Palestine Derrière la crise du gouvernement Olmert. Sylvia Piterman * Toute la presse concentre ses feux sur les suites du rapport Winograd, du nom de l’ancien président du tribunal de district de Tel Aviv, Eliahou Winograd. Il a rendu public son rapport, lundi 1er mai à 17 heures. Sa déclaration explicitait les principales conclusions de sa commission de contrôle, quand à la conduite par le gouvernement Olmert du parti Kadima (En avant) de la «deuxième guerre du Liban» (12 juillet août 2006). Une guerre qui a détruit une part importante des infrastructures au Liban, qui a rasé des villages entiers, des quartiers de villes. Le «bilan» en termes de morts, souvent mis en avant – cent cinquante-huit Israéliens (117 soldats et 41 civils) quelque 1.200 personnes tuées au Liban, dont environ 270 combattants du Hezbollah – est terrible. Mais il ne traduit pas les blessures infligées par l’armée israélienne à la population la plus déshéritée du Liban et aux réfugiés palestiniens au Liban, les plus indigents parmi les pauvres. Le quotidien israélien Haaretz, le 2 mai 2007 souligne «qu'il y a une vie après Olmert.» Ce dernier «voudrait nous faire croire que sa démission risque de plonger Israël dans une crise d'une gravité sans précédent (…) Il veut nous faire croire que même si le rapport l'accuse directement il est le seul finalement à pouvoir réparer ses erreurs (…)... De toute façon il n'y a personne pour le remplacer. (…) Convoquer des élections anticipées est trop risqué et qu'en plus les gens ont la mémoire courte, alors ils oublieront ce fameux rapport.» Haaretz continue ainsi: «Pas cette fois parce que les Israéliens se rendent bien compte qu'il est encore plus dangereux de laisser un irresponsable à la tête de notre état (…) Un irresponsable qui agit comme un dictateur, détruisant en sous mains toutes critiques, toute tentative de débat (…) alors même s'il n'est pas sûr que le successeur d'Olmert soit plus valable, saisissons au moins cette chance (…) car cette crise nous permettra peut-être d'opérer des changements institutionnels pour que jamais plus un premier ministre israélien puisse autant faire fi de ses responsabilités sur une question aussi grave que la guerre.» L’International Herald Tribune (IHT) du 2 mai 2007, en éditorial, pose la question inquiète, reflétant une position d’un large secteur des élites étatsuniennes pour qui Israël représente une carte importante dans la région: «Mais que se passe-t-il en Israël ?». Il constate que: «L'économie redémarre le terrorisme se fait plus rare et l'anxiété est en baisse et pourtant… pourtant rien ne va plus après la publication de ce fameux rapport !… Olmert serait incompétent, irresponsable et machiavélique par-dessus le marché (…)Mais c'est surtout qu'il a perdu la guerre explique le journal. Or c'était la première depuis 25 ans et elle a été faite non pas avec les anciens lions combattants (dont le corps inerte d'Ariel Sharon est le symbole actuel) mais avec de nouvelles recrues plus molles et abreuvées de discours pacifistes. Reste que cet échec est impardonnable pour la population même si les dommages sont finalement assez insignifiants.» Le quotidien de Grande-Bretagne, The Independent écrit: «Voilà un chef d'état qui se retrouve au pied du mur pour s'être lancé dans une guerre stupide.» A posteriori, beaucoup partage cette idée. Sur le moment, cette formulation n’était pas «très» utilisée dans les grands médias. Quant au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors une foire du livre organisée dans la banlieue sud de Beyrouth, il a déclaré «Israël est notre ennemi, un Etat agresseur, ses dirigeants sont des bouchers, mais il faut reconnaître qu'il est digne de respect car il reconnaît les faits en vue de réparer ses erreurs, contrairement à ce qui se passe chez nous». (AFP-Le Monde, 2 mai 2007). Nasrallah n’a pas hésité a utilisé ces arguments pour – dans une partie de billard anglais (snooker) – mettre en cause le clan Hariri et ses alliés. De bonne guerre, pourrait-on dire. Même si cela camoufle la politique confessionnelle appliquée par le Hezbollah à toutes les institutions au sud du Liban, avec ses conséquences néfastes. Les batailles de succession en Israël – la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a appelé mercredi Ehud Olmert à démissionner et revendique la direction du parti Kadima – font rage sur un fond de crise institutionnelle. Mais, les mobilisations s’effectuent dans une société où le nombre de pauvres ne cesse de grimper. Les inégalités sociales se combinent avec des transformations socioculturelles au sein de l’Etat sioniste. A sa manière, l’universitaire Ilan Greilsammer, dans un entretien sur France culture, soulignait que le rapport Winograd visait aussi – outre Olmert, Peretz et l’ancien chef d’état-major Dan Haloutz – des attitudes analogues à celles adoptées par Dan Haloutz: «La sûreté de soi, le dédain des autres que, je dirais, l’on retrouve dans le comportement des chauffeurs sur les routes, que l’on retrouve dans un certain capitalisme sauvage, dans ce manque d’égard à l’adresse du malheureux… Je pense que c’est ce qu’a voulu signifier le juge Winograd, en appelant à corriger l’ensemble des maux qui frappent la société israélienne d’aujourd’hui.». Parmi ces maux, il y a, inscrit au plus profond de la politique de l’Etat d’Israël celui de l’attitude, de la répression «normalisée» quotidienne face au Plaestiniens et aux Palestiniennes. C’est cette politique qui est décrite dans le texte produit par une équipe de femmes israéliennes de Machsom Watch. Machsom est le mot hébreu (et devenu palestinien) pour ce que nous appelons «checkpoints». Watch est le mot anglais pour surveillance. Machsom Watch est une association israélienne de surveillance du comportement des soldats sur les points de contrôle de l’armée israélienne. Ces points de contrôle ont été créés après les accords d’Oslo en Palestine occupée, dans le but de freiner les relations humaines, sociales, économiques, de fragmenter les Territoires occupés, et accessoirement de porter tort à la résistance palestinienne. Machsom Watch est une association exclusivement féminine, l’idée étant que les femmes seraient les mieux à même d’intervenir sur les checkpoints où sévissent des jeunes de l’âge de leurs enfants. Le traducteur de texte, Jean-Pierre Bouché, explique que Machsom Watch a pris une importance aussi discrète que considérable au cours des cinq dernières années. Le site Kibush donne quelques aperçus de leurs activités et de leurs témoignages. Le texte «Les prisonniers invisibles» n’aurait sans doute pas été écrit sans leur implication, qui fait d’elles des témoins compétents de l’arbitraire exercé aux checkpoints, ainsi que des personnes capables de décrypter la mise en place de cet arbitraire du côté de l’appareil militaire israélien (quelquefois qualifié de «civil» dans le texte). Machsom Watch ne se contente pas de décrire: il est acteur dans la lutte légale contre l’arbitraire de l’armée, aux côtés d’associations palestiniennes comme ACRI, [1] ou juives comme HaMoked ou les Médecins pour les Droits Humains… On peut objecter que toutes ces actions s’inscrivent à l’intérieur d’un système légalisé d’oppression violente et raciste. C’est absolument juste. Mais ceci ne signifie ni acceptation ni caution. Pour celles-ci, il ne fait aucun doute que la seule bataille possible est celle qui se mène aux côtés des Palestiniens d’Israël et des Territoires palestiniens occupés, pour inlassablement remettre en cause pacifiquement le statu quo. (réd. A l’encontre)
