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Histoire et facettes d’une discrimination meurtrière
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Le gouvernement suisse face aux Roms, Sintis, Yéniches Karin Vogt Dans le cadre des travaux de la «Commission indépendante d’experts Suisse – Seconde Guerre mondiale» (CIE) [1], Thomas Huonker et Regula Ludi ont étudié l’attitude du gouvernement helvétique face aux minorités non sédentaires, de nationalité suisse ou étrangère, pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur constat est effarant. A l’égard des Roms, Sintis et Yéniches [2], les autorités suisses n’ont cessé de pratiquer une politique de marginalisation, d’internement, de répression policière et de renvoi – même face aux réfugié·e·s roms, sintis et yéniches venant de l’Allemagne nazie. Au même titre que face aux Juifs en quête d’asile, la Suisse – pays non occupé et «neutre» – s’est ainsi rendue complice de la politique génocidaire du régime nazi face aux «Tsiganes», tués par centaines de milliers dans les camps nazis. On peut lire à ce propos l’ouvrage de Guenter Lewy, The Nazi Persecution of the Gypsies (Oxford University Press, 2000). Cette pratique discriminatoire et répressive s’inscrit dans le sillage d’une politique systématique qui remonte au XIXe siècle et n’est pas un phénomène strictement suisse, mais au moins européen. Toutefois, l’Etat suisse a joué un rôle précurseur dans plusieurs domaines, notamment la stérilisation forcée ou l’établissement de registres de police spécifiquement dirigés contre les gens du voyage. En outre, des psychiatres et chercheurs helvétique ont eu une influence décisive sur certains courants favorables à l’eugénisme, eugénisme que l’Allemagne nazie pratiquera à grande échelle. Les auteurs du livre évoquent également la politique de dissolution des familles yéniches suisses, pratiquée par l’«Œuvre des enfants de la grand-route» de la fondation – toujours existante – Pro Juventute. Dans une nouvelle postface, Thomas Huonker retrace plusieurs cas de «psychiatrisation» de Yéniches récemment découverts dans les archives. Contrairement à la scandaleuse attitude de refoulement des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, le traitement par le gouvernement des groupes non sédentaires persécutés dans le IIIe Reich n’a jamais fait l’objet d’un véritable débat et d’une prise de conscience publique. Et aujourd’hui encore, les communautés non sédentaires, qu’elles soient officiellement de nationalité suisse ou non, se heurtent à l’exclusion et à la discrimination, presque partout en Suisse. L’ostracisme qui frappe la minorité des gens du voyage depuis des siècles reste toujours de mise, doublé d’une ignorance généralisée de tout ce qui fait cette culture. La crise économique rampurcir les conditions d’exploitation des salarié·e·s induisent aussi un durcissement des conditions imposées aux groupes nomades, transformés en boucs émissante présente et la nécessité de daires. Ainsi, les mesures genevoises de répression contre les Roms préfigurent l’interdiction de la «mendicité» qui s’annonce dans plusieurs villes suisses. Tant les milieux de la droite nationaliste que des représentants politiques de la bourgeoisie ne manqueront pas de tirer profit du «débat» sur l’extension de la libre circulation des personnes à la Roumanie et à la Bulgarie des thèmes tels que: la nécessité d’une «immigration choisie» face à une «immigration subie», à l’image de ladite arrivée «incontrôlée» des Roms. Ce qui facilitera encore la multiplication des catégories, administratives, de migrants, secret d’une politique traditionnelle de division légalisée des salarié·e·s. A l’échelle internationale, les exactions récemment commises contre les Roms en Italie, à l’appui d’une politique gouvernementale de ségrégation raciale, mettent