Amérique latine Unasur: un mandat d'«ingérence démocratique»? Ernesto Herrera * La réunion extraordinaire de l'Union des Nations Sud-Américaines – Unasur [1] – à Santiago de Chile le 16 septembre 2008 a approuvé à l'unanimité la «Déclaration de La Moneda» (du nom du palais présidentiel) concernant le «conflit» en cours Bolivie. Le rôle du gouvernement Lula a été déterminant pour qu'Unasur parvienne à un accord d'«équilibre pondéré» qui, sous prétexte de «freiner les Etats-Unis», isolera les positions les plus «radicales». Autrement dit, celles de Chavez, qui avait, de fait, régionalisé la crise et qui proposait aussi bien la condamnation sans ambiguïtés de l'administration Bush que l'extension de la solidarité avec le gouvernement et le peuple bolivien. Une attitude bien différente de celle adoptée par le président équatorien Rafael Correa qui s'est d'emblée associé à la proposition de Lula. Dans ce sens, la diplomatie brésilienne a obtenu une réussite indubitable. Non seulement Unasur s'est prononcée catégoriquement pour le maintien de l' «ordre»régional, mais elle s'est également attribué le rôle de son nouveau gendarme. Ce que presque personne ne mentionne c'est que, dans les coulisses, un autre acteur est sorti grand gagnant de la «Déclaration de La Moneda»: c'est le régime ultra-droitier de Colombie, dans la mesure où la résolution permet de fermer les espaces politiques aux «bandes terroristes». Le message est clair: tout comme la lutte d'Evo Morales, celle «du président Uribe contre les Farc» favorise «les institutions démocratiques» ce qui requiert l'appui de tous les gouvernements du continent. Désactiver le "volcan" bolivien La «Déclaration de La Moneda» ne favorise en rien la lutte de libération, pas plus celle de la Bolivie que celle des peuples d’ autres pays du continent. Elle ne tient pas non plus compte des revendications politiques, sociales, économiques et historiques des travailleurs, des indigènes et des paysans. La déclaration déclare «accorder tout son soutien au gouvernement constitutionnel du président Morales, dont le mandat a été ratifié par une large majorité lors du récent référendum» (point 1). Cependant, elle avertit que «ses gouvernements respectifs récusent énergiquement toute tentative de coup civil et ne reconnaîtront aucune situation impliquant une telle tentative de coup, ou la rupture de l'ordre institutionnel, ou susceptible de compromettre l'intégrité territoriale de la République de Bolivie» (point 2). La déclaration exprime «sa très ferme condamnation du massacre [10-11 septembre]qui a eu lieu dans de département du Pando» (point 5). Mais cette déclaration est suivie d'un «appel au dialogue» (entre le gouvernement et l'opposition) «en vue d'établir les conditions permettant de surmonter la situation actuelle et de se concerter pour la recherche d'une solution soutenable dans le cadre du plein respect de l'Etat de droit et de l'ordre légal en vigueur» (point 7). Elle va encore plus loin, puisqu'elle propose (ou plutôt décide) de créer une commission pour «accompagner les travaux de cette table de dialogue» et une autre pour «soutenir et assister» le gouvernement d'Evo Morales (points 8 et 9). De fait, lorsqu'elle adopte la «Déclaration de La Moneda», l'Unasur assume une position de gendarme de la «stabilité» régionale, dans le but notamment de désactiver le «volcan» bolivien, mais également en garantissant la sécurité régionale des affaires aussi bien pour les entreprises transnationales que pour les entreprises locales. Si c'est cela, la nouvelle «intégration sud-américaine» – si souvent vantée par les adeptes du «progressisme», y compris par des secteurs plus à gauche – alors les travailleurs, les indigènes et les paysans d'Amérique du Sud se trouvent face à un nouveau danger. Car, dans la pratique, bien loin d'avancer dans un processus intégrateur de caractère anti-impérialiste qui remette réellement en question l'hégémonie des Etats-Unis dans la région, ces gouvernements se donnent pour tâche de désactiver la radicalisation politique, de démobiliser la classe travailleuse et de promouvoir les «concertations» et les «pactes productifs» avec les classes de propriétaires locales «nationales». Par ailleurs, les résolutions de l'Unasur sont, dans la pratique, un mandat extérieur sans équivoque d'«ingérence démocratique» (dont