Introduction Beaucoup de Palestiniens [2] des Territoires occupés – 180'000 selon certains décomptes – sont définis comme «interdits par sécurité» ou «interdits par le Shabak» [Shabak – Service général de Sécurité ou GSS]. Les restrictions sur les mouvements de ces habitants sont plus graves que celles imposées sur tous les autres. Par exemple, les Palestiniens interdits par le Shabak sont retenus plus longtemps sur les checkpoints en Cisjordanie. Ils sont privés de carte magnétique (l’équivalent d’un «certificat de bonne conduite»), et en général ne peuvent ni obtenir de permis d’entrer en Israël ou dans les colonies pour le travail, le commerce ou les nécessités privées, ni obtenir un permis de voyage pour les véhicules dans les Territoires [occupés], ni passer les ponts du Jourdain pour aller à l’étranger [3]. Nous avons rencontré des gens interdits par le Shabak à chaque étape de nos observations: parmi les détenus au checkpoints au cœur de la Cisjordanie, dans les villages, et bien sûr sans les bureaux de l’Administration Civile (District Coordination Offices – les DCOs) [4]. Beaucoup de Palestiniens venant aux DCOs demander une carte magnétique ou un autre permis entendent qu’ils sont interdits par le Shabak et ne peuvent pas être satisfaits – après bien des heures d’attente dans des conditions honteuses pour accéder au guichet. Aucun ne reçoit d’avis sur quand ou pourquoi ils sont devenus «interdits». Le fait ne se révèle qu’à la demande d’une carte magnétique nouvelle ou renouvelée, d’un permis d’entrer en Israël, par exemple pour aller à un hôpital de Jérusalem Est pour un traitement médical. Comme ce statut cause bien des problèmes, les Palestiniens interdits par le Shabak tendent à venir souvent dans les DCOs dans l’espoir d‘un changement de leur situation. Les soldats de service n’expliquent pas que tout habitant peut faire appel au Conseiller Légal pour la Cisjordanie (Judée et Samarie) [5]. Un habitant reçoit assez rarement l’avis qu’il peut soumettre une “demande de pardon” à l’Administration Civile (AC). L’AC transmet ces demandes au Shabak. Il n’y a aucun contrôle légal ou administratif sur ce processus et ses résultats. Nous avons rencontré des hommes qui ont fait d’innombrables «demandes de pardon», sans aucun résultat. Pour faire appel de l’interdiction sécuritaire aux bureaux du Conseiller légal, le Palestinien doit engager les services d’un avocat – ce qu’il ne peut pas toujours se permettre. Cependant, la majorité de ces appels sont soumis par des avocats privés. En 2004, l’Association pour les Droits Civils en Israël (ACRI) a commencé à soumettre des appels individuels contre l’interdiction au nom des habitants qui l’ont contacté. Les Médecins pour les Droits de l’Homme, le Centre pour la Défense de la Personne et d’autres associations de droits de l’homme ont aussi soumis des appels individuels. En juin 2005, Machsom Watch a emboîté leurs pas et a commencé à assister des Palestiniens en écrivant des appels contre les interdictions de sécurité, sous les indications de l’ACRI. Au début, nous n’avons traité que de gens rencontrés lors de nos visites aux checkpoints et aux DCOs. Et puis des dossiers constitués au téléphone se sont ajoutés. Au 24 septembre 2006, nous avions reçu des réponses quasi complètes à 1612 lettres d’appel pour 1312 habitants (plusieurs appels pour certains). Grâce à ces appels, l’interdiction sécuritaire a été levée pour 290 personnes (22,1 %). Tous les autres restent interdits. Au 5 novembre 2006 – 17 mois après que nous ayons commencé à écrire des lettres, nous avions fait appel de l’interdiction sécuritaire pour 1454 personnes (1828 appels envoyés). Ce sont vraiment les données brutes. Une bonne part des 1612 appels n’a pas du tout été examinée, et a été rejetée pour les raisons suivantes: «Ne réunit pas les critères d’entrée en Israël» (9 %); temps insuffisant entre la soumission d’un appel par un avocat et notre propre approche – un an dans le cas d’une interdiction sécuritaire, 6 mois en cas de non-conformité aux critères (17 %); demandes pour la liberté du culte, ou simplement pour lever l’interdiction sans besoin spécifique ou autre élément (22 %). Ainsi, en pratique, le taux de suppression d’interdiction suivant nos appels a été encore plus grand: de tous les appels soumis depuis fin septembre, seuls 815 ont été examinés, dont 290 (36 %) ont été satisfaits et 525 (64 %) rejetés. Les Palestiniens interdits ne peuvent pas tous en appeler au Conseiller Légal de Judée et Samarie. En principe, le Conseiller Légal ne traite que des demandes de travailler en Israël, de cultiver des terres dans la «Zone de couture» (entre Israël et le Mur) [6], ou de recevoir un permis d’entrer pour des raisons commerciales (d’après des infos reçues venant de soldats dans le Bureau du Conseiller Légal, ceci représente 90 % des 15'000 demandes traitées chaque année). Pour soumettre un appel, il ne suffit pas d’annoncer son intention de travailler en ou de commercer avec Israël. Il faut une demande d’un employeur israélien, ou la preuve que l’homme est un commerçant. Donc quiconque souhaite en appeler de sa situation pour avoir un permis de travail en Israël ou dans les colonies doit trouver un employeur. Comment un habitant des territoires occupés peut-il y parvenir s’il est interdit d’entrer en Israël ou dans les colonies pour chercher du travail ? Malgré toutes les difficultés, il faut noter que de nombreux hommes trouvent des employeurs, apparemment non sans contributions financières substantielles, et même en sachant que dans 36 % des cas, seulement, ils réussiront leurs projets de travailler en Israël. Le Conseiller Légal traite aussi des cas de Palestiniens qui ont essayé de voyager à l’étranger et ont été repoussés aux frontières. Un homme qui sait qu’il est interdit par le Shabak doit d’abord atteindre la frontière, et ce n’est que quand il en a été renvoyé qu’il peut faire appel au Conseiller Légal. Bref, il doit assumer le coût du voyage avant qu’il soit certain de pouvoir vraiment voyager. Nous avons aussi pris contact avec le Conseiller Légal: sur les patients interdits de recevoir un traitement médical en Israël; sur les Palestiniens qui ne reçoivent pas de permis pour conduire leur véhicule dans la Cisjordanie; sur les Chrétiens privés de permis de visite de leurs lieux sacrés, sur ceux qui demandent simplement à être supprimés de la «liste noire». Nous avons reçu une réponse disant qu’il est impossible de faire appel pour les Chrétiens et pour ceux dont le seul désir est d’effacer leur nom. En d’autres termes, dans ces cas-là, même si vous êtes placé sur liste noire par erreur, vous y serez pour toujours et sans droit d’appel. De notre contact avec les gens dont nous traitons des difficultés, la claire impression qui se dégage est que l’Etat d’Israël utilise l’interdiction par le Shabak comme une arme puissante dans sa guerre contre le peuple palestinien tout entier, et pas seulement contre les «organisations terroristes» (formule employée surtout à propos des associations qui luttent pour un Etat palestinien). L’interdiction sécuritaire est un élément important pour maintenir la population palestinienne dans un niveau de vie qui n’est ni vie ni mort, sans espoir, sans horizon, sans éducation, sans infrastructure économique – persécuté, affamé, aliéné, humilié et finalement atrophié. L’ACRI, le Centre de Défense de l’Individu et des Médecins pour les Droits de l’Homme ont porté plainte à la Haute Cour de Justice le 5 octobre 2006 (HCJ 8155 / 06) contre le Commandant des Forces Armées pour la Cisjordanie, la direction de l’Administration Civile, celle du Shabak et le Conseiller Légal pour la Judée et Samarie. Leur demande était d’annuler la classification comme «Interdits par le Shabak» de milliers de Palestiniens des Territoires occupés, qui résulte d’un processus administratif fondamentalement faussé, tout en causant des violations sévères et arbitraires de leurs droits. Dans le corps de la plainte figurent de nombreux exemples, certains venant de l’expérience de Machsom