en lumière le traitement réservé à la plus grande minorité d’Europe. Et le «pacte d’immigration» de Sarkozy à la présidence de l’Union européenne (UE) donnera une légitimité institutionnelle (proche du modèle suisse, qui est exemplaire en termes de répression administrative) au fait de bafouer les droits humains les plus élémentaires des minorités étrangères – définies ou même simplement perçues comme telles. C’est dire combien le travail de Regula Ludi et Thomas Huonker est d’actualité. Nous en publions ci-dessous quelques bonnes feuilles. Exode, renvoi et mort d’Anton Reinhardt Anton Reinhardt est un jeune Sinti de 17 ans. Le 25 août 1944, à la nuit tombante, il tente de rejoindre la Suisse à la nage en traversant le Rhin à hauteur de Waldshut. Capturé, il est conduit à la prison de district de Zurzach pour passage illégal de la frontière 3. Anton Reinhardt, qui lors de son premier interrogatoire affirme s’appeler Anton Bü., demande l’asile en tant qu’objecteur de conscience. Il craint par ailleurs d’être condamné en cas de renvoi en Allemagne. La Gestapo l’a en effet déjà arrêté pour avoir tenu des propos défaitistes et s’être absenté de son travail. C’est en usant d’un subterfuge qu’il est parvenu à s’évader 4. Le demandeur d’asile espère être admis en tant que réfugié militaire, mais les policiers accueillent sa déposition avec méfiance, surtout lorsqu’ils découvrent sa véritable identité et apprennent qu’il vient d’une famille nomade. Un rapport précise «que le prétendu Bü. Anton s’appelle en réalité Reinhardt Anton et qu’il a donc donné une fausse identité. Cet individu est décrit comme une personne douteuse et ses parents appartenaient avant la guerre aux «gens du voyage», c’est-à-dire aux Schirmflicker [réparateurs de parapluies]. Les véritables mobiles qui ont poussé le susmentionné à fuir en Suisse ne sont pas connus, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas pu être établis. Il est en revanche établi qu’il travaillait il y a quelques semaines encore en tant que journalier (auxiliaire) dans les Ateliers de constructions mécaniques Mann à Waldshut» 5. Les archives allemandes font ressortir qu’Anton Reinhardt avait bel et bien été appelé au service militaire 6. En tant que «métis tsigane», il risquait également la stérilisation forcée. A-t-il lui-même tu ce fait aux fonctionnaires suisses ou ceux-ci ne l’ont-ils pas jugé pertinent? Toujours est-il que le procès-verbal de l’interrogatoire n’en fait pas mention. Or, Reinhardt avait effectivement reçu au début de l’été 1944 l’ordre de se rendre dans un hôpital pour y subir une «stérilisation» ( Unfruchtbarmachung). Il était recherché par la police pour n’avoir pas répondu à cette convocation. Une décision administrative avait également «menacé de l’envoyer en camp de concentration s’il ne se soumettait pas à la stérilisation» 7. Lors de son second interrogatoire en Suisse, Anton Reinhardt précise qu’il est le fils d’une Sintezza 8 née en Suisse 9 qui aurait épousé Anton Bü., un vannier allemand, après la mort de son père. Il évoque désormais la persécution raciale comme motif de fuite: «Mes ancêtres sont originaires des Balkans, je suis donc Tsigane. […] Les Allemands ont interné plusieurs parents de ma mère au camp de concentration d’Auschwitz près de Kattowitz en Haute-Silésie. La police criminelle et la Gestapo ont déclaré lors de ma détention à Waldshut que le même destin m’attendait. C’est une raison supplémentaire de ma décision de m’enfuir en Suisse» 10. Le 5 septembre 1944, la Division de police refuse d’accorder l’asile à Anton Reinhardt 11. Cette décision s’appuie pourtant sur les nouvelles directives du 12 juillet 1944 concernant la politique à l’égard des réfugiés, qui prévoient de ne pas refouler «les étrangers réellement menacés dans leur vie ou leur intégrité corporelle pour