La politique des caisses vides répond aux intérêts des classes dominantes.
La mobilisation du 23 septembre peut indiquer une autre perspective.
Agostino Soldini
Les milieux bourgeois ont réussi à faire passer l'idée que la Suisse a un «vrai problème de déficits publics». Pourtant, ces derniers font pâlir d'envie le monétariste européen le plus convaincu. De plus, ils sont le produit de la politique menée par ces mêmes milieux; celle-ci a stimulé le développement des déficits, notamment par l'octroi d'allégements fiscaux socialement ciblés: c'est la «politique des caisses vides» (cf. pp. 3-4).
Pourquoi les milieux bourgeois ont-ils mené une telle politique au cours des dernières années? Leurs objectifs étaient multiples.
1. Tout d'abord, la persistance de déficits publics a permis d'enlever tout crédit à une politique active de l'emploi de la part des collectivités publiques. Cela était conforme à la logique patronale: la récession là, ne rien faire, laisser aller, d'où la progression du chômage, qui a fourni aux employeurs un bras de levier très efficace pour déréglementer le «marché du travail» et modifier ainsi la répartition de la richesse produite en faveur du Capital.
2. Deuxièmement, les déficits ont été un formidable moyen pour justifier les coupes dans les dépenses sociales, attaquer les services publics et privatiser leurs secteurs rentables.
3. Les déficits ont aussi facilité la remise en cause des droits des salariélels des services publics, des protections contre les licenciements aux dispositions en matière de retraite. Le but était double: généraliser l'arbitraire et la précarité; tirer vers le bas, en déstabilisant le statut des «stables», les conditions de travail de l'ensemble des salariélels.
4. La réduction de la charge fiscale était un objectif en soi pour les milieux bourgeois, une baisse d'impôts étant toujours bonne à prendre. Signalons au passage qu'en la matière, c'est la règle explicitée par Jeffrey D. Sachs, professeur à l'Université de Columbia, qui s'applique: «Les 5% les plus riches parmi les contribuables américains ont bénéficié d'environ la moitié des réductions d'impôts et ces riches contribuables attendent clairement que les autres 95% (les classes moyennes et les pauvres) supportent la majorité des futures réductions de dépenses et des futures augmentations [inévitables] d'impôts.» (L'AGEFI, 7 janvier 2004)
5. La politique des caisses vides a permis également de restreindre la redistribution des revenus, au travers de la fiscalité, en faveur des salariélels. Elle a même accompagné le processus inverse: un transfert de richesses, au détriment des salariélels-contribuables – qui supportent, par leurs impôts, le service de la dette– et au profit des porteurs de titres de la dette, qui en encaissent les intérêts.
Bref, la politique des caisses vides, tout comme sa soeur jumelle – la politique d'austérité–, répond aux intérêts des classes possédantes. L'une et l'autre doivent dès lors être combattues sans concessions. Or, que font les dirigeantlels de ladite «gauche»?
Ils/elles s'opposent tellement mollement à la politique des caisses vides que leur refus de cette politique peine à se déceler. Pire encore: il arrive qu'ils/elles soient les meilleurs propagandistes d'opérations visant à transférer encore plus la charge fiscale sur le dos des salariélels, comme dans le cas de la TVA.
De plus, dans toutes les collectivités publiques, ladite «gauche» met en oeuvre une politique d'austérité.
Ainsi, avant même d'entrer en fonction, Pierre-Yves Maillard, candidat PS au Conseil d'Etat vaudois, se prononce déjà en faveur de la remise en cause des annuités (les augmentations salariales versées en début de carrière à l'Etat). Plus généralement, il estime que «le gouvernement [vaudois] est plus équilibré qu'avant et je peux suivre Pascal Broulis [le radical à la tête du département des Finances] un bon bout» (Le Temps, 17 août 2004). Il se positionne ainsi à droite de l'éditorialiste de 24 heures, qui caractérise ainsi le prétendu «équilibre» de ce gouvernement: «A l'addition des solutions déjà adoptées et à venir (…), on se rend compte que les chômeurs en fin de droit, les pensionnaires des EMS, les élèves et les enseignants, les employés de l'Etat et du parapublic, pour ne citer que ceux-là, paieront de manière durable un sérieux tribut au redressement des finances. Alors qu'à l'autre bout, les plus favorisés de notre société devront s'acquitter d'un effort sans doute plus modeste et seulement pour une période de trois ans.» (24 Heures, 8 juillet 2004). Il est vrai qu'à 36 ans, un détour par un gouvernement cantonal peut être vu comme un atout supplémentaire avant le grand saut au Conseil fédéral» (L'AGEFI, 17 août 2004).
Bref, l'avenir est ailleurs. Il passe par le développement de larges mobilisations contre les politiques d'austérité. D'où l'importance de la journée nationale d'actions et de grève organisée dans les secteurs public et parapublic le 23 septembre prochain. Mais il est tout aussi nécessaire d'élaborer une alternative à la politique des caisses vides: une véritable réforme fiscale. Pour garantir à chacune et à chacun l'accès: à une bonne formation et à un système de santé de qualité; à des services publics et des assurances sociales offrant une certaine sécurité face à l'avenir; à une retraite libérée des soucis matériels. Nous y reviendrons.
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