Watch. En plus, Machsom Watch a soumis un affidavit en soutien à la plainte, basé sur la réalité décrite dans ce rapport. Nous décrivons ci-dessous, brièvement, le système de permis qu’Israël a développé, et nous présentons des cas caractéristiques du phénomène d’interdiction sécuritaire. Nous débutons par une description de l’interdiction par le Shabak la plus fréquente, celle des travailleurs du bâtiment, et nous continuerons par une présentation des autres groupes que nous rencontrons dans notre travail: les gens qui refusent de collaborer avec le Shabak, les commerçants, les gens qui «ne remplissent pas les critères» pour entrer en Israël, les paysans qui souhaitent avoir des permis pour travailler sur leurs terres situées dans la «zone de couture» (zone entre le Mur et la ligne verte, [6]), les Cisjordaniens mariés à des Israéliens ou à des Jérusalémites de l’Est, les familles en deuil, les Chrétiens et les malades. La carte magnétique et le système de permis Le système des permis a commencé dans les années 90. Dans les dernières années, son intensité a atteint des sommets qui défient l’imagination. Dans une large mesure, la vie des Palestiniens tourne autour des démarches pour obtenir des permis. Et dans de nombreux cas, avoir un permis dépend de la possession d’une carte magnétique – une sorte de «certificat de bonne conduite», la preuve que l’habitant n’est pas sur la liste noire du Shabak ou de la police. La carte magnétique n’est pas nécessaire pour se déplacer au sein des zones palestiniennes de Cisjordanie ni de passer les checkpoints à pied ou par des transports publics. Mais le consensus actuel est que le possesseur d’une carte a plus de liberté de mouvement, même si ce n’est pas une garantie absolue de libre passage aux checkpoints. La carte n’est pas un permis d’entrer en Israël, mais sans elle il est impossible d’avoir un permis de travail ou commercial. Il y a de nombreux types de permis: 1°Permis d’entrer en Israël, pour le travail ou le commerce: Tous les travailleurs Palestiniens en Israël, des territoires [occupés] ont besoin d’un permis de travail. Un employeur israélien intéressé à embaucher un Palestinien doit aller à la Bourse du Travail demander un travailleur Israélien. Si aucun Israélien n’est disponible, il aura un permis de la Bourse du Travail pour employer un Palestinien, et alors, il lui faut un permis de travail pour le Palestinien. Pour cela, le travailleur doit avoir une carte magnétique. Il faut un permis aux marchands pour aller en Israël à des fins commerciales, et là aussi la carte magnétique est indispensable. Les permis de travail sont valables pour les jours ouvrés de 5 à 19 h, les personnels hospitaliers et les guides touristiques ont besoin de permis spéciaux pour rester en Israël 24 h / 24; les permis commerciaux vont de 5 à 22 heures. Les permis sont délivrés pour trois mois, et chaque fois qu’une fermeture (des frontières) est décidée, le permis expire et doit être remplacé par de nouveaux. 2° Permis de la «Zone de couture»: Les Palestiniens de Cisjordanie ayant des terres dans la «zone de couture» ont aussi besoin de permis pour travailler leurs champs et leurs vergers. 3° Permis de déplacement dans les Territoires occupés: Les camionneurs, routiers, ambulanciers, chauffeurs de bus ou de taxis, ont besoin de permis pour se déplacer dans la Cisjordanie et passer les checkpoints internes. Ces permis sont pour un conducteur et un véhicule particuliers. Il n’est pas nécessaire d’avoir une carte magnétique pour des permis agricoles dans la «zone de couture» ou pour les déplacements des chauffeurs professionnels, mais les interdictions sécuritaires font un obstacle réel à l’acquisition de ces permis. 4° Permis pour raisons personnelles – pour des examens médicaux, des visites familiales, la participation à des séminaires ou à des études, l’entrée dans des lieux sacrés chrétiens, etc. Ils sont attribués pour quelques jours et non-conditionnés à la possession d’une carte magnétique. Pour voyager dans un véhicule privé en Cisjordanie, les habitants ont aussi besoin d’un permis spécial – pour de conducteur et le véhicule. Un permis de séjour un séjour en Israël est donné aux résidents en cours de réunification familiale. Pour résumer, un Palestinien interdit par le Shabak ne peut pas avoir de carte magnétique, par conséquent il ne peut acquérir de permis de travail ou de commerce, ni séjourner en Israël pour réunification familiale. Il lui sera aussi très difficile d’avoir des permis qui n’exigent pas de carte magnétique, et il n’aura probablement pas le droit de voyager à l’étranger. Un Palestinien ayant une carte magnétique et un permis d’un type ou un autre n’est jamais certain que la situation ne changera pas «d’un signe de main». Le Shabak peut supprimer la validité des cartes et des permis sans donner d’explication ni de raison. L’image type d’un Palestinien interdit par le Shabak La nette majorité des personnes “dangereuses” interdites par le Shabak sont des pauvres avec une grande famille et de nombreux enfants. Ils ne s’enfuient pas, ni ne se cachent. Ils viennent ouvertement aux bureaux de l’administration Civile pour demander une carte magnétique: s’ils étaient dangereux, ils pourraient être arrêtés là, à la grille. Après tout, ils sont parqués entre les tourniquets et rien ne serait plus facile… La plupart ont eu des permis et des cartes magnétiques dans les années 90, jusqu’au début de la 2e Intidada fin 2000, mais depuis il n’y a plus d’accord pour renouveler les cartes. Nombreux sont ceux qui n’ont jamais été en prison et ne savent pas pourquoi ils sont interdits. «Qu’est-ce que j’ai fait,» nous demandent-t-ils. «Qu’ils disent ce que j’ai fait… si je suis dangereux, pourquoi ne m’emmènent t-ils pas en prison ?» «Je veux rencontrer le Shabak et leur montrer que je n’ai rien fait. Je suis venu souvent et j’ai demandé à les rencontrer, et chaque fois ils disent: “Vas t’en ! Tu ne nous intéresses pas !” Ils ne veulent même pas enquêter sur moi». Pour quelques personnes qui se sont adressées à nous, les permis et les cartes magnétiques ont été renouvelés même après 2000. Mais souvent, ils ont cessé d’un seul coup de donner des permis. Et après un certain temps, ils cessaient de renouveler les cartes magnétiques des Palestiniens interdits par le Shabak. Jamais d’explication. Tout vient par surprise. Il y avait des hommes qui, alors jeunes, ont été détenus au cours de la 1re Intifada pour avoir jeté des pierres. Depuis ils étaient devenus adultes, avaient fondé des familles, et reçu des cartes et des permis dans les années 90, mais maintenant sont interdits par le Shabak. «C’est parce que j’ai été en prison», nous disent-t-ils, ajoutant «mais j’étais un enfant à l’époque». «Bien des années ont passé et maintenant j’ai une famille. J’ai des enfants. Je ne fais plus de bêtises». Le refus de cartes magnétiques et de permis à ces hommes les condamne ainsi que leurs familles à une souffrance économique extrême. Ce ne sont pas des cas dramatiques de vie et de mort, mais de gens au chômage, devant prendre soin de grandes familles, qui ne rapportent pas de pain à la maison. Dans leur désespoir, ils entrent en Israël sans permis – pas pour faire sauter quoi que ce soit, mais pour travailler. Et là ils sont doublement frappés. Les employeurs israéliens les exploitent, et quand ils tentent de rentrer chez eux, ils sont fréquemment arrêtés comme «illégaux». Ci-dessous voici quelques exemples parmi les centaines qui ont fait appel de leur situation avec notre aide: I., 47 ans, de Hébron, marié avec 7 enfants, ouvrier du bâtiment employé en Israël pendant plus de 10 ans. Il a eu une carte magnétique jusqu’en août 2003. Il écrit: «Je suis allé au DCO plusieurs fois, mais ils n’ont pas voulu accepter ma demande de carte magnétique, ils