourrait être débattu, enrichi et amendé par les acteurs des luttes. On ne peut pas anticiper les événements avec lucidité, on ne peut pas construire des organes politiques efficaces et solides, on ne peut pas regrouper les travailleurs et leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes sans programme permettant de passer de la résistance à la contre-offensive. Nous ne pouvons pas nous contenter de répéter un catalogue de revendications et de thèmes de dénonciation dont les salariés les plus conscients et les plus combatifs sont déjà convaincus. Un programme est un projet, un pont jeté entre la situation actuelle d'agressions en rafale contre les classes populaires et le but ultime: une société sans classes, sans Etat et sans exploitation. La tâche urgente des marxistes révolutionnaires est de proposer des éléments de programme et de les soumettre à la discussion dans des assemblées. Un programme s'élabore dans un dialogue entre les militants et les travailleurs. Personne évidemment n'est tenté par un ultimatisme d'un autre âge à l'égard des travailleurs consistant à brandir le pseudo programme salvateur que tout un chacun devrait adopter. Mais à l'inverse il n'est pas juste de ne défendre aucun programme spécifique et de seulement coller aux revendications du mouvement, aussi justes et bien argumentées soient-elles. D'ailleurs plusieurs slogans repris dans les manifestations nous poussent dans cette voie: «Tout est à nous, rien est à eux. Tout ce qu'ils ont, ils l'ont volé !». «Y-en a assez de cette société qui casse les retraites, qui casse nos emplois et vole les salariés !» Sur ce socle de dénonciations et de préoccupations peut s'édifier un programme. Logiquement, tout ce qu'ils nous ont volé, nous devrons nous le réapproprier pour le bien de tous. Simultanément, il peut être envisagé une activité concrète pour tous les comités de grève et assemblées interprofessionnelles qui pourraient envisager de se transformer en un réseau d'organes permanents, combattant pied à pied toutes les injustices frappant les travailleurs avec ou sans-emploi dans la perspective d'un changement global de société. Par exemple, dans bien des régions, les unions locales syndicales (CGT, FO ou CFDT) sont peu actives en direction des salariés des petites et moyennes entreprises confrontés à la répression patronale ou à des plans de licenciements. Cette activité pourrait être prise en charge ou bénéficier de l'appui des instances démocratiques que vient de créer le mouvement de mai-juin 2003. Personne ne peut dire si elles vont perdurer d'une manière ou d'une autre. Mais elles ont été des cadres vivants impliquant de nombreux grévistes. Elles n'auraient pas vu le jour sans la participation active à la fois de militants d'extrême gauche, de non-syndiqués et de syndicalistes. Dans certaines villes, des liens nouveaux et forts ont commencé à se nouer au travers des discussions des enseignants à la porte des entreprises et au cours des actions communes avec des salariés du privé. Nous assistons bien à une lente et certaine reconstruction d'un nouveau mouvement ouvrier par en bas. Cette reconstruction prendra des formes multiples qu'on ne peut pas définir a priori. Les militants syndicalistes en rupture avec les bureaucraties, les militants associatifs combatifs et les militants des différents courants d'extrême gauche (qu'ils viennent ou se réclament du trotskysme ou de l'anarchisme) auront pleinement la possibilité d'apporter leur contribution dans ce travail de reconstruction. La mise en cause globale de la société s'affirme de plus en plus, mais n'a pas pris encore une formulation très ferme, ce qui n'a rien d'étonnant après les multiples trahisons social-démocrates et staliniennes. Il y a deux thèmes récurrents qui, sous une formulation ou une autre, sont popularisés aussi bien par une association comme Attac que par différents groupes d'extrême gauche: «il faut prendre sur les profits boursiers» et «il faut une répartition plus équitable des richesses». Les diverses formulations mériteraient une discussion et une critique rigoureuse qui ne peut pas être entreprise dans le cadre de cet article. Il y a lieu cependant de la lancer sur deux points: qui va prendre sur les profits et répartir les richesses de façon plus «équitable» ? et comment cela se réalisera-t-il concrètement ? Dans cette discussion de fond qu'il faut ouvrir avec tout le monde, les marxistes révolutionnaires ne peuvent pas renoncer à leur identité, à leur raison d'être déjà formulée dans le Manifeste du Parti communiste de 1848, à savoir: ils mettent en avant la question de la propriété des moyens de production et de circulation comme étant la question fondamentale du mouvement du prolétariat. En renonçant à dire qu'il faut que l'ensemble des travailleurs se donnent les moyens de prendre le contrôle des principaux leviers de l'économie, en instaurant leur pouvoir démocratique, ils s'enliseraient dans le marécage d'un discours lénifiant, réformiste et trompeur sur la possibilité d'un «partage équitable des richesses» par une pression adéquate sur l'Etat des capitalistes. Or les marxistes révolutionnaires ne mettent pas seulement en cause les profits empochés par les patrons et les gros actionnaires. Ils ne s'en tiennent pas là. Ils désignent l'appropriation privée de l'essentiel des richesses par la bourgeoisie comme devant être aboli pour permettre à la société