l'origine se trouve dans la «Charte Démocratique» de l'Organisation des Etats Américains - OEA). Ces résolutions ont eu une conséquence immédiate sous la forme de l'accord préliminaire négocié le 16 septembre 2008 entre le gouvernement et les représentants du Conseil National Démocratique (Conalde, qui réunit l'oligarchie, les préfets autonomistes et les groupes propriétaires de la terre et d'une grande partie de l'économie). Cet accord préliminaire suppose, pour le moins, un recul du gouvernement indigéniste, et cela sur trois aspects. Tout d'abord il devra «accepter que les départements récupèrent une partie de l'impôt direct sur les hydrocarbures que le gouvernement avait décidé de consacrer au financement de la "Rente Dignité" des retraités, et c'est l'une des principales demandes de l'opposition. Deuxièmement, il devra inviter en tant que facilitateurs et témoins à l'Unasur, l'Eglise Catholique, l'Union Européenne, l'OEA et les Nations Unies. Enfin, il devra suspendre pendant au moins un mois la convocation du référendum constitutionnel». [2] Comme contrepartie, le gouvernement espère obtenir la «paix sociale». S'agit-il d'une victoire ou d'une défaite pour Evo Morales? Cela dépend du point de vue. «Par rapport au lendemain du référendum d'août où Evo a été ratifié avec plus de 67, il s'agit d'un pas en arrière évident. Si l'on croit aux versions, non infondées, qu'un coup d'Etat se préparait, le gouvernement de Morales réussit à surmonter une des étapes les plus difficile depuis 30 mois, même si l'avenir reste incertain. En tout cas l'opposition a réussi à réduire en poussière la victoire frappante d'août, qui aurait dû commencer à résoudre le "match nul stratégique"». [3] Lula et les intérêts capitalistes du Brésil Pour José Augusto de Castro, vice-président de l'Asociation des Exportateurs du Brésil, la réduction de l'approvisionnement en gaz par un attentat (de groupes fascistes) contre le gazoduc binational, a été une action inacceptable. «Tant que les Boliviens se limitent à des agitations sur la frontière, tout va bien. Ce qu'ils ne peuvent pas faire, c'est s'attaquer au gazoduc». [4] On peut comprendre cette réaction de l'entrepreneur. Il faut dire que la Bolivie fournit au Brésil plus de 30 millions de mètres cubes de gaz par jour, soit le 70% de ce que consomme l'industrie de Sao Paulo, et le 100% de l'industrie de Porto Alegre. Devant ce «sabotage» contre l'économie brésilienne, qui mettait «en péril» l'approvisionnement de gaz, le gouvernement, le gouvernement Lula a décidé d'agir en défense des fractions décisives du capital. Il a d'abord tenté d'envoyer une mission de haut niveau pour «entamer une démarche de médiation». Cette tentative n'a finalement pas donné les fruits escomptés à cause de l'opposition d'Evo Morales. [5] Ensuite, il a utilisé ses pions diplomatiques pour obtenir un «consensus» lors du sommet de l'Unasur, où les initiatives et les discours «qui polarisent» et sont susceptibles de générer une «instabilité» seraient rejetées. C'était la moindre des choses. En effet, si les «intérêts propres» du Brésil ne sont pas toujours en syntonie avec le gouvernement du MAS, «Petrobras, cette entreprise semi-étatique, continue à jouer un rôle décisif dans l'exploitation des hydrocarbures boliviens, puisqu'elle est le principal investisseur dans ce pays andin. En outre, la participation des Brésiliens dans l'agro-business est très importante. A Santa Cruz, quelque 200 familles d'agriculteurs brésiliens cultivent 350 mille hectares de soja, ce qui représente le 35% de la production de soja bolivienne. Ces agriculteurs ont un poids politique certain, ils représentent un tiers des affiliés à la Chambre nationale de Commerce Bolivie-Brésil et ils sont présents dans l'Association de Producteurs d'Oléagineux et de Blé qui regroupe 12 mille agriculteurs de Santa Cruz». [6] Par différents moyens, «le Brésil contrôle autour du 20% du PIB de Bolivie, pourcentage qui devrait augmenter dans les prochaines années suite aux investissements stratégiques dans l'infrastructure, l'énergie et le domaine minier, souvent financés par la puissante Banque National de Développement Economique et Social. Mais ces investissements et intérêts sont concentrés dans la "Media Luna", en particulier à Tarija et Santa Cruz».