disent que je suis interdit par le Shabak. Je ne sais pas pourquoi. Je n’ai rien fait qui justifie ça. Je n’ai jamais été lié à aucun problème de sécurité». Il a demandé que l’interdiction sécuritaire soit levée pour qu’il puisse gagner sa vie et nourrir sa grande famille. La réponse: «La demande de droit d’entrée en Israël faite par le sujet a été examinée par les autorités sécuritaires et, en considération de données complètes, dont des renseignements confidentiels, il n’est pas possible pour raisons sécuritaires d’autoriser son entrée en Israël». M., 56 ans, d’Ubeidiya dans le district de Bethléem, marié et père de dix enfants; ouvrier dans le bâtiment employé en Israël pendant plus de 10 ans. Il a eu une carte magnétique jusqu’en 2000. Il écrit: «Je n’ai jamais rien fait qui justifie une interdiction de sécurité, et le seul problème a été lié à mon voyage en Arabie Saoudite (La Mecque) pour prier. Quand je suis rentré par le pont Allenby, il y a eu du cafouillage dans les listes et ils ont cru que je n’étais pas sorti par le même chemin. J’ai été emprisonné huit jours à Maale Ephraïm, ensuite il a été clair qu’il y avait eu une erreur et j’ai été relâché». Il a demandé que l’interdiction sécuritaire soit levée pour qu’il puisse gagner sa vie pour sa grande famille. La réponse: «La demande de droit d’entrée en Israël faite par le sujet a été examinée par les autorités sécuritaires et, en considération de données complètes, dont des renseignements confidentiels, il n’est pas possible pour raisons sécuritaires d’autoriser son entrée en Israël». Y., 40 ans, d’Ubeidiya dans le district de Bethléem, marié et père de neuf enfants, couvreur et travailleur du bâtiment, employé de nombreuses années en Israël. Il écrit: «Jusqu’en 2000 (16 janvier) j’ai eu une carte magnétique et des permis d’entrer et de travailler à Maale Adumim et à Jérusalem. Depuis cette date, ma carte et les permis n’ont pas été renouvelés et je suis au chômage. Je ne sais même pas comment j’arrive à nourrir mes enfants». En 1987, à 17 ans, il a été détenu pendant une semaine puis libéré sans condition. Il n’a jamais eu aucun problème de sécurité. Il a demandé que l’interdiction sécuritaire soit levée pour qu’il puisse gagner sa vie pour sa grande famille. La réponse: «La demande de droit d’entrée en Israël faite par le sujet a été examinée par les autorités sécuritaires et, en considération de données complètes, dont des renseignements confidentiels, il n’est pas possible pour raisons sécuritaires d’autoriser son entrée en Israël». I., 44 ans, de Yatta dans le district d’Hébron, père de sept enfants âgés de 2 à 18 ans. Ouvrier du bâtiment employé en Israël depuis 1980. Il a eu des permis de travail jusqu’au début de 2004 dont on lui refuse le renouvellement depuis. Il écrit: «Au début 2004, je suis entré en Israël pendant un bouclage, et ils ont fait un dossier sur moi à la station de police de Beit Shamesh. Je suis allé voir un avocat qui a refermé le dossier. Après ça ils ont refusé de me donner des permis, disant que je suis interdit par le Shabak, et un avocat a envoyé une lettre pour moi pour qu’ils retirent l’interdiction sécuritaire. Ils lui ont dit qu’ils avaient un dossier secret sur moi. Je ne sais pas ce que j’ai pu faire pour qu’ils ouvrent un tel dossier, je suis prêt à être interrogé par le Shabak pour prouver mon innocence». I. a aussi reçu la réponse standard. En pratique, cette réponse a été donnée à tous les cas examinés où l’interdiction n’a pas été levée – soit 411 cas. Dans deux ou trois cas, ils voulurent bien donner plus d’informations: l’interdiction est pour «activité de sabotage hostile» ou pour «appartenance à une organisation terroriste». Dans les conversations avec nous quand nous écrivions les lettres d’appel pour eux, et plus encore quand nous reçûmes les réponses ci-dessus, ils demandaient: «Pourquoi ne me donnent-ils pas une carte magnétique ? Je n’ai rien fait de mal.». Il apparaît que, pour l’essentiel, il n’y a pas de raison réelle à l’interdiction sécuritaire – ni jet de pierres dans le passé, ni autre chose à présent. Elle n’a pas été créée pour autre chose que pour servir la politique d’oppression et de punition collective de la population des Territoires [occupés]. Le grand nombre de personnes interdites et le fait que pour les personnes vérifiées l’interdiction est supprimée pour un tiers d’entre eux sont des indications dans ce sens. L’interdiction par le Shabak sert la politique de quotas pour l’entrée en Israël, qui est dictée d’en haut. Au lieu que l’Administration Civile annonce que le quota est rempli, des dizaines de milliers d’hommes sont marquées interdits par sécurité, ou selon les mots du Major Liron Alush: «De toute façon ils n’auraient pas de permis. Par conséquent s’il y a l’ombre du moindre doute, ils sont interdits». Alush est juriste et chef du Registre de la Population au Bureau du Conseiller Légal de Judée et Samarie – une unité légale au service de la technique. Le recrutement de collaborateurs De nombreux hommes nous ont dit que le Shabak avait tenté de les recruter pour travailler avec cet organisme, ou, selon leurs mots: Le «captain» (comme la population nomme les agents du Shabak – un diminutif qui date de l’époque des agents Britanniques tout-puissants de l’époque mandataire – 1922-1948) les convoque pour une entrevue. Après un court interrogatoire, il demande à l’interviewé de travailler pour lui. Au début, le Palestinien ne comprend pas complètement ce qu’on attend de lui, mais ça devient clair, et il dit qu’il a des enfants et tout ce qu’il veut c’est de gagner sa vie, même pauvre, pour eux. Puis vient la réponse que nous avons entendue de beaucoup d’entre eux: «Si tu m’aides, je t’aiderai. Si tu ne m’aides pas, tu n’auras jamais ni carte magnétique, ni permis.» Quelques exemples: I., 36 ans, marié et père de quatre enfants, manœuvre sans passé criminel ou sécuritaire. Il n’a jamais reçu de carte magnétique. Il y a quinze ans, il fut approché par un «captain» du Shabak pour coopérer. Il n’avait que 20 ans et il signa un papier sans même savoir ce qui était dessus. Mais immédiatement après cette interview, il eut des remords et refusa de travailler avec le Shabak. Le résultat est qu’il n’a jamais pu avoir de carte magnétique. Même maintenant, 15 ans après, elle reste refusée. Il a eu la réponse standard: il y a un dossier secret sur lui. I., 41 ans, vit à Jérusalem avec sa femme née à Jérusalem et quatre enfants. Il est dans une procédure de réunification familiale. Il a travaillé de nombreuses années comme mécanicien dans une usine textile de Beit Jalah. Ensuite il a été employé dans la construction. Jusqu’en 1996 il a eu des permis d’entrer en Israël. Maintenant il ne peut plus travailler parce qu’ils ne lui donnent plus de permis d’entrer. S’il part de chez lui, il ne peut plus revenir. I. nous a dit qu’il avait rencontré un capitaine du Shabak au DCO d’Etzion. Trois personnes étaient présentes. A la fin de la rencontre, après différentes questions, le capitaine lui dit: «Je suis prêt à t’aider si tu m’aides». Au début il ne comprenait pas ce qu’on lui demandait, mais après clarification il saisit que pour avoir une carte magnétique il devait collaborer avec le Shabak. I. refusa la proposition du capitaine, et à la fin de la rencontre il fut enregistré sur un document en hébreu, sans possibilité de le lire, et on lui dit que le papier confirmait une interdiction à vie d’entrer en Israël. Il n’osa pas refuser de signer parce qu’il était seul avec trois hommes, ne sachant pas son droit de refuser de collaborer et son droit de ne pas signer un papier dont il ne pouvait pas comprendre la signification. La réponse à son appel au Conseiller Légal de Judée et Samarie a été la réponse standard donnée plus haut. Les candidats à la collaboration