Le terme "s'engouffrer" est vraiment l'expression
qui convient lorsqu'il s'agit de pénétrer à l'intérieur de cette immense
agglomération qui se trouve aux confins de
Buenos Aires. On y pénètre comme dans un tunnel ou dans une forêt, un lieu où
le rythme n'est plus le même, où même les panneaux ne ressemblent pas à ce que
l'on trouve dans les autres quartiers dont les noms figurent sur la carte. Ici
les boucheries ne proposent que des morceaux coûtant moins de 3 pesos, on ne
vend pas des poulets, mais juste des ailes ou des abats de volaille. Même la
lumière semble fuir cet enchevêtrement de toits et de lessive suspendue qui
s'étale au coucher du jour.
Ensuite il faut encore emprunter un passage avant
d'atteindre le feu autour duquel s'est réuni le groupe de femmes, derrière le
hangar blanchi sur le mur duquel on peut lire en lettres rouges:
"Assemblée de Femmes piqueteras".
Le panneau est en fait le souvenir d'une victoire commune: celle de la conquête
d'un espace propre, malgré les moqueries généralisées qui traitaient cette
réunion de femmes de "rencontre tupper" (tupperware: réunion au
cours desquelles femmes au foyer, aux Etats-Unis, organisaient des ventes de
produits, dont les tupperware).
Dans ce hangar du Mouvement de Travailleurs sans emploi
(MTD)Anibal Veron de Lugano [quartier], femmes et hommes se déplacent entre des
marmites de lait pour le goûter. Les premières relèvent pourtant avec un brin
de malice que cette fois ce sont elles, les protagonistes qui ont le droit à la
parole et qu'elles entendent user de ce droit dans l'intimité. Elles
s'installent alors dans ces chaises basses propres aux jardins d'enfants, elles
mettent chauffer l'eau sur le bois allumé, et même avant que le mate ne soit prêt, elles se lancent dans leurs récits.
"Notre intention, à Tierra Piquetera, c'est de raconter
ce qui se passait lors des coupures de route, en images, mais aussi avec nos
voix", explique Carla. Nous, les femmes, avons de la peine à prendre la
parole en public, un peu comme si nous avions besoin de la permission ou de
l'approbation de nos compagnons, et c'est là quelque chose que nous avons
l'intention de changer, même si cela prend du temps. Ce sont toujours eux qui
racontent notre histoire, c'est pour cela que, cette fois, nous avons voulu la
raconter de notre point de vue".
Le 26 juin, les organisations participantes s'étaient mises
d'accord sur un document pour rendre hommage à la mémoire de Maximiliano
Kosteki et de Dario Santillan [deux piqueteros tués, dans une provocation, part
la police] pour demander que justice soit faite et que leurs assassinats soient
punis. Ce document a été lu par une femme, et les femmes ont fêté comme une
petite victoire le fait que, chaque fois que c'était nécessaire, elle ait dit
"camarades hommes et femmes". En effet, derrière cette référence aux
femmes, en apparence dérisoire, il y a une revendication importante, car elles
ont besoin que leur présence soit reconnue.
"Ce n'est pas par hasard si moment où l'action a
commencé, lorsqu'ils ont demandé à la presse de descendre de la tribune, nous
avons opposé une résistance. En effet, sinon il y aurait eu une fois de plus
une immense majorité d'hommes, puisque ce sont eux les porte-parole. Nous
payons de notre personne, mais nous devons encore ajouter notre voix", explique Alejandra, âgée de 25 ans. C'est elle qui, avec Carla, était montée
sur la tribune, pour prendre des photos, mais aussi pour que l'image que l'on
verrait depuis en bas reflète une diversité qui reste le plus souvent occultée.
Cette action du 26 juin a entraîné quelques voix enrouées et
quelques absences: après la longue veille débutée le 25, on a confondu les
marmites, et à Lugano il manque la louche utilisée pour garantir l'équité des
portions à l'ouverture de la cantine. Cependant, les femmes se réjouissent de
cette occasion de se réunir à nouveau.