des raisons politiques ou autres» 12. Le renvoi d’Anton Reinhardt est en contradiction avec ces consignes, puisque la Division de police aurait dû considérer comme un péril mortel la menace de déportation en camp de concentration qui pesait sur le «métis tsigane» Anton Reinhardt. Le 8 septembre 1944, Anton Reinhardt est refoulé en Alsace à hauteur de Benkenspitz (Bâle-Campagne) 13. L’espoir du jeune homme «que personne ne [l]’attrape» ne se réalise pas. Anton Reinhardt est arrêté et conduit au camp de concentration (camp de sûreté) de Schirmeck-Vorbruck en Alsace. Plus tard, il est affecté aux travaux forcés pour l’entreprise Daimler-Benz à Gaggenau, avant d’être transféré au camp de Rotenfels en mars 1945 14. Il s’en évade avec d’autres prisonniers, mais est à nouveau appréhendé par le Volkssturm local à Schapbach le 30 mars 1945. Emprisonné sur ordre du SS-Hauptsturmführer Karl Hauger, il passe le soir même en cour martiale qui le condamne à mort. Le matin suivant, Anton Reinhardt doit creuser sa propre tombe avant d’être abattu par Hauger d’une balle dans la nuque ou l’abdomen 15. Après la guerre, les alliés ordonnent une enquête sur ces événements. En été 1946, le cadavre d’Anton Reinhardt est exhumé, photographié et enterré au cimetière de Bad-Rippoldsau après qu’un officier de la War Crimes Investigation Unit en eut vérifié l’identité. Karl Hauger, principal responsable de l’assassinat, est arrêté en 1957. Il avait séjourné pendant quelques années sous une fausse identité dans le nord de l’Allemagne, une condamnation à mort ayant été prononcée contre lui en France pour le meurtre de prisonniers de guerre français. Estimant ne plus risquer l’extradition vers la France, il était retourné dans le sud de l’Allemagne à la fin de l’année 1956. En 1961, il est condamné à sept années de réclusion pour le meurtre, ou plus précisément l’homicide, d’Anton Reinhardt. Son complice le plus proche, Franz Hindenburg Wipfler, contre lequel un mandat d’arrêt avait été émis en 1947 avant d’être levé, est quant à lui condamné à trois ans et demi de prison 16. Interné à vie et castré en 1934: Josef Anton R. Le rapport publié en 2000 mentionne brièvement qu’une enquête de la Division de police du Département fédéral de justice et police (DFJP), menée en 1920 auprès des gouvernements cantonaux, évoque un groupe d’«enfants tsiganes» d’origine étrangère placés sous la tutelle des autorités. Il était clair que ces enfants avaient été enlevés à leur famille rom, sinti ou yéniche lors de leur entrée en Suisse, en application des directives du fonctionnaire fédéral Eduard Leupold. Décidée en 1911, la procédure Leupold est systématiquement appliquée à partir de 1913. Elle présuppose que le séjour de «Tsiganes» étrangers ou apatrides – l’appartenance à ces catégories est laissée à l’appréciation de la police – est illégal en tant que tel. En effet, l’entrée des «Tsiganes» sur le territoire suisse avait été interdite par une convention signée en 1888 entre les cantons frontaliers, abolissant ainsi la liberté de voyage introduite en 1848. En outre, la Confédération édicte en 1906 une loi qui interdit non seulement le séjour, mais aussi le transit des «Tsiganes», notamment par chemin de fer ou bateau à vapeur, sauf dans le cas d’un transport sous surveillance policière en vue de leur expulsion. Pour identifier les «Tsiganes» entrés illégalement, la procédure Leupold prévoit leur «détention à des fins d’identification» et la tenue d’un «registre tsigane» central à Berne. Cette détention peut s’étendre sur des mois ou des années, sans possibilité de saisir un juge. Elle implique la séparation des familles. Les hommes (dès l’âge de 16 ans) sont internés à l’établissement de travaux forcés de Witzwil, où ils travaillent dans l’agriculture, mais aussi dans le retraitement des déchets ménagers