nous disent que la coopération est impensable, parce qu’elle implique d’informer sur ses voisins, ses amis et même sa famille. Et s’ils sont découverts, ils perdront leur famille et devront fuir pour leur vie. S’ils refusent de collaborer, ils sont condamnés à la privation de travail et à la misère pour leurs familles. Donc le Shabak met ces malheureuses personnes entre le marteau et l’enclume. Ils se retrouvent avec un dilemme terrible qui les force à choisir entre deux options, chacune pire que l’autre. Et c’est source d’angoisse mentale et économique, alors qu’ils ne veulent que vivre tranquillement et gagner leur vie dans la dignité et le respect. Il faut souligner que conditionner la carte magnétique à une collaboration est illégal. Mais qui supervise la légalité des actions du Shabak ? Souvent, les pressentis à la collaboration ne veulent pas noter cela dans leur appel contre l’interdiction sécuritaire, de peur d’une riposte supplémentaire du Shabak. A., 35 ans, marié et père de 12 enfants, travaillait jusqu’il y a peu dans les colonies du bloc Etzion. Il avait une carte magnétique et un permis pour son lieu de travail. Soudain ils ont refusé de renouveler le permis. Il nous a dit: «Il y a quelques mois, quelqu’un du Shabak m’a demandé de travailler pour eux. Après que j’ai refusé, il a dit qu’il me causerait des ennuis. Quand ils ont refusé de renouveler mon permis, je l’ai cherché pour expliquer pourquoi je ne peux pas travailler pour lui. Mais il ne voulait pas me voir. J’y suis allé plusieurs fois, j’ai attendu de longues heures, mais il ne voulait pas de rencontre. Peut-être il cause des ennuis comme il l’a promis». A. a aussi reçu une réponse négative au format standard. De telles offres de cartes magnétiques et de permis de travail en échange d’une collaboration avec le Shabak sont très répandues. La politique d’interdiction du Shabak sert par conséquent à transformer une population entière en collaborateurs: elle crée un immense réservoir de collaborateurs potentiels malgré le fait qu’en soi, mettre de telles conditions est une violation de la loi. Les commerçants Des commerçants et beaucoup d’hommes d’affaire ont reçu notre aide par des demandes de cessation de leur interdiction sécuritaire. Les commerçants établis à un point fixe ont besoin de liberté de mouvement pour acheter les marchandises à vendre. Il leur faut ordinairement un permis pour se déplacer dans la Cisjordanie avec leurs propres véhicules. Il leur faut aussi des permis pour Israël pour acquérir des marchandises, et quelquefois pour vendre en Israël. Beaucoup de commerçants ont eu des cartes magnétiques jusqu’en 2002 ou 2003. Depuis, sans raison ni explication, leurs demandes de permis ont été refusées. Refuser un permis, pour un commerçant, met en jeu de lourdes pertes financières, voire la fermeture car, sans “exportation” de marchandises vers Israël ni “importation” d’Israël, l’affaire ne peut pas survivre. Mais même si un commerçant ou un homme d’affaires n’a pas de liens avec Israël, les chances de survie de son affaire sont faibles sans «permis de mouvement intérieur», qui permet à son véhicule de passer librement les checkpoints de Cisjordanie, pour aller librement [sic] dans les différents gouvernorats et villes palestiniennes. Une question se pose sur le but de cette politique qui refuse les permis aux commerçants: le but est-il la destruction de l’économie palestinienne, ou est-il de forcer les hommes d’affaire à collaborer ? N, 53 ans, de Beit Sahour, marié et père de 3 enfants, détenteur d’une affaire n’opérant que dans les villes de Cisjordanie. Il écrit: «Quand je demande une carte magnétique, ils me disent que je n’en ai pas besoin. Mais sans carte, j’ai du mal à passer les checkpoints dans les Territoires occupés. Par exemple, un matin vers 8 heures, j’ai voyagé en taxi vers Ramallah pour soumettre un devis pro forma. Au Checkpoint de Wadi Nar [le Container], le taxi a été stoppé, les gens vidés, et j’ai été renvoyé à Bethléem au bout d’une heure 30. Si bien que j’ai perdu l’affaire (un contrat d’un an). Les gens avec des cartes magnétiques sont passés. J’ai aussi besoin d’une carte magnétique pour me déplacer en Cisjordanie avec ma voiture». Il ne sait pas pourquoi on lui a refusé une carte. Il n’a rien fait qui le justifie, il n’a pas de passé criminel ou sécuritaire. Au vu de cela, il a demandé la suppression de l’interdiction sécuritaire et l’obtention d’une carte et de permis. L’interdiction a été levée, et il a reçu carte et permis. Mais alors, pourquoi ceci lui fut-il refusé auparavant ? Pourquoi a-t-il dû perdre ce contrat d’un an à Ramallah ? Nous relevons que beaucoup de commerçants reçoivent la réponse standard: «La demande de droit d’entrée en Israël faite par le sujet a été examinée par les autorités sécuritaires et, en considération de données complètes, dont des renseignements confidentiels, il n’est pas possible pour raisons sécuritaires d’autoriser son entrée en Israël». Un homme d’affaires venu nous voir après que sa carte magnétique et ses permis aient été annulés nous a dit l’histoire suivante: M., 38 ans, marié avec 5 enfants. Il travaille dans le bois, particulièrement les pergolas et toitures. Il a toujours travaillé avec des Israéliens. Il a une carte magnétique valable et un permis comme marchand. Il a rapporté qu’un matin, alors qu’il passait le checkpoint de Bethléem, on lui remit une convocation pour une rencontre avec le Shabak dans le Bloc Etzion dans l’après-midi. Il alla au rendez-vous et le «captain» qui le vit et l’interrogea lui dit qu’il n’a pas de problème, et que s’il rencontre un problème au passage d’un checkpoint, que M. lui téléphone. L’agent donna à M. son numéro et lui dit qu’il voulait le rencontrer à nouveau à Jérusalem. M. ne répondit pas. Le lendemain, il n’eut pas le droit de passer le checkpoint de Bethléem. M. appela l’agent et dans la demi-heure suivante, la voie était libre. Quelques semaines plus tard, M. retourna au checkpoint, et fut interdit. Cette fois-là, il n’appela pas, mais fit simplement demi-tour. Quelques jours plus tard, il eut un coup de fil du ‘captain’qui demanda comment il allait et demanda à le rencontrer à Jérusalem. Il lui dit qu’un chauffeur serait envoyé, et qu’on le conduirait à un appartement secret en ville, personne n’en saurait rien. M. dit qu’il ne voulait pas le rencontrer à Jérusalem. Il acceptait de venir pour quelque interrogatoire que ce soit au DCO d’Etzion. L’agent le pressura, sans succès. M. refusa, et est interdit depuis. Parce qu’il a refusé de collaborer avec le Shabak, il ne pouvait plus travailler en Israël, et son affaire s’effondrait. Mais qui s’en soucie ? Son cas a été transféré à l’Association pour les Droits Civils (ACRI). Les «potentiels» – des hommes qui ne remplissent pas le critère d’entrée. Le Shabak définit certains groupes de population comme dangereux pour Israël, et leur refuse des permis sans restriction. Les hommes de moins de 30 ans, et les hommes sans enfants de plus de 30 ans, forment un de ces groupes. En général, ces hommes n’ont pas de droit de travailler en Israël. Ils ne peuvent travailler que dans les colonies, ce qui veut dire que ces dernières profitent d’une main-d’œuvre bon marché qui n’a pas d’autre choix. En réponse aux appels par des jeunes voulant travailler en Israël, contre l’interdiction du Shabak, le bureau du ‘Conseiller Légal de Judée et Samarie a produit une réponse standard, longue et compliquée, dont la base était: «Ne remplit pas les critères pour l’entrée en Israël». Les demandes n’étaient pas du tout vérifiées. Le seul moyen d’en obtenir un examen est d’avoir un candidat employeur dans les colonies. Ne pas vouloir, ou ne peut pouvoir avoir un employeur d’une colonie, prive du droit d’appel de son interdiction sécuritaire. Un ce