N° 3 décembre 2001

Conférence de l'OMC à Doha

Les «concessions» tamisées des pharmas

L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce-ADPIC (en anglais TRIPS) fait partie du paquet de traités signés en 1994 et qui sont «gérés» par l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Cet accord, que les 142 pays membres de l'OMC doivent mettre en application au plus tard le 1er janvier 2006, institue pour la première fois dans l'histoire une validité universelle des brevets. Il intègre aussi les brevets sur les médicaments1. Un brevet octroie un monopole de vente de 20 ans à son détenteur, donc la possibilité de vendre cher.

Les ravages de l'épidémie de sida et d'autres maladies infectieuses que seuls des médicaments nouveaux, donc protégés par des brevets, peuvent traiter efficacement, ont mis en évidence le choc entre, d'une part, le besoin urgent pour les populations des pays pauvres d'un accès à ces médicaments «hors de prix» pour elles et, d'autre part, la dépendance croissante des multinationales pharmaceutiques, engagées dans un processus exacerbé de concurrence et de concentration, envers un petit nombre de leurs substances les plus récentes, les fameux «blockbusters», dont le brevet leur assure des surprofits sur lesquels se joue leur capitalisation boursière.

Robert Lochhead

L'ADPIC offre deux échappatoires à la cherté des médicaments brevetés. En invoquant une urgence de santé publique, un gouvernement peut recourir, sans l'accord du détenteur du brevet, à la licence obligatoire pour faire produire une copie générique, à condition de lui reverser un pourcentage sur les ventes. Ce gouvernement dispose aussi de la possibilité d'importation parallèle, c'est-à-dire importer le médicament de marque d'un pays où il est vendu moins cher. Ces échappatoires ont été peu utilisées par les pays «en voie de développement», surtout les plus pauvres, parce que les gouvernements impérialistes ' ceux des Etats-Unis, de l'Union européenne, du Canada, de l'Australie, du Japon, de la Suisse ' et les multinationales pharmaceutiques ont usé de tous les moyens de pression, d'intimidation et de chantage à leur disposition pour les en dissuader.

Le rapport de force défavorable aux pays de la périphérie les a contraints, en 1986, à se plier à un cadre multilatéral, l'ADPIC, contraire à leurs intérêts. Mais au lieu de laisser jouer ce cadre multilatéral, le même rapport de force est réutilisé sans cesse d'une manière bilatérale pour amener les gouvernements des pays dépendants à renoncer à faire usage des possibilités que leur offre le cadre multilatéral2.

Trois pays de la périphérie ont été au centre du conflit sur les médicaments brevetés. Ce sont ceux qui disposent d'une industrie pharmaceutique capable de produire des médicaments nouveaux: le Brésil et la Thaïlande, qui ont d'ores et déjà mis en application l'ADPIC mais ont recouru plusieurs fois à la licence obligatoire, et surtout l'Inde qui ne mettra en application l'ADPIC qu'au dernier moment. L'Inde est le plus grand producteur de médicaments génériques du monde, c'est-à-dire rien de moins qu'un pirate aux yeux des multinationales.

Doha: une déclaration métissée

A l'approche de la Conférence ministérielle de l'OMC à Doha, au Qatar, qui s'est tenue du 9 au 14 novembre dernier, une coalition de 80 pays du tiers-monde, emmenée par l'Inde, le Brésil et le Zimbabwe, et soutenue par une campagne internationale animée depuis deux ans par les ONG Médecins sans frontières, Oxfam, Act-Up et d'autres, s'est mobilisée pour exiger une révision de l'ADPIC dans le sens d'un relâchement des contraintes qu'exercent les brevets de médicaments sur les pays en voie de développement3.

La déclaration de compromis adoptée le 14 novembre à Doha est apparue comme une victoire des pays en voie de développement. 'Enorme victoire', conclut Oxfam4. 'Il était temps que la vapeur s'inverse', écrit Act-Up.

La déclaration adoptée par la conférence mélange réaffirmation de l'ADPIC et concessions:

«1. Nous reconnaissons la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux pays en développement et pays les moins avancés, en particulier ceux qui résultent du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies. [']

3. Nous reconnaissons que la protection de la propriété intellectuelle est importante pour le développement de nouveaux médicaments. Nous reconnaissons aussi les préoccupations concernant ses effets sur les prix.

