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Fribourg: offensive pour prolonger l'ouverture des commerces
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Fribourg, mai 2003:
l'ouverture des «dépanneurs» le soir et le dimanche est rejetée en votation.
Les autorités reviennent à la charge aujourd'hui. Au lieu de préparer un référendum, les syndicats et le PS apportent leur caution

Guy Zurkinden

Mai 2003: une révision de la Loi sur le commerce (Lcom) fribourgoise est rejetée en votation, suite à un référendum. Le but de cette révision était de permettre l'extension des heures d'ouverture des magasins jusqu'à 21 h, et 19 h le dimanche. Pour cela, la loi créait une nouvelle catégorie de commerces, les « dépanneurs » , définis comme des «locaux de vente qui, sur une surface ne dépassant pas 100 m2, offrent pour l'essentiel des denrées alimentaires ainsi qu'une gamme restreinte d'articles de consommation courante .» C'était la deuxième fois depuis 1996 que le peuple fribourgeois refusait une extension des horaires d'ouverture.

Septibre 2004: le Grand conseil fribourgeois adopte, en première lecture, une nouvelle révision de la Lcom, concoctée par le conseiller d'Etat socialiste C. Grandjean, qui permet l'extension de l'horaire d'ouverture jusqu'à 21 h et le dimanche jusqu'à 19 h des «commerces liés aux stations d'essence». Ceux-ci sont définis comme des «locaux qui, sur une surface de vente ne dépassant pas 100 m2, offrent pour l'essentiel des marchandises et des prestations qui répondent principalient aux besoins particuliers des voyageurs .» Une «nouvelle mouture [qui] ressemble à s'y méprendre à celle que les Fribourgeois avaient rejetée» , constate le quotidien La Liberté (28 juillet 2004).

Des enjeux de societe

De gros enjeux motivent ce mépris du vote populaire :

• Les grands de la distribution (Migros, Coop, Carrefour,…) mènent depuis des années une campagne pour généraliser l'ouverture des commerces le soir et le dimanche.

• Après de nombreux refus en votations, ces groupes ont changé de stratégie. Ils tentent aujourd'hui d'ouvrir des brèches partielles dans les législations cantonale et fédérale, sur lesquelles ils s'appuieront ensuite pour imposer une libéralisation totale 1.

• L'ouverture le soir et le dimanche des «commerces liés aux stations services» participe de cette stratégie. Ces «shops» sont une «mine d'or» 2, contrôlée par les compagnies pétrolières et les chaînes de grande distribution. Ils sont en train d'être transformés en petits supermarchés. Migros a décidé de s'associer au groupe Valora – qui contrôle notamment Kiosk AG – pour distribuer ses produits dans les stations d'essence. Coop veut suivre 3.

• Cette libéralisation des horaires implique pour le personnel la généralisation du travail du dimanche et du soir (bientôt de nuit?), la plupart du temps sans compensation en temps, ou en salaire. Elle est un instrument des grandes surfaces pour marginaliser encore davantage les petits commerces familiaux, qui ne peuvent pas faire face. Elle s'inscrit dans l'offensive d'ensemble du patronat pour faire voler en éclats toutes les limites légales mises à la journée de travail. Elle a un impact qui dépasse de loin les conditions de travail : recul des temps communs de repos, de loisirs et de vie sociale, etc.

Caution syndicale

Malgré la votation de 2003, les représentants de ladite «gauche» politique et syndicale ont de fait accepté le nouveau projet de Lcom. «La signature prochaine d'une CCT dans ce secteur (les shops) devrait éviter un nouveau référendum de la gauche», annonce Le Temps (17 septibre 2004). Un «deal» a été signé entre «partenaires sociaux» sous la houlette du conseiller d'Etat socialiste Grandjean : l'appui de la gauche et des syndicats à la nouvelle Lcom contre la signature patronale d'une convention collective de travail (CCT) pour le personnel des «shops». Les salarié·e·s ont tout à y perdre. Une CCT a pour fonction de renforcer la protection légale des travailleurs ; celle-ci, liée à la révision de la Lcom, entraînera au contraire son démantèlement. Sans compter que cette CCT ne concernera que le personnel des shops (150 à 200 sur les 18'000 du secteur de la vente dans le canton), même si ce sont les conditions de travail de l'ensemble des salarié·e·s de la branche qui sont menacées à terme.

En négociant une extension des horaires d'ouverture des magasins avec le patronat au lieu de préparer un nouveau référendum, ladite «gauche» et les syndicats fribourgeois ont donc choisi de participer au démantèlement des protections du travail salarié.


1. Cf. La brèche No 2-3, « Loi sur le travail : la révision permanente ».

2. La Liberté, 6 mai 2003.

3. Le Temps, 27 août 2004.

 
         
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