N° 4 Janvier 2002

Le point de vue d'un dirigeant du Fatah

«Vous désirez la sécurité? Mettez fin à l'occupation»

Marwan Barghouti*( Ramallah, 15.1.2002 )

L'assassinat par Israël du militant du Fatah Raed Karmi, le lundi 14 janvier, était prévisible. Bien qu'Israël ait assassiné plus de 18 Palestiniens depuis l'appel au cessez-le-feu du président Yasser Arafat lancé le 18 décembre, il n'y a pas eu de morts de civils israéliens jusqu'à ce jour. Selon les gouvernements du monde et la presse internationale, cela constitue un «pause dans la violence». Mais une pause dans la violence, c'est précisément ce que le premier ministre israélien, Ariel Sharon, ne peut pas supporter. Il a été élu en temps de crise et sait que sa fonction ne peut perdurer que dans un contexte de crise. Pour sa propre survie politique, il fera tout ce qui est nécessaire "et invoquera tout type d'excuses "pour souffler sur les braises et éviter un retour aux négociations de paix.

Ainsi, plus de 600 Palestiniens, déjà réfugiés par le passé, ont été contraints de retrouver ce statut, lorsque les bulldozers de Sharon ont rasé leurs maisons à Gaza. Un jour plus tard, des habitations palestiniennes étaient détruites dans Jérusalem-Est occupée. Puis, afin de s'assurer que les Palestiniens sont suffisamment provoqués et que le cycle de violence recommence, Israël a assassiné Karmi.

Sharon justifie des actes aussi barbares et illégaux au nom de la «sécurité». Mais en tant que personne souvent désignée comme un candidat à être assassiné par Israël, je peux affirmer à la population israélienne que ni mon exécution, ni aucun des autres 82 assassinats commis au cours des quinze derniers mois n'aboutiront à rendre plus proches la paix et la sécurité qu'elle recherche et qu'elle mérite.

La seule façon pour les Israéliens d'obtenir la sécurité c'est, assez simplement, de mettre fin à l'occupation du territoire palestinien. Les Israéliens doivent abandonner le mythe qu'il est possible d'obtenir la paix et d'avoir l'occupation en même temps, le mythe qu'il est possible d'avoir une coexistence pacifique entre l'esclave et le maître. Le manque de sécurité pour les Israéliens est le produit du manque de liberté pour les Palestiniens. Israël obtiendra la sécurité seulement après que l'occupation se termine, et pas avant.

Une fois que le reste du monde aura compris cette vérité fondamentale, la marche en avant deviendra claire: mettre fin à l'occupation, permettre aux Palestiniens de vivre en liberté et laisser les voisins égaux et indépendants, Israël et la Palestine, négocier un futur pacifique, avec des liens économiques et culturels étroits.

N'oublions pas que nous, les Palestiniens, avons reconnu l'Etat d'Israël sur 78% de la Palestine historique. C'est Israël qui se refuse à reconnaître le droit des Palestiniens sur les 22% restants des territoires occupés en 1967. Et maintenant, ce sont les Palestiniens qui sont accusés de ne pas faire de compromis et de laisser échapper des occasions d'accords. Franchement, nous sommes fatigués de nous voir sans cesse reprocher d'être les responsables de l'intransigeance des Israéliens alors que tout ce que nous cherchons n'est que l'application de la loi internationale.

Et nous ne nous fions pas aux Etats-Unis, eux qui fournissent des milliards de dollars d'aide annuellement à Israël pour financer l'expansion des colonies illégales; eux qui sont «les combattants contre le terrorisme» et fournissent à Israël des avions F-16 et des hélicoptères de combat utilisés contre une population sans défense [...]. Le rôle de la seule superpuissance mondiale a été réduit à celui d'un simple observateur qui n'a rien à offrir si ce n'est le refrain épuisé du «Arrêtez la violence», tout en ne faisant rien pour faire face aux racines de la violence: le déni de liberté des Palestiniens.

Regardez comment l'infortuné général Anthony Zinni [envoyé US] concentre ses efforts sur la «violence», alors que les colons juifs violent le droit international et, y compris, la politique américaine en installant une nouvelle colonie illégale dans Jérusalem-Est [...].

Au cours des quinze derniers mois, Israël a tué plus de 900 civils palestiniens, 25% d'entre eux de moins de 18 ans. Et les Etats-Unis ont toujours l'audace d'imposer leur veto au plan de l'ONU en faveur d'une force de protection visant à arrêter le massacre.

Dès lors, nous nous protégerons nous-mêmes. Si Israël se réserve le droit de nous bombarder avec des F-16 et des hélicoptères, il ne faudrait pas être surpris que les Palestiniens cherchent des armes défensives pour abattre ces avions. Et bien que moi et le Fatah auquel j'appartiens s'opposent fortement aux attaques visant des civils à l'intérieur d'Israël, notre futur voisin, je me réserve le droit de me protéger moi-même, de résister à l'occupation par Israël de mon propre pays et de lutter pour ma liberté. Si les Palestiniens sont censés négocier sous l'occupation, alors les Israéliens doivent s'attendre à négocier lorsque nous résistons à cette occupation.

Je ne suis pas un terroriste, mais non plus pas un pacifiste. Je suis un simple un gars normal de la rue palestinienne qui invoque ce que chaque autre personne opprimée invoque: le droit de s'aider soi-même, en l'absence d'une aide qui ne vient de nulle part [...].

* Membre du Conseil législatif palestinien, M. Barghouti est secrétaire général du Fatah en Cisjordanie. Il a été prisonnier durant six ans dans les geôles israéliennes et torturé. Original anglais.

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