4. Nous convenons que l'Accord sur les ADPIC n'empêche pas et ne devrait pas empêcher les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique. En conséquence, tout en réitérant notre attachement à l'Accord sur les ADPIC, nous affirmons que ledit accord peut et devrait être interprété et mis en 'uvre d'une manière qui appuie le droit des Membres de l'OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l'accès de tous aux médicaments.

A ce sujet, nous réaffirmons le droit des Membres de l'OMC de recourir pleinement aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC, qui ménagent une flexibilité à cet effet.

5. En conséquence et compte tenu du paragraphe 4 ci-dessus, tout en maintenant nos engagements dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, nous reconnaissons que ces flexibilités incluent ce qui suit: [']

b. Chaque Membre a le droit d'accorder des licences obligatoires et la liberté de déterminer les motifs pour lesquels de telles licences sont accordées.

c. Chaque Membre a le droit de déterminer ce qui constitue une situation d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence, étant entendu que les crises dans le domaine de la santé publique, y compris celles qui sont liées au VIH/SIDA, à la tuberculose, au paludisme et à d'autres épidémies, peuvent représenter une situation d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence. [']6

Enfin les 39 pays les plus pauvres (les LDC), c'est-à-dire essentiellement des pays d'Afrique subsaharienne, se voient accorder 10 ans supplémentaires de délai pour mettre en application l'ADPIC: 2016 au lieu de 2006.

Un dogme défavorable à l'innovation

Ce résultat démontre sans aucun doute ce qu'une coalition de gouvernements du tiers-monde, appuyée et popularisée par des ONG décidées du Nord, peut mettre en 'uvre comme force de pression sur les multinationales et les Etats des pays impérialistes. La subite flexibilité des Etats-Unis a surpris. Alors que leur gouvernement était depuis des années le plus dur à exiger l'interprétation la plus restrictive de l'accord TRIPS, il semble avoir d'emblée proposé à Doha une formule qui a été concrétisée par l'accord final. La brutale rapidité avec laquelle les gouvernements du Canada et des Etats-Unis ont mis Bayer sous la menace d'une licence obligatoire sur son antibiotique Cipro contre le charbon (l'anthrax) avait délégitimé, momentanément, l'intransigeance traditionnelle des gouvernements occidentaux face aux gouvernements du tiers-monde. De plus, les dirigeants des multinationales et leurs gouvernements sont parfaitement conscients que, à l'étape présente, un tel accord ne contrevient ni à leurs intérêts immédiats, ni aux principes sur lesquels ils sont intransigeants (la propriété intellectuelle). Leurs déclarations étaient assez explicites à ce propos.

Il faut rappeler que la licence obligatoire n'est pas une innovation tiers-mondiste récente. Elle existe depuis 1883 dans le droit britannique des brevets. En 1961, le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté y a recouru pour le service national de la santé refusant de payer le prix qu'exigeait Pfizer pour sa tétracycline. Le gouvernement du Royaume-Uni acheta donc la tétracycline à meilleur prix en Italie. Ce pays, jusqu'en 1978, comme l'Inde aujourd'hui, ne reconnaissait aucun brevet sur une substance médicamenteuse mais seulement sur des procédés de sa fabrication7.

L'interview récente du prix Nobel d'économie 2001 et ancien chef économiste de la Banque mondiale, Joseph E. Stiglitz, révèle combien le dogme présent de la propriété intellectuelle est récent et discutable: «Par exemple, il est de plus en plus admis que le régime de propriété intellectuelle établi sous l'Uruguay Round ' l'accord ADPIC (sur les aspects relatifs à la propriété intellectuelle touchant au commerce) ' a été construit au profit des pays industriels. Quand j'étais à la Maison-Blanche comme conseiller économique, je me suis opposé à cet accord. Des critiques étaient aussi exprimées par le bureau des politiques scientifiques et technologiques. Je considère qu'un tel régime de propriété intellectuelle pourrait même être défavorable à l'innovation et à la croissance économique. Nous nous inquiétions également de ce qu'une protection excessive pourrait empêcher l'accès aux médicaments dans les pays en développement.»8

Quid des pays sans industrie?

Lorsque l'on regarde de plus près les résultats de Doha, on constate que les gouvernements occidentaux, et les multinationales pharmaceutiques pour lesquelles ils militent, n'ont rien concédé sur l'essentiel.

