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Arts graphiques
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Les médias, un secteur en crise et en mutation Bien que le secteur des médias soit en croissance, c’est de façon très différenciée, et la presse écrite et ses imprimeries entrent dans une longue «traversée du désert». Au-delà de la crise généralisée, ce secteur doit faire face à son propre changement structurel. Dépendance à la publicité Il faut souligner que l’ensemble des médias repose pour l’essentiel sur la publicité, comme principale source de revenus et de profit. Ce modèle d’affaires est en crise. Même quand, comme en 2008, les dépenses publicitaires augmentent, dans l’ensemble, de 3%, elles se répartissent entre des acteurs et des supports de plus en plus nombreux (Internet, journaux gratuits, multiplication des chaînes de TV). En 2008, ce sont la télévision et les journaux payants qui ont perdu le plus de recettes publicitaires. Les tentatives de tous les quotidiens d’élargir leur offre publicitaire par la création d’un site Internet se sont avérées très coûteuses, sans atteindre leur objectif: pour 10 fr. investis, il y a 1 fr. en retour; seuls les offres d’emploi et l’immobilier sont rentables. Par contre les sites Internet ont modifié de façon substantielle le métier des journalistes en termes de charge de travail. Non seulement il y a moins de temps pour faire le «papier» pour le quotidien, mais il faut réécrire pour le blog dans une forme adaptée à ce support, sans être payé plus pour autant. Autre conséquence de la pression publicitaire pour les journalistes, le titre devient de plus en plus une marque, avec ses codes précis, à laquelle ils doivent abandonner leur éthique et individualité professionnelle… comme tout prolétaire, même intellectuel. En plus de cela de grosses entreprises investissent dans leurs propres moyens de communication et de publicité. L’exemple qui a les plus grandes conséquences pour les journaux est celui des deux distributeurs, Coop et Migros, qui contrôlent ensemble plus de 80% des ventes dans l’alimentation: tous deux renforcent leurs propres journaux, et complètent sur la TV, au détriment des budgets mis dans la presse régionale qui ne reçoit plus que des miettes. La presse écrite En ce qui concerne les journaux payants, un premier problème est qu’ils n’arrivent pas à renouveler leurs abonnés. Pendant longtemps, en particulier en ce qui concernait les journaux d’opinion, les abonnements se transmettaient «de père en fils»; ce n’est plus le cas… et les journaux d’opinion n’existent quasiment plus. On pensait dans les années 80 qu’il y aurait en Suisse la place pour un quotidien par canton, c’est aujourd’hui remis en cause. Partout le constat est le même, en Europe, aux Etats-Unis comme ici, les journaux perdent leur audience et leur tirage baisse régulièrement. L’autre problème, c’est le renouvellement de l’appareil de production. En Suisse romande, la situation est critique pour les petits journaux tels que La Liberté, L’Express, L’Impartial, Le Quotidien jurassien ou Le Nouvelliste – qui a réduit son tirage de plusieurs milliers d’exemplaires, – car ils n’arrivent pas à générer les ressources nécessaires à ce renouvellement. Mais même les groupes les plus importants ont des difficultés. Les investissements sont reportés et on révise tant qu’on peut les rotatives. Face à une population plus cosmopolite, moins intéressée aux nouvelles locales, face à la concurrence d’Internet, des télés qui tournent 24h sur 24h et des radios, une voie pour la presse écrite serait de jouer sa spécificité et de fournir une information avec un point de vue et une mise en perspective. Mais cela voudrait dire augmenter les coûts. Or aujourd’hui personne ou presque ne paye un journal à son prix de revient. Dans le modèle actuel, 60% à 100%, selon les titres, des revenus proviennent de la publicité. Plus le tirage est grand et plus le pouvoir d’achat des lecteurs est élevé, plus la publicité peut être facturée cher. Si les coûts d’impression et du prépresse1 ont sensiblement diminué, ceux de la logistique ont explosé. L’acheminement d’un exemplaire de l’imprimerie jusqu’au lecteur représente aujourd’hui 20% du coût total, entre autres à cause des exigences de rentabilité imposées à l’ancien service postal public et de l’augmentation des prix des carburants pour les transports ! Pour les journaux d’opinions, qui n’ont pas ou très peu de