Lors de cette rencontre, par un temps tellement humide que
toutes les silhouettes sont estompées, elles sont venues depuis les MTD de José
C. Paz, de Almirante Brown, Esteban Echeverria, Berisso, et, bien sûr, Lugano.
Celle qui s'exprime le plus est Zulema, une femme de 40 ans,
séparée, avec trois enfants à charge. C'est logique, elle est la première
porte-parole reconnue dans l'organisation Anibal Veron depuis que les femmes se
sont braquées et ont exigé que pour chaque coupure de route, pour chaque
action, il y ait au moins deux délégués pour représenter les autres membres du
mouvement: un homme et une femme.
"Je me suis rapprochée du mouvement comme nous toutes,
parce que j'avais besoin d'un plan social. J'avais un magasin d'alimentation,
mais la crise de 2001 a emporté tout ce que j'avais. Après j'ai fait toutes
sortes de cours, depuis le potager organique jusqu'à l'élevage d'escargots, de
lapins ou de poules. On pouvait faire ces cours dans un siège de la INTA à
Burzaco, je savais qu'il était impossible de trouver du travail, et au bout
d'un certain temps je me suis rendue compte que sans avoir des fonds il était
également impossible de monter une entreprise propre. Mais le potager a été
d'un bon rendement. J'habite à Glew et j'ai un terrain, cela m'a permis de me
nourrir. Mais lorsque les besoins sont devenus plus pressants, j'ai pris
contact avec le mouvement, même si je ne savais pas comment il fonctionnait. Je
suis allée proposer mon certificat d'aptitude pour le potager, mais ce sont
surtout les ateliers de formation qui ont attiré mon attention."
- Pourquoi?
"Parce que je n'avais jamais milité, et j'ai pensé que
dans un atelier de formation ils allaient me mépriser. Or, j'ai découvert que
la formatrice était celle qui parlait le moins, elle voulait que ce soient les
autres qui prennent la parole. Et ainsi, peu à peu je suis entrée, parce que ma
seule formation était dûe à mes enfants, qui ont terminé l'école secondaire, et
comme ils n'ont pas trouvé de travail, ils ont commencé à aider dans une
cantine. Maintenant ils sont entrés dans Polo Obrero. Mais ici c'était différent.
On me disait qu'il n'y avait pas de dirigeants. Alors je leur ai demandé
"Est-ce que cela veut dire que je peux participer à la séance de la
coordination? (n de r: celle qui intègre les différents mouvements de la zone
du sud). Oui, je le pouvais, et là je me suis rendue compte que même si nous
étions un 70% de femmes dans les baraquements et dans les unités de production,
j'étais la seule femme à la coordination."
Cela a été le premier point qui a attiré l'attention de
Zulema. L'autre a été un processus plus lent, car elle a également dû se
confronter avec ses propres préjugés:
"Nous autres, qui n'avons pas fait d'études, nous
sommes méprisées un peu partout, personne ne tient compte de ce que l'on
apprend à force de vivre. Mais dans les ateliers de formation, c'était
justement cela qui était important. Et c'est ainsi que je me suis épanouie de
plusieurs points de vue. Par exemple, avant il ne me serait pas venu à l'idée
d'embrasser quelqu'un d'autre, parce que j'étais convaincue qu'on me prêterait
d'autres intentions. Maintenant j'embrasse tout le monde, et je ne crains pas
ce que les autres vont penser".
Ainsi, c'est un changement de sa relation à son propre corps
qui a mis en évidence d'autres besoins de son quartier, en ce qui concerne la
sexualité, la violence, la santé reproductive. "Même s'il n'est pas encore
facile de parler de ces choses, parce que l'Eglise pèse de tout son poids sur
les consciences, et qu'apparemment le fait même de mentionner certaines des
choses que nous faisons, comme l'avortement, est déjà un péché."
