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«Libre circulation»
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La libre multiplication des statuts et permis

Dario Lopreno

Principes gouvernant la reconduction et l'élargissement de l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP)

Cet article n’examine pas l’argumentation patronale ou de l’USS (Union syndicale suisse) ayant trait à l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Nous nous limitons, dans un premier temps, à quelques considérations afin de situer «techniquement» le débat sur ladite libre-circulation avec l’Union européenne (UE) élargie en 2008-2009, puis nous mettrons l’accent sur la substance. Le rappel «technique» n’est pas inutile pour la réflexion angélique (ou inexistante) de celles et ceux qui – à gauche – utilisent la formule de «libre circulation», en feignant de croire qu’elle traduit, dans les faits, une pratique et des normes correspondant à son libellé.

Des enjeux à deux niveaux

Le «Message du Conseil fédéral concernant la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes et son extension à la Bulgarie et la Roumanie» [1] souligne les éléments suivants.

1° A fin mai 2009, l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), faisant partie des Bilatérales I entrées en vigueur en juin 2002, devra être reconduit, avec la possibilité (probabilité ?) d’un vote référendaire facultatif.

2° L’accord d’extension de l’ALCP à la Bulgarie et à la Roumanie (Protocole II à l’ALCP, liant la Suisse aux deux Etats devenus membres de l’UE depuis janvier 2007) [2] entrera en vigueur entre juin 2009 et janvier 2010 ou pas du tout (en cas de victoire du référendum). Cet accord implique:
• la pratique de la préférence nationale pendant 7 ans (embauche de Bulgares et Roumains uniquement si un indigène – suisse ou membre de l’UE à 25 – n’est pas «disponible») [3];
• des contingents (limitations) totaux passant de 362 la 1re année à 1207 la 7e, pour les permis B annuels, et de 3’620 la 1re année à 11’664 la 7e, pour les permis L de courte durée;
• une période suivie de trois ans de clause de sauvegarde (sic !), qui autorise la réintroduction des contingents, en cas «d’immigration disproportionnée», selon les termes de l’accord. Autrement dit, si les actifs provenant de l’UE augmentent de plus de 10% par rapport à la moyenne des trois dernières années, ce qui permet alors aux autorités helvétiques de limiter les contingents à la moyenne des deux années précédentes à 5% près, pour une durée de deux ans au maximum, processus qui peut être réitéré (en somme c’est de la pure poudre aux yeux, teintée de xénophobie).

3° Les autorités fédérales lient les deux accords (reconduction avec l’UE et extension à la Bulgarie et à la Roumanie), considérant qu’en cas de rejet de l’un ou l’autre, la clause guillotine [4] entraînerait l’annulation des divers accords bilatéraux signés en 1999 (Bilatérales I sauf, dans un premier temps, l’accord sur la recherche qui n’est pas immédiatement lié à cette clause) [5]

Deux types d’enjeux se dessinent: les premiers pratiques; les seconds portant sur le substrat.

Tout d’abord, la Confédération helvétique va devoir se prononcer sur la reconduction de l’ALCP – sur sa poursuite – parce que l’accord prévoit une clause de reconduction pour 2009, clause réclamée par la Suisse, en son temps. Elle fut, pour neutraliser les réticences et résistances face aux «accords avec l’UE», présentée par certaines forces de la droite bourgeoise comme périlleuse et ce pour diverses raisons: fiscalité, secret bancaire, autonomie de décision dans divers domaines juridiques. Ces réticences n’étaient pas seulement fonctionnelles à une xénophobie ayant pour but de cimenter une «unité nationale» anti-classiste.

Ensuite, il y a un nouvel accord avec l’UE, sur l’extension de l’ALCP à la Roumanie et à la Bulgarie. Le noyau dur de l’UE avance dans son projet d’intégrer un «Hinterland» lui permettant de mettre à profit une armée de réserve industrielle flexible, mobilisable pour faire pression sur un salariat du «centre» de l’UE désorganisé aussi bien par des politiques syndicales s’adaptant aux exigences du capital que par la précarisation construite sous l’égide du patronat et des gouvernements: un délitement de la législation du travail alors que le travail temporaire explose, pour faire exemple. A cela s’ajoute «l’intégration» de territoires favorable à des délocalisations, géographiquement proches des centres principaux de production, pour ce qui est de la sous-traitance de biens intermédiaires ou de biens «low cost», comme la Logan de Renault.

