labreche  

 

         
Une révision qui nous concerne tous
homeR
 

Les bobards de Couchepin justifient, à eux seuls, un NON le 17 juin 2007

L’ami de Pierre-Marcel Revaz de Martigny, patron du Groupe Mutuel – troisième assureur maladie de Suisse, se développant dans d’autres secteurs –, n’hésite jamais à lancer un bobard. Qui est-ce? Pascal Couchepin de Martigny. Un ex-proche des Caves Orsat dont le slogan tombe à point: «L’harmonie du corps et de l’esprit». De l’esprit, Cou­che­pin s’en fait injecter par Yves Rossier. Ce natif de Delémont est ancien directeur de la Commission fédérale des maisons de jeu. Il voit donc dans la Providence le substitut du mal nommé «Etat providen­ce». Il remplit la besace de Couchepin de formules trompeuses et de pieux mensonges. Passons à leur détection précoce.

Comprimer le cercle des ayants droit

Afin de réduire le nombre et le volume financier des rentes (voir p. 3), il suffit de réduire le cercle des ayants droit. C’est ce qu’affirme le Message du Conseil fédéral concernant la 5e révision de l’AI: «Nombre d’immigrants sont employés comme main-d’œuvre non qualifiée pour l’exécution de travaux pénibles physiquement. Lorsque des problèmes de dos, notamment, apparaissent au bout de quelques années ou dizaines d’années, et que l’examen médical ordonné par l’AI conclut que la personne concernée pourrait encore exercer une activité lucrative physiquement moins contraignante, la recherche d’un emploi approprié échoue souvent en raison d’un niveau de formation trop faible, de connaissances de la langue du pays insuffisantes ou encore d’analphabétisme. Comme il s’agit là de facteurs étrangers à l’invalidité, l’AI ne doit pas en répondre.» (Feuille fédérale, 2005, p. 4236) Plusieurs remarques.

• Les relents xénophobes ne méritent pas d’explication. Le constat suffit. Cette mesure va concerner un ensemble de salarié·e·s – de toutes origines – dont la trajectoire sociale et professionnelle, associée à un ensemble de facteurs so­ciaux, réduit les possibilités de trouver un emploi sur le «marché du travail». Un «marché» sur lequel des contrats asymétriques sont conclus (salariés-patronat); et qui est structuré par la sous-traitance, les boîtes intérimaires, les exigences de flexibilité et celles des institutions créées pour «combattre le chômage».

Dans l’approche du Conseil fédéral, chacun est donc responsable – et, partant, potentiellement coupable – de «son employabilité». C’est-à-dire de sa disposition à «accepter n’importe quoi»! Dans la novlangue réactionnaire, cela se nomme: «l’adaptation». Besoins des personnes et droits sont liquidés.

La réduction de 30% des nouvelles rentes octroyées de 2003 à 2006 en est la traduction concrète. Le taux de refus en 2005 était de 42%; en 2006 de 45%. L’objectif: diminuer encore de 10 à 20% les nouvelles rentes.

• La définition de l’invalidité est sur la voie d’un profond changement. Avec cette révision, le Conseil fédéral rejette une définition de l’invalidité conforme à celle de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qui, elle, intègre des facteurs sociaux et psychologiques.

Avec la définition biomédicale de l’invalidité s’opère un retour au XIXe siècle. Une lésion à la colonne vertébrale est «objectivable», donc reconnaissable. Mais, après guérison, un syndrome post-traumatique peut se manifester, d’ordre psychique par exemple, avec une alternance de «hauts» et de «bas». Dans ce cas, l’obtention d’une rente AI relèvera d’un très rare exploit. Les personnes souffrant (une douleur souvent ignorée) de troubles psychiques – très liés aux conditions de vie et de travail, selon un grand nombre d’études approfondies – seront éjectées du cercle des ayants droit.

• La durée de cotisation pour avoir droit à une rente AI passe d’un an à trois ans. L’immigré·e qui devient invalide après 16 mois de travail est expulsé du cercle des ayants droit.

Or, l’assurance invalidité couvre un risque. Il devrait être pris en charge dès le premier jour de cotisation. Une durée minimale de cotisation – d’un an ou de trois ans – ne se justifie nullement.

Cette décision – qui devrait économiser 1 million – est un révélateur aigu de la volonté officielle de ne pas prendre en compte les besoins des personnes concernées. Voilà une image de la société du mépris qui ne cesse de vanter les «mérites individuels».

Plus il parle, plus il ressemble à Pinocchio

Pascal Couchepin, tout de go, déclare: «La rente ne change pas» (Tribune de Genève, 18.04.2007). L’ex-shériff de Martigny (Valais) tire dans le tas.

