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Mesures d'accompagnement des accords bilatéraux
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Inspection des inspecteurs Dario Lopreno Selon le Seco, qui fournit des «éclairages» – nom d’une rubrique – dans le mensuel officialiste la Vie économique d’octobre 2007, les mesures d’accompagnement liées à l’accord de libre circulation avec l’Union européenne (UE) sont «globalement positives». La formule avait été utilisée à propos du «bilan» de l’URSS, en 1974, par Georges Marchais, alors secrétaire du PCF (Parti communiste français). Le mimétisme dans les formulations ne relève peut-être pas de l’accidentel Fin janvier 2008, le Conseil fédéral a mis en consultation le protocole additionnel à l’accord passé avec l’Union européenne concernant l’extension de la «libre circulation» des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie. La «mobilisation propagandiste» commence. Serge Gaillard, secrétaire dirigeant de l’Union syndicale suisse (USS) devenu chef de la Direction du travail au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), écrit [1]: « A partir du 1er juin 2004, le contrôle préalable des conditions de travail à l’engagement de ressortissants des 15 pays membres de l’UE ou de l’AELE a été aboli, comme également le contrôle des conditions de travail des travailleurs d’entreprises de l’UE détachés en Suisse pendant une période inférieure à 90 jours par année. Ces vérifications systématiques ont été remplacées dans le cadre des mesures d’accompagnement par des contrôles par sondage visant à éviter que la libre circulation des personnes n’engendre un dumping sur les salaires pratiqués dans notre pays. Dans le cadre des débats parlementaires sur le deuxième paquet de mesures d’accompagnement, le Conseil fédéral a promis que 150 inspecteurs – dont le salaire serait financé à hauteur de 50 % par la Confédération – vérifieraient à l’avenir les conditions de salaire. Les promesses ont été tenues. Aujourd’hui, 86 inspecteurs mandatés par les commissions tripartites cantonales et 67 par les organes paritaires (des conventions collectives de travail déclarées de force obligatoire) contrôlent les conditions de travail. Le nombre de contrôles a augmenté de 84 % par rapport à l’année précédente […]; 31’243 entreprises – soit les conditions de travail de 76’000 personnes – ont été contrôlées pendant 18 mois. Les cantons sont en bonne voie pour atteindre les objectifs fixés dans les accords de prestations exigeants conclus avec la Confédération. Quant aux commissions paritaires, elles se sont surtout attelées à contrôler très intensivement les conditions de travail dans le secteur du bâtiment, génie civil et du second œuvre. Les contrôles ont aussi été nettement augmentés dans l’hôtellerie et la restauration.» Tout l’édifice des mesures d’accompagnement à l’accord sur la libre circulation des personnes signé entre la Suisse et l’UE repose sur le rôle et le travail des inspecteurs nommés pour mettre en place une surveillance portant sur: le dumping salarial, la durée du travail, sur quelques aspects de la sécurité et des conditions de travail. Examinons comment les inspecteurs ainsi nommés ont rempli leur mandat. Une précision: il s’agit de 153 inspecteurs pour toute la Suisse. Ils ont été nommés peu de temps après que les cantons et la Confédération eurent diminué de 25 % le temps de travail disponible pour les inspecteurs en matière de santé et sécurité au travail. Comme l’attestent les rapports annuels de la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail, les inspecteurs consacrent désormais 2 heures 20 minutes par visite d’entreprise! Inspection entre deux portes Les 153 inspecteurs ont réalisé – entre janvier 2007 et juin 2007 – 31’243 inspections d’entreprises ayant couvert 76’000 personnes, soit 2,4 personnes par entreprise…). Cela donne, sur une moyenne d’un an, 20’829 inspections d’entreprise couvrant 50’667 salariés, soit en moyenne 136 entreprises et 331 salariés par inspecteur au cours d’une année. Sachant qu’il y a au total en Suisse 373’000 établissements avec 3,7 millions d’emplois – sans compter