Contre les menaces de mort visant les membres du FSP
Nous publions ici une lettre de protestation adressée par le président du Front social et politique (FSP), Carlos Gaviria Diaz, à propos des menaces d'assassinat proférées contre les porte-parole du FSP.
Nous avons à plusieurs reprises souligné les diverses méthodes mises en œuvre par les forces de la réaction en Colombie. Elles combinent l'intervention militaire directe, avec l'appui massif - financier et militaire (troupes d'encadrement, militaires d'organismes privés liés au Pentagone) - des Etats-Unis, la répression policière et les tueries effectuées par les paramilitaires d'extrême-droite. Une partie est en voie d' intégration dans l'armée, l'autre constitue des «société de surveillance» - structures privatisées de l'armée et de la police - et, enfin, une fraction poursuit son oeuvre assassine.
Sur ce site vous trouverez un article relatant la répression contre les militants syndicaux colombien (voir sous rubrique Nouveau, La terreur antisyndicale, Carlos Cruz, 7 février 2004).
La volonté des forces répressives de frapper à mort les militants politiques de l'éventail de la gauche se renforce. Parmi ceux qui ont reçu des menaces directes se trou.
Daniel Libreros est venu à deux occasions en Suisse, au cours de ces dernières années. Comme avocat et professeur d'Université, il représentait un secteur de ladite société civile, dans le cadre des «négociations de paix». Genève fut le lieu de diverses rencontres à cet effet.
Celles et ceux qui l'ont rencontré savent combien il a consacré sa vie à la défense des droits sociaux et syndicaux dans son pays.
Les menaces qui le visent - lui et ses camarades - traduisent une volonté de faire taire toutes celles et tous ceux qui n'acceptent pas que l'administration Bush et sa représentation colombienne imposent, avec leur talon de fer, une «démocratie des cimetières» en Colombie. Une «démocratie» qui seraitz établie en faveur d'une oligarchie conduisant une guerre civile depuis des décennies contre une population plongée dans la misère et le désarroi. Cette oligarchie se fait le relais aussi bien des «grands de la drogue» que des intérêts pétroliers et militaires des Etats-Unis, dans toute la région (Plan Colombie).réd
Colombie
Plainte du Front Social et Politique (FSP)
Bogota, le 24 février 2004.
A Monsieur le Dr. Alvaro Uribe Velez
Président de la République.
Monsieur le Président,
En qualité de Président du mouvement politique de gauche démocratique qu'est le Front Social et Politique, le FSP, qui fait partie de l'Alternative Démocratique, je m'adresse à vous, avec les respects d'usage, pour exprimer ma préoccupation concernant la détérioration des conditions de sécurité et les menaces contre la vie d'hommes et de femmes qui participent au FSP et qui ont le droit d'exercer leur rôle d'opposition.
Au cours de ces derniers jours, la crise de sécurité est devenue plus aiguë à cause des positions que nous avons prises face à divers projets de loi avec lesquels nous ne sommes pas d'accord en raison de leurs incidences sur la population, en particulier la Loi sur l'Alternative Pénale. De plus, notre opposition aux mesures prises par le gouvernement que vous présidez s'est manifestée lors des Audiences Publiques convoquées par la Commission de Paix du Sénat, par notre présence à l'occasion de votre visite au Parlement Européen et par notre refus de signer ce dit Accord Politique.
A différentes reprises, les participants des diverses forces politiques et organisations sociales qui font partie du FSP ont été soumis à des traitements inacceptables de la part de la force publique, à des appels téléphoniques d'intimidation et à des menaces contre leur intégrité.
Des faits clairs de persécution contre des dirigeants de notre organisation ont été établis. Contre des dirigeants nationaux et membres de la Direction Nationale: Gabriel Becerra, Daniel Libreros, Gloria Cuartas et Wilson Arias ; contre des dirigeants sociaux: Blanca Lilia Rodriguez, Miguel Angel Barriga, Manuela Avellaneda, Adriana Lozano et Yamile Garzon ; contre des candidats à des corporations publiques: Alberto Bejarano et le parlementaire Alexander Lopez ; contre des dirigeants régionaux - avec des cas avérés graves - dans les départements de Nariño, Risaralda, Valle del Cauca, Santander, Bolivar, où plusieurs de nos candidats et candidates ont fait l'objet de menaces qui les ont contraints à se déplacer voire à s'exiler.
C'est le cas des leaders de Pereira, qui se trouvent maintenant à Santiago du Chili et qui, même dans cette situation, continuent à subir des pressions qui violent une fois de plus le droit à la protection. De plus, des cas d'interception de courriers électroniques se sont présentés qui diffusent de l'information fausse et des campagnes de discrédit.
