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Editorial
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Crédit suisse-syndical

Charles-André Udry

Le «dumping salarial» a été un des éléments majeurs du débat portant sur les droits politiques, sociaux et syndicaux pour tous et toutes devant accompagner la «libre circulation de la main-d’œuvre» entre la Suisse et l’UE-AELE (moins Bulgarie et Roumanie).

Une étude récente – 8 août 2007 – du Credit Suisse intitulée Davantage de croissance grâce à la migration ? (31 p.) permet de mieux appréhender l’approche des employeurs pour ce qui a trait aux rapports entre «libre circulation» et évolution des salaires ainsi que l’extrême attention qu’ils portent à la «capacité – ou non – de négociation» des syndicats.

Tout d’abord, l’étude fournit un «cadre théorique de la fixation des salaires» issu d’un modèle néo-classique assez courant. Nous n’en ferons pas la critique ici. Mais une conclusion mérite l’attention. Le «salaire net correspond à la somme des indemnités de chômage du travailleur et de sa part à l’excédent global lié à la naissance d’un rapport de travail. La part à l’excédent est ici déterminée dans une mesure importante par la capacité de négociation du travailleur dans le cadre de négociations salariales. Si la capacité de négociation disparaît, le salaire baisse.» Vers le niveau des allocations de chômage…

Les experts du Credit Suisse continuent: «La capacité de négociation dépend notamment du nombre de membres que comporte le syndicat, du degré de centralisation des négociations salariales et de la concurrence livrée par les «outsiders» [c’est-à-dire les chômeurs qui font concurrence aux «insiders», les titulaires d’un poste de travail]. La migration de travailleurs supplémentaires influence les paramètres de la capacité de négociation.» Certes, ils ne mettent pas le doigt sur l’orientation des directions syndicales dans la concrétisation de la «capacité de négociation». La réalité empirique – politique dite de «paix du travail» – ne semble pas avoir attisé leur analyse dans ce domaine.

Par contre, ils sont attentifs à la capacité d’intégration des migrant·e·s par l’organisation syndicale. Sur ce thème, ils ne s’émeuvent pourtant pas. Ils constatent: «Dans l’hypothèse où les personnes actives nouvellement immigrées n’adhèrent pas immédiatement à un syndicat, la part des membres du syndicat par rapport à l’ensemble des personnes actives diminue. Ainsi dans le cas d’une discussion salariale, la masse mobilisatrice des syndicats rétrécit et, avec elle, leur potentiel de menace.» On comprend mieux pourquoi le patronat examine les évolutions dans le secteur de la construction. (voir article en p. 4)

Poursuivant leur analyse, les économistes pointent un facteur clé de la «capacité de négociation». Est-elle réduite à se faire entreprise par entreprise, mieux entre chaque salarié·e et «son» employeur ? Ou est-elle centralisée au niveau d’une branche ou d’un secteur pour mieux faire ressortir la force collective ? Les comparaisons et échelles établies les incitent à classer la Suisse, aujourd’hui, au niveau deux sur une échelle allant de un (faible centralisation) à cinq (forte centralisation). Nos experts déclarent, dès lors: «Le fort afflux de personnes étrangères actives devrait accélérer la décentralisation des négociations salariales et ainsi continuer à affaiblir la capacité de négociation des syndicats.» On comprend mieux pourquoi certaines revendications centralisatrices – obligation d’annoncer automatiquement les salaires, contrat type dans les branches sans CCT, possibilité pour les seuls travailleurs organisés dans un syndicat de pouvoir exiger l’extension du champ d’application des CCT – ont été rejetées violemment ou tues, finalement, par les appareils syndicaux lors du référendum sur «les bilatérales».

Pour terminer, les experts constatent que «la migration de la main-d’œuvre correspond à un afflux «d’outsiders» qui entrent en concurrence avec les «insiders» pour les postes de travail disponibles». L’analyse, ici, se centre sur les couches de salarié·e·s les plus qualifiées. En effet, cette concurrence, dans ces segments, devrait limiter «les coûts transitoires engendrés par la mise au courant». Elle conclut que l’on peut «induire une certaine modération des salaires», et une hausse de la productivité. Leçon de choses.

(7 septembre 2007)

 
         
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