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Syngenta

Site syngenta de Santa Tereza do Oeste

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Les crimes de Syngenta Seeds:
que cette compagnie quitte donc le Brésil !

Mouvement des sans-terre (MST)

Nous publions, ci-dessous, une traduction du bulletin n° 144, 25 octobre 2007, du Secrétariat national du MST (Mouvement des travailleurs ruraux sans terre). Nous avons déjà publié en date du 6 février 2007 un article intitulé «La firme helvétique Syngenta face aux paysans de Santa Tereza do Oeste» (qui se situe dans l’Etat de Parana, près de la ville de Cascavel), qui traitait d’une première étape de la lutte des paysans sans terre face à Syngenta.

Pour rappel, la firme Syngenta est le produit de la fusion, en novembre 2000, entre AstraZeneca (elle-même produit de la fusion, en 1999, entre la suédoise Astra et la britannique Zeneca) et le secteur de «l’agrobusiness» de Novartis, qui tenait à séparer son secteur pharma du secteur de l’agrobusiness (semences, pesticides, etc.). Depuis lors, Syngenta a opéré de nombreuses acquisitions (Advanta BV, firme américaine spécialisée dans les semences, Golden Harvest aux Etats-Unis, etc.) et a passé des accords avec diverses firmes, comme Sumitono au Japon (herbicides) ou la firme états-unienne Delta & Pine Land (biotechnologies appliquées à la semence du coton), accords ayant pour but de patenter des produits et d’en assurer le monopole de la commercialisation.

Syngenta, en utilisant les sociétés de sécurité, peut aisément rejeter toutes les accusations selon lesquelles elle aurait ordonné un «affrontement armé» avec le MST Via Campesina. C’est ce qu’elle a fait dans un communiqué daté du 21 octobre 2007. Or, quiconque connaît le Brésil sait que l’engagement d’une société de sécurité équivaut à l’engagement d’un personnel pour qui réprimer brutalement et tuer des paysans sans terre relèvent de la pratique courante. Ils n’ont pas besoin de recevoir d’ordres du siège de Syngenta. (réd.)

 

Chers amis et amies du MST,

Dans cette édition spéciale de notre bulletin, nous partageons la lutte que mène Via Campesina contre la multinationale suisse Syngenta Seeds et dénonçons les crimes que cette entreprise ne cesse de commettre contre le peuple brésilien sur son propre territoire.

1. CRIME D’EXÉCUTION SOMMAIRE CONTRE LA VIE DES BRÉSILIENS

Le dimanche 21 octobre 2007, à environ 13h30, après qu’une terre qui avait été envahie en début de matinée eut déjà été réoccupée, plus de 40 tueurs fortement armés, appartenant à une milice agissant sous la façade de l’entreprise «NF Sécurité», ont envahi le domaine «Terre Libre», dans le secteur des expérimentations de transgéniques, et ont exécuté à bout portant notre camarade Valmir Mota de Oliveira, plus connu sous le nom de Keno.

Ils ont également blessé: Gentil Couto Viera, Jonas Gomes de Queiroz, Domingos Barretos, Izabel Nascimento de Souza et Hudson Cardin, qui ont été transportés dans les hôpitaux de la région. Izabel, qui est restée quelque temps dans le coma, est maintenant hors de danger, mais elle a malheureusement perdu la vision de l’œil dans lequel elle a reçu un éclat. Cela est un épisode de plus qui cause notre indignation. Keno était l’un parmi les centaines de militants de Via Campesina qui, depuis plus d’une année, dénonçaient au Brésil et dans le monde les crimes contre l’environnement commis par Syngenta.

La tragédie, qui a arraché la vie à un jeune militant père de famille de 34 ans, a surpris les défenseurs de la Réforme agraire dans le monde entier et est entrée dans la statistique révoltante des exécutions sommaires qui se sont produites dans l’histoire des conflits autour de la terre au Brésil. Cet assassinat ne constitue pas le premier assassinat d’un sans-terre dans cet Etat, au contraire, Paraná [qui se situe dans le sud du Brésil et dont la capitale est Curitiba] est l’un des Etats brésiliens connaissant le taux le plus élevé de violence contre des travailleurs ruraux sans terre.

En 2006, on a enregistré 76 cas de conflits de la terre au Paraná. Entre 1994 et 2002, 16 assassinats de travailleurs ruraux sans terre se sont produits; 31 travailleurs ont été victimes d’attentats, 47 ont été menacés de mort ; sept ont été victimes de torture et 324 ont été blessés. Mais il n’y a eu aucune sanction contre les auteurs intellectuels et matériels de ces crimes.

Keno lui-même et d’autres membres du MST comme Celso Ribeiro Barboso et Célia Lourenço avaient déjà été menacés de mort, ainsi qu’on a pu le lire dans notre bulletin d’information du 28 mars de cette année. A différentes occasions, des membres de la sécurité de Syngenta sont entrés dans le campement Olga Benário, situé juste à côté de la ferme expérimentale, en dispersant, afin de les intimider, les familles qui y vivaient.