Contrairement, aux autres accords bilatéraux I – qui sont adoptés automatiquement par les nouveaux Etats membres dans la mesure où ils sont de la compétence exclusive de l’UE en tant que telle – l’ALCP est conclu par l’UE et par chacun des Etats membres. Donc il n’est pas adopté automatiquement par les nouveaux membres de l’UE. Raison pour laquelle il doit être étendu.

Par ailleurs, derrière ces aspects techniques, il y a un enjeu substantiel: faire feu de tout bois – et l’ALCP est un combustible efficace, mais rien de plus qu’un combustible parmi d’autres – pour intégrer de force l’ensemble des salarié·e·s (suisses comme immigrés, souvent de longue date) travaillant en Suisse à un environnement eurocompatible en matière de salaire direct et indirect. Autrement dit, avancer vers l’ajustement non pas des salaires tout court, mais des salaires «de référence» pratiqués en Suisse sur ceux des pays européens voisins. Un ajustement donc à la baisse, sans tenir compte des «coûts» en termes de loyer, d’assurance-maladie, de deuxième pilier, etc.

Enfin, l’ALCP permet aux employeurs de reconfigurer l’ouverture du marché du travail, avec une nouvelle vague de travailleurs issus de l’UE. Des travailleurs qualifiés et adéquats aux genres d’emplois propres à l’industrie helvétique (machines-outils, pharma, télécommunications) ou «tertiaires» (assurances, banques, secteur médical). Les chiffres concernant la hausse de l’emploi des travailleurs allemands l’illustrent. Rappelons que le salaire médian en Allemagne se situe à 1600 euros, soit quelque 2600 francs ! Ce segment s’articule avec l’utilisation d’une force de travail peu ou pas qualifiée, en partie interne à l’UE, issue donc des pays les plus pauvres, mais aussi des régions en déclin ou non développées des pays du «noyau dur». A cela s’ajoutent et s’ajouteront, afin de disposer de l’éventail le plus flexible, mobile et corvéable à merci, les «extracommunautaires» choisis et «illégaux», donc fragilisés à l’extrême.

Une «libre circulation» diviseuse

A l’heure actuelle, sur 4’412’000 personnes actives en Suisse, 1’149’000 sont étrangères (21%, sans compter les sans-papiers). Mais avec la Loi sur les étrangers (LEtr), l’ALCP et ses deux extensions – bref avec ladite libre circulation des personnes – les travailleurs étrangers actifs en Suisse sont encore plus segmentés en diverses catégories et divisés entre eux. Et cela par les mesures administratives nationales-discriminatoires. Ce qui n’était pas le cas avant les bilatérales (voir encadré: «Les immigrés, plus divisés que jamais»).

Il existe désormais au total une quinzaine d’autorisations de travail ou de séjour différentes, sans compter celles liées à l’entrée en vigueur de l’extension de l’ALCP à la Bulgarie et à la Roumanie. Il y a péjoration de la segmentation des salariés migrants comparée à celle antérieure à la signature des accords bilatéraux, sous le règne de l’ancienne Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE).

Les rapports périodiques de bilan sur la «libre circulation» son nombreux. Les deux derniers sont le Message du Conseil fédéral ainsi que le Quatrième rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE pour la période du 1er juin 2002 au 31 décembre 2007 [6]. Ces rapports font suite notamment aux trois premiers rapports du même Observatoire sur la libre circulation des personnes [7], aux quatre rapports majeurs du Seco sur les mesures d’accompagnement [8], au Rapport final de l’Observatoire universitaire de l’emploi (Université de Genève, sur mandat de l’ODM) [9]. Les rapports de l’USS ne se différencient pas, sur l’essentiel, des officiels; certains défendent les bilatérales et les mesures d’accompagnement avec des accents propres au Seco. D’autres émettent quelques doléances, sans effet sur la détérioration de la situation de salarié·e·s.