Elsa Basterra avait autrefois un atelier de réparation
d'appareils photo; lorsque l'atelier a dû fermer, elle s'est consacrée à la
vente de plantes. Elle raconte qu'avec la dévaluation, cela a complètement
"fondu". Cette chômeuse a 62 ans. Elle avoue être athée parce qu'elle
"a été élevée dans une école de religieuses". Elle s'est approchée du
MTD de José C. Paz après avoir participé à une autre organisation qui
"nous poussait dans une direction très partisane. Or, ce qu'elle recherchait,
c'était l'autonomie, à l'instar des autres habitantes, comme Lina Yapura ou
Pierina Corvalan, qui l'accompagnent partout.
"Nous avons eu de bonnes et de mauvaises périodes, mais
nous sommes environ 400 familles dans mon quartier. Je t'assure -
insiste-t-elle, comme si on pouvait en douter - j'ai toujours été une lutteuse,
mais ce n'est que depuis récemment que je sens qu'au sein de la misère nous
pouvons nous organiser, car c'est un peu comme si les pauvres étaient toujours
en train d'attendre d'être sauvés par un leader, ce qui est faux".
Elsa est une des femmes qui a participé à la dernière
Rencontre Nationale de Femmes à Rosario, au mois d'août 2003, avec d'autres
participantes des différents MTD. Et cela a été un peu une révélation, parce qu'il
n'y avait pas eu de décision commune de participer à la Rencontre.
"Chacune est allée pour son quartier, parce qu'on a été
invitées, parce que nous avons fait des collectes pour payer les déplacements.
Mais une fois sur place, nous nous sommes rendus compte que nous n'avions rien
discuté à l'avance. Il est possible que cela tienne à l'autonomie des
différents mouvements, mais c'est aussi parce que nous ne considérions pas que
c'était une priorité".
Or c'est cette question des "priorités" qui est la
première qu'on nous oppose lorsqu'on veut discuter de thèmes que les femmes
considèrent comme étant les leurs dans l'organisation.
"Il faut fixer des priorités" nous disaient les
hommes, mais lorsque nous discutions de santé ce n'est pas pour réclamer une
armoire à pharmacie dans les hangars, nous parlions de choses beaucoup plus
essentielles".
Toujours est-il qu'après la Rencontre de Rosario, les femmes
du MTD sont rentrées décidées à aménager leur propre espace. Et ce sont Zulema
et Alejandra Giusti qui ont soulevé cette question à la Coordination.
"Lorsque nous avons annoncé que nous voulions
participer à la marche du 28 septembre 2003 en tant que MTD Anibal Veron avec
comme revendication la santé reproductive, comme cela avait été décidé à
Rosario, il y a eu 5 minutes de silence déconcerté. Ensuite ils nous ont dit de
faire comme nous voulions, comme si ce que nous demandions n'avait aucune
importance" raconte
Alejandra. Et Zulema ajoutait: "Ils nous ont demandé si nous voulions
agrandir la cuisine".
Ce sont ce genre de remarques, qui ne les ont pas fait rire,
qui les ont convaincus qu'il était indispensable de créer un espace pour que
les femmes des différents MTD puissent se rencontrer. Et elles y sont
finalement parvenues dans ce lieu où il y a des rassemblements tous les 26 du
mois pour commémorer le massacre d'Avellaneda du 26 juin 2002, à savoir sur le
pont Pueyrredon [pont qui marque la frontière en la ville de Buenos Aires et le
«grand Buenos Aires]. Là, les écarts entre les différents quartiers
s'estompent, et elles ont repris les veilles sur le pont pour essayer de se
faire entendre, d'autant que leur participation datait de bien avant.
Lors de ces assemblées sur l'autoroute, qui suscitent encore
l'étonnement parmi les camarades hommes, elles ont voulu aller plus loin, et
elles ont proposé une assemblée plénière de femmes qui travaillerait sur une
série de questions: Est-ce que tu prends la parole dans les assemblées?
Participes-tu aux instances de décision de ton mouvement? En quoi te sens-tu
agressée en tant que femme? Sais-tu te protéger dans les relations sexuelles?
As-tu pris les décisions concernant ta maternité? Penses-tu qu'il soit
important qu'il existe un espace pour les femmes à l'intérieur des MTD Anibal
Veron?