de la ville de Berne, directement livrés à Witzwil par chemin de fer entre 1914 et 1954. Les femmes et les enfants indésirables sont internés dans les foyers de Caritas et de l’Armée du Salut. C’est ainsi que la police appréhende parfois des enfants seuls. L’un de ces enfants est Josef Anton R. La façon dont il a été traité en Suisse reflète toute la brutalité des décisions des autorités. Le détail de son histoire semble à peine croyable, mais toutes les étapes sont étayées par des documents. La famille de Josef Anton R. avait fui l’Allemagne en 1915 pour rejoindre Eglisau, dans le canton de Zurich. Elle réussit à séjourner quelque temps en Suisse sans se faire remarquer. «Le garçon a été appréhendé en tant qu’apatride en septembre 1916 à Baden, et placé par le Département fédéral de justice et police à l’Armée du Salut, Molkenstr. 6» 17 à Zurich, avec sa mère et ses sœurs. Josef Anton R., né le 25 août 1905, a alors 11 ans. Les documents ne précisent pas s’il a été interpellé en même temps que les autres membres de sa famille. Lorsque sa mère meurt à Zurich en 1920, son père est autorisé à quitter Witzwil, mais il ne peut emmener que les sœurs de Josef Anton R.: celui-ci souffre en effet d’une grave maladie et se trouve à l’hôpital pour enfants, tandis que la décision d’expulsion du père et de ses filles est immédiatement applicable. Le sort de la famille de Josef Anton R. n’est pas connu. Du fait de l’interdiction d’entrée qui frappe les gens du voyage, elle ne pourra jamais lui rendre visite. La Division de police du Département fédéral de justice et police déclare de son côté qu’il n’est pas possible de renvoyer ce «garçon tsigane» originaire d’Alsace, mais qui ne dispose pas de papiers d’identité. Ni la France ni l’Allemagne ne lui reconnaissent la citoyenneté 18. Pour empêcher Josef Anton R. de se rapprocher «des filles de mauvaise vie» 19, le service des orphelins de Zurich et la Division de police du DFJP décident d’un commun accord de l’interner «jusqu’à son expulsion, au maximum pour une durée de deux ans, à la maison de redressement de Tessenberg», après un passage à l’établissement de Trachselwald, également situé dans le canton de Berne 20. Comme Josef Anton R. reste sans papiers d’identité, il ne peut toujours pas être renvoyé au terme de ses deux années d’internement. Il est maintenant placé comme valet de ferme chez un paysan de Volketswil, dans le canton de Zurich; plus tard, il est garçon de courses chez un boulanger de Langnau. Un jour, il empoche une somme d’argent appartenant à son employeur et la distribue en grande partie à des enfants; il est alors interné au pénitencier de Witzwil, dans le canton de Berne. Ballotté d’établissement en établissement, Josef Anton R. est initié aux actes sexuels sur des animaux et entre personnes de même sexe à Witzwil. A l’extérieur, il recherche parfois le contact sexuel avec des jeunes filles mineures; le cas le plus flagrant entraîne pour lui une courte peine de prison. En 1934, sur demande du Dr Robert Schneider, qui est son tuteur d’office, Josef Anton R. est transféré à la clinique universitaire bernoise de Waldau pour y subir une expertise psychiatrique par le psychiatre allemand Herbert Jancke. Herbert Jancke (1898-1993) est aussi chargé de cours en psychologie expérimentale à l’université de Berne et adepte notoire du national-socialisme, comme ses collègues professeurs Helmut de Boor (philologie allemande), Walter Porzig (philologie indo-européenne), Wilhelm Michaelis (théologie) et Fritz Zetsche (chimie). L’expertise officielle effectuée par Jancke sur le jeune homme apatride et sans famille reflète directement l’orientation politique du psychiatre. Il écrit sur Josef Anton R.: «C’était un vrai Tsigane.» Il poursuit: «C’est un être débile et moralement déficient.» La séparation de sa famille, sa