le secteur primaire [2] –, cela implique qu’en vingt ans tous les établissements du pays pourront être une fois inspectés… En d’autres termes, un patron a intérêt à payer une amende (rare) pour ne pas avoir respecté les normes (minimales) en vigueur plutôt que de s’y plier a priori. Prenons en considération les éléments suivants: 1° une année de travail d’un inspecteur représente au total 1895 heures annuelles [3]; 2° 30 % de ce travail – soit 569 heures annuelles – se passe dans l’inspection effective des entreprises et des postes de travail; 3° 50 % est consacré à la préparation, à l’organisation ainsi qu’aux suites des visites (n’oublions pas qu’un inspecteur fait pratiquement la totalité de son travail administratif); 4° 20 % temps concerne d’autres tâches diverses. Sur cette base, nous pouvons établir les conclusions plus que vraisemblables suivantes. En moins de 4 h 15 un inspecteur effectue la visite d’une entreprise [4]. Toutefois, il faut déduire le temps total de déplacement et le temps minimal d’accueil de la personne par les responsables qui, par gentillesse ou par intérêt, vont consacrer du temps à l’inspecteur afin de lui expliquer mille et une choses, plus ou moins importantes, diminuant d’autant l’inspection proprement dite. Du coup, il va rester entre 2 et 3 heures pour «inspecter» concrètement une entreprise et 2,4 postes de travail en moyenne. Autrement dit, les inspecteurs ne peuvent pas faire leur travail! Pas plus du reste que les Commissions tripartites [5]. Or, ces dernières œuvrent notamment en se fondant sur ces inspections. Elles sont constituées de représentants syndicaux, patronaux et étatiques immergés jusqu’au cou dans d’innombrables fonctions chronophages ne leur laissant pas le temps de faire sérieusement le travail lié aux dites mesures d’accompagnement [6]. Quels que soient les cas de figure examinés – les activités des Commissions tripartites, celles des Commissions paritaires liées aux conventions collectives de travail de force obligatoire, ou même le système soi-disant progressiste en place dans le canton de Genève – une conclusion s’impose: en règle très générale, les inspecteurs ne disposent pas du temps pour effectuer un travail un tant soit peu sérieux, donc mettant en lumière une réalité qui, par définition, s’apparente à l’ordre du camouflage. L’urgence de droits effectifs Dans ces conditions, comment le Bureau fédéral de l’intégration (affaires étrangères et économie) ose-t-il affirmer que «pour la grande majorité des contrats de travail vérifiés, les conditions de salaire et de travail en vigueur en Suisse ont été respectées, quoique la proportion d’abus constatés était plus élevée dans les branches dites à risques» [7]? Comment Serge Gaillard et le Seco [8] peuvent-ils se réjouir que «les contrôles sont intensifs»? Comment font-ils pour savoir que «les conditions de travail et de salaire sont majoritairement respectées«? Comment le Conseil d’Etat genevois, à majorité écologiste et social-démocrate, peut-il prétendre que «l’Etat et les partenaires sociaux [sont] attentifs aux effets de la libre circulation des personnes» [9]? Et surtout, pourquoi l’Union syndicale suisse se permet-elle de décrire les mesures d’accompagnement comme «un ensemble d’instruments performants qui permettent d’empêcher une détérioration des conditions de travail» [10]? Enfin, comment l’USS peut-elle écrire, sans que la totalité du patronat de Suisse éclate d’un immense rire fédéral, qu’il «faut absolument augmenter la fréquence des contrôles» [11]? Pour donner un fard de réalisme à cette mascarade, les patrons affirment régulièrement que les syndicats veulent imposer leur diktat en la matière. De leur côté les syndicats vantent, en l’inventant, une force syndicale qui aurait imposé les mesures d’accompagnement. Pendant ce temps le Seco occupe une partie de son personnel à publier rapport sur rapport ayant trait à ce thème, tout en mandatant les observatoires universitaires pour produire du matériel dit d’analyse. Pendant ce temps, les salariés se trouvent seuls face: aux petits, moyens et grands chefs, aux responsables des «ressources humaines» et du