Brésil

Nestlé pour cultiver son image écolo affirmait en 2003 ne pas utiliser
d'OGM dans ses produits alimentaires vendus au Brésil. Par contre Syngenta
organise, dans l'Etat du Parana, l'expérimentation de semences transgéniques.

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La firme helvétique Syngenta
face aux paysans de Santa Tereza do Oeste

Via Campesina

Le débat sur la culture de transgéniques existe depuis longtemps au Brésil. Ainsi, à l’époque de la présidence de Fernando Henrique Cardoso, en mars 2000, la cour de l’Etat du Rio Grande do Sul édictait un arrêté interdisant la culture du riz transgénique «Liberty Link» (LL601). La firme allemande Bayer Crop Science avait mis sur le marché ce riz à grain long. Il a d’ailleurs été retiré de la vente en Suisse par Migros et Coop ; puis une variété a été remise en vente. Le juge de l’Etat de Rio Grande do Sul s’opposait ainsi aux autorisations données par les ministres de la Santé, de l’Economie et de l’Agriculture. Il jugeait que les autorisations étaient incomplètes au même titre que la licence d’expérimentation en champ.

Le gouvernement Lula a permis, sous sa première législature, l’utilisation en champ de soja transgénique.

Depuis mars 2006, plusieurs centaines d’activistes de Via Campesina ont occupé la ferme expérimentale de Syngenta afin de dénoncer l’expérimentation de soja génétiquement modifié.

Dans un premier temps, le 6 octobre 2006, la juge Vanessa de Souza Camargo, de la 4e Juridiction de Curitiba (capitale du Parana), a demandé que le gouverneur de l’Etat déloge les occupants. Syngenta faisait pression pour une modification de la loi dans le sens de créer «une distance de sécurité» diminuée – passant de 10 km à 500 m – entre le champ d’essai OGM et les terres d’une zone cultivable du Parc national d’Iguazu. Synginta obtint ce qu’elle voulait. Par un décret du 9 novembre, le gouverneur du Parana refusait le jugement modifiant la loi en faveur de Syngenta. Il a soutenu les paysans qui décidaient de consacrer ces terreurs au développement de techniques agricoles écologiques. La contre-attaque juridique de Syngenta a échoué.

Syngenta est un leader mondial de l’agribusiness. Cette transnationale a son siège à Bâle. Elle a des sites de production en Suisse à Schweizerhalle, Münchwillen, Kaisten, Dielsdorf et Monthey. Syngenta emploie 19'000 personnes dans 90 pays. Elle est cotée à la Bourse suisse et à celle de New York. Dans le développement de semences génétiquement modifiées, Syngenta a accru son activité, mais ce segment reste toutefois dominé par le concurrent américain Monsanto. Bayer Crop Science et DuPont sont des concurrents de Syngenta. Syngenta a une position particulièrement forte dans l’agrochimie (insecticides, herbicides, fongicides).

Syngenta est née à l’automne 2000 de la fusion des activités phytosanitaires du groupe pharmaceutique suisse Novartis et du groupe pharmaceutique. AstraZeneca. En 1999 s’est opérée la fusion entre la société Astra (d’origine suédoise) et la société Zenica (d’origine britannique). Cette entreprise fusionnée a son holding à Zoug.

Syngenta a renforcé sa position en opérant d’importantes acquisitions en 2004 dans le domaine des semences, entre autres le soja et le maïs. Elle l’a fait en acquérant le groupe américain spécialisé dans la vente des semences: Golden Harvest. Cette acquisition de juin 2004 suivait celle d’une autre société américaine, spécialisée dans le maïs et le soja: la société Adventa. Cette société commercialisait ses produits sous une marque très connue du nom de Garst. Ces acquisitions ont permis à Syngenta d’acquérir des positions importantes sur le marché du maïs et du soja aux Etats-Unis. De là, Syngenta accentue sa conquête de «la production de maïs et de soja» – c’est-à-dire de la vie de centaines de milliers de paysans –  à l’échelle mondiale.  (Réd.)