publicité, cela signifie paradoxalement que l’augmentation du nombre de lecteurs n’améliore pas forcément leur situation financière, et que leur survie est de plus en plus dépendante de la souscription de leurs lecteurs, qui, eux, payent ainsi les coûts de revient, hors abonnement, ! Les gratuits A cela s’ajoute l’irruption de la presse quotidienne gratuite: à part le groupe NZZ, tous les grands groupes d’éditeurs se sont mis dans ce créneau. Lancé à l’origine par un groupe financier nordique, le groupe Metro, le concept s’est rapidement répandu sur le continent européen. Tamedia, Edipresse et plus tard Ringier se sont résignés aussi à lancer le leur. Rien qu’en Suisse romande, deux quotidiens gratuits diffusent 440000 exemplaires du lundi au vendredi parmi les quelque 1,5 million d’habitant·e·s; à Zurich, il y a cinq quotidiens gratuits. Chaque grand éditeur estime devoir éditer un gratuit, pour mettre à la disposition de ses clients publicitaires une palette complète de médias et garder ainsi son volume de publicité. Mais les gratuits ont un effet dévastateur pour les titres payants. Leurs coûts, additionnés à ceux des sites internet, sont à la charge de l’ensemble des titres, et «tout naturellement» cela aboutit à une pression terrible sur le personnel pour augmenter la rentabilité. La presse, quel avenir ? Dans cette situation, les patrons répondent synergies, concentration, fusion, entre titres, ou entre groupes de presse (cf p. 3 notre commentaire sur l’absorption d’Edipresse par Tamedia). L’indépendance complète et rédactionnelle des quotidiens cantonaux n’est plus de mise: la Tribune de Genève est de plus en plus clairement un 24 heures avec des pages locales genevoises; à Berne, il y a débat autour de l’avenir du Bund: fusion avec l’autre quotidien local, la Berner Zeitung ? ou intégration plus grande avec d’autres titres du groupe Tamedia ? La fusion des rédactions de la TSR avec la RSR et de leurs sites sur le net est de la même veine. C’est l’ensemble des médias qui se trouve ainsi bouleversé, avec la perspective de licenciements en cascade, et, pour le lecteur une perte de qualité évidente. Une comparaison internationale montre que la Suisse, probablement du fait de la structure fédéraliste, garde un nombre élevé de titres et d’abonnés par mille habitants. En Autriche, il n’existe plus qu’un seul grand quotidien, le Kurier, les autres titres étant marginaux. Nous ne sommes donc encore qu’au début d’une évolution. Le secteur industriel Le secteur industriel (labeur) [2] des arts graphiques tend à se rétrécir. Pour faire face à une rentabilité tendanciellement en baisse, due aux investissements de plus en plus lourds [3] qu’elles ont faits pour augmenter la productivité et réduire le personnel, les entreprises se concentrent. L’exemple le plus visible de ce processus est Swissprinters, qui est aujourd’hui la plus grosse imprimerie de Suisse. Elle a été constituée par les grands éditeurs de presse (NZZ, Ringier, Edipresse…) qui ont détaché leurs secteurs «labeur» puis les ont fusionnés. Ce regroupement doit leur permettre de regagner en rentabilité par des économies d’échelle, notamment dans l’achat des consommables (encre, papier) et des équipements. La taille et la diversité des machines à disposition permettent aussi d’être un «global player», d’avoir les moyens de répondre à tous les besoins des clients, et donc d’être attractif sur le marché, y compris international, avec comme résultat une augmentation des exportations de l’industrie graphique suisse. Globalement il y a toujours des surcapacités de production, ce qui explique le nombre important d’entreprises qui ont dû introduire le chômage partiel depuis le début de l’année 2009. Le secteur a perdu en 10 ans près de 40% des postes de travail et les perspectives ne sont guère réjouissantes. 1. Le prépresse ou préimpression désigne tout ce qui se passe en amont de l’impression. Cela va de la saisie de textes à la sortie de films ou de plaques en passant par le traitement des illustrations et la mise en pages. 2. Les imprimeries de «labeur» effectuent du travail à la demande, par opposition aux imprimeries de journaux. Elles produisent une bonne part des suppléments et des inserts publicitaires encartés dans la presse écrite. 3. Une machine «feuille à feuille» (par opposition à rotative) 10 couleurs – peut ainsi coûter plusieurs millions. (5 mars 2009) |
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