Il y avait une série d'appréhensions qui étaient ressenties
comme des menaces et qui suffisaient à serrer la gorge avant une prise de
parole dans une assemblée ou une réunion: la peur du ridicule, la crainte de
fâcher les camarades hommes, de dire quelque chose de travers, la peur qu'on
s'aperçoive de combien il reste à apprendre, des jugements à l'emporte-pièce.,
Mais cela a changé dès qu'il a été possible de se soutenir les unes les autres
et de se redonner confiance. Elles ont pu parler de leurs craintes, d'expliquer
pourquoi il leur était si facile de participer physiquement aux coupures de
routes, aux unités de production et aux ateliers, et si difficile de prendre la
parole ou de lancer un cri au ciel pour se faire entendre. C'est ainsi que les
corps pouvaient retrouvent leur définition et leurs identités particulières, y
compris dans le groupe auquel elles appartenaient.
Depuis la première rencontre de femmes de "la
Veron", jusqu'à la dernière rencontre du 19 novembre, les conclusions
arrivaient peu à peu, tombant comme des cailloux au fond d'un étang. Sans
surprise, les mêmes phrases revenaient dans les différents groupes: les femmes piqueteras ne prennent pas la parole devant les médias, elles
ne sont pas représentées dans les instances des divers groupements, alors
qu'elles en constituent une majorité e la base. Personne n'a nié que la
rencontre a permis aux femmes de se renforcer, de tisser des liens de
complicité et d'élaborer des stratégies pour briser cette peur qui sert à museler les voix.
"Avant la rencontre, nous n'étions pas toutes
conscientes que les plaisanteries faciles, comme celle concernant
l'agrandissement de la cuisine ou d'autres du même style, qui jaillissent l'air
de rien, sont vécues comme des agressions. Ou qu'il est très déplaisant, lors
d'une rencontre avec des autorités, par exemple, qu'on ne nous salue pas, nous
les femmes". "C'est comme si nous n'existions pas!" ajoute
Andrea.
"C'est vrai, c'est comme si le fait d'être femme
t'enlevait le droit d'être saluée"
ajoute encore Elsa Basterra.
Monica, une jeune de 21 ans du MTD Almirante Brown, raconte: "Il n'a pas été aussi facile que certaines d'entre nous l'espérions, de
parler d'avortement". Dans les ateliers de Rosario c'était réjouissant de
constater que des femmes osaient parler de cette expérience vécue, que personne
ne subit de gaîté de coeur, alors qu'auparavant elles n'auraient pas osé en
parler, tant elles ressentaient de la honte ou de la culpabilité.
Zulema ajoute: "C'est évident qu'il y a des choses qui
vont prendre du temps. Par exemple nous n'avons pas encore les moyens de
traiter les cas - fréquents - de violences domestiques. Mais on entend les
histoires personnelles, et si on n'arrive pas à bien aborder le problème il y
en a beaucoup qui vont rester brisées"
Monica ose dire: "Moi je suis partie de la maison parce
que mon papa abusait de moi. Nous
avons presque toutes des expériences de violence de la part de nos compagnons,
de nos pères ou de nos frères. Et souvent ce sont les mêmes qui sont à ton côté
lors d'une coupure de route ou d'un affrontement avec la police et qui,
lorsqu'ils rentrent à la maison, battent leur femme. Nous voulons que ces
thèmes soient abordés par l'organisation, que ce devienne un thème discuté par
nous toutes, mais pour cela il faut que nous continuions à nous réunir, pour
pouvoir parler d'abord entre nous, car c'est ainsi que nous sommes plus à l'aise, et ensuite il faudra aborder ces questions dans l'ensemble des
mouvements."
Les assemblées de femmes continuent à se réunir chaque 26 du
mois sur le béton de l'autoroute du Pont Pueyrredon. Le 8 mars 2004, les MTD
ont marché ensemble pour la journée des femmes, et ont rapporté dans un journal
les discussions qui s'étaient déroulées dans les assemblées sur le pont.