maladie, son internement dans divers établissements, son isolement – toutes ces circonstances traumatiques ne jouent aucun rôle pour l’expertise. C’est un point de vue purement raciste qui s’exprime: «Tout son comportement s’explique plus ou moins par le fait qu’il n’est pas Suisse, mais Tsigane.» Jancke, qui sera éloigné de l’université de Berne en 1937 et retournera en Allemagne pour prendre la direction d’un «établissement de cure» psychiatrique à Bonn, en déduit un postulat clair: «Nous avons donc constaté que R. est un psychopathe effréné qui souffre de débilité morale et intellectuelle. De plus, en tant que Tsigane incapable de s’adapter, il ne pourra vivre et travailler que sous surveillance permanente, parmi des individus étrangers à la race; il est donc indiqué de l’interner à vie.» Pour empêcher ce jeune homme «étranger à la race» de produire une descendance indésirable, l’expertise de Jancke recommande la stérilisation. «S’il n’est pas possible d’expulser R., ce dont nous ne pouvons pas juger mais qui serait la meilleure solution pour lui et pour nous-mêmes (il devrait en effet pouvoir rejoindre un groupe de Tsiganes nomades), il nous incombe de veiller à ce qu’il ne puisse pas se reproduire en Suisse. La mesure minimale serait donc la stérilisation forcée, qu’il faudrait imposer et qui resterait d’actualité en cas d’internement permanent. Selon notre expérience, en effet, le cadre institutionnel n’empêche pas totalement les rapports sexuels avec les femmes.» 21 Robert Schneider, grand partisan de l’«eugénisme» et également connu comme tuteur de l’écrivain suisse Friedrich Glauser, avait lui-même déjà proposé de faire castrer Josef Anton R. avec l’accord des psychiatres. Cette proposition rencontre l’assentiment du nazi Jancke: «Même s’il est possible de se contenter de la stérilisation, il faut oser la conséquence dernière qui est la castration, comme l’évoque la demande d’expertise. Les pulsions sexuelles de R. ne sont certes pas très développées dans l’absolu, mais elles sont suffisamment fortes pour le conduire dans des égarements sexuels, quel que soit son cadre de vie. Pour l’instant, R. n’a toutefois pas encore consenti à la castration, mais nous continuerons à essayer de le faire changer d’avis.» Les dossiers ne contiennent aucun élément indiquant que Josef Anton R. aurait jamais consenti à sa castration. L’intervention est pourtant effectuée. Josef Anton R. vient ainsi allonger la liste des victimes de cette mesure que la Suisse pratique depuis 1890. Josef Anton R. passe les vingt-deux années suivantes dans l’établissement de travaux forcés de Bellechasse, dans le canton de Fribourg. En 1956, il subit une nouvelle expertise psychiatrique, cette fois-ci à la clinique universitaire de Zurich. «Il y a plus de vingt ans, la castration a été pratiquée sur R. en raison de ses égarements sexuels. Selon l’avis de la clinique de Burghölzli mentionné ci-dessus, le sujet ne présente pas de signes d’une dangerosité sexuelle élevée à l’heure actuelle. Le médecin chargé de l’expertise recommande de placer R. dans un hôpital pour malades chroniques, un établissement médical spécialisé ou un home pour personnes âgées.» 22 Par cette décision, la direction cantonale de la justice de Zurich rejette la demande du tuteur Robert Schneider de prolonger l’internement de Josef Anton R. à Bellechasse. Celui-ci sera donc transféré à l’établissement de Kappel, dans la région du Knonauer Amt, située dans le canton de Zurich. Josef Anton R. meurt en 1972, à l’âge de 67 ans, pensionnaire anonyme de l’asile d’indigents de Kappel am Albis.
* Les Editions Page deux publieront la traduction française d’un rapport diffusé en
2000 en allemand, de manière presque «confidentielle», à la suite des travaux de la
Commission indépendante d’experts « Suisse – Seconde Guerre Mondiale ».