[7] La défense de ces «intérêts propres» a guidé tous les pas politiques du gouvernement Lula au cours de la crise bolivienne. Déjà tout au début, Itamaraty [Le Palais d'Itamaraty, siège de la diplomatie brésilienne] avait divulgué une note où il disait «suivre avec préoccupation l'évolution des événements au Brésil» et demandait «à tous les acteurs politiques (...) qu'ils respectent les institutions démocratiques et reviennent aux canaux du dialogue et de la concertation à la recherche d'une solution négociée et soutenable». [8] Mais la véritable position du gouvernement Lula sur la crise est apparue dans la déclaration de Marco Aurelio Garcia, assesseur spécial des Relations Extérieures du Palais de Planalto [qui abrite le pouvoir exécutif]. Pour Garcia, deux aspects pouvaient être relevés dans ces heures de crise: «L'aspect négatif a été l'ordre d'emprisonnement pour le gouverneur de Pando, Leopoldo Fernandez. L'aspect positif a été l'établissement d'un calendrier de négociation entre le gouvernement et l'opposition autour de trois points: modifications dans le projet constitutionnel, autonomie du département et impôts». [9] Autrement dit, peu importait que l'exécutant du massacre de travailleurs et de paysans à Pando soit mis en prison, ni que ce massacre ait été mené avec l'appui de sicaires brésiliens de la localité frontalière de Brasiléia. L'assesseur spécial comptait avant tout, sur la prédisposition du gouvernement de Morales à faire des concessions à l'oligarchie. Cette position était sans doute cohérente, puisque pour Marco Aurelio Garcia, la crise en Bolivie pouvait se résumer en une phrase: «le problème est que le pays est en train de vivre un processus de réformes, sans sortir du cadre démocratique, mais aussi bien l'opposition que le gouvernement agissent comme s'ils se trouvaient devant une révolution». [10] Dans ce contexte, on comprend la fonction de Lula. Le président du Brésil «ne veut pas de "droitiers" ayant des délires de sécession à ses frontières, mais il n'approuve pas non plus les réformes qui affecteraient Petrobras et les latifundistes du soya, ou les augmentations du prix du gaz qui approvisionne les industriels de Sao Paulo (...). Comme cela a déjà été démontré à Haïti, les interventions brésiliennes incluent l'utilisation de gendarmes avec des objectifs très peu humanitaires, puisque la classe dominante de ce pays aspira à imiter la Chine, la Russie ou l'Afrique du Sud dans le rôle de puissance régionale. Lula soutient tout particulièrement les multinationales qui sont sorties acheter des entreprises et garantir des approvisionnements. Il ambitionne de suivre dans les traces de Felipe Gonzalez pour positionner de nouvelles entreprises en Amérique Latine». [11] La carte qui favorise le réajustement d'Uribe Jusqu'à il y a quelques mois, il était impensable que le président Alvaro Uribe, le principal allié des Etats-Unis en Amérique du Sud, souscrive à un accord commun avec des présidents considérés comme faisant partie du "camp progressiste". Lors du sommet à Brasilia (en mai 2008), le président colombien a été le seul à refuser la création du "Conseil de Sécurité" de l'Unasur, en argumentant qu'en Colombie "il y avait des menaces de terrorisme". Néanmoins, en juillet, pendant la visite en Colombie de Lula, Uribe a annoncé son entrée au Conseil de Sécurité. En réalité, il s'agissait-là d'un tournant important et intéressé pour Uribe, car «de la même manière que la Colombie réclame toujours la condamnation de la violence terroriste qui affecte notre pays, nous venons condamner la violence qui maltraite à n'importe quel pays frère et démocratique.» [12] Que faisait donc le principal allié de l'impérialisme nord-américain dans une réunion de présidents dont la majorité était considérée comme étant de «gauche»? Dans la «solidarité» exprimée par Uribe avec le gouvernement de Morales on remarque une «pétition de réciprocité, un appel pour que les pays de la région s'engagent aussi dans ce qui a été jusqu'alors sa lutte(...). Uribe a en effet marqué un point en montrant une solidarité avec Morales, puisqu'il réussissait par la même occasion à fermer des espaces politiques aux Farc au nom de la défense des institutions», a expliqué le Professeur de Politique de Sécurité et de Défense Nationale de l'Université Externado de Colombie, Jairo Libreros. [13] Sandra Borda, analyste internationale, va