N°7 - 2002

La révision de la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP): ses conséquences sur les retraites

Une «générosité» trompeuse

La réforme des retraites est un des dossiers majeurs de l'actuelle législature 1999-2003. Elle passe par une révision parallèle de l'assurance vieillesse et survivants (11e révision de l'AVS) et de la Loi sur la prévoyance professionnelle (1re révision de la LPP).

Le Conseil national a déjà traité les deux dossiers ; le Conseil des Etats le fera dès cet automne 2002. En mai 2001, les débats du Conseil national (CN) sur la 11e révision de l'AVS ont abouti - dans le sillage de la 10e révision (qui s'est prolongée quelque deux décennies !) - à de nouvelles coupes dans les prestations: élévation de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans, suppression d'une partie des rentes de veuve, adaptation ralentie des rentes au renchérissement.

Par contre, la Chambre du peuple (CN) a semblé, en avril dernier, vouloir compenser partiellement cette détérioration des rentes par une proposition qui élargit l'accès au 2e pilier pour les personnes ayant des bas salaires. L'autre mesure importante adoptée concerne le taux de conversion déterminant le montant de la rente versée dans le cadre des prestations minimales de la LPP. La presse, le Parti socialiste suisse (PSS) et l'Union syndicale suisse (USS) se sont félicités de l'attention portée par le Conseil national aux bas salaires. Replacer ces mesures dans le contexte de l'évolution du système des trois piliers (AVS, Caisses de pension et épargne individuelle) - ainsi que de l'AVS plus spécifiquement - démontre que ce projet n'a pas la magnanimité qui lui est attribuée. Et cela permet aussi de comprendre pourquoi l'Association suisse d'assurances (ASA), le puissant lobby des assureurs privés, se félicite - de manière plus discrète il est vrai que la gauche institutionnelle - du résultat des délibérations du Conseil national.

Bernard Bovay

La situation économique actuelle des retraité·e·s, encore plus pour les moins bien lotis, n'est pas acceptable pour les salarié·e·s, en activité et à la retraite. Donc, il est difficile de comprendre comment des forces de gauche peuvent s'en satisfaire, malgré les prétendus gains de la révision de la LPP.

En effet, le statut économique de ces retraité·e·s reflète leurs conditions lorsqu'ils / elles étaient actifs - avec encore plus de force pour les femmes - car leurs rentes (AVS ou LPP) sont des droits dérivés des salaires touchés.

Resituer les enjeux

Face à cette réalité, des rangs du patronat et des partis de droite ont avancé un argument: les conditions faites à une partie des retraité·e·s est certes regrettable, mais il n'est pas possible d'y remédier par une extension de la couverture des assurances sociales. En effet, cela aurait des effets négatifs pour l'économie, et donc pour l'emploi. Conclusion patronale: «Il nous faut donc résolument changer de cap et opter pour les aides ciblées qui, sous leurs formes les plus efficaces, sont les prestations complémentaires et l'aide sociale.» (Peter Hasler, directeur de l'Union patronale suisse, in Employeur suisse, 8 mai 2002, p. 459)

C'est bien la «moindre» des choses que le PSS et les syndicats n'acceptent pas une telle orientation. Mais la voie qu'ils ont privilégiée - l'extension de la couverture du 2e pilier qui devrait réduire la nécessité de recourir aux prestations complémentaires - est-elle pour autant la bonne ? Et la seule ?

Le débat parlementaire a ses contraintes et ses logiques: chaque objet - la révision de la LPP, par exemple - est abordé de façon autonome. Cependant, dans la réalité, la prévoyance professionnelle est un des trois «piliers» du système des retraites en Suisse. De plus, la classe dominante a un projet sur le long terme d'individualisation des retraites et de laminage progressif d'un système collectif de sécurité sociale. Cette stratégie est d'ailleurs développée à l'échelle internationale. Elle a été «modélisée» par des institutions comme la Banque mondiale (BM) ou l'Organisation pour la coopération et développement économiques (OCDE) ; elle est de même un des chevaux de bataille de l'Union européenne (UE).