ceux qui ne remplit pas les critères est: M. 36 ans. Marié sans enfant. Il soutient des parents âgés et malades et des frères, certains petits et d’âge scolaire, un des frères est handicapé (paralysé après un accident de voiture). Il a travaillé dans une yeshiva [7] depuis son enfance. La yeshiva est très contente de son travail, et veut qu’il continue. Il a même eu une recommandation du directeur de la Yeshiva. Il n’y a pas de dossier criminel ou sécuritaire contre lui et il n’est pas un danger sécuritaire. Après tout, il a travaillé pendant des années en Israël. Mais il «ne remplit pas les critères pour l’entrée en Israël», aussi est-il forcé d’y entrer clandestinement, au risque d’être pris, sinon sa famille est affamée. Le cas de P. est un exemple de tentative de recruter des collaborateurs parmi les jeunes qui ne remplissent pas les critères… Il a 29 ans, est marié avec deux enfants, a un employeur qui veut le prendre à Jérusalem, et le Shabak est prêt à approuver une carte magnétique et les permis nécessaires s’il collabore. Il nous dit que parfois, quand il est retenu à un checkpoint interne (le Container, par exemple), son «captain» l’appelle pour faire pression sur lui. On lui a aussi répondu qu’il ne remplissait pas les critères pour l’entrée en Israël. Notre conclusion est que le Shabak préfère laisser une population relativement grande de jeunes sans carte magnétique ni permis, pour recruter des collaborateurs plus facilement. De plus, si la prime de la collaboration est une carte magnétique et un permis d’entrer pour les jeunes, malgré leurs âges, ces «avantages» doivent être donnés à d’autres, sinon tous ceux en ayant une seront identifiés comme des collaborateurs. Il en résulte un système chaotique: il n’y a pas de règles, c’est l’incertitude et la confusion, et ceci fait partie de la méthode. Un autre résultat, c’est bien sûr le désespoir économique de tous ceux qui ne reçoivent pas de carte magnétique ni de permis. Une partie de ces jeunes gens est des hommes avec des familles, avec beaucoup d’enfants malgré leur jeunesse, et la privation économique est sévère parmi eux. Comme c’est ainsi, mais que le pain doit arriver sur la table familiale, ils courent des risques, passent les collines, outrepassent les checkpoints et les murs, et continuent d’arriver à leur travail, jusqu’à ce qu’ils soient attrapés comme «illégaux». La progression professionnelle A., 39 ans, du camp de réfugiés de Qalandya, marié et père de 5 enfants. Alors qu’il travaille à plein-temps et soutient sa famille, il a étudié la gestion à l’Université Al-Quods, et a récemment fini son cycle de Mastère. Quand il nous a contactés, il écrivait son mémoire de mastère. Vus son diplôme de gestion d’entreprise et la totale satisfaction de son employeur, A. a reçu une promotion, mais pour en bénéficier il doit aller à Jérusalem. Il a eu une carte magnétique jusqu’en 2000, mais quand il demanda un permis d’entrée pour Israël pour prendre son nouveau poste, il fut refusé. A. N’a pas de dossier judiciaire ou sécuritaire. Il ne sait pas de quoi on l’accuse. C’est un travailleur qui soutient sa famille. Il n’a rien fait qui puisse être interprété comme une menace à la sécurité d’Israël, ni avant, ni maintenant. Clairement, sans le permis il perdra cet avancement pour lequel il a travaillé dur. Il a fait appel de l’interdiction sécuritaire, et a reçu la réponse standard. A. n’est qu’un père de famille avec des ambitions et des talents, qui souhaite faire des efforts pour progresser. Le refus de lui permettre de tirer bénéfice du diplôme nous paraît insensé. Après tout, il a travaillé des années dans un emploi régulier. Il n’est pas concevable qu’il soit «dangereux». Il le serait même moins si un progrès lui était permis. Nous nous sommes donc tournés vers le député de la Knesset Yossi Sarid, qui s’est adressé à Ruth Bar, conseillère du Ministère de la Défense. Sa réponse ne fut pas favorable, mais dans sa lettre elle écrivait que A. pouvait en appeler au DCO dans la zone où il vit, et que les organismes sécuritaires étaient prêts à réexaminer son innocence. Cet appel fut sans succès, mais quelques jours plus tard A. fut convoqué à une rencontre avec le Shabak. La joie fut grande parce que, pensions-nous, il pourrait prouver son innocence. A la fin de l’entrevue, l’agent dit: «Il n’y a rien contre vous, et si j’avais quelque chose contre vous je vous arrêterais très facilement, mais mes supérieurs m’ont dit de ne pas effacer votre nom dans un futur proche». Dans une lettre envoyée par Machsom Watch au Conseiller Légal de Judée et Samarie était écrit: «En tant que Conseiller Légal pour la Cisjordanie, ayant autorité de “Conseiller Légal du Gouvernement” vis-à-vis de la population civile vivant sous occupation, n’y a-t-il aucune limite que vous puissiez mettre aux décisions arbitraires du Shabak en direction de gens innocents ? Comment est-il possible qu’une population entière soit traitée de délinquante quand elle n’a rien fait ? Comment est-il possible que les gens ne puissent pas mener leur vie et qu’il n’y ait personne pour les défendre ? Je demande que ce cas soit examiné…. et que soit stoppé le dommage fait aux droits minimaux d’un homme qui veut gagner sa vie et progresser.» La réponse fut: «Exceptionnellement, la demande de suppression d’interdiction a été examinée une seconde fois, et il a été trouvé que des données secrètes ne permettent pas de donner suite». Ainsi claquèrent-ils la porte aux chances de A. de progresser professionnellement. Permis de cultiver dans la «Zone de Couture» La barrière de séparation a été érigée, officiellement, pour assurer la sécurité des Israéliens. Au lieu d’être construite sur la ligne verte, permettant ainsi aux propriétaires d’user de leur droit de propriété, il a été décidé de construire la barrière entre les terres et les maisons des villages, ce qui attaque sévèrement les droits élémentaires des habitants. L’Etat et les autorités de l’armée entreprirent de ne pas restreindre le mouvement des gens, et donc les checkpoints ouvriraient pour permettre une libre circulation des gens. Mais contrairement aux déclarations de l’Etat, le travail aux points de transit et le régime de permis fait de graves torts aux habitants. L’armée ouvre les portes et checkpoints deux fois par jour brièvement – un peu plus pendant la période de récolte des olives. Ces dispositions ne répondent nullement aux besoins des habitants. L’armée donne des permis quand elle veut, et refuse les permis quand elle veut, offense les demandeurs en les envoyant à gauche et à droite, et en général, s’en prend à leurs droits fondamentaux de propriété. L’ACRI a porté plainte contre le système de permis et les routines opératoires de passage vers la Zone de Couture (HCJ 639 / 04). La plainte est toujours en attente. Il y a des façons diverses d’interdire le passage vers la «zone de couture»: 1. Interdiction des propriétaires quand l’armée ne reconnaît par leur droit de propriété, ou qu’il est nié ou suspendu après de nombreuses années de travail. Ces gens-là, quand ils viennent renouveler leur permis, sont informés que leur bien n’est pas à eux, et que leur titre de propriété n’est pas valable. 