Des évaluations bidonnées

La question n’est pas de savoir s’il faudrait «protéger» – avec les implications nationales-chauvines qui découleraient de mesures administratives – le «marché suisse du travail» face à l’arrivée (contrainte ou non) de salarié·e·s migrants, d’où qu’ils viennent.

Mais, il faut poser de front – comme nous l’avons fait à maintes reprises – les questions auxquelles s’affrontent les salarié·e·s, de toutes les nationalités» et que devraient prendre en considération – on peut rêver – les organisations censées défendre leurs intérêts. Face à l’ALCP et auxdites mesures d’accompagnement, il faut faire la clarté sur:
• la validité des «mesures d’accompagnement» vendues comme un remède miracle;
• la qualité, en tant que protection des droits élémentaires des salarié·e·s, des conventions collectives de travail (CCT);
• la fiabilité des contrôles des mesures d’accompagnement et des conditions de travail;
• la validité des statistiques suisses dans le domaine du travail;
• la relation entre mesures d’accompagnement et salaire;
• la mesure des effets de ladite libre circulation sur l’emploi (chômage et création d’emplois) .

Les mesures d’accompagnement reposent en grande partie sur l’édifice des conventions collectives de travail (CCT) et des contrats types de travail (CTT) [10]. Or, ni les syndicats ni les employeurs ne savent réellement combien de salariés sont effectivement assujettis aux CCT et CTT, ni combien de catégories professionnelles sont ne seraient-ce que sujettes à des «recommandations» en forme de CCT, que les patrons et les syndicats annoncent comme étant des CCT.

A cela s’ajoute la méconnaissance: du nombre d’indépendants (en fait de pseudo-indépendants qui ne sont que l’atelier externalisé de plus grandes entreprises et qui, en tant qu’indépendants, ne sont pas soumis aux CCT) qui, vu leur statut, ne sont point soumis à des CCT; de la quantité de sous-traitants, et de sous-traitants de sous-traitants, qui n’appliquent rien ou presque et ne sont pas clairement identifiables; de la part des entreprises qui confient à des temporaires, auxiliaires et stagiaires (pas ou peu payés) des tâches qui devraient relever d’une fonction couverte par une CCT; de la quantité d’entreprises usant de sans-papiers ou de travailleurs au noir et échappant ainsi à tout contrôle.

Et ce n’est pas la statistique de l’OFS (Office fédéral de la statistique) qui éclaire quelque chose, car elle est fondée sur des estimations et des déclarations volontaires – sans contrôle possible – des employeurs (qui n’ont pas intérêt à être exacts) et des permanents syndicaux (qui ont intérêt à monter les CCT en épingle, car c’est leur seule carte de visite et de crédit).

A part quelques-unes – importantes certes –, nombre de CCT prescrivent des conditions de salaire, de durée et de travail en général qui tiennent davantage des minima du Code des obligations que d’une protection quelconque [11].

Il suffit d’examiner la statistique des salaires minimaux fixés dans les CCT – dont une grande partie est en dessous de 4000 francs et même de 3000 francs pour un plein-temps ! – pour se rendre compte de la fonction des CCT et du niveau des salaires [12]. Sans parler des CTT qui ne sont jamais respectés, même si les éléments contraignants sont plus que restreints pour l’employeur.

Incohérences statistiques voulues

Concernant les contrôles cantonaux, de secteurs ou fédéraux, il n’y a rien à ajouter ici et on peut se rapporter à l’article sur cette question (voir Le trompe-l’oeil des «contrôles»).

