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Fin des paradis fiscaux ?

Les affaires s’accumulent: plan de sauvetage de l’UBS; traque de l’Internal Revenue Service (IRS) contre les activités illégales de l’UBS aux Etats-Unis; secret bancaire mis en question; débat sur la restructuration de l’UBS qui s’est dotée d’un nouveau chef, Oswald Grübel. L’ancien conseiller d’Etat aux Finances du canton de Vaud André Gavillet n’hésite pas à envisager de «procéder à une nationalisation qui rende possible la restructuration» ( DP, 21.02.09). Ces thèmes s’inscrivent dans un contexte de crise financière et de mise sur pied de plus gros monstres bancaires. La concurrence interimpérialiste a ici sa place. Au même titre que le secret des affaires propre au système capitaliste. «Les paradis fiscaux vivent-ils leurs derniers jours ?» C’est la question que pose Jean-François Couvrat sur son site «Déchiffrages. Blog de ré-information économique». Il y répond ainsi:

«On prétend ici et là que, le 2 avril, le G20 en finirait avec eux. Ce n’est malheureusement qu’une illusion, que les démêlés entre les Etats-Unis et la Suisse nourrissent opportunément.

Que s’est-il donc passé ? L’administration fiscale américaine avait réuni un solide dossier contre 250 contribuables, soupçonnés d’avoir fraudé le fisc, et d’avoir placé le produit de cette fraude sur des comptes ouverts à l’UBS, à l’abri du secret bancaire.

Washington aurait pu se contenter d’engager une procédure judiciaire ordinaire, en demandant à la justice suisse de faire lever le secret bancaire. La Suisse aurait refusé, arguant que ce qu’avaient fait ces contribuables n’était pas de la fraude fiscale mais de la simple évasion, un délit inexistant en Suisse.

Or cette fois, Washington a tapé sur la table. L’administration Obama a exigé de l’UBS qu’elle lui transmette les renseignements bancaires concernant ces fraudeurs, faute de quoi l’UBS serait interdite d’activité sur le territoire des Etats-Unis. La raison bancaire l’a emporté sur la raison du client et l’UBS a obtempéré. Elle a transmis les renseignements à Washington juste avant qu’un tribunal suisse le lui interdise, au nom du fameux secret, que la loi helvétique garantit depuis 1934.

Emoi dans la presse suisse, qui parle de «coup de Trafalgar». Satisfaction du fisc américain, qui pousse son avantage et réclame maintenant des renseignements à l’UBS sur 52’000 contribuables.

Il y a certes de bonnes nouvelles dans cette affaire. La première est que, la crise aidant, les paradis fiscaux sont enfin traités pour ce qu’ils sont au premier chef: des paradis de la déréglementation, des machines à vider les caisses des Etats nations. On ne parle plus guère d’eux comme de blanchisseries d’argent sale, ce qu’ils sont aussi, mais subsidiairement.

Or depuis une vingtaine d’années, avec la complicité d’organisations internationales comme le FMI, c’est la lutte contre le blanchiment qui avait la vedette. Frisson garanti dans les chaumières, où le paradis fiscal «propre» était peu à peu devenu le parangon universel du «moins d’impôts, moins d’Etat».

La deuxième bonne nouvelle est que les Etats-Unis ont enfin utilisé le seul argument qui vaille: un Etat nation ne peut tolérer qu’une banque s’installe simultanément sur son sol et dans un paradis fiscal où le secret bancaire garantit l’impunité au fraudeur. L’idée n’est pas neuve. Le rapport Gordon («Tax Havens and Their Use by United States Taxpayers. An Overview») proposait à l’administration américaine d’en faire une règle… en janvier 1981.

Quant à l’échange automatique d’informations fiscales entre les Etats, aujourd’hui en vigueur dans l’Union européenne, sauf en Belgique, au Luxembourg et en Autriche, ce n’est pas non plus une innovation. Cela fut proposé dès 1920 à la conférence financière internationale de la Société des Nations, qui laissa cependant le choix aux Etats membres d’adhérer ou non au principe. Un puissant lobby était à l’œuvre – déjà !

Des banques privées de liaisons avec les paradis fiscaux; des revenus de placements à l’étranger systématiquement déclarés au fisc du pays d’origine du contribuable: voilà deux idées anciennes à mettre en œuvre pour en finir vraiment avec les paradis fiscaux. On en est très loin.

Ce qui se prépare au G20 n’est qu’un succédané de ces deux principes. La Commission européenne vient d’ailleurs d’adopter une position qui rejoint celle des Etats-Unis. C’est la position de l’OCDE. Un paradis fiscal serait tenu de transmettre des informations bancaires sur un non-résident, à condition que l’administration fiscale de son pays de résidence présente un solide dossier justifiant ses soupçons de fraude.

C’est un peu comme si on dispensait certains contribuables de déclarer leurs revenus, tant que le fisc n’a pas apporté lui-même la preuve que ces revenus existent. Admettons que ce ne soit plus tout à fait le paradis des fraudeurs. Disons que ce purgatoire ne manquerait pas de confort.»

(5 mars 2009)

 
         
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