2. Quiconque a loué une terre et l’a cultivée pendant longtemps comme métayer se retrouve sans permis; lorsque le propriétaire vit loin, la terre, après des années sans culture, est confisquée par l’Etat. 3. Les personnes interdites pour raison sécuritaire, parmi elles, celles qui ont refusé de coopérer avec le Shabak. Machsom Watch a envoyé quatre lettres à la direction de l’Administration Civile et au Conseiller Légal de Judée et Samarie, listant 335 habitants, certains interdits par le Shabak, avec une demande pour leur donner des permis d’entrer dans la Zone de Couture. La récolte des olives est pour bientôt, et la lutte pour obtenir des permis continue. Réunification familiale Beaucoup des interdits par le Shabak sont des Palestiniens maris ou femmes d’habitants de Jérusalem Est ou de citoyens israéliens. Ils sont allés vivre en Cisjordanie, loin de leurs familles, depuis qu’ils ont reçu une lettre du Ministère de l’Intérieur leur interdisant de vivre en Israël. Ils sont partis pour échapper au risque de poursuites et d’arrestation. Le reste de la famille est en Israël, espérant des temps meilleurs. Ces conjoints sont presque automatiquement interdits par le Shabak et ne peuvent recevoir de permis d’entrée en Israël, même pour un ou deux jours pour visiter leur famille. Autres «Potentiels» – Familles en deuil Les habitants dont des membres de la famille ont été tués par les forces dé sécurité – délibérément ou par erreur – sont automatiquement interdits. Ils sont considérés comme des «vengeurs potentiels», et quasiment tous sont interdits par le Shabak. Les membres de la famille des décédés sont punis deux fois: ils doivent vivre avec le chagrin de la mort des êtres chers, et il leur est interdit de gagner correctement leur vie et ils ont du mal à avoir des permis pour raisons humanitaires. Certaines de ces familles appartiennent au Forum des Familles en Deuil [8] qui promeut la paix et la coexistence. Mais ceci ne compte pas pour le Shabak, et l’interdiction de ces gens-là est indiscriminée. Les Chrétiens Les Chrétiens sont un groupe considéré comme amical pour Israël. En plus, ils sont une minorité au sein d’une minorité – un groupe entre le marteau et l’enclume. A notre surprise, beaucoup de chrétiens sont interdits par le Shabak. Certains ont besoin de cartes magnétiques pour entrer en Israël pour le travail et le commerce. D’autres veulent aller aux lieux saints pendant les fêtes, et en sont interdits d’une année sur l’autre. Des familles entières prient au Saint Sépulcre et à d’autres sites de Jérusalem, tandis qu’un membre de la famille reste chez lui, privé de son droit de culte et de le célébrer en famille. Le 2 avril 2006, Machsom Watch a pris contact avec le Conseiller Légal de Judée et Samarie avec une demande de délivrance de permis pour 62 Chrétiens interdits par le Shabak, pour permettre leur participation aux fêtes de Pâques au St Sépulcre de Jérusalem. Aucun d’entre eux n’avait jamais entendu de quoi ils étaient suspectés, et une grande proportion d’entre eux (ceux n’ayant pas besoin de permis de travail ou commerciaux) n’avait pas eu la possibilité d’appeler contre leur interdiction sécuritaire, car le Conseiller Légal ne vérifie que les appels des gens que des employeurs Israéliens envisagent d’embaucher. Dans une réponse datée du 17 avril 2006, il nous fut dit que les demandeurs devaient soumettre des demandes individuelles au DCO. Une consigne similaire fut proférée par l’Officier de Relations Publiques du Coordinateur des Activités dans les Territoires occupés. Mais contrairement aux consignes reçues, le DCO refusa de traiter des demandes individuelles. Si bien que, les permis individuels n’étant pas délivrés, nous fîmes une autre approche au Coordinateur des Activités dans les Territoires occupés le 18 avril 2006. Cette initiative, et d’autres auprès de divers bureaucrates, ne conduisirent pas à l’examen des cas des demandeurs, ni aux permissions demandées. Dans une réponse additive du Conseiller Légal datée du 31 mai 2006, il était écrit que: «Notre bureau ne traite pas des suppressions d’interdiction d’entrée en Israël pour raisons religieuses. Donc pour avoir traitement de cette demande, vous devez adresser le demandeur au plus proche DCO de son lieu de résidence, afin de soumettre une demande le concernant. Ceci met fin à notre traitement des questions ci-dessus». Les demandes des habitants transférées via l’agence des institutions religieuses sont rejetées sur la base qu’ils sont «interdits par sécurité»; le DCO refuse de recevoir leurs demandes, le Conseiller Légal de Judée et Samarie, responsable pour l’examen de la légalité des activités des autorités militaires en Cisjordanie, refuse d’examiner et de vérifier leurs cas, tout en revoyant sans cesse à un organisme qui a son tour refuse de traiter leurs dossiers. Le résultat est une négation arbitraire et sans limite du droit de culte et d’accès aux lieux saints, un droit fondamental de la population. Le 7 novembre 2006, Machsom Watch a envoyé une lettre à la Direction de l’Administration Civile et au Conseiller Légal de Judée et Samarie, demandant la délivrance de permis à 110 Chrétiens interdits par le Shabak, pour leur donner droit à participer aux célébrations de Noël dans les lieux saints de Jérusalem, avec l’espoir d’obtenir de meilleurs résultats qu’à Pâques. Les malades Si vous êtes Palestinien interdit par le Shabak, soyez plutôt en bonne santé. Les services de santé de haut niveau, les centres de spécialité médicale comme l’oncologie et les transplantations, sont à Jérusalem Est: des hôpitaux tels que el-Mukassed, Augusta Victoria, Saint Joseph et Saint John Eye, traitent les cas médicaux graves de toute la Cisjordanie. Mais pour y accéder, le malade doit avoir un permis d’entrer en Israël. Les permis sont donnés sur une base humanitaire. Mais si le patient est interdit par le Shabak, il peut mourir avant de recevoir le permis demandé. Nous, les femmes de Machsom Watch, rencontrons au DCO bien des gens malades quémandant un permis pour un traitement dans les hôpitaux de Jérusalem Est. Les demandes pour un tel permis doivent être accompagnées d’un document médical détaillant tous les secrets de la maladie du malade. Les gens avec une interdiction du Shabak, malgré l’humiliation d’ouvrir le dossier médical à un soldat à la grille du DCO, voient souvent leur demande rejetée. A ce moment-là commencent les appels – aux femmes de Machsom Watch spécialistes du sujet, au coordinateur pour la santé de l’armée en Cisjordanie (Dahlia Bassa), au Conseiller Légal de Judée et Samarie, et au centre humanitaire de l’armée et à des membres de la Knesset. Dans le meilleur des cas, le patient reçoit un permis d’entrer, quoique ceci implique des humiliations et souffrances considérables. Et même si le patient n’est pas interdit, souvent son accompagnateur·trice l’est. A ce moment-là commence la quête d’un autre accompagnateur. Ainsi, par exemple, une femme malade en attente d’une opération sera accompagnée par son fils, parce que son mari est interdit par le Shabak. H., 44 ans, Chrétien de Bethléem, fils aîné de la famille, a prévu d’accompagner son père paralysé pour une opération à risques de la moelle épinière dans un hôpital de Jérusalem Est. Il a demandé aussi de rester avec son père dans l’hôpital où son père serait dans le quartier des hommes. Mais H. était interdit par le Shabak, il fut impossible de convaincre les services sécuritaires qu’il n’était pas dangereux et qu’il était essentiel d’accompagner le père, pour prendre toute décision d’urgence pouvant survenir. Toutes ses supplications furent sans effet, et un frère beaucoup plus jeune accompagna le père. Deux semaines plus tard, l’interdiction sécuritaire de H. fut levée pour raisons commerciales. Dans nos discussions avec le bureau du Conseiller Légal sur ce cas, le Major Liron Alush nous a dit que le père âgé et paralysé aurait dû dire «merci» pour avoir été autorisé à avoir une opération «en Israël». En d’autres termes, l’attribution du droit pour un malade de Cisjordanie d’être traité dans un hôpital palestinien, opéré par des médecins et du personnel palestinien, construit par des institutions palestiniennes, et financées par l’argent des patients Palestiniens, est une aumône consentie par l’Etat d’Israël. Et nous avons appris ceci d’un juriste chevronné du bureau du Conseiller Légal de Judée et Samarie… S., 60 ans, Chrétien, directeur