Dans chaque région de l’Etat, des groupes de propriétaires terriens s’organisent afin de réprimer avec violence toute tentative de réforme agraire. Dans la région du Nordeste, il existe l’Union démocratique rurale (UDR), présente également dans d’autres régions du pays ; dans la région du centre-ouest s’est créé le Premier Commando rural (PCR) ; dans la région ouest, il existe la Société rurale de l’ouest (SRO), dirigée par le latifundiste Alessandro Meneghel, le même qui, en avril 2007, a créé le Mouvement des producteurs ruraux (MPR). Leurs objectifs sont les mêmes: former des groupes paramilitaires fortement armés pour assassiner des paysans et démobiliser les luttes menées par les mouvements sociaux.

2. LES CRIMES ENVIRONNEMENTAUX DE SYNGENTA

En 2006, la transnationale Syngenta Seeds a cultivé à des fins expérimentales des semences transgéniques à l’intérieur de la «zone d’amortissement» [zone dont l’utilisation ne doit pas mettre en danger le cadre «naturel» l’entourant ; il y a un débat sur la définition de ces zones] du Parc national de Iguazú, ce qui était interdit par la Loi sur la biosécurité. Alors que les expérimentations transgéniques devaient respecter une distance de 10 km, les cultures transgéniques de l’entreprise n’étaient qu’à 6 km du parc. La transnationale a donc été amendée d’un million de reais par l’IBAMA [Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables], pour non-respect de la Loi sur la biodiversité. Mais elle n’a jamais payé l’amende. Syngenta Seeds utilise la réserve de la «Forêt Atlantique» [en portugais «Mata Átlantica»: région de forêt tropicale et subtropicale qui, s’étendant le long de la côte atlantique depuis l’Etat du Rio Grande do Norte jusqu’à celui du Rio Grande do Sul, fait partie de l’un des écosystèmes les plus importants du Brésil], en portant atteinte à la biodiversité et en produisant des produits polluants qui attaquent l’environnement et les êtres humains.

3. UNE BRÈVE HISTOIRE

En novembre 2006, le domaine en question a été exproprié grâce au décret No 7487 émis par le gouverneur Roberto Requião (du PMDB: Parti du mouvement démocratique brésilien) afin d’y construire un Centre de référence en agroécologie pour l’Etat du Paraná, qui aurait comme mandat celui de faire des recherches et de la production agroécologiques en direction du marché national brésilien.

La transnationale cependant a réussi, grâce à divers recours devant la justice, à obtenir la suspension du décret d’expropriation et le droit de réintégrer la parcelle (de 127 hectares), qui avait été occupée – pour la première fois – par 70 familles de Via Campesina, le 14 mars 2006.

4. NOUS EXIGEONS LA JUSTICE SOCIALE, JURIDIQUE ET ENVIRONNEMENTALE

1° Nous exigeons le respect de la souveraineté nationale. Nous voulons que Syngenta retourne dans son pays d’origine: la Suisse.

2° Nous exigeons le respect d’un droit garanti par la Constitution brésilienne: celui de travailler sur la terre et de produire des aliments sains, sans herbicides ni transgéniques ;

3° Nous exigeons que soient punis les auteurs intellectuels et matériels de l’assassinat du camarade Keno et de tous les autres travailleurs assassinés ;

4° Le désarmement immédiat des «fausses» entreprises de sécurité, contractées et payées par la Syngenta et liées à l’agronégoce ;

5° L’expropriation immédiate de la parcelle pour crime environnemental et assassinat commis par Syngenta ;

6° La garantie de sécurité et de protection de la vie des dirigeants Celso y Célia, ainsi que de celle de tous les travailleurs de Via Campesina dans la région. Nous ne voulons plus que le sang coule sur les terres brésiliennes ;

7° Que Syngenta paie son ardoise d’un million de reais [un demi-million de dollars] aux caisses de l’Etat pour atteintes environnementales dans l’Etat de Paraná ;

8° Que les paysans continuent leur lutte pour que le champ illégal d’expérimentations de Syngenta soit transformé en Centre d’agroécologie et de reproduction de semences dites «créoles» pour l’agriculture familiale et pour la réforme agraire.

Le laisser-aller des autorités publiques, de l’Etat et du pouvoir judiciaire ainsi que leur non-volonté de punir les responsables des assassinats des sans-terre rendent possible le fait que les assassins de Keno, Sebastião, Elias Meura, Anghinoni, Garibalid et de tant d’autres victimes des massacres de Camarazal (Etat de Pernambuco), Eldorado de Carajás (Etat de Pernambuco également) et Felisburgo (Etat de Minas Gerais) restent libres, impunis et continuent à répéter l’histoire des crimes commis autour de la question de la terre.

Nous vous remercions de tous les témoignages de solidarité reçus du Brésil et de tous les continents.

L’engagement et la lutte continuent dans la douleur du sang versé.
Réforme agraire: pour la justice sociale et la souveraineté populaire !

(Traduction A l’encontre)

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