de vivre. L'unité avec d'autres composantes du mouvement qui ne partagent pas cette analyse et cette conviction ne consiste pas à gommer ou à édulcorer ce qui fonde leur identité et qui correspond aux intérêts généraux et historiques des travailleurs de tous les pays. - 15 juin 2003 Remarques complémentaires Tout le monde s'accorde à considérer le mouvement qui vient de se produire comme une première phase d'une mobilisation qui en connaîtra d'autres dans les mois à venir. Les enseignants et les travailleurs des autres secteurs moins en pointe sont fiers de ce qu'ils ont fait, même s'ils ressentent aussi une déception bien compréhensible. Dans l'ensemble ils ont repris le travail avec un très bon moral et ils ont acquis une grande expérience. Le besoin de faire un bilan approfondi s'exprime largement. L'agressivité tous azimuts du gouvernement, qui parmi d'autres attaques contre des syndicalistes ou des grévistes vient de remettre en prison José Bové, incite tout le monde à se maintenir en état de mobilisation. Les organisations d'extrême gauche ont été immergées dans le mouvement et y ont joué un rôle important. Il leur sera difficile de retourner en arrière, avec leur routine politique spécifique, leurs formules toutes faites, leur autosatisfaction et leur indifférence aux autres groupes avec qui ils étaient dans l'action commune. L'extrême gauche (notamment Lutte ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire) a raté plusieurs occasions vis-à-vis des secteurs avancés du monde du travail depuis le lendemain des élections présidentielles de 1995 jusqu'à la période qui a suivi celles de 2002. Aujourd'hui l'extrême gauche est condamnée à faire preuve d'audace et à dépasser ses faiblesses politiques. Surtout dans un contexte où une crise se développe au sein de la CGT sur laquelle il est nécessaire de s'interroger. La journée d'action du 19 juin a été interprétée à juste titre comme celle marquant un reflux important du mouvement. Il n'y a guère que dans cinq ou six villes que cette journée a été l'occasion de manifestations importantes. Une des caractéristiques intéressantes de ces manifestations est que l'appareil de la CGT a fait de gros efforts pour mobiliser les secteurs où ce syndicat est influent et qui parfois avaient fort peu participé aux journées d'action précédentes. Les dockers, les ouvriers communaux (souvent de municipalités où le PCF reste influent) sont parfois venus en nombre. Mais des salariés de petites ou moyennes entreprises, où la CGT reste implantée, ont également rejoint les cortèges. C'est au moment où le mouvement dans l'Education nationale était en plein déclin ou en voie de s'arrêter que les dirigeants de la CGT ont tenté d'exhiber «leur détermination» et ont clamé haut et fort que le mouvement était loin d'être terminé et devait s'inscrire dans la durée ! Il y a deux raisons à cette duplicité. De nombreux cégétistes ont été soit troublés soit choqués par les déclarations de leur dirigeant, Bernard Thibault, au cours du mouvement et sur le dossier même des retraites. Le ministre François Fillon s'est payé le luxe à l'Assemblée nationale de féliciter Thibault pour son «attitude responsable»2. Certains syndicalistes CGT ont fini par percevoir à quel point leurs dirigeants n'étaient pas pour le retrait total du plan Fillon, ni pour le maintien des 37,5 annuités dans le secteur public. Le lancement actuel d'une pétition CGT auprès des députés avec ses «solutions alternatives» n'est pas non plus de nature à enthousiasmer ceux qui ont fait grève. Il fallait donc pour la CGT tenter d'étouffer le trouble et les interrogations dans ses rangs. Par la même occasion, elle a tenté de se renforcer en adoptant un profil combatif dans les entreprises peu ou pas mobilisées jusqu'alors et où les travailleurs n'avaient pas suivi toutes les manúuvres ni toutes les argumentations filandreuses de Thibault visant à obtenir un compromis du gouvernement sans le déstabiliser. La deuxième raison complémentaire tient à la forte présence des militants d'extrême gauche ou proches d'eux dans le mouvement. Leur dynamisme sur le terrain et le fait qu'ils inscrivaient leur action dans la perspective d'une généralisation de la grève ont été perçus favorablement par les travailleurs mobilisés. Une campagne plus où moins ouverte contre ces militants est désormais lancée par les partisans de Thibault pour reprendre la pleine maîtrise de la CGT et des secteurs combatifs. Ainsi, le secrétaire général de l'union départementale CGT de Seine-Maritime a déclaré dans L'Humanité du 21 juin que «La grève générale est illusoire». Il commentait, avec une lourde ironie contraire aux faits, la manifestation de Rouen du 19 juin: «Le débat est tranché. La grève générale ne séduit pas les salariés. Preuve supplémentaire, ceux qui en avaient fait leur slogan ne sont pas là aujourd'hui. Ils travaillent.» Or parmi les 5000 manifestants, il y avait encore plus de 1500 enseignants. Les rodomontades des bureaucrates syndicaux ne suffiront pas à étouffer la crise profonde qui affecte la CGT avant tout, mais aussi les sections syndicales CFDT qui n'ont pas accepté que leur leader Chérèque approuve le plan Fillon. - 22 juin 2003. 1. Voir article de J.-M. Vincent pour les explications concernant les sigles. 2. Voir l'article de Patrick Roger dans Le Monde du 17 juin 2003. Haut de page
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