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Horizon privatisation

Charles-André Udry

La presse dominicale du 18 mai 2008 rapportait la déclaration de saint Moritz Leuenberger, comme le qualifiait l’ex-président du Parti socialiste, aujourd’hui hôtelier, Peter Bodenmann. Leuenberger affirmait: «Une entrée en Bourse ou une participation des investisseurs privés au capital est à méditer.» Et ajoutait: les Alle­mands vendent aussi «25% du capital de leurs chemins de fer (DB – Deutsche Bahn) pour disposer de plus de moyens afin d’effectuer les investissements nécessaires». Puis saint Moritz, illuminé, démentit.

La même presse dominicale du 25 mai 2008 (Sonntags­Zeitung, p. 67) donne la parole à l’ancien haut dirigeant de DB, actuel directeur des CFF, Andreas Meyer (47 ans). Il dit: «Une entrée en Bourse [des CFF] serait concevable.» Son argumentation est claire: «Cet­te entrée en Bourse permettrait de financer les importants investissements nécessaires à faire.» Autrement dit, le vrai chef de saint Moritz a confirmé, une semaine plus tard, ce qu’il lui avait soufflé à l’oreille deux semaines avant. Qui commande qui ? La réponse nous est donnée ce dimanche.

Meyer donne de nombreux exemples d’investissements nécessaires. Il est toujours bon d’étayer les privatisations en étalant de tels exemples, sans en discuter ni les priorités, ni la fonctionnalité, et surtout en n’ouvrant aucun débat démocratique sur le transport voyageurs et sur le transport fret. Il est vrai qu’on ne dialogue pas avec des sardines: on les met en boîte, tous les jours, sur le trajet Lausanne-Genève. Cela suffit.

Andreas Meyer a même le culot d’affirmer: «Pour le moment, aucune hausse de prix n’est planifiée.» Il ne doit pas être au courant des diverses annonces des hausses à venir…

Dans la Handelszeitung du 21-27 mai 2008, Nicolas Perrin (48 ans), directeur de CFF Cargo depuis août 2007, indique sans ambiguïté que la collaboration internationale est au centre des projets de CFF Cargo. Ce qui implique non seulement une restructuration ferme de CFF Cargo, mais, à terme, une privatisation complète ou rampante, liée à des accords avec la SNCF ou la DB.

Perrin ne se cache pas derrière une boîte d’allumettes. Il déclare qu’à Bellinzone les Ateliers devront être rendus tout à fait compétitifs. Son argument contre une vente de CFF Cargo se réduit à la formule: «Une participation majo­ritaire d’une tierce partie n’est pas possible sans un changement légal.» Pour qui connaît comment on change une loi en Suisse, le scepticisme est de rigueur. Perrin insiste sur la bonne réputation de CFF Cargo concernant l’axe Nord-Sud. Il poursuit: «Dans le marché libéralisé, nous voulons renforcer notre rôle sur cet axe avec des partenaires.» DB travaille déjà avec BLS. La SNCF veut se renforcer sur l’axe Nord-Sud et son patron Guillaume Pepy a insisté sur la collaboration avec CFF Cargo.

En un mot, face à cette libéralisation et restructuration rapide du réseau européen du transport marchandises, la bataille exemplaire des travailleurs de CFF Cargo va devoir s’appuyer sur trois éléments. Le premier, la force de résistance et de propositions à Bellinzone et dans le Tessin. Le deuxième, la participation à un réseau syndical combatif à l’échelle européenne. Le troisième, utiliser la légitimité que donne l’Initiative des Alpes, adoptée par le peuple il y a 14 ans. Elle exige le transfert des marchandises de la route au rail. A cela s’ajoute, au plan politique, un référendum possible contre une modification légale ayant trait à la propriété des CFF. C’est la réunion de ces éléments qui permettra d’assurer une issue la plus positive possible à la lutte exemplaire des travailleurs de CFF Cargo à Bellinzone.

(29 mai 2008)

 
         
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