Certes, un rapport de la Commission d’évaluation des politiques publiques du canton de Genève démontre, à son tour, que les commissions paritaires (patrons-syndicats, commissions de surveillance des CCT) ne peuvent. ni ne veulent faire leur travail, et les représentants syndicaux deviennent matériellement dépendants de l’appareil d’Etat, avec les complicités que cela configure [13]. On peut notamment lire dans ce rapport genevois: «80% des commissions paritaires n’effectuent aucun contrôle dans les entreprises […]; les sanctions sont rares, difficiles à appliquer et très peu dissuasives. Dans les six mois pris en compte par l’enquête, seules 10 commissions paritaires sur 54 ont prononcé des sanctions; dans bien des cas, les commissions paritaires renoncent à poursuivre les entreprises pour obtenir le paiement de l’amende conventionnelle.«

Or, ces commissions genevoises sont censées être à l’avant-garde en matière d’actions de défense des droits des salariés.

Pour ce qui est des statistiques – qui devraient permettre de mieux appréhender la réalité afin de pouvoir agir – limitons-nous à quelques remarques. Il n’est pas aisé de quantifier le nombre de salarié·e·s dans chacune des catégories (suisses et immigrés) mises sous pression par l’ALCP. L’illisibilité des statistiques dans le domaine du travail, notamment en lien avec les débats sur l’ALCP, est volontaire. A ce propos, il faut savoir.

1° Dans les textes officiels sur l’ALCP, les autorités donnent le nombre des personnes actives pour les résidents non permanents, tandis qu’elles fournissent le nombre de personnes tout court (membres de la famille non actifs compris) pour les résidants permanents.

2° Lorsqu’elles parlent de résidents permanents actifs, les données des rapports officiels ne correspondent pas aux données de l’OFS portant sur les taux d’activité.

3° Les données pour les travailleurs permanents et non permanents vont du 1er juin d’une année au 31 mai de l’année suivante, tandis que celles pour les travailleurs soumis à procédure d’annonce, ainsi que pour les frontaliers, vont du 1er janvier au 31 décembre !

4° Les données chiffrées du dernier et quatrième rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE (1er juin 2002 au 31 décembre 2007) utilisent et mélangent des «immigrants» (les arrivées en Suisse toutes situations confondues), des taux d’utilisation des contingents (qui devraient correspondre à des permis de travail accordés), des entrées-sorties du pays par catégorie (soit des soldes uniquement en termes d’étrangers immigrants et émigrants) et des soldes migratoires (comprenant la catégorie précédente, plus les naissances d’étrangers en Suisse diminuées des naturalisations et des décès).

5° Quant aux chiffres sur les travailleurs étrangers soumis à procédure d’annonce [14], leur déclaration bien qu’obligatoire est du ressort «spontané» de l’employeur; autant dire que la période effective d’emploi peut être beaucoup plus longue que celle déclarée qui est prise en compte par la statistique.

Le plus effarant est l’attitude des directions syndicales. Elles glosent sur les effets de la «libre circulation», participent à cette construction trompeuse. Et ne font rien d’autre. Depuis le transfert de l’ex-dirigeant de l’USS Serge Gaillard à l’équipe gagnante des cadres du Seco, on aurait pu s’attendre à un minimum de propositions concrètes en la matière, pour dissiper le rideau de fumée statistique du travail derrière lequel les élus, les exécutifs et les employeurs se cachent.

Statistiques de distraction massive

Dans le domaine de la relation entre les mesures d’accompagnement et les salaires – directs et indirects – des salarié·e·s, il n’est pas possible d’être plus optimiste. Le salaire indirect (assurance-maladie et accident, assurances et aides sociales, coûts directs et indirects de la scolarité et diverses prestations de l’Etat, etc.) subit des pressions à la baisse depuis plusieurs années. En plus, la statistique des salaires de l’OFS – qui prend en compte des projections biaisées, standardisées à des niveaux très élevés, sur des bases comparables valables seulement pour des revenus à plein temps, fondées sur des déclarations des services de direction des entreprises – est un instrument aussi peu fiable que l’est le reste de la statistique du travail.

Enfin, savoir si le chômage ou les postes de travail ont évolué en relation avec l’ALCP relève du domaine de la divination. Le Seco et les laboratoires économiques universitaires, notamment de l’Université de Genève, s’y sont attelés sans retenue. Tant mieux pour eux si cela les occupe, mais gardons-nous de les prendre au sérieux.