S'ils veulent contrecarrer cette «tendance lourde» et ouvrir d'autres perspectives, celles et ceux qui défendent les droits des salarié·e·s et des retraité·e·s doivent absolument dépasser une vision étriquée que génère la mécanique parlementaire de chaque révision: chacune est prise pour elle-même ; elle est abordée sous l'angle strictement juridique qui tend à écarter toutes les revendications, même reconnues par les «partenaires sociaux» (syndicats) ; enfin, les projets sont saucissonnés en étapes, détachées l'une de l'autre.

Bas salaires et 2e pilier

La décision du Conseil national qui a le plus retenu l'attention est la diminution du montant de coordination.

Actuellement, la loi prévoit qu'un·e salarié·e avec un revenu supérieur à 24 720 fr. doit obligatoirement être assuré·e au 2e pilier pour un revenu cotisant égal à son salaire diminué de ce même montant de 24 720 fr. Les personnes qui ont un salaire inférieur à ce montant ne sont généralement pas assurées. La loi ne fixant que des conditions minimales, certaines caisses de pension ont cependant décidé d'assurer des salaires inférieurs. De plus, les personnes qui ont un salaire légèrement supérieur au montant de coordination ne cotisent que sur une part très réduite de leur salaire: leurs rentes seront donc très limitées.

Face à cette situation, le PSS et les syndicats revendiquent depuis longtemps une meilleure couverture pour les bas salaires dans le cadre du 2e pilier.

Le Conseil national a décidé en avril d'aller dans cette direction. Désormais, tous les salaires supérieurs à 18 540 francs par an (1545 francs par mois) seront assurés au 2e pilier. De plus, le montant de coordination ne sera plus une somme fixe. Il sera de 15 450 fr. pour les salaires inférieurs à 38 625 fr., de 40 % du salaire pour les revenus compris entre 38 625 fr. et 54 525 fr., enfin de 21 810 fr. pour les salaires de 54 525 fr. à 74 160 fr. (voir graphique ci-contre: «Augmentation du salaire cotisant» - et non pas «assuré», selon un terme équivoque et trompeur). A ce sujet, il faut avoir en mémoire que la commission du Conseil national proposait d'aller encore plus loin: «assurer» des salaires annuels dès 12 360 fr.

Les effets à long terme d'un choix

Cette proposition soulève une question de fond au sujet du type de système de retraites que l'on veut en Suisse et du rapport entre ses différents «piliers». Faire que des salaires très bas cotisent également à la prévoyance professionnelle signifie:

1° L'acceptation que l'AVS ne suffira définitivement pas à couvrir «les besoins vitaux de manière appropriée», ce qui est pourtant sa mission telle que définie par la Constitution fédérale (art. 112).

2° Une justification affaiblie - du fait que les très bas salaires seront, en partie, couverts par la LPP - du principe selon lequel les rentes AVS devraient varier en fonction du salaire. Par conséquent, se trouvera renforcée la position des partisans d'un montant unique pour les rentes AVS. De l'introduction du «montant unique» découlerait un changement de nature de l'AVS. Elle se rapprocherait ainsi davantage d'un filet social minimal, et totalement insuffisant par ailleurs.

A cela, il faut ajouter que les prélèvements supplémentaires sur les salaires, découlant de cet abaissement du montant de coordination, se feront dès que la loi entrera en vigueur ; ils pèseront en particulier sur les très bas salaires (voir graphique mentionné ci-dessus). Par contre, l'effet positif sur les rentes sera différé et ne sera pas sensible avant une vingtaine d'années. Ce décalage, qui n'existe pas dans l'AVS, est la conséquence du financement du 2e pilier par capitalisation.

Taux de conversion abaissé

Le deuxième grand changement décidé par le Conseil national est une diminution du taux de conversion. Le taux de conversion permet de déterminer le montant qui sera versé chaque année au retraité. Il est actuellement de