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Editorial
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La crise

Pas un jour, depuis septembre, sans l’annonce d’un plan de «sauvetage» ou de «relance». A chaque fois, les ressources mobilisées se chiffrent en dizaines ou en centaines de milliards.

Le contraste est saisissant avec ce qu’on nous disait, jusqu’à hier, des «lois» de l’économie: l’intervention de l’Etat est inefficace ou contre-productive ; les Etats n’ont pas le droit d’écraser les générations futures avec le fardeau de la dette. Ces grands «principes» justifiaient la passivité face aux suppressions d’emploi, les coupes dans les dépenses sociales, le démontage des services publics, l’étiolement des retraites, mais aussi l’abandon de pays et régions étranglés par la dette.

La juxtaposition de ces deux réalités redouble le scandale. Elle doit nous inciter à tirer des leçons pouvant servir de points d’appui à l’action de celles et ceux qui ne se résignent à ce prétendu «ordre des choses»:

• L’Etat n’est pas un appendice, voué à disparaître, d’un marché omnipotent. C’est un instrument essentiel de la défense des intérêts de la classe dominante et de sa domi­nation. S’il y a péril, ceux d’en haut n’hésitent pas à le faire intervenir de toute sa puissance pour sauver leur mise. Aujourd’hui en mobilisant des ressources économiques considérables. Et si nécessaire, demain comme hier, en utilisant son pouvoir de police pour étouffer les contestations.

• Les mesures annoncées chaque jour ont une dimension exceptionnelle. Parce que la crise est exceptionnelle. Durant trois décennies, la course à des profits toujours plus élevés a façonné une économie mondiale de plus en plus distordue: une concentration ahurissante de la richesse accaparée par une infime minorité, des besoins sociaux violemment ignorés, des montagnes de crédits reposant sur le pari que les profits de demain seraient encore plus élevés que ceux d’aujourd’hui. La crise financière, cette fois-ci, a déclenché une crise économique qui est en train de fracasser cet édifice. Cela va précipiter des dizaines de millions de personnes au chômage et dans la misère. Des pays entiers, dans l’est de l’Europe comme en Asie (Pakistan) ou en Afrique, plongent.

• C’est une illustration dramatique de la contradiction destructrice qui est au cœur du capitalisme: la loi du profit, noyau dur du programme génétique de ce système, est incompatible avec un développement durable répondant aux besoins de la grande majorité. Elle amène tôt ou tard à des crises qui peuvent ravager des sociétés entières et balayer des années de «croissance».

• L’ironie de ce début de XXIe siècle est que cette contradiction s’affiche comme jamais depuis 60 ans au moment même où l’idée qu’il est possible de concevoir autrement l’organisation sociale n’a jamais été aussi peu présente parmi la masse des exploités. Et ne parlons pas des grandes organisations prétendant parler au nom des salariés ! Au gouvernement, comme en Grande-Bretagne, les partis «sociaux-démocrates» et leurs relais syndicaux sont en première ligne pour sauver la mise du grand capital. Partout, ils n’ont que le mot «excès» à la bouche. Comme si le problème était l’écume, et pas ce qui l’a produite.

• Dans les mois à venir, les «plans de sauvetage» vont aller de pair avec des coups implacables contre les salariés. En Suisse également: des secteurs entiers de l’économie (comme les sous-traitants de l’industrie automobile ou les médias) sont stoppés nets ou presque. Les licenciements se multiplient: les employeurs y recourent dès le moindre «refroidissement». Les retraites, qu’on nous a dit résister mieux au vieillissement grâce au 2 e pilier investi en actions, sont mises en péril. Les déficits publics vont se creuser: on ne les comblera pas en annulant les cadeaux fiscaux faits aux riches et aux entreprises, mais en coupant dans les services publics, en accélérant les privatisations, en dégradant les conditions de travail du personnel.

• Cette crise illustre la puissance destructrice du capital. L’inquiétude qu’elle alimente peut, faute d’alternative tangible, fonder d’illusoires espoirs dans les «plans de sauvetage». En même temps, cette crise remet l’action publique au cœur des choix économiques, sociaux, politiques. On voit les Etats déployer une énergie insoupçonnée pour sauver la mise des grands capitaux. Les collectivités humaines pourraient avec la même détermination mobiliser leurs ressources pour répondre aux besoins fondamentaux de l’humanité, y compris en matière d’environnement. C’est de ce combat que La Brèche veut être. En soutenant les luttes sociales, comme celle menée aux ateliers CFF de Bellinzone (cf. p. 3) ou celle de la fonction publique du canton de Vaud (cf. ci-contre). Et en contribuant à la réflexion sur ce que peut être, au XXIe siècle, un projet socialiste.

(7 décembre 2008)

 
         
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