Que dire alors des propos du Bureau de l’intégration du Département fédéral des affaires étrangères de la social-démocrate Micheline Calmy-Rey et du Département fédéral de l’économie de la démocrate-chrétienne Doris Leuthard: «Les mesures d’accompagnement à l’ALCP, renforcées depuis le 1er avril 2006, améliorent la protection des travailleurs contre la sous-enchère salariale et sociale. La fréquence des contrôles s’est nettement accrue et les sanctions prononcées ont été plus sévères. Les salaires suisses ont nettement augmenté, en moyenne, ces dernières années, particulièrement dans les segments où la main-d’œuvre est en général peu payée et où le risque de dumping est plus élevé.» [15]

Que les «autorités» politiques naviguent à vue dans cet océan de statu quo des rapports, bilans et perspectives sur l’ALCP et les mesures d’accompagnement n’est pas surprenant. Que le patronat fasse de la navigation de plaisance dans ce débat neutralisant coupé de toute réalité n’est que logique. Que les directions syndicales et de la «gauche institutionnelle» acceptent de se faire mener en bateau, prenant le costume de gabiers de l’expédition, n’étonne pas… Que certains membres de la «gauche radicale», au nom de la lutte contre la xénophobie, s’accrochent au mât en dit long sur le qualificatif «radical».

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Quelques chiffres

Sur une population résidente de 7’509’000 habitants, 1’555’000 sont des étrangers (21%) dont 1’345’000 proviennent d’Europe en général, 950’000 de l’UE-27 et, parmi eux, 2100 sont Bulgares et 4000 Roumains. Ajoutons ici que depuis la reconnaissance, il y a un peu plus de 10 ans, de ces deux derniers pays comme «pays sûrs», il n’y a plus d’entrée en matière sur les demandes d’asile des ressortissants de ces deux États. Même pas pour ceux, parmi les Roms, qui se retrouvent mis au ban du système de santé, des écoles, des logements, des administrations étatiques; ils se voient infliger des traitements dégradants jusque dans le cadre des institutions officielles.

La réactionnaire conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf – celle qui a remplacé le réactionnaire Christoph Blocher et qui a été élue y compris par les écologistes, les socialistes et le conseiller national de A gauche toute ! (J. Zisyadis) – a apporté la preuve éclatante que les Roms n’ont pas de problèmes chez eux, en affirmant que nombre d’entre eux viennent en Suisse et «se laissent renvoyer finalement sans problème» pour toucher les 500 francs versés aux adultes dans le cadre de l’aide au retour. Cette formule est l’une des appellations officielles du terme expulsion (voir à ce sujet le PV du Conseil des États, session spéciale 2008, 2e séance, 28.04.08, 13h40, débat sur le Message du Conseil fédéral sur la reconduction de l’ALCP et sur son extension à la Bulgarie et à la Roumanie).

Sur 4’412’000 personnes actives en Suisse, un quart, soit 1’149’000, est étranger (sans compter les sans-papiers); parmi elles deux tiers proviennent de l’UE-27. Si le taux d’activité moyen des 15 ans et plus est de 67,4 % pour tous les salariés de Suisse – soit un taux plus élevé que tous les 27 pays de l’UE – il est de 73,5 % pour les étrangers actifs en Suisse.

Sources: Données OFS, 2005-2007; données ODM, Registre central des étrangers (RCE), Effectif de la population résidante permanente étrangère par nationalité à fin décembre 2006 et 2007; données Direction générale des douanes; données Eurostat.

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Les immigrés plus divisés que jamais

I. Statuts (permis) subis par les ressortissants de l’UE et AELE:

• B annuel, accordé en principe pour 5 ans, soumis à la clause de sauvegarde pour les nouveaux membres de l’UE;

• C d’établissement, délivré dès 5 ans ou plus de permis B et à bien plaire (dès 10 ans pour les ressortissants des nouveaux membres de l’UE), selon des critères arbitraires par nature d’utilitarisme et d’intégration;