Les femmes des MTD disent que la prise de conscience peut être un processus qui prendra du temps, mais la décision est prise: cette année
elles veulent arriver à la Rencontre Nationale de Femmes (à Mendoza) avec
quelques axes discutés collectivement, pour pouvoir les mettre en commun.
"Dans d'autres organisations, comme la CCC, on voit
qu'il y a aussi une majorité de femmes, et qu'elles, elles participent. Il est
que cela prenne plus de temps à cause de notre manière de discuter en
assemblée, où tout le monde a le droit à la parole et au vote. Mais cela nous
permet également de partir avec plus de convictions", explique Elsa.
- Maintenant que le mouvement piquetero est tellement
remis en question, revendiquez-vous toujours le fait d'être piquetera comme une
identité?
Elsa répond: "Bien sûr, car c'est ainsi que nous nous
organisons et qu'on nous voit. Si nous ne faisons pas de coupures de routes
nous n'existons pas."
Viviana: "Durant des années nous avons demandé qu'on
nous donne du travail dans un stade qui allait être construit, nous avons écrit
des lettres à toutes les autorités locales pour obtenir du lait pour la
cantine, mais personne ne nous a écoutées jusqu'à ce que nous coupions une
route. Maintenant que nous avons fait cette coupure dans le quartier, ils vont
nous fournir de la viande et des aliments frais. Ils parlent d'une relance
économique, mais dans les quartiers on ne s'en aperçoit guère. Ce qu'on voit,
ce sont des ateliers de textiles clandestins qui paient 30 centavos par habit,
et tu dois rester debout pendant 13 heures, avec juste 20 minutes pour manger.
Moi je veux travailler, et ici, dans le hangar, je travaille."
Lina: "La
coupure de routes fait de nous des protagonistes, car c'est ainsi que nous
luttons et que nous résistons, avec dignité et émotion. Mais lorsque c'est nous
qui faisons la coupure, cela gêne le trafic, alors que quand ce sont d'autres,
comme Blumberg [grand bourgeois dont le fils kidnappé a été tué et qui a
organisé un mouvement de protestation], c'est bien."
- Pensez-vous que les thèmes propres (aux femmes) ont
trouvé une autre écoute parmi les autres camarades?
Carla: "Chaque fois on nous considère davantage comme
des personnes de référence, et cela nous fait du bien. Lorsque c'est notre tour
de prendre la parole, nous cherchons quand même des yeux l'approbation d'une
autre camarade femme, parce que si notre intervention n'est pas impeccable, les
moqueries jaillissent."
Zulema: "Mais il faut aussi que nous-mêmes nous
changions. Je me suis rendue compte que malgré le fait d'être la porte-parole,
et c'est là quelque chose que nous avons demandé - l'autre jour, sur le pont,
je cherchais désespérément un autre porte-parole, parce que j'avais peur de
commettre une maladresse. Alors que je sais pourquoi nous sommes là et pourquoi
nous allons continuer à nous battre."
- La demande qu'on utilise des méthodes plus dures contre
les piqueteros hommes et femmes vous fait-elle peur?
Elsa: "Cela éveille l'indignation et non pas la
peur."
Monica: "Oui, cela me fait peur, mais cela ne me
paralyse pas."
Zulema: "J'ai maintenant une force intérieure que je
n'avais pas avant. Au départ, on est seule, mais après on continue pour tous,
et je suis fière de vivre ce que je suis en train de vivre et de faire ce que
je suis en train de faire."
Le froid semble monter depuis le sol en terre le long des
jambes des femmes. Lorsque les ampoules de faible puissance s'allument pour
dissiper un peu la nuit dans les passages de la villa 20 de Lugano, les femmes
commencent à faire leurs adieux, et les embrassades et les promesses de se revoir
s'étendent. Et en effet, tôt ou tard, elles se réuniront à nouveau, le 26 du
mois, comme toujours; dans la lutte, comme elles le disent.
* L'auteure a écrit cet article pour un supplément de Pagina
12 (quotidien argentin).