L’ouvrage paraîtra en français en septembre 2008, augmenté d’une nouvelle postface. 1. En décembre 1996, le parlement et le gouvernement de la Confédération suisse instituaient la Commisssion Indépendante d’Experts «Suisse – Seconde Guerre mondiale» (CIE) et lui donnaient un mandat large visant à étudier les rapports économiques et financiers de la Suisse avec les puissances impliquées dans la guerre, notamment les services rendus par la Suisse neutre à l’Allemagne nazie et à l’Italie fasciste. Le champ de recherche porte également sur l’après-guerre et les mesures prises par l’Etat pour restituer les avoirs patrimoniaux acquis de manière illicite. 2. Les membres des minorités culturelles que la majorité regroupe sous l’appellation – souvent dépréciative – de « Tsiganes » se rattachent en fait à des groupes ethniques distincts. La plupart d’entre eux se désignent au moyen du terme générique de Roms. Le mot Roms signifie « êtres humains » et provient de la langue appelée le romanès. Les Roms établis depuis plusieurs siècles en Europe occidentale, principalement en Allemagne, en France et en Italie, se définissent comme des Sintis. Les Yéniches sont des personnes, nomades ou sédentaires, vivant en Suisse, en Allemagne ou en Autriche et ne parlant pas le romanès. Le terme «yéniche» en tant que dénomination d’un dialecte apparaît rarement dans les sources, ce qui s’explique partiellement par la tradition orale longtemps entretenue par les Yéniches. Les rares sources disponibles indiquent cependant que ce terme était utilisé par un groupe de population très hétérogène sur le plan social, au mode de vie à la fois nomade et sédentaire, et riche de traditions culturelles différentes. 3. Samuel Plattner a tourné un documentaire sur l’histoire d’Anton Reinhardt. Un dossier à son nom, établi par la Division de police du Département fédéral de justice et police (DFJP), existe dans les Archives fédérales suisses. De volumineux dossiers judiciaires sur les assassins d’Anton Reinhardt sont conservés aux Archives de Fribourg-en-Brisgau (Staatsarchiv Freiburg i. B., Bestand F 179/6 «Staatsanwaltschaft Offenburg», Pakete 10-16/Nr. 119-123). 4. Il déclare avoir simulé une crise d’appendicite en prison pour que la Gestapo le conduise à l’hôpital de Waldshut. C’est de là qu’il aurait pris la fuite. Rapport du poste de Coblence au commandement de la police du canton d’Argovie, 25.8.1944; Procès-verbal d’interrogatoire, 28.8.1944, Archives fédérales (AF) E 4264 (-) 1985/196, vol. 1072. 5. Rapport du poste de Coblence au commandement de la police du canton d’Argovie, 29.8.1944, AF E 4264 (-) 1985/196, vol. 1072. 6. Staatsarchiv Freiburg i. B., F 179/6, Paket Nr. 10-16, lfd. Nrn. 119-123, 119, Staatsanwaltschaft Offenburg, Heft 5 : copies de divers documents officiels, enquête préliminaire, 1957. 7. Staatsarchiv Freiburg i. B., F 179/6, Paket Nr. 10-16, lfd. Nrn. 119-123, 119, Staatsanwaltschaft Offenburg, Heft 5 : copies de divers documents officiels, par le commissaire de la police judiciaire Moser lors de l’enquête préliminaire, 1957. Pour la stérilisation, une «expertise» du «Centre de recherche en hygiène raciale et biologie des populations» de l’Office de la santé du Reich à Berlin est annexée, qui qualifie Anton Reinhardt de «métis tsigane». 8. Sintezza est le féminin singulier de Sinti. 