Dans une décision politique de la justice de l’Etat du Parana [Etat du sud dont la capitale est Curitiba qui compte quelque 1,65 million d’habitants, l’Etat lui-même en comptant quelque 20 millions], qui favorise les transnationales et le lobby pro-transgénique et porte préjudice à la société et aux paysans, le Tribunal de Justice du Parana a pris, le 1er février 2007, une mesure qui suspend le Décret no. 7.487 du 9 novembre 2006 du gouvernement du Parana. Ce dernier avait déclaré comme étant d’utilité publique le domaine d’expérimentation illégale de transgéniques de la transnationale suisse Syngenta Seeds Ltda, situé à Santa Tereza do Oeste [une des municipalités de l’Etat].

En novembre de l’année passée, ce site a été exproprié par le gouvernement de l’Etat pour y implanter le Centre d’agroécologie de l’Etat du Parana. A cette occasion, plus de 170 organisations, au Brésil comme à l’étranger, ont soutenu l’expropriation de ce site.

Les terrains ont alors été occupés par Via Campesina [une structure regroupant des organisations paysannes à l’échelle nationale et internationale] afin de dénoncer la production de soja et de maïs transgéniques à l’intérieur de la zone d’ «amortissement» [zone dont l’utilisation en doit pas mettre en danger le cadre «naturel» l’entourant ; il y a un débat sur la définition de ces zones] du Parc national d’Iguazu, parc qui offre parmi les plus grandes richesses de la biodiversité du monde: les chutes d’Iguazu. Richesses telles que ce parc a été déclaré par l’Unesco, en 1986, Patrimoine naturel de l’humanité

Après la plainte déposée par Via Campesina, l’IBAMA (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables), une amende de 1 million de reais a été infligée à la compagnie en question pour crime contre la biosécurité. Mais à ce jour, l’amende n’a pas encore été payée.

A 6 kilomètres du Parc national d’Iguazu, dans le domaine où l’entreprise ne respectait auparavant pas la biodiversité (par la plantation de soja et de maïs transgéniques), les paysans de Via Campesina produisent aujourd’hui des aliments agroécologiques et redonnent ainsi «santé» au milieu environnemental de la région.

Les 62 familles de Via Campesina qui vivent depuis mars 2006 dans ce secteur sont en train de faire revivre la biodiversité, en transformant le domaine en un espace de production agroécologique. Sur ce terrain de 127 hectares rebaptisé «Terre libre», près de 60 hectares de haricots, maïs, riz, yuca et cacahuètes, entre autres variétés, ont déjà été plantés. La production est destinée à l’auto-consommation des paysans.

Trois mille arbres d’une variété locale ont également été plantés à l’occasion de la Journée d’Agroécologie de 2006. Depuis le début, l’objectif des familles a été de faire de ce domaine une référence dans le domaine de la production agroécologique.

Les allégations de la compagnie Syngenta selon lesquelles ses propres activités seraient légales et qu’elle tient son autorisation de la CTNBio (Commission technique nationale de biosécurité) ne valent pas, parce que l’entreprise a violé une loi de l’Etat fédéral qui protège l’environnement. Même si la compagnie a obtenu l’autorisation formelle, elle ne peut cependant pas ne pas respecter la loi.

Dans ce sens, le pouvoir judiciaire a affirmé que l’organisme cité par Syngita (CTNBio) constituait une «instance collégiale multidisciplinaire» dont aucune opinion ou conclusion en tant que telle ne pouvait prévaloir sur les dispositions de la loi ordinaire fédérale, en l’occurrence la loi No 10.814/2003 qui peut parfaitement imposer des restrictions à la plantation, ce qu’elle a effectivement fait.

Des militants de Via Campesina continuent de camper devant le domaine de la multinationale, et de  produire des aliments agroécologiques afin de transformer le domaine en un Centre de référence en agroécologie. Ce dont il s’agit ici, ce n’est pas de bagarres locales, mais de la lutte contre un modèle agricole qui sera bientôt adopté dans le pays entier.

Via Campesina défend un modèle d’agriculture agroécologique qui protège la biodiversité. L’organisation continue à lutter contre l’agrobusiness qui a soumis l’agriculture aux intérêts des transnationales en promouvant la destruction et la contamination de l’environnement. (Trad. «A l’encontre»)

(6 février 2007)

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