Ce que les gouvernements du tiers-monde voulaient, c'était un texte d'interprétation de l'ADPIC qu'ils puissent invoquer lorsqu'une multinationale pharmaceutique ou un gouvernement du Nord ferait pression sur eux pour limiter leur recours aux génériques, ou les poursuivrait devant les tribunaux ou l'organe de règlement des différends de l'OMC. Ce résultat est plus qu'aléatoire. Sur chaque question, la déclaration dit une chose et une autre et l'interprétation se fera chaque fois selon le rapport de force et le contexte. En réalité, rien de solide ne les protège contre les rudoiements bilatéraux par lesquels les gouvernements du Nord ont pu tant de fois intimider la plupart des gouvernants du tiers-monde9.

La négociation s'est bloquée sur le point de savoir comment les pays sans industrie pharmaceutique suffisante, c'est-à-dire la plupart, pourront faire usage du droit à la licence obligatoire que la déclaration leur réaffirme dans son paragraphe 6:

«6. Nous reconnaissons que les Membres de l'OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de faire rapport au Conseil général avant la fin de 2002.»

Pourront-ils recourir à l'importation parallèle? Pourront-ils faire produire, comme par procuration, un générique par une industrie d'un pays de leur choix respectueux de l'ADPIC, ou peut-être même par un laboratoire d'un pays du Nord, sans que cela implique une déclaration de licence obligatoire de ce pays pour son propre compte, ni de rétorsion contre le pays et l'entreprise productrice pressentis? Le brouillon de propositions à ce sujet de la Commission européenne révèle la détermination des gouvernements du Nord de restreindre cela dans la plus étroite perspective «humanitaire» et paternaliste: ne permettre la licence obligatoire que pour une liste restreinte de maladies; seulement dans un petit nombre de pays les plus pauvres; en l'interdisant si le détenteur du brevet a offert un prix abaissé; en exigeant la preuve que le pays ne peut absolument pas effectuer la production lui-même, même si le prix de l'importation est de toute façon moins cher; en interdisant à un producteur de générique d'exporter vers plus qu'un pays demandeur10.

Pas de marché, pas de recherche

Les «bonnes dispositions» des gouvernements du Nord ont été d'autant plus faciles que le marché du tiers-monde n'intéresse pas les multinationales pharmaceutiques: 80% des ventes de médicaments se concentrent en Amérique du Nord, en Europe occidentale et au Japon, là où il y a une demande solvable; l'Afrique compte pour 1%11. En outre, ni elles ni les gouvernements occidentaux n'ont envie de prendre en charge l'épidémie de sida et les autres pandémies infectieuses des pays pauvres. Le recours par certains gouvernements du Sud aux producteurs de génériques bon marché d'Inde ou du Brésil est pour le moment une soupape utile, en attendant qu'elles et les gouvernements occidentaux mettent au point sur ces questions une sorte de prise en main du monde selon leurs intérêts.

Les maladies spécifiques qui frappent particulièrement les pays du Sud sont tout à fait négligées par la recherche dans le Nord: sur les 1223 nouvelles substances médicamenteuses brevetées entre 1975 et 1996, seules 11 concernent des maladies tropicales12. Sur 11 firmes pharmaceutiques dont les ventes cumulées totalisent 191 milliards de francs suisses, huit déclarent n'avoir effectué aucune recherche sur la maladie du sommeil et la maladie de Chagas, qui frappent des dizaines de millions de personnes respectivement en Afrique et en Amérique latine13.

La concurrence des génériques a été ces dernières années le levier qui a forcé à la baisse le prix des nouveaux médicaments contre le sida. Médecins sans frontières redoute qu'à partir de 2006, quand tous les pays devront avoir mis en application l'APDIC et que donc tous les nouveaux médicaments seront protégés pour 20 ans par des brevets devant être respectés dans le monde entier, ce levier disparaisse et que les prix montent très haut.

En mai 2000, le prix d'un cocktail d'antirétroviraux contre le VIH s'élevait à 10400 dollars par année par patient. Quand en octobre 2000, le producteur de génériques indien Cipla offrit de vendre un cocktail triple antirétroviral pour 800 dollars, les choses bougèrent. Dans le cadre d'une initiative de l'ONU pour offrir ces cocktails à quelques pays les plus pauvres, les multinationales baissèrent le prix à 931 dollars. En février 2001, le prix du générique descendait à 350 dollars et une guerre des prix entre les marques et les génériques démarrait. En octobre 2001, on trouvait un cocktail triple au prix de 295 dollars.

