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«Révisions»
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Produire de l’insécurité sociale !

Charles-André Udry

Le référendum contre la 5e révision de l’AI (assurance-invalidité) constitue un élément obligé du rejet d’une contre-réforme sociale réactionnaire. C’est un nouveau chapitre ajouté au manuel d’une révolution conservatrice à la Bush et à la Thatcher. Ses interprètes politiques helvétiques actuels ont pour nom : Christoph Blocher et Samuel Schmid (UDC) ; Pascal Couchepin et Hans-Rudolf Merz (PRD) ; et Doris Leuthard (PDC). Pour conduire cette besogne, ils « jouissent » – avec un rictus méprisant, à peine voilé devant les caméras – de la complicité, toute collégiale, des conseillers fédéraux du PSS : Micheline Calmy-Rey et Moritz Leuen­berger.

Auparavant, le musée Grévin du Palais fédéral alignait, dans le même rôle, les : Arnold Koller (PDC), Kaspar Villiger (PRD), Ruth Dreifuss (PSS) (dont certains ont oublié le rôle dans la révision de la LAMal, assurance-maladie), Ruth Metzler-Arnold (PDC), Jospeh Deiss (PDC), Adolf Ogi (UDC)… Ils ont laissé peu de souvenirs. Par contre, ils ont appliqué ce qu’exigeaient, sur la durée, le patronat et ses organisations. Ils furent récompensés par des postes dans des conseils d’administration et d’autres mandats « honorifiques », mais avec émoluments. Cela arrondit la retraite : une sécurité sociale pour des Sages qui vieillissent honorablement.

Des révisions pour dénier des droits sociaux

On peut résumer l’œuvre accomplie par une phrase. Elle revient fréquemment : « Nous nous faisons de grands soucis pour l’avenir de nos enfants. » On les comprend.

En moins de vingt ans, ces personnes ont assisté : à une dégradation desdits services publics (qui n’en ont jamais vraiment été) ; à des « services » privatisés ou obéissant aux règles les plus strictes de la rentabilité. Swisscom, La Poste ou les CFF font exemple.  

A ne pas oublier : la péjoration des con­ditions de travail – dès lors, des soins – dans les hôpitaux et les EMS (établissements médico-sociaux). Et cela va empirer.

L’emploi est plus difficile à trouver. L’ombre du chômage plane, avec l’angoisse que cela suscite. Lors d’une nouvelle embauche, le salaire est, plus d’une fois, inférieur au précédent ; de même, les rentes du 2e pilier (caisse de pension) sont plus incertaines et les cotisations plus élevées.

L’inquiétude sur la « solidité » de l’AVS est entretenue par les patrons et le Conseil fédéral. Une pure propagande, pour faire douter les nouvelles générations qui commencent à dire : « L’AVS, je ne la toucherai pas. »

Pourtant, même face à leurs chiffres et projections fantaisistes, les autorités sont contraintes de déclarer que, jusqu’en 2019, le fonds de réserve de l’AVS (l’équivalent d’une année des rentes servies) est rempli. Elles continueront toutefois à pontifier sur les « déficits », assimilés à une crevasse d’un glacier. S’il y a un jour un déficit, il sera le résultat d’un financement inadéquat et non pas d’un « trou » naturel.

Cette panique entretenue a un but : augmenter l’âge donnant droit à la retraite. La barre fixée à 67 ans en Allemagne sera présentée comme un mo­dèle à suivre. N’est-ce pas le « principal pays concurrent » de la Suisse ? Or, les entreprises helvètes emploient en Alle­magne quelque 220’000 salarié·e·s ; soit l’équivalent des personnes actives dans les transports et les communications en Suisse. La retraite flexible (pour les hauts salai­res !) sera aussi mise en avant. Assurances et banques proposeront des « produits » – rentables pour elles – afin de « pré­parer une bonne retraite » à ceux qui peuvent se payer des 3es piliers A et autres assurances-vie, le tout défiscalisé.

Les « petits boulots » et le travail temporaire augmentent. Y compris pour se payer des études toujours plus coûteuses. Ne s’offrent-elles pas comme un sésame censé ouvrir la porte d’un futur travail ?

C’est le règne du : « il faut bosser plus vite », « se donner pour la boîte », « être entreprenant », « atteindre les résultats fixés » (par qui ?) face à la concurrence. Ce refrain trotte dans la tête jour et nuit ; comme l’épuisement, les maladies et les burn out (écroulements subits) qui vont de concert.

Une inégalité rentable… pour le Capital

L’inégalité est poussée à son comble. Les cadres dirigeants, de 2005 à 2006, ont vu leurs salaires (bonus compris, mais sans stock-options) croître de 10,9 % à UBS, de 53,3 % chez Roche, 48,4 % chez Swiss Re, 142,7 % chez Julius Bär, 72 % chez Richemont (produits de luxe : Carier, Piaget, IWC, Dunhill, Montblanc, etc.) On verra, ailleurs, les capitaux re­çus par les PDG, les présidents directeurs (pas) gâcheurs (pdg).

La remise en question des assurances dites « sociales » est fonctionnelle pour le Capital. Plus l’insécurité sociale règne, plus les salarié·e·s ont peur, plus ils doivent accepter l’insupportable… quitte à tomber malade et à avoir un accident au travail ou sur le chemin du travail. Plus la « responsabilité individuelle » est montée en sauce et plus les assurances comme les banques en profitent ; elles qui prétendent « assurer » l’insécurité. C’est du pain blanc pour les assurances maladie complémentaires, pour celles qui veulent prendre une partie du marché de la Suva (assurance-accidents). La 5e révision de l’AI est une pièce de ce puzzle où est dessinée la sentence officialo-fédérale : « Il est juste que certains soient plus égaux que d’autres, car ils le méritent. »

(23 mai 2007)

 
         
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