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N°7 - 2002 Anciennes et nouvelles guerres Noam Chomsky Ce recueil d'articles écrits entre 1985 et 1999 vient à point pour rappeler l'impressionnante continuité politique des gouvernements américains successifs pour ce qui a trait à leur gestion des «affaires internationales». L'auteur revient sur un demi-siècle d'impérialisme américain, du «pacifisme» de Wilson (destruction d'Haïti, invasion du Mexique, guerre contre-insurrectionnelle en République dominicaine, etc.) au nouvel «humanisme» militaire inauguré au Kosovo par l'administration Clinton. Dénonçant systématiquement la double morale des dirigeants de la première puissance mondiale, Chomsky interroge les concepts ayant servi de justification aux multiples agressions conduites contre des pays dudit tiers-monde. Le motif central de la rhétorique officiel fut celui de la «légitime défense». On le retrouve aujourd'hui encore au cúur de la «guerre contre le terrorisme»emmenée par G. Bush junior. De fait, il s'est bien à chaque fois agi de la défense des intérêts politico-économiques du capitalisme-impérialisme américain, ce qui est sa seule «légitimité». Lors de la guerre du Vietnam, c'est la notion d'«agression interne»qui fut invoquée: menace contre les Etats-Unis, mais sur le sol vietnamien ! Le scénario se répète lors de la guerre menée contre la révolution sandiniste au Nicaragua dès 1979, au nom de la «défense des intérêts nationaux». A chaque fois, c'est le «danger» de l'URSS qui était invoqué. En fait, toute contestation de la domination impérialiste, en lien ou surtout sans lien avec l'URSS, est réprimée (économiquement et / ou militairement). Dès les années 80, «l'épouvantail soviétique» perdant de son efficacité, les idéologues de Washington inventent le concept d'«Etat voyou» (rogue State). La Libye de Kadhafi sera l'un des premiers pays à faire les frais de cette nouvelle appellation contrôlée. En 1986, des «frappes chirurgicales» sont effectuées. Elles sont médiatisées. Le slogan «Etat voyou» fait florès. Il est l'avers de celui d'«Etat éclairé»: étiquette accordée d'office aux Etats-Unis et à ses alliés occidentaux. Son utilisation n'est pas allée toutefois sans quelques fluctuations: ainsi le régime de Saddam Hussein n'entre-t-il sur la liste noire qu'au moment de l'invasion du Koweït, alors qu'en 1988, lors du gazage des Kurdes, il est encore un allié fidèle des Etats-Unis. D'autres Etats, malgré leurs efforts renouvelés pour mériter le label d'«Etat voyou» s'en voient privés: l'Indonésie de Suharto - appelée «notre ami» par Clinton... et la diplomatie helvétique - qui a, entre autres, massacré un quart de la population de l'Est-Timor ; l'Etat turc pour qui le peuple kurde est un ennemi à écraser ; l'Etat sioniste d'Israël ; les Etats-Unis condamnés, sans suites ni effets, par la Cour internationale de justice, en 1986, pour leurs actions contre le Nicaragua sandiniste. Le déploiement militaire (budgétaire et stratégique) des Etats-Unis depuis le 11 septembre s'inscrit dans une parfaite continuité avec la violence et la rhétorique utilisées depuis des décennies. Elles sont conjointement mises en úuvre dès qu'un Etat renâcle devant la tutelle impériale (qu'il s'agisse d'une tentative d'émancipation progressiste ou parfaitement réactionnaire). Les forces qui, aujourd'hui en Amérique latine, s'opposent à l'omnipotence des Etats-Unis (de la Colombie à l'Argentine ou à l'Uruguay), seront placées soit sur la liste des «organisations terroristes», soit, demain, sur celle des «Etats voyous» (Venezuela). Le voyage de Bush et les mesures diplomatiques prises pour isoler Cuba (entre autres par le Mexique et l'Uruguay) le prouvent. - Antonin Wiser Noam Chomsky Ce petit livre rassemble une série d'interviews données dans les jours qui suivirent le 11 septembre. Alors que la presse américaine se faisait l'écho des bruits de botte et des trompettes de la guerre, Chomsky pose courageusement la question des motifs des attentats. Il refuse les réponses faciles: autant l'hypothèse d'une attaque contre les «valeurs» de l'open society(la société ouverte chère à Karl Popper) occidentale que celle de la mise en cause de la mondialisation du capital et de l'hégémonie culturelle. «Sadate a-t-il été assassiné il y a vingt ans à cause de la mondialisation ?»ironise Chomsky. Les réseaux du terrorisme islamiste ne sauraient être tenus pour anti-impérialistes. Il s'agit plutôt d'une contestation du pouvoir d'Etats arabes corrompus et pas assez orthodoxes à leurs yeux. Les Etats-Unis interviennent en tant que défenseurs de tels régimes (Arabie saoudite) et, partant, s'attirent la vindicte de fractions contestataires, parfois populistes, mais certainement pas porteuses d'un quelconque projet d'émancipation pour les populations arabes. La présence américaine en «terre sainte» (Arabie saoudite) ne fait qu'attiser la rancúur à leur encontre. La critique à l'égard des Etats-Unis, portée par les islamistes, trouve un écho auprès de celles et ceux qui les considèrent comme le principal Etat terroriste. Leur soutien à la Turquie, à l'Indonésie de Suharto, et celui fermement réaffirmé aujourd'hui au gouvernement d'unité nationale de Sharon, etc. en font aux yeux des populations victimes de ces régimes répressifs les alliés de leur persécution. Par ailleurs, la destruction de l'une des seules industries pharmaceutiques du Soudan, en 1998, sur l'ordre de Clinton ou le blocus de l'Irak (un million de morts) constituent, selon la définition même adoptée par les Etats-Unis, des actes terroristes. Les mesures bloquant l'aide humanitaire aux populations afghanes, au moment des bombardements, pourraient être qualifiées à l'identique. C'est qu'en fait une autre acception du mot «terrorisme» prévaut: tous ceux qui ne sont pas avec nous... Chomsky fait avant tout un travail d'information effective et donc d'élucidation. En cela, il subvertit l'assènement de «vérités» officialistes et «cnnisées», répétées, avec quelques accents moralisants 1, par les sommets de la social-démocratie européenne. - Antonin Wiser 1. Voir sur notre site www.alencontre.org l'article de Daniel Bensaïd, «Bêtisier impérial: les intellectuels français et la guerre de Bush».
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