L'azythromycine est un antibiotique utilisé pour traiter des infections respiratoires et vénériennes très répandues dans les pays en voie de développement. En octobre 2001, Pfizer qui détient le brevet vend cette substance au Kenya, sous la marque Zithromax, au prix de 2,02 dollars la capsule de 250 mg. En Inde, plusieurs producteurs de génériques vendent l'azythromycine. Pfizer doit donc vendre son Zithromax sur le marché indien 0,84 dollar en mars 2001. Si le Kenya recourait à l'importation parallèle du Zithromax de Pfizer en l'achetant en Inde, il pourrait l'offrir à deux fois et demi plus de patients pour le même budget. Mais si le Kenya déclarait une licence obligatoire et achetait en Inde un générique, dont le prix oscille entre 0,39 et 0,54 dollar, il pourrait traiter cinq fois plus de patients, tout en restant en règle avec l'ADPIC, à condition de verser à Pfizer un pourcentage du prix à définir. Les choix en la matière effectués par les différents gouvernements du tiers-monde en dit long sur les classes dominantes subordonnées des pays de la périphérie.

La Thaïlande produit en licence obligatoire la fluconazole, utilisée pour soigner les méningites qui affectent 25% des malades du sida, pour un prix de vente de 0,29 dollar l'unité de 200 mg. Pfizer qui en détient le brevet la vend à 6,2 dollars en Thaïlande, 10,50 dollars au Kenya et 12,20 dollars aux Etats-Unis. Cipla la vend en Inde au prix de 0,64 dollar14.

Obligatoire en cas de crise extrême

Les négociations à Doha ont été particulièrement acharnées sur la formulation dans l'article 5 (voir plus haut) des motifs pour lesquels une licence obligatoire peut être décidée. Le 13 novembre, il n'y avait pas encore de consensus. L'Inde exigeait une formulation qui marque de manière contraignante la primauté de la santé publique sur le droit des brevets. Les multinationales faisaient pression pour la définition restrictive de situations sanitairesd'urgence. Le gouvernement suisse exigeait une restriction à des crises de santé publique, tandis que les représentants des Etats-Unis exigeaient une liste restrictive des pandémies15. Si l'alinéa b donne satisfaction aux gouvernements des pays «en voie de développement», l'alinéa c garde la trace des restrictions souhaitées par les gouvernements impérialistes qui l'invoqueront chaque fois qu'ils voudront.

Cela révèle les deux principes qu'ils entendent bien imposer avec intransigeance au-delà des points sur lesquels ils sont prêts à des générosités presque illimitées, par exemple sur les prix de leurs médicaments de marque qu'ils se proposent d'offrir en cadeau aux pays les plus pauvres. Le premier concerne une définition strictement «humanitaire» des exceptions à la validité absolue et universelle des brevets, c'est-à-dire justifiées par des catastrophes sanitaires. Le second a trait à l'endiguement de la concurrence commerciale des entreprises pharmaceutiques de l'Inde et du Brésil, pays qui dispose d'un potentiel scientifique important et dont la couche restreinte qui possède un pouvoir d'achat élevé se compte cependant par dizaines de millions. Pour les deux négociateurs suisses, Felix Addor, chargé de la propriété intellectuelle, et Luzius Wasescha, délégué aux accords économiques: «L'Inde et le Brésil ne sont pas préoccupés par les malades. Ils veulent promouvoir leur industrie de génériques», «'[ils] se cachent derrière la pauvreté des autres pour faire prospérer leur industrie de génériques.»16 Novartis et Roche se cacheraient-ils derrière les sciences de la vie, pour faire prospérer quoi?

C'est ici qu'il faut rompre avec la logique compassionnelle qui domine dans ces questions. Il faut justement défendre la vitalité et la collaboration continentale pour les laboratoires pharmaceutiques du tiers-monde afin que les populations des pays de la périphérie puissent agir pour obtenir l'accès aux médicaments et non plus dépendre de l'aide occidentale.

Pour Daniel Vasella, président du conseil d'administration de Novartis, la sixième plus grande entreprise pharmaceutique dans le monde: «' les pays en développement n'ont ni le savoir-faire, ni les experts scientifiques leur permettant de créer une industrie de haute technologie. Si l'on veut donc sincèrement aider ces pays à se développer, il faut les aider à bâtir et à développer des industries simples, comme celle du textile, et non casser les brevets.»17 Que les «pays pauvres» ne prétendent donc pas se mêler de la production des médicaments sophistiqués modernes! Quant à laisser entrer leurs textiles, ce n'est jamais le bon moment.