• Le «supplément de carrière» passe à la trappe. Une personne devenue invalide au cours de sa formation ou durant les premières années de son activité professionnelle reçoit une rente ridiculement basse. Le principe veut que le montant de la rente – qui oscille entre le minimum et le maximun AVS, la moyenne actuelle est de 1525 francs pas mois – soit en relation avec le revenu de l’activité lucrative antérieure.

Donc, pour ne pas plus enfoncer les personnes, il était prévu un «supplément de carrière», diminuant jusqu’à l’âge de 45 ans. Il était calculé sur un «revenu théorique» qui aurait pu être obtenu par la personne valide.

Ce supplément est balayé et des personnes jeunes basculeront dans la pauvreté, l’incertitude, l’humiliation, la déprime. Le Conseil fédéral ne parle-t-il pas de «suppression d’un privilège»? Celui d’être devenu invalide à 27 ans? La perversité s’allie, ici, à l’ineptie.

Cette mesure devrait «économiser» 83 millions. Soit 3 millions de moins que les salaires cumulés (voir p. 2), rien qu’en 2006, de Vasella (Novartis), Ospel (UBS) et Humer (Roche).

• Les mesures médicales de réadaptation des personnes de plus de 20 ans ne seront plus payées par l’AI, mais par l’assurance-maladie. C’est un transfert de charges. Le montant estimé: 31 millions. Cette somme est reportée, en partie, sur les assuré·e·s par l’application de la franchise et de la participation aux frais propres à l’assurance-maladie, dont le système de prime est le plus injuste au monde (prime par tête et non pas selon la «capacité économique»).

• Lors de la 4e révision de l’AI, les nouveaux invalides (nouveaux, selon la date d’entrée en vigueur de cette révision, 1er janvier 2004) se voyaient supprimer le droit à une rente de conjoint; c’est-à-dire une rente accrue lorsqu’ils sont mariés. En raison du principe de non-rétroactivité, les personnes qui touchaient déjà cette rente continuaient à la percevoir.

La 5e révision – au nom de «l’égalité de traitement» entre les personnes reconnues comme invalides avant la 4e révision et celles dont le statut a été entériné après – foule aux pieds ce principe de la non-rétroactivité. C’est-à-dire, celui d’un droit acquis.

Ainsi, les personnes qui touchaient une rente de conjoint verront leurs revenus diminuer. La rente de conjoint équivaut à 30% de la rente AI touchée. Cela aboutira à une contraction, en moyenne, de 470 francs par mois. Plus de 80’000 personnes et leurs familles seront ainsi brutalisées. Parmi elles, 62’500 épouses d’une personne touchant une rente: le couple sera donc pénalisé et son maigre revenu amputé.

Les mensonges de Couchepin font concurrence à ceux de Pinocchio. Se­ont-ils invalidants au plan politique?

Transferts de charges et salaires rongés

L’ensemble de ces mesures provoquent des chutes dans la pauvreté et l’indigence. Elles vont «déverser» des milliers de personnes dans le «trou» de l’assistance sociale, dont les versements sont remboursables.

• Les «experts» qui contestent ce déport vers les institutions d’aide officiel­les et privées manifestent soit de la mau­vaise foi, soit une ignorance des mécanismes de transferts sectoriels dans les marches à la frontière de la dés­affiliation sociale. Nous répondons à ces objections dans le Cahier La brèche n° 2 (voir reproduction ci-dessous).

• Une preuve de ce processus de déplacement et de transfert de charges financière vers les cantons et les communes – soumis à une sévère politique d’austérité budgétaire – nous est donnée par le Professeur Silvio Borner de Bâle, héraut de la révolution conservatrice en Suisse. Dans l’hebdomadaire, «bien à droite», Die Weltwoche (16 mai 2007, p.18), il insiste sur un fait élémentaire, pour les siens: Si l’assignation au travail à n’importe quel prix est l’objectif ­ – «juste», selon lui – de la 5e révision de l’AI, il ne faut pas que le niveau de l’aide sociale soit trop élevé. Autrement la contrainte «à travailler» pour les invalides faiblira.

La conclusion coule de source: cette «mise au travail» du maximum de personnes ayant une capacité de travail jugée amoindrie – mais suffisante pour produire de la plus-value, d’autant plus que le prix de vente de leur force de travail (le salaire) sera très bas – aura un effet salarial domino. La pression s’exercera, demain, sur les allocations des chômeurs. En enfilade seront comprimés les salaires de ceux qui retrouvent un emploi; et les salaires de woorking poor seront mis en concurrence. La pyramide de la «santé» salariale va s’affaisser.

Le NON relève d’un réflexe d’autodéfense et d’une éthique sociale qui choisit le côté des salarié·e·s, des exploité·e·s et des opprimé·e·s.

(23 mai 2007) .

 
         
Vos commentaires     Haut de page