N° 3 décembre 2001

Septembre 2000 ' septembre 2001

Une année d'Intifada al-Aqsa

Nous publions ici quelques extraits du rapport établi par «The Palestinian Human Rights Monitor». Il a été écrit par Mireille Widmer et édité par Alon Carmel et Danya Cohen. Ces quelques éléments descriptifs indiquent la nature de l'escalade militaire et répressive conduite par l'Etat israélien.

Un an s'est passé depuis que Ariel Sharon ' à l'époque encore leader de l'opposition ' a effectué sa visite provocatrice, le 28 septembre 2000, sur l'esplanade de la mosquée al-Aqsa. Cette initiative a suscité, le jour suivant, de violentes manifestations à Jérusalem qui ont rapidement gagné la Cisjordanie et la bande de Gaza. Mais, à cette date, personne ne pouvait prédire qu'une nouvelle Intifada était en train d'éclater. Aujourd'hui, le Centre de planification de l'armée israélienne estime que l'Intifada al-Aqsa pourrait durer jusqu'en 2006.

Sur un an, on peut déjà distinguer une évolution dans le caractère de l'Intifada. Elle a commencé sous la forme de manifestations de Palestiniens sur des points d'affrontement précis ' généralement des questions de frontières entre les zones contrôlées par Israël et les Palestiniens. Les manifestations se heurtaient aux troupes israéliennes utilisant des tactiques militaires et des armes et non pas des moyens de rétorsion légaux ou des méthodes visant à contrôler des foules. Plus Israël mobilisait ses ressources militaires dans le but d'écraser le soulèvement (la politique d'assassinats ciblés et d'incursion dans les zones A est particulièrement significative à cet égard), plus la tactique des Palestiniens a dû prendre des formes d'action de type guérilla et d'attaque dans le territoire marqué par la «ligne verte». La nature de la confrontation s'en est trouvée altérée.

- Le 12 octobre 2000, suite au lynchage de deux soldats réservistes d'Israël à Ramallah, des hélicoptères israéliens ont frappé, pour la première fois avec des missiles antichars, des cibles choisies à Ramallah, Hébron, Jéricho, Naplouse et dans la bande de Gaza. La couverture en direct de ces frappes sur diverses chaînes télévisées a fourni des images parlantes sur l'ampleur de la riposte israélienne à ce double meurtre et beaucoup d'observateurs furent choqués par l'escalade brutale du conflit. Or, aujourd'hui, ce type de représailles est devenu une sorte de routine.

- Le 21 octobre 2000, les chars furent utilisés pour la première fois comme instrument de menace à l'encontre de la population de Beit Jala, lieu depuis lequel avaient été effectués des tirs en direction des colonies israéliennes de Jilo. L'utilisation par l'armée israélienne d'un armement lourd de ce type contre la population palestinienne, même si en son sein pouvaient se trouver des personnes disposant d'armes légères, marquait une nouvelle escalade dans le conflit' Aujourd'hui, l'utilisation de chars contre des bâtiments civils, y compris dans les camps de réfugiés densément peuplés de la bande de Gaza, ne suscite même plus de froncements de sourcils. Et, aujourd'hui, Beit Jala a été désertée par la majorité de ses habitants.

- Le 9 novembre 2000, un commandant du Fatah, Hussein Abayat, a été assassiné à Beitsahour lorsqu'un hélicoptère militaire israélien a tiré sur sa Jeep en plein jour. Les cercles dirigeants de l'armée israélienne ont félicité leurs troupes pour cette «opération bien exécutée» ' qui a aussi provoqué la mort de deux femmes se trouvant sur les bas côtés de la route. Ces dirigeants ont rejeté des critiques assez répandues contre ce genre d'assassinats extrajudiciaires. A ce jour, quelque 50 Palestiniens ont été tués par cette politique d'assassinat d'Israël; à ces occasions, au moins 16 personnes ont perdu leur vie dans ce qu'il est convenu d'appeler «dommages collatéraux». Israël continue d'ignorer les condamnations internationales ayant trait à cette politique d'assassinat.

[Le 7 mars 2001, Ariel Sharon succède à Ehud Barak comme premier ministre israélien.]

- Le 1er avril 2001, une escouade israélienne entre dans la zone A ' zone étant sous contrôle complet palestinien ' pour arrêter 6 Palestiniens soupçonnés de participer à des «attaques terroristes» près de Ramallah. L'Autorité palestinienne a émis un avertissement, indiquant qu'Israël avait «passé la ligne rouge» en menant une telle attaque dans une zone A. Le 11 avril 2001, des chars israéliens et des bulldozers ont mené une incursion beaucoup plus ample et plus profonde dans la zone A, dans le camp de Khan Younis (bande de Gaza), tuant deux Palestiniens et détruisant 25 maisons, selon les habitants. Le 16 avril 2001, les troupes israéliennes entraient à Beit Hanoun dans la bande de Gaza, qu'elles ont occupé pendant 24 heures, se retirant seulement après une protestation internationale massive' Le ministre de la Défense a alors assuré que les futures actions en zone A seraient «intelligentes et tranquilles». Depuis lors, ces occupations se font de façon régulière dans la bande de Gaza aussi bien qu'à Jénine, Hébron, Beit Jala, Ramallah et Jéricho' L'armée israélienne a occupé Beit Jala le 28 août 2001 au matin et y est restée 48 heures avant de se retirer. La ville de Jénine a été encerclée par l'armée israélienne du 11 au 15 septembre 2001. Et lorsque l'attention internationale était centrée sur l'attaque terroriste qui a frappé les Etats-Unis le 11 septembre, des raids israéliens répétés furent exécutés durant ces quatre jours dans la ville.

