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Vote du 25 septembre
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Une étrange absence Jean-François Marquis Le débat en vue du 25 septembre est marqué, au sein de ladite gauche, par une étrange absence: la réalité sociale. Les partisans du Oui sont ainsi amenés à mener une campagne « hors sol ». Le débat en vue de la votation du 25 septembre est marqué, au sein de ladite gauche, par une étrange absence: la réalité sociale. La comparaison entre les dénonciations, presque chaque semaine, dans un quotidien comme le Blick d'abus dont sont victimes des salarié·e·s et l'argumentation des avocats du OUI le 25 septembre est éloquente. A force de vouloir écarter tout argument susceptible de donner des raisons pour un NON, ces derniers finissent par mener une campagne « hors sol ». Quelques exemples récents suffisent pourtant pour peindre le contexte effectif de ce débat: • Le président des hôteliers zurichois, Guglielmo Brentel, explique au Blick (31 mai 2005): « Nous payons des employés 3150 fr. qui travailleraient aussi pour 2000 fr. ». Il annonce qu'il veut « augmenter la pression sur les syndicats ». Quinze jours plus tard, Brentel est élu président d'Hotelleriesuisse, contre le président sortant. « Une révolution de palais », constate la NZZ (16 juin 2005). Avec un programme, décliné en partie dans le Blick. Ce printemps, Unia annonçait, triomphant, qu'« une meilleure application [de la convention collective de l'hôtellerie-restauration] permettra de mieux lutter contre le dumping social. » (Evénement syndical, 20 avril 2005). En réalité, les contrôles resteront dérisoires: 2000 au lieu de 1000, pour toute la branche ! L'accord enregistre aussi une baisse de salaire – de 4200 à 3920 fr. – pour le personnel avec CFC et 7 ans d'expérience. Et Brentel a affiché la suite du menu… • En août, les négociations pour le renouvellement de la convention collective de travail (CCT) de l'industrie des machines vont commencer. C'est la plus importante de Suisse. Le patronat veut obtenir que les entreprises puissent augmenter le temps de travail, sans compensation de salaire. Donc avec une baisse du salaire horaire. « Nous devons désormais admettre ensemble [les partenaires sociaux] que la place industrielle suisse est sous pression suite à la globalisation et à l'augmentation du temps de travail dans les pays voisins », arrête Johann Schneider-Amman, président de l'association patronale Swissmem et conseiller national radical (NZZ, 20 juin 2005). Il annonce clairement qu'il n'acceptera pas d'accord sans une telle clause. Et que si un seul syndicat s'y oppose, il signera avec les autres. Unia est averti. La CCT de l'industrie des machines ne fixe déjà aucun salaire minimum. Désormais, elle réglera de moins en moins le temps de travail. Seule la défense de la paix du travail absolue y reste solide. • La Poste a annoncé son intention de baisser les salaires des buralistes postaux de 500 à 1200 fr. par mois. Cette mesure fait suite à une série d'externalisation de services de la Poste, qui ouvrent aussi la porte à des baisses de salaire. L'effet de ces mesures est certain: une pression à la baisse sur l'ensemble de l'échelle des salaires du géant jaune et, par ricochet, plus largement. • L'Association suisse des transports routiers (Astag) a profité de l'intégration de l'ancienne FCTA au sein d'Unia pour casser tous les CCT cantonaux conclus. Elle les a remplacées par une convention nationale conclue avec une association professionnelle, « Les Routiers suisses » (L'événement syndical, 15 juin 2005). Cette convention ne prévoit ni salaires minimaux, ni temps de travail, ni 13e salaire. La 5e semaine de vacances pour les plus de 50 ans est désormais réservée à ceux ayant plus de 20 ans de service… • D'un trait de plume, le Conseil fédéral a mis en fin de droit 2000 chômeurs et chômeuses. Il a supprimé au 1er juillet l'exception valable dans les cantons de Genève et Vaud et dans les Montagnes neuchâteloises, garantissant aux chômeurs de moins de 50 ans 520 indemnités (au lieu de 400). Le message est limpide: la pression sur les personnes sans emploi doit être accrue. Pour qu'elles retournent à n'importe quelle condition sur le marché du travail. Cette liste peut être allongée à volonté. Elle donne la mesure de l'assaut lancé contre les droits des salarié·e·s depuis le retournement de conjoncture, fin 2001. Un tableau identique pourrait être dressé à l'échelle européenne. Le conseiller d'Etat vaudois PS Pierre-Yves Maillard croit avoir trouvé la parade: « Les risques n'émanent pas de la libre circulation. Mais de la tendance qu'affiche la caste néolibérale à exploiter son personnel », a-t-il expliqué lors du congrès du Parti socialiste (Le Temps, 27 juin 2005). Passons sur ses contorsions linguistiques pour éviter d'appeler un patron un patron. Le patronat ne cache pas, lui, ses raisons de tenir aussi fort à cette pseudo-libre circulation: elle lui permettra de flexibiliser le marché du travail (cf. dans ce numéro "Poser les vraies questions"). C'est-à-dire, en bon français, d'augmenter l'exploitation des salarié·e·s. Dire NON le 25 septembre permet, d'une part, de dénoncer sans retenue cette réalité et, d'autre part, de proposer des axes pour une résistance. Le OUI oblige au contraire ses partisans à détourner le regard. Cela promet des réveils difficiles. |
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