contrôle de qualité, aux directeurs, aux patrons et à leurs diktats quotidiens portant sur l’organisation de la non-régulation, sur les objectifs à atteindre et donc sur les rythmes et conditions de travail. Dans un tel contexte, une majorité de salarié·e·s ne peuvent que conclure, plus ou moins consciemment, que lesdites mesures d’accompagnement sont un machin qui ne les concerne pas. Ne serait-il pas temps, pour les syndicats, de développer une orientation, qui pourrait modifier les rapports de force. Elle s’articulerait sur la défense de la libre circulation de tous les salarié·e·s conjointement à la concrétisation de cinq véritables mesures d’accompagnement. La première: exiger une défense légale forte contre les licenciements des représentants syndicaux dans les entreprises, seule manière de permettre de réelles inspections des conditions de salaire et de travail [12]. La deuxième: exiger l’engagement massif d’inspecteurs, auxquels ne soit imposé aucun «secret de fonction» vis-à-vis des salariés et des délégués syndicaux dans les entreprises inspectées. La troisième: l’obligation pour les employeurs d’annoncer automatiquement, avec publication dans la Feuille fédérale électronique, les salaires et les qualifications de toute personne nouvellement engagée. La quatrième: rompre avec la pratique de l’immigration choisie, qui passe par les Commissions tripartites qui n’acceptent que les contrats de travail pour des salariés qualifiés, créant par contrecoup les sans-papiers. La cinquième: cesser de défendre la préférence nationale par l’exclusion des salarié·e·s extra-communautaires, par le contingentement de ceux des nouveaux pays membres de l’Union européenne, par la chasse aux sans-papiers organisée dans le cadre de la Loi contre le travail au noir, autant de mesures de fait xénophobes soutenues par les appareils syndicaux. L’objectif en ligne de mire doit rester l’an 2014 (pleine entrée en vigueur des accords sur la libre circulation des personnes), afin que cette date ne soit pas celle d’un véritable big bang des sous-enchères et des dumpings patronaux… après douze ans de vaccinations. 1. Serge Gaillard, « Une meilleure surveillance du marché du travail, davantage de contrôles et des sanctions plus sévères », Seco, 27.09.2007, Berne. 2. Voir Statistique suisse des entreprises de l’Office fédéral de la statistique (OFS), 2005. 3. Nous calculons ces 1895 heures de la manière suivante: [(365 x (5 / 7) – (1,66 x 12) – 7) x (41,9 / 5)] – 64 = 1895; où 365 = jours par an; 5 / 7 = jours ouvrables par semaine; 1,66 x 12 = jours de vacances par mois pour 4 semaines de vacances annuelles; 7 = une semaine de jours fériés en moyenne; 41,9 / 5 = durée quotidienne du travail pour une durée hebdomadaire du travail de 41,9 heures (moyenne suisse); 64 = heures d’absence annuelles moyennes pour les salariés dans les administrations publiques selon l’OFS. 4. Soit 569 heures / 136 = 4,2 qui font 4 heures 12 minutes. 5. On nomme «tripartites» les commissions où les représentants des directions syndicales se trouvent bilatéralement confrontés aux représentants du binôme patronat-Etat. 6. Voir la Liste des Commissions tripartites, état au 1er janvier 2008, sur le site du Seco sous http://www.seco. admin.ch/themen/00385/00448/00449/00450/index.html?lang=fr (accessible par explorer et firefox). 7. Bureau de l’intégration DFAE / DFE, «Accord sur la libre circulation: reconduction après 2009 et extension à la Bulgarie et à la Roumanie», Berne, décembre 2007. 8. Serge Gaillard, document cité. 9. Communiqué de presse du Conseil d’Etat genevois, 15.10.2007. 10. Daniel Lampart (USS), «Libre circulation des personnes. Des effets positifs, mais de nombreux problèmes subsistent», USS, Berne, 31.05.2007. 11. Daniel Lampart (USS), « Les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Doublement des contrôles auprès des employeurs suisses. Durcissement des sanctions », USS, Berne, 08.01.2008. 12. Romolo Molo, «Il faut relégitimer l’idée que nous avons le droit d’avoir des droits», entretien, Services publics, Lausanne, 30 mai 2003. (25 février 2008) |
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