Quelques propositions..

Il est probable que les pays en voie de développement et les ONG qui ont mené campagne vont tenter d'arracher, dans la foulée, quelques amendements au texte même de l'accord ADPIC.

Quelles propositions peuvent être imaginées qui puissent faire l'objet d'une campagne de pression de notre part dans les pays du Nord, sur nos gouvernements et sur les multinationales pharmaceutiques?

1. Les possibilités légales pour les gouvernements de suspendre le respect d'un brevet sur un médicament doivent être élargies. Et cela pour tous les pays, pas seulement ceux en voie de développement et encore moins seulement les plus pauvres d'entre eux, car les droits des pays plus puissants peuvent légitimer les mêmes droits pour les pays plus faibles, comme l'affaire du Cipro le démontre.

2. Aucun brevet de médicament ne devrait jouir de validité dans une région du monde où leurs détenteurs ne sont pas présents et ne mènent aucune recherche sur les pathologies particulières de cette région. A l'exemple du Brésil dont la loi sur la propriété intellectuelle ne met un médicament breveté au bénéfice de l'ADPIC que si le détenteur du brevet le produit au Brésil même. Une instance internationale pourrait arbitrer la définition de telles régions, définir la liste des pathologies les plus urgentes à combattre dans chacune et la liste des médicaments qui doivent être mis à disposition en suspendant leurs brevets.

L'OMS pourrait être une telle instance si elle n'était pas de plus en plus prise en main par les multinationales pharmaceutiques. Le ministre de la santé du Zimbabwe, Timothy Stamps, exigeait dans une interview récente trois choses: que les gouvernements du Nord cessent d'imposer le blocage du budget de l'OMS, ce qui l'accule à se tourner vers des financements par les multinationales; qu'elle cesse d'organiser son activité autour de priorités mondiales qui se révèlent être celles des gouvernements du Nord; qu'elle régionalise son activité autour des urgences sanitaires spécifiques de chaque groupe régional de pays18 (sans que ces groupes régionaux deviennent des «zones protégées» de certains pays, comme c'est le cas pour l'Amérique centrale et la Caraïbe face aux Etats-Unis).

3. L'industrie pharmaceutique justifie les brevets et les prix élevés qu'ils permettent, par ses investissements dans la recherche. Mais beaucoup de leurs médicaments ont été mis au point avec des contributions essentielles de la part d'instituts de recherche universitaires financés par les contribuables des pays industrialisés. Un inventaire devrait en être fait. Il devrait être interdit de céder des droits exclusifs sur ces médicaments aux entreprises pharmaceutiques comme cela se fait si souvent en lien avec la pénétration des multinationales dans l'université. Toute découverte réalisée sur des financements publics devrait être mise dans le domaine public afin que l'industrie pharmaceutique des «pays en développement» puisse y avoir accès gratuitement afin d'exploiter ce savoir pour une production. Cette exigence pourrait être concrétisée à la fois par des lois sur la recherche publique et directement par une mobilisation des chercheurs des laboratoires publics. Ces laboratoires pourraient en lien avec des ONG comme Médecins sans frontières et avec des laboratoires du tiers-monde développer des médicaments ciblant les maladies tropicales afin de les rendre accessibles à tous comme un bien public.

1. Voir notre article dans à l'encontre n° 2 de novembre 2001.

2. Voir l'article de Aileen Kwa dans à l'encontre n° 2 de novembre 2001.

3. Médecins sans frontières, campagne d'accès aux médicaments essentiels, Rapport novembre 2001.

4. New Scientist, 24 novembre 2001.

5. Act-Up, communiqué de presse 15 novembre 2001.

6. www.omc.org.

7. Médecins sans frontières, Rapport cité.

8. Le Monde, 6 novembre 2001.

9. à l'encontren° 2.

10. New Scientist, 24 novembre 2001.

11. Cash, 9 novembre 2001.

12. Idem.

13. Médecins sans frontières, Rapport 9 octobre 2001.

14. Médecins sans frontières, campagne d'accès aux médicaments essentiels, Rapport novembre 2001.

15. Le Monde, 14 novembre 2001.

16. Le Temps, 12 novembre et 30 octobre 2001.

17. Interview Le Temps, 19 novembre 2001.

18. New Scientist, interview 20 octobre 2001.

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