• G frontalier, accordé à une personne qui retourne au moins une fois par semaine à son domicile à l’étranger (il y a peu encore c’était une fois par jour; devinez qui vérifie ?), avec une validité de cinq ans pour tous les cantons si l’intéressé a un contrat de travail d’une durée indéterminée ou supérieure à un an; si le contrat est conclu pour moins d’un an, la durée du permis frontalier à celle du permis de travail;

• L de courte durée, c’est un permis similaire à l’ex-permis saisonnier prétendument supprimé, mais pouvant être encore plus restrictif. Il entérine des rapports de travail durant entre trois mois et une année pour les ressortissants des nouveaux Etats membres de l’UE (sauf Chypre et Malte), qui ont besoin d’une nouvelle autorisation chaque fois qu’ils changent d’emploi; ils sont assujettis, jusqu’en 2011 à 2014 suivant l’Etat de provenance, à la préférence nationale et aux contingents, pour un séjour durant plus que quatre mois; la durée de validité du permis dépend de celle du contrat de travail; cette autorisation peut être prolongée jusqu’à douze mois au total voire plus dans certains cas, mais elle ne donne pas droit aux prestations d’une assurance sociale;

• Les stagiaires, devant être âgés en règle générale entre 18 et 30 ans, venus en Suisse pour exercer une activité lucrative afin de parfaire leur formation (ce qui signifie généralement un emploi non payé ou presque pour des jeunes), relèvent d’accords spécifiques qui peuvent changer d’un pays à l’autre.

II. Extracommunautaires: les «Etats tiers» en Novlangue européenne:

• B annuel, mais avec une validité d’une seule année, puis renouvelable, mais pas plus longtemps que court le droit au chômage, ni en cas de dépendance de l’aide sociale, ni en cas d’infractions graves aux lois; leur maximum est fixé annuellement (4000 autorisations en 2008 selon l’Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative, OASA, du 24.10.2007);

• C d’établissement, délivré dès 10 ans ou plus de permis B, pour le reste selon les mêmes critères que pour les pays de l’UE et AELE;

• G frontalier, délivré après 6 mois de domicile officiel dans la zone frontalière, pour une durée d’un an, renouvelable, valable uniquement pour le canton ayant donné le permis et impliquant une autorisation pour changer d’emploi;

• L de courte durée, jusqu’à un an, mais renouvelable jusqu’à 24 mois pour un même employeur; sa durée est fixée en fonction du contrat de travail; les stagiaires jusqu’à un an et demi sont inclus dans les autorisations de courte durée; leur maximum est fixé annuellement (7000 autorisations en 2008 selon l’OASA); si le contrat de courte durée ne dépasse pas 4 mois, il n’est pas comptabilisé dans le contingent annuel.

III. Les «autres»

• C-i destiné aux conjoint·e·s et aux enfants (moins de 25 ans) des salariés des missions permanentes et des fonctionnaires internationaux; ils ont ainsi accès au marché suisse du travail;

• Statut de facto de sans-papiers pour les 100’000 à 200’000 salariés officiellement inexistants, extracommunautaires, mais aussi ressortissants des deux pays nouveaux membres de l’UE (Bulgarie et Roumanie);

• Les rapports de travail d’une durée inférieure à 90 jours au cours de l’année civile ne sont pas soumis à autorisation, mais à la «procédure d’annonce» spontanée.

• A cela s’ajoutent trois «statuts»: 1° le permis N de requérant d’asile, avec les restrictions proches d’une position «infra-humaine» ayant trait aux moyens et conditions de vie; 2° l’admission provisoire, avec certaines restrictions; 3° les autorisations très restrictives pour les personnes à protéger n’ayant pas obtenu le statut de réfugié.

 

1. Référence du message: 08.029, du 14 mars 2008.

2. Bureau de l’intégration DFAE / DFE, «Accord sur la libre circulation: reconduction après 2009 et extension à la Bulgarie et à la Roumanie», Berne, avril 2008.

3. Rappelons qu’avant de faire l’unanimité de la droite et des gauches institutionnelles européennes, la préférence nationale était surtout défendue par les droites dures et les extrêmes-droites européennes, dont le Front National de Le Pen, ainsi que par les socialistes, les syndicats et la droite suisses.