9. En 1946, la mère d’Anton Reinhardt donnera les indications suivantes sur la situation familiale. Elle-même serait née en 1903 à « Le Fuet, canton de Berne ». Anton serait le fils d’un premier mariage avec le musicien Ludwig R. Elle aurait ensuite épousé le vannier Johann Bü. en 1934. En 1941, la famille Bü. habite dans les « baraques Lonza à Waldshut », les baraques d’ouvriers de l’usine chimique suisse Lonza dans lesquelles des travailleurs forcés seront plus tard également logés. Staatsarchiv Freiburg i. B., F 179/6 Paket Nr. 10-16, lfd. Nrn. 119-123, Staatsanwaltschaft Offenburg, Heft 1; Paket 10, Nr. 119, Heft 5. [301] 10. Procès-verbal d’interrogatoire, Aarau, 30.8.1944, AF E 4264 (-) 1985/196, vol. 1072. 11. Division de police à l’officier de police du commandement territorial 5, 5.9.1944, AF E 4264 (-) 1985/196, vol. 1072. 12. Ludwig, Carl (1957), La politique pratiquée par la Suisse à l’égard des réfugiés au cours des années 1933 à 1955: rapport adressé au Conseil fédéral, [Berne]: [Chancellerie fédérale], p. 279. 13. Rapport du corps des gardes-frontière du premier arrondissement des douanes, Benken, 9.9.1944. Procès-verbal d’interrogatoire, Aarau, 8.9.1944, Schneeberger à la Division de police, 12.9.1944; AF E 4264 (-) 1985/196, 1072. 14. Staatsarchiv Freiburg i. B., F 179/6, Paket Nr. 10–16, lfd. Nrn. 119-123, 119, Staatsanwaltschaft Offenburg, Heft l. Déclaration de la mère d’Anton Reinhardt, 21.10.1946. 15. Le déroulement des faits est documenté dans les dossiers du Ministère public d’Offenbourg, Staatsarchiv Freiburg i. B., F 179/6, Paket Nr. 10-16, ldf. Nrn. 119-123, Staatsanwaltschaft Offenburg, Heft 1. Le fossoyeur qui a enterré le cadavre au cimetière après l’exhumation en 1946 a émis l’hypothèse qu’Anton Reinhardt ait été enterré vivant du fait des traces de lacérations sur ses doigts. Les dossiers contiennent également une lettre d’adieu d’Anton Reinhardt à sa mère: « Ma chère mère, je veux vous faire part de mon dernier souhait car je ne vous reverrai plus. Je vous souhaite une bonne santé et une longue vie. Bonne nuit, Anton B.» 16. Le chef d’accusation d’assassinat retenu par le Ministère public a été requalifié en homicide lors du procès. Les parents d’Anton Reinhardt avaient réclamé dès 1949 l’ouverture d’une procédure contre les responsables. Hauger a finalement répondu à la convocation de la justice, parce que – comme il l’aurait expliqué à son coaccusé Wipfler – il en avait assez de mener «une vie de Tsigane» [!]. Staatsarchiv Freiburg i.Br., F 179/6, Paket Nr. 10-16, lfd. Nrn. 119-123, 119, Staatsanwaltschaft Offenburg, Heft l-3; jugement du tribunal régional de Karlsruhe, 10.7.1961. 17. Formulaire «Rapport des autorités communales», Zurich, 3.2.1920. AF, E 4264 (-) 1985/196, dossier P 8927. 18. Ernst Delaquis, chef de la Division de police à Berne, au service de tutelle de Zurich, 7.3.1924. AF, E 4264 (-) 1985/196, dossier P 8927. 19. Expertise de la clinique psychiatrique de Waldau du 31.7.1934. AF, E 4264 (-) 1985/196, dossier P 8927. 20. Extrait de procès-verbal du service de tutelle de la ville de Zurich, 9.1.1925. AF, E 4264 (-) 1985/196, dossier P 8927. 21. Les citations sont tirées de l’expertise du 31.7.1934 effectuée à la clinique psychiatrique de Waldau. AF, E 4264 (-) 1985/196, dossier P 8927. 22. Décision de la direction cantonale de la justice de Zurich du 27.3.1956 AF, E 4264 (-) 1985/196, dossier P 8927. (20 septembre 2008) |
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