-Le 19 mai 2001, suite à une action suicide qui coûta la vie à 5 Israéliens à Netanya, Israël a riposté en utilisant des avions de chasse F16 pour tirer des missiles sur les bâtiments des organes de sécurité palestiniens à Naplouse. Cette attaque a provoqué la mort de 9 Palestiniens. L'utilisation d'un armement aussi puissant, d'origine américaine, a été fortement critiquée aussi bien en Israël qu'à l'extérieur. Néanmoins, Israël a réutilisé ces F16 dans des opérations visant aussi bien à simuler des attaques pour terroriser la population qu'à mener de véritables frappes. Ainsi, le 10 août 2001, par exemple, des F16 ont bombardé le quartier général de la police civile palestinienne à Ramallah suite à une attaque suicide à Jérusalem. Le 26 août 2001, des F15 et des F16 ont attaqué des positions palestiniennes en Cisjordanie et à Gaza'

Assiégés

On pourrait dire que le bouclage des territoires palestiniens n'est pas nouveau. Suite aux Accords d'Oslo en 1993, des barrages israéliens ont été construits tout autour des territoires ' que ce soit sur la frontière internationale avec l'Egypte et la Jordanie ou le long de la «ligne verte», la frontière avec Israël. Des Palestiniens qui désirent voyager entre la bande de Gaza et la Cisjordanie doivent obtenir un permis de sortie délivré par Israël, même après la mise en place, en 1999, desdites routes de sécurité entre les deux zones. Parfois, Israël a renforcé ce bouclage en refusant tout permis de sortie (y compris les permis de travail en Israël) ou a imposé un bouclage interne en coupant les relations entre les diverses zones palestiniennes. Dans des situations particulières, Israël a déclaré le couvre-feu dans certaines régions, empêchant que des Palestiniens puissent même sortir de leur maison. Toutefois, depuis le début de l'Intifada al-Aqsa, le bouclage-siège des territoires est devenu quasi permanent, faisant des barrages une des caractéristiques de cette Intifada. Des tranchées ont été creusées. Des blocs de béton ont été amenés afin de bloquer les routes en cas «d'urgence». Le couvre-feu est devenu une règle et non plus une exception pour des villages tels que Huvvarah, ou des villes telles que Hébron, en partie sous contrôle israélien'

Les conséquences pour l'économie palestinienne ont été dévastatrices. Paysans, ouvriers, commerçants, entrepreneurs ont été incapables de se rendre sur leur lieu de travail, de vendre des biens ou des services. Perdant leurs revenus, ils achètent moins de biens et de services, provoquant un déclin cumulatif de la production et de l'emploi' Un chiffre est particulièrement frappant à propos de l'emploi. Si 93% des 52000 permis de travail alloués par Israël ont été utilisés au cours du troisième trimestre 2000, seulement 42% des 4000 permis qui ont été maintenus à la fin de l'année étaient utilisés. Même les quelques «chanceux» qui ont pu garder leur permis de travail pendant l'Intifada al-Aqsa étaient souvent empêchés de rejoindre leur lieu de travail à cause des bouclages. Derrière ces chiffres, il y a des histoires d'êtres humains, des histoires d'humiliations, de passages à tabac aux barrages, de longs détours à accomplir en empruntant des routes difficiles pour se rendre à l'école ou au travail'

Nourriture et habitat

Selon la Déclaration universelle des Droits de l'homme de 1948 et la Convention internationale pour les droits économiques, sociaux et culturels de 1966, les populations ont le droit d'accès à la nourriture de base, à l'habillement et au logement. La loi humanitaire dicte qu'en temps de guerre les parties en conflit ont le devoir d'assurer que la population résidant là où un conflit se déroule puisse recevoir de la nourriture et des soins médicaux. La loi internationale interdit la destruction de propriétés civiles dans les territoires occupés. Il est en particulier interdit d'attaquer ou de détruire des objets indispensables pour la survie de la population, tels que la nourriture, des terrains cultivés, des récoltes, des stocks de nourriture, des installations d'eau potable.

En Cisjordanie, depuis mars 2001, environ 15000 familles qui représentent quelque 100000 personnes dépendent complètement de l'assistance du CICR pour la nourriture. Cela est le résultat direct du bouclage ' et du «bouclage interne» ' imposé par Israël à la Cisjordanie, ce qui interdit aux Palestiniens de quitter leur village, de rejoindre leur emploi, de se rendre sur des marchés ou d'avoir accès à des services médicaux. A la fin d'août 2001, le CICR a relevé 73 villages qui étaient, de façon régulière, isolés par des barrages routiers et qui se trouvaient dans une condition économique critique'

Aussi bien à Gaza qu'en Cisjordanie, des milliers de dunums [1 dunum = un dixième d'hectare] de terres agricoles ont été dévastés par l'armée israélienne sous prétexte que la culture d'oliviers fournit des boucliers pour des tireurs. Un olivier a besoin de 5 à 7 ans pour commencer à produire des fruits et beaucoup d'oliviers déracinés avaient plus de 100 ans d'âge'

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