4. Il s’agit de l’article 25, § 4, de l’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, entré en vigueur le 1er juin 2002 (disponible sur http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_142_112_681/index.html).

5. Outre des accords spécifiques (éducation et formation en renégociation, contrôle des marchandises, Europol), les principaux accords liant la Confédération à l’UE sont les suivants (entre parenthèses l’entrée en vigueur):
• Libre-échange sur les produits industriels (1972) qui met en place une zone de libre-échange entre la Suisse et l’UE en supprimant les limitations et les droits de douanes pour les produits industriels (mais pas les contrôles douaniers).
• Droits d’installation pour les assurances non-vie en Suisse et dans l’UE (1989).
• Bilatérales I, soit les 7 accords bilatéraux touchant la libre circulation des personnes, les obstacles techniques au commerce, les marchés publics, l’agriculture, les transports aériens, les transports terrestres, les programmes de recherche (2002).
• Bilatérales II, soit 9 accords bilatéraux concernant les produits agricoles transformés, la statistique, la politique de l’environnement, le cinéma, les pensions des fonctionnaires de l’UE, Schengen, Dublin, la fiscalité de l’épargne et la lutte contre la fraude (entrés en vigueur entre 2005 et 2008, sauf le dernier qui n’est pas encore entré en vigueur).
(Cf. Bureau de l’intégration, http:// www.europa.admin.ch/index.html?lang=fr)

6. Message du Conseil fédéral cité à la note 1 ci-dessus; Quatrième rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE pour la période du 1er juin 2002 au 31 décembre 2007 du Secrétariat à l’économie (Seco), de l’Office des migrations (ODM), de l’Office fédéral de la statistique (OFS) et de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), du 25 avril 2008.

7. Le premier, du 28 juin 2005, le deuxième, du 29 juin 2006, le troisième, du 31 mai 2007.

8. Rapport sur la mise en œuvre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes pour la période du 01/06/04 au 31/12/04, Seco, 1er avril 2005; Rapport sur les résultats de la consultation relative aux mesures d’accompagnement II, Seco, 17 novembre 2005; Rapport mise en œuvre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes: 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005, Seco, 20 avril 2006; Rapport mise en œuvre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes: 1er janvier 2006 au 30 juin 2007, Seco, 15 octobre 2007.

9. Une analyse des effets sur le marché suisse du travail de l’élargissement de la libre circulation des personnes aux nouveaux pays membres de l’UE, Observatoire universitaire de l’emploi (Université de Genève), du 15 octobre 2005.

10. Cf. http://www.bfs.admin.ch/ bfs/portal/fr/index/themen/03/05/blank/data/00.Document.86933.pdf

11. Savez-vous que dans l’un des géants du commerce de détail, réputé social et réputé ayant de bonnes conditions de travail, le personnel doit encore et toujours déduire les temps qu’il emploie pour aller pisser pendant le temps de travail ? C’est ce qu’on nomme du just in time en matière de gestion des horaires. Et ce n’est de loin pas une exception.

12. OFS, Salaires minimaux fixés dans les principales conventions collectives de travail 2002-2005, Neuchâtel, décembre 2006.

13. Voir: Commission externe d’évaluation des politiques publiques, Evaluation de la politique de réglementation du marché du travail. Partie I: Contrôles effectués par les Commissions paritaires, Genève, mars 2008.

14. Ce sont les travailleurs étrangers qui, venant travaillant moins de 90 jours en Suisse au cours de l’année civile, ne sont pas soumis à autorisation mais à la «procédure d’annonce» obligatoire et spontanée de la part de l’employeur. La «procédure d’annonce» est en vigueur depuis le 1er juin 2004 pour l’UE-15; depuis le 1er avril 2006 pour Malte et Chypre et depuis le 1er juin 2006 pour l’UE-8 (soit les 10 nouveaux membres, moins Malte et Chypre); Bulgarie et Roumanie ne sont pas encore comprises dans une telle procédure.

15.Voir Bureau de l’intégration DFAE / DFE, Libre circulation des personnes, Berne, avril 2008.

(5 juin 2008)

 
         
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