d’école, a demandé un permis pour un traitement médical dans un hôpital de Jérusalem Est. Il n’a eu le permis que grâce aux femmes de Machsom Watch qui étaient sur place. Il doit aller à l’hôpital tous les trois mois; par conséquent, il a demandé la suppression de son interdiction sécuritaire. Après tout, il n’y aura peut-être pas de femmes de Machsom Watch passant par là la prochaine fois. La réponse qu’il a reçue est que le bureau du Conseiller Légal ne traite que de cas spécifiques. En d’autres termes, ce n’est que si un permis pour une visite donnée est refusé qu’il peut faire appel au Conseiller Légal pour cette visite hospitalière. Comme le problème ne survient toujours qu’au dernier moment avant la prochaine visite prévue, en raison des queues interminables au DCO, des fermetures, du trop court délai donné par l’hôpital, etc., la demande arrive au Conseiller Légal après la date prévue. Si bien qu’il est très difficile d’agir pour lever les interdictions sécuritaires dans de tels cas. Et même si la personne est interdite par erreur, et qu’elle demande un permis seulement pour aller dans un hôpital de Jérusalem Est, elle restera interdite par le Shabak à vie, parce qu’il n’y a pas de possibilité d’appel de cette interdiction. En dernier recours, après un appel de plus et un débat avec les soldats servant au bureau du Conseiller Légal de Judée et Samarie, l’interdiction sécuritaire de S. fut levée et il put recevoir trois permis mensuels pour des visites hospitalières sans intervention des femmes des Machsom Watch. Dans de nombreux cas, les personnes concernées ne sont pas parvenues à obtenir le permis pour une visite à l’hôpital. Certains de ces gens «dangereux» arrivent en douce à l’hôpital pour leurs soins. Les autres, surtout les invalides, doivent surseoir. En conclusion Les Palestiniens interdits par le Shabak sont pour la plupart des civils innocents ne présentant aucun danger. Ce sont les victimes d’une punition collective. Ce sont les victimes d’un système d’oppression tentaculaire typique des régimes tyranniques ailleurs dans le monde. Il est difficile de croire qu’une nation qui a été victime de persécutions pendant des générations a créé une réalité aussi lugubre dans l’arrière-cour du pays. Les Israéliens acceptent avec indifférence, sans question, les diktats du Shabak (le GSS). Ce que le Shabak décide devient sacro-saint et immun à tout appel. Mais le silence face à l’oppression et à la détresse décrétée par le Shabak pour des dizaines de milliers de gens fait de nous des partenaires involontaires. De plus, il y a un manque de contrôle public, en particulier de l’autorité législative, sur cette pieuvre géante, dont les activités dans l’ombre sont une menace pour la fragile démocratie de l’Etat d’Israël. Le judiciaire, qui est supposé constituer un frein aux édits arbitraires du Shabak, agit en pratique comme un replâtrage, qui complète l’image d’absence d’espoir face aux droits de l’homme piétinés. Parvenir à une conclusion n’est pas difficile: il n’y a aucune chance d’obtenir la défense du Conseiller Légal de Judée et Samarie, ou même de la Cour Suprême (pour quiconque peut atteindre ce niveau), afin de préserver les droits fondamentaux que le Shabak confisque à tant de gens. Que peut-on faire pour changer cette triste réalité ? Premièrement, l’interdiction sécuritaire doit être abolie pour tous, sauf s’ils sont passés par une procédure judiciaire avec droit d’audition sans préjugé. Deuxio, la population des Territoires [occupés] devrait dépendre de façon dans une moindre mesure de son travail en Israël. Mais réduire cette dépendance n’est possible que par le développement de ressources de vie dans les Territoires occupés – ce qui est impossible tant qu’il n’y aura pas de liberté de mouvement de la population, et tant qu’il n’y a ni moyen ni lieu pour exporter leurs produits. Sans aucun doute, la fin de l’Occupation, la signature de traités de paix et de réconciliation entre les nations, voila les solutions justes et souhaitables aux situations décrites dans ce rapport. La politique du gouvernement envers les Palestiniens doit changer si nous souhaitons vraiment la paix. Mais avant que cette paix soit réalisée, l’Etat d’Israël doit se conformer à la loi internationale, et permettre aux Palestiniens de vivre dignement, de travailler et de gagner leur vie. Il faut mettre une limite au contrôle sans supervision ni frein du Shabak sur ce qui se passe dans les Territoires occupés. Les Palestiniens doivent devenir souverains à la place des autorités israéliennes. Nous, comme citoyens israéliens, devons y voir un intérêt particulier. Nous espérons que l’exposé des événements dans le système d’oppression dirigé par le Shabak persuadera le public israélien que le temps est venu pour que s’arrête immédiatement l’oppression de la population palestinienne dans les Territoires occupés. * Sylvia Piterman. Version anglaise: http://www.kibush.co.il/downloads/The_Invisible_Prisoners_77.pdf Notes du traducteur Jean-Pierre Bouché [1] Association of Civil Rights in Israel, ACRI, [2] Le texte en anglais utilise le terme «résidents», qui peut se traduire par résidents ou habitants. Comme ce texte concerne exclusivement les Palestiniens et non les colons, Palestiniens a fréquemment été utilisé à la place. [3] Les Palestiniens des Territoires occupés en 1967 n’ont pas le droit de quitter la Palestine par l’aéroport Ben Gourion de Lid / Lod. [4] Conformément à la Novlangue israélienne, «l'Administration Civile» est une administration entièrement militaire. Les seuls civils sont les Palestiniens occupés. Les bureaux dits «de coordination» ont été créés après Oslo pour coordonner les questions avec des représentants de l’Autorité Palestinienne, mais comme ceux-ci n’y sont plus admis, «coordination» est un autre exemple de Novlangue. [5] Dénominations tirées de l’antiquité données par Israël au sud et au nord de la Cisjordanie occupée, respectivement. [6] Seam zone: l’expression «seam zone» est une création des traducteurs officiels israéliens, elle ne veut rien dire en anglais, ni sa traduction en français. «Zone de couture» ou «Zone de rides». Euphémisme servant à cacher la zone d’annexion entre la ligne de cessez-le-feu de 1949 et le «Mur» créé par Israël à l’intérieur de la région de Palestine occupée depuis 1967. [7] Yeshiva: école religieuse juive. [8] Forum of Bereaved Families: Parents Circle – Family Forum. Post Scriptum Ce rapport est le résultat du travail et du témoignage d’une équipe de Machsom Watch qui se consacre à faire appel, au nom des personnes affectées, contre les interdictions faites par les Services de Sécurité générale. Il a été écrit par Sylvia Piterman. Membres du groupe ayant élaboré ce document: Chana Arnon – Jérusalem, Tamar Avraham – Jérusalem, Ofra Bruno – Jérusalem, Micky Fisher – Tel Aviv, lana Hamerman – Jérusalem, Nir Navot – Ramat Hasharon, Ana Netzer Shay – Haifa, Sylvia Piterman – Jérusalem, Michaela Rahat – Jérusalem, Rina Rozler – Jérusalem, Lizi Sagi – Tel Aviv, Tami Shellef – Haifa, Raya Tzenter – Haifa, Phyllis Weisberg – Tel Aviv Orit Yoshinsky – Jérusalem. Nous remercions l’avocat Limor Yehuda et Firas Alami de l’Association des Droits Civils en Israël ACRI, [1] pour leur encouragement et leur inestimable avis à chaque étape de ce travail, et pour avoir fait appel à la Haute Cour de Justice contre le système décrit dans ce rapport. Nous remercions aussi les femmes Machsom Watch, en particulier Sara Kliachko et Yael Naaman, pour l’avoir lu et fait des remarques importantes. Finalement, nous voulons exprimer notre gratitude à Louis Williams pour sa traduction [vers l’anglais], réalisée en un rien de temps. (4 mai 2007) A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5 |
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