Palestine Emprisonnés sans savoir pourquoi Mohammed Omer* 10'400 Palestiniens dans les prisons israéliennes, dont 90 femmes et 328 jeunes de moins de 18 ans On pourrait penser que le bébé Yousef a la vie devant lui. Mais cela ne va pas de soi quand on naît de parents Palestiniens à Gaza. Sans compter que Yousef est né dans une prison israélienne. C'est justement pour cette raison qu'il est le seul des neuf enfants de Fatima al-Zeq à être auprès d'elle, puisqu'elle a été arrêtée, il y a neuf mois. Mais ces jours-ci, le bébé n'est pas avec elle. Il a développé des douleurs abdominales et a commencé à vomir, et il a dû être transféré dans un hôpital à l'intérieur de la prison de Hasharon en Israël. Fatima a écrit à des organisations de défense des droits humains à Gaza demandant leur aide pour veiller à ce que l'enfant soit soigné, puisqu'elle ne peut le faire elle-même. Ses autres enfants ne savent pas pourquoi leur mère est en prison: les Israéliens ne le leur ont pas dit, et ils ne l'ont pas non plus révélé aux autorités palestiniennes. Ils ont également refusé de répondre à l’agence de presse IPS (Inter Press Service). Lorsqu'ils disent quelque chose, les Israéliens se contentent d'affirmer que les arrestations sont effectuées «pour des raisons de sécurité». D'après une source palestinienne, elle a été arrêtée parce que les autorités israéliennes suspectaient qu'elle allait perpétrer un attentat en Israël. On n'a pas trouvé d'explosifs sur elle. Une autre source suggère qu'elle a été arrêtée parce qu'elle appartient à la famille d'un dirigeant du Jihad Islamique. Fatima s'était rendue à un hôpital israélien pour un traitement et, d'après les membres de sa famille, elle avait un permis pour ce déplacement. Mais lorsqu'elle arriva au poste de contrôle, ils l'ont arrêtée et jetée en prison. Elle rejoint ainsi les milliers de Palestiniens qui croupissent dans des prisons israéliennes. Et leurs familles ne connaissent pas toujours les raisons de leur emprisonnement, ni s'ils ont été inculpés ou condamnés, ni quand ils seront relâchés – pour autant que cela soit prévu. Jumana Abu Jazar, âgée de sept ans, est connaît tout cela. Tout en accrochant la ficelle d'un tableau à un clou rouillé, elle explique: «Ma mère est morte, et je n'ai pas de frères ou soeurs. Mon père est en prison en Israël. Il y séjourne dans une cellule sombre. Je l'ai vu une fois.» Jumana habite avec sa grand-mère Umm Ala'a dans le camp de réfugiés de Rafah au sud de la Bande de Gaza. Umm Ala'a raconte que le père de Jumana «a été arrêté par les forces d'occupation israéliennes en 2001, lorsqu'il franchissait la frontière de Rafah. Il accompagnait son père, qui avait reçu un traitement médical à l'étranger. Un juge israélien l'a condamné à 18 ans de prison». Là, encore une fois, la famille dit n'avoir aucune idée quel crime il a bien pu commettre. Mais une chose est claire: lui, comme beaucoup d'autres qui ont été arrêtés, ne sont pas ceux que l'on punit pour avoir tiré des roquettes sur Israël. D'ailleurs, la plupart de ces prisonniers n'ont pas commis ce qu'Israël considère comme des «attentats terroristes». Ils sont coupables d'être des membres de partis politiques – c'est en tout cas ce que pensent leurs familles. Et Umm Ala'a ajoute: «Son crime, c'était d'être palestinien. C'est un impôt sur la vie que nous payons tous». Beaucoup de Palestiniens sont condamnés pour des motifs qui ne sont jamais révélés, mais beaucoup d'autres se trouvent dans des prisons israéliennes, sans jamais avoir été inculpés. Ahmad Abu Haniyah, le coordinateur pour les jeunes du Centre d'Information Alternative [qui publie le magazine News from Within] – un projet mis sur pied conjointement par des journalistes israéliens et palestiniens il y a vingt ans – a été arrêté par les Israéliens en mai 2005. Il a été relâché en mai 2007. Les Israéliens ne lui ont jamais révélé pourquoi ils l'avaient arrêté en premier lieu. Il n'a jamais été inculpé ni jugé; les Israéliens appellent cela la détention administrative. Actuellement, chaque famille palestinienne connaît un membre de son entourage qui a été arrêté de cette manière. Occasionnellement Israël relâche des lots de prisonniers en guise de «geste de bonne volonté». Ce type de geste est très appréciés à niveau international, mais en général il s'agit de personnes qui arrivent de toutes manières au terme de leur peine. Le geste bénéficie à peu de Palestiniens, et en trompe encore moins. Atia Abu Mussa a maintenant été détenu dans la prison au milieu du désert de Nafha durant 14 ans; il a été arrêté lorsqu'il avait 21 ans. Tous les lundis, des amis et membres de la famille d'Atia se réunissent avec d'autres personnes devant la porte du bureau de la Croix Rouge à Gaza et tiennent une veillée pour leurs proches. Ramdan al-Baba, posté devant le bureau de la Croix-Rouge explique: «Mon fils a fait une grève de la faim pendant une semaine. Il travaillait comme garde au quartier du président Yasser Arafat à Ramallah en 2003. Son crime était le fait d'occuper ce poste.» Il a ajouté que les conditions dans la prison israélienne étaient très dures: «Je ne peux même pas lui envoyer une lettre.» Les Palestiniens ne peuvent même pas invoquer l’ habeas corpus (expression juridique qui signifie littéralement «montrez le corps»), qui relève des principes des Conventions de Genève selon laquelle un Etat doit produire des informations sur où se trouve la personne – ou le corps – sous sa juridiction. Israël s'oppose à ce droit sous prétexte que cela n'est pas nécessaire pour les personnes sous «détention administrative». Actuellement, selon les chiffres officiels palestiniens, 863 Palestiniens en «détention administrative» ont été en prison pour plus de 15 ans. Selon le Ministère palestinien des détenus et des ex-détenus, un total de 10'400 prisonniers palestiniens se trouvent dans les prisons israéliennes, dont 90 femmes et 328 jeunes de moins de 18 ans. Quarante-six des prisonniers, affiliés au Hamas pour la plupart, sont des membres du Parlement. Les associations de défense des droits humains israéliennes affirment que les forces de sécurité du Shin Bet [services de sécurité] torturent régulièrement les Palestiniens dans les prisons israéliennes. Deux associations de défense des droits humains, B'Tselem et HaMoked, ont suivi 73 prisonniers entre juillet 2005 et juillet 2006. Ils ont rapporté que Shin Bet utilise régulièrement «les coups, les entraves (ligotages) douloureuses, le maintien du dos plié, les étirements des membres et de la privation prolongée de sommeil» pour torturer les prisonniers palestiniens. (traduction A l’encontre) * Mohammed Omer travaille pour l’agence IPS (Inter Press Service) à Gaza. (28 mars 2008) A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5 |
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