dans le même sens: «Uribe est en train de comprendre que sa lutte contre la guérilla ne doit pas nécessairement aller de pair avec un isolement dans la région. Puisqu'au-delà de leurs différences idéologiques les pays sud-américains sont unis par leur soutien aux systèmes de gouvernement démocratiquement constitués, il est plus facile à Uribe de trouver un soutien dans son opposition aux Farc, qui sont antidémocratiques». [14] «Il y avait un quadruple enjeu pour Uribe et son ministre des Relations Extérieures, Bermudez lors de ce voyage au sommet d'Unasur à Santiago. Tout d'abord, il s'est approché des voisins sud-américains dont il était le plus éloigné. Deuxièmement, il a marqué la distance par rapport aux Etats-Unis, pour bien montrer que l'inconditionnalité affichée par la Colombie jusqu'alors n'avait pas donné les bénéfices escomptés (avec le Traité de Libre-échange imposé par le Congrès). Troisièmement, il leur a fait voir l'importance de son rôle de médiateur entre la puissance du Nord et les rebelles du Sud». [15] Enfin, le président colombien a interpellé directement ses collègues de la région. «Les institutions démocratiques» exigent de la compréhension et de la «solidarité continentale». Il pourra certainement obtenir toutes les deux de l'Unasur, dans la mesure où la «Déclaration de La Moneda» est une carte que le régime mafieux-paramilitaire d'Uribe saura bien jouer. Une lutte de classes aiguë et frontale pour le pouvoir Le mandat d'Unasur ne résout pas la crise, pas plus que le dialogue entamé entre le gouvernement indigéniste de Bolivie et l'opposition oligarchique. L'issue reste ouverte. La crise politique (de l'Etat en tant que tel et, par extension, de son cadre institutionnel) se nourrit des brutales contradictions socio-économiques et culturelles, qui ont conduit à la situation d'un "régime fracturé" entre le gouvernement de La Paz et les départements autonomistes. Dans ce sens, le "match nul stratégique" ne vient pas essentiellement d'une simple lutte pour tel avantage ou telles concessions constitutionnelles. Comme le dit bien Adolfo Gilly: «Il ne s'agit pas de la ligne qui sépare les gouvernants des gouvernés, d'une question politique, mais de celle qui sépare les dominants des subalternes». Car «ce qui est en train de se passer est quelque chose de beaucoup plus profond, et va au-delà des élites, de la politique et de l'économie. C'est un questionnement des fondements même de la domination historique de ces vieilles élites, des vieilles et des nouvelles. Il vient de beaucoup plus bas, mû par une colère antique, et ce ne sont pas les massacres par des bandes fascistes ni les fragiles accords du gouvernement avec les préfets de la Media Luna qui vont l'arrêter». [16] Ce qui exprime, en définitive, une lutte de classes aiguë et frontale pour le pouvoir. Du point de vue strictement politique et conjoncturel, le gouvernement d'Evo Morales semble reprendre les négociations dans des conditions plus favorables. Les préfets de la «media luna» sont restés affaiblis et ont perdu le contrôle de Pando (qui est actuellement gouverné par un commandant de l'armée). Néanmoins, le dialogue, le rôle «facilitateur» de l'Eglise et l'ingérence de la «communauté internationale» permettent à l'opposition oligarchique de tenter de gagner à la table de négociations ce qu'elle n'a pas réussi à affirmer dans la lutte dans la rue. De toute manière, le pouvoir d'Evo Morales continue à résider dans la force des mouvements sociaux, comme le démontrent les mobilisations de paysans, d'indigènes, de travailleurs, d'étudiants, de quartiers populaires, mobilisations qui continuent à se dérouler jusqu'à ce jour (fin septembre 2008) dans le pays. Cela impose certaines limites aux concessions que le gouvernement prétend offrir à l'opposition fasciste. Différents dirigeants ouvriers et populaires se sont exprimés de manière critique sur le dialogue avec l'opposition. Par exemple Roberto de la Cruz (conseiller pour le M-17 [Movimiento Social de Octubre] et dirigeant populaire de El Alto) qui a affirmé: «C'est le moment de décapiter la Media Luna. Le gouvernement refuse de le faire. Si le gouvernement s'incline devant les exigences des préfets droitiers, ce sera la fin du processus de changement». Mario Lopez, de la direction de la COB (Centrale Ouvrière Bolivienne), a indiqué: «Ils (les fascistes) vont certainement continuer leur chantage (...) Le Président devrait se réunir avec le peuple et non avec les représentants de la droite oligarchique». Feliciana Ruiz Puma, dirigeante de la Fédération de Travailleurs Paysans de Santa Cruz (qui fait partie des milliers qui bloquaient Santa Cruz) a asséné: «Nous ne souhaitons plus la poursuite du dialogue (gouvernement-opposition). Nous exigeons maintenant la démission du préfet de Santa Cruz, Ruben Costas, et le démantèlement de son groupe paramilitaire». [17] Néanmoins, et malgré la force des mouvements sociaux, le président bolivien continue d’être une pièce maîtresse. Même s'il détient une légitimité populaire incontestable et qu'il apparaît comme le porte-drapeau de l'«anti-impérialisme aymara», sa position au cours de la crise suscite des doutes: «Evo a adopté un comportement très hésitant face aux insurgés, qui a laissé ses partisans sans défense dans les zones autonomistes. Les paramilitaires vont tirer parti de ce genre d'hésitations, surtout s'il répète le tragique exemple qu'a commis Salvador Allende en désignant Pinochet. L'état de siège aux mains d'un commandement aussi douteux constitue une arme à double tranchant (...). Depuis le référendum, Morales a réussi à réunir les conditions politiques nécessaires pour mettre en œuvre les changements sociaux que les opprimés attendent de son gouvernement. Mais ces transformations ne pourront pas prospérer s'il persiste à maintenir l'objectif stratégique de forger le "capitalisme andin" partageant le pouvoir avec l'oligarchie. Dans le meilleur des cas, ce projet permettra de donner naissance à un modèle sud-africain de substitution des élites obsolètes par de nouveaux groupes privilégiés (...) Dans plusieurs négociations, Evo a su profiter de la maladresse de ses opposants, mais maintenant il semble disposé à réviser la Constitution sur certains thèmes - comme les impôts et la réforme agraire - qui sont vitaux pour les mouvements sociaux. La bataille est complexe, mais en Bolivie les temps politiques sont très courts et l'audace est la ressource la plus estimée». [18] Il y a enfin le rôle de l'impérialisme, qui est comme toujours un facteur central de la crise et dans les plans des putschistes. Bien que les Etats-Unis aient été marginalisés par rapport à la résolution adoptée par l'Unasur et aient vu leur opération putschiste freinée, ayant même dû subir l'expulsion de deux ambassadeurs (en Bolivie et au Venezuela), ils n'abandonneront pas le terrain. Pour le moment, le gouvernement Bush a décidé de maintenir ses liens avec les activités contre-révolutionnaires par le biais de l'Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) et de la Fondation National pour la Démocratie, qui sont en train de faire en Bolivie ce qu'elles ont fait au Venezuela: «aider l'opposition». Mais ils sont tout de même allés un pas plus loin, en incluant la Bolivie dans une «liste noire« de pays qui «n'ont pas réussi à remplir leurs obligations de limiter la production de drogue l'année passée». [19] Autrement dit, la stratégie impérialiste continuera sur la voie de la déstabilisation, alimentant les groupes oligarchiques qui cherchent un «changement de régime». (Traduction A l’Encontre) * Membre du Colectivo Militante (Uruguay) et de la rédaction de Construyendo, mensuel de la Coordinadora de Unidad Revolucionaria. 1. L'Union des Nations Sud-Américaines (Unasur) s'est constituée le 23 mai 2008 à Brasilia. L'Acte constitutif a été ratifié par 12 pays et la présidence est exercée par la présidente chilienne Michelle Bachelet. Dans ce cadre, Lula a proposé la création d'un «Conseil de Défense» régional, sans les Etats-Unis. Mais, comme l'affirme le professeur Argemiro Prócopio, professeur titulaire des Relations Internationales de l'Université de Brasilia, il n'existe pas encore une définition claire de concepts tels que la défense ou la souveraineté. Car «souveraineté ne veut pas dire la même chose pour Lula, pour Chávez ou pour les militaires brésiliens» (cité par Darío Pignoti, “Cumbre de la Unión de Naciones Suramericanas (Unasur). La construcción de la soberanía regional”, Le Monde Diplomatique, editión argentine, juin 2008). (30 octobre 2008) A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5 |
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