La plupart des menaces reçues ont été le fait de groupes paramilitairesqui se trouvent actuellement en «cessation d'hostilités» et en négociation avec le gouvernement. Cette situation remet d'ailleurs encore plus fortement en question l'intention réelle de la dite négociation.
Nous vous faisons part de toute cette situation afin que nous soient accordées les garanties permettant d'exercer le droit à la participation politique au sein d'un parti de gauche démocratique et au libre exercice de l'opposition. Nous désirons également insister sur ce qui s'est passé avec Gloria Cuartas, Secrétaire Générale du FSP, à qui a été confiée la tâche, en lien avec d'autres organisations politiques, syndicales, de défense des droits humains et des proches de Madame Ingrid Betancur (en tant que représentants de leurs parents séquestrés), de partager les diverses réalités qui rendent compte de la situation des droits humains, de l'impact de la politique de " sécurité démocratique " dans la population, de l'échange humanitaire et de la discussion sur la loi d'alternative pénale qui est en train de se mettre en place en Colombie.
Dans ce but, sur une «scène» parallèle à la vôtre, des eurodéputés Verts, Libéraux, Socialistes et membres d'Izquierda Unida, ont d'ailleurs convoqué une réunion à Strasbourg - siège du Parlement européen - du 8 au 12 février 2004.
Je désire me référer spécialement au droit que nous avons en tant qu'organisation politique à participer à tous les événements nationaux et internationaux et de défendre notre position dans ce cadre. Nous ne pouvons en raison de de tels actes être poursuivis, mis sous pression ou même être montrés du doigt. Cela fait partie des garanties politiques minimales qui doivent exister dans un pays civilisé et démocratique. Depuis notre participation à l'événement mentionné, la Dr. Gloria Cuartas a été l'objet de persécution politique et de discrimination au travail.
Nous sommes également préoccupés par le fait que des directives sont en préparation afin que l'opposition politique ne puisse avoir accès à des moyens provenant de la coopération internationale, sous le prétexte que nous sommes " des sympathisants du terrorisme et des apatrides ", ce qui s'est déjà produit à de multiples occasions de la part de votre gouvernement, mettant ainsi en danger des expressions sociales qui, dans les régions du pays, sont en train de construire des processus qui fortifient leur autonomie.
Vous, Monsieur le Président, vous avez exprimé publiquement le respect et la garantie du droit à l'opposition et au libre exercice politique, et le fait que sous votre gouvernement nous ne devrions plus vivre la situation qu'a vécue l'UP (Union Patriotique - les représentants de l'UP ont été, en très grande majoirté, exécutés par des forces paramilitaires); Or, l'UP fait partie du FSP et son extermination et sa persécution continuent.
Nous considérons que ce que nous sommes en train de vivre est en voie de se convertir en un attentat contre l'Etat démocratique, où le seul fait de ne pas être d'accord avec les positions gouvernementales est suffisant pour que l'on soit persécuté, poursuivi et stigmatisé, sans même que ne soient apportées les preuves des comportements dont on est accusé.
La situation décrite devient plus aiguë encore avec l'application du Statut Antiterroriste (qui n'a pas encore été réglementé - loi d'ordonnance), ainsi qu'avec la disparition, dans les faits, de garanties politiques minimales dans les procédures lors de violations de domicile, de détentions et de procès collectifs. L'un des derniers cas recensés est la détention à Bogota de Perly Cordoba, une femme reconnue dans la défense des droits humains à Arauca.
Monsieur le Président, le gouvernement que vous présidez se trouve dans l'obligation de garantir le droit à la vie des Colombiens et des Colombiennes, ainsi que l'existence réelle des droits et des libertés politiques. Nous vous rappelons que c'est plus fortement encore dans les situations critiques que les gouvernements doivent reconnaître la normativité nationale et internationale en matière de respect des droits humains et du droit international humanitaire.
Nous faisons appel à vous pour que ces garanties dont vous parlez soient rendues effectives. Nous ne nous référons pas seulement à notre mouvement politique, mais également aux organisations sociales, aux communautés paysannes, aux mouvements populaires, aux défenseurs des droits humains et à toutes les organisations qui sont en train de construire la démocratie à partir de la diversité ethnique, culturelle, politique et sexuelle du pays.
Nous avons le droit d'exister, de ne pas être d'accord, et d'exiger des conditions dans lesquelles nous puissions vivre avec dignité, ainsi que le droit de travailler à une sortie politique du conflit tout en recherchant, entre-temps, les conditions permettant de faire diminuer l'intensité du conflit au sein de la population non combattante, en commençant par les accords humanitaires.
Nous remettons en vos mains, Monsieur le Président, les préoccupations du FSP et notre requête concernant des garanties sur le droit à la vie et sur le libre exercice de l'opposition en Colombie.
Cordialement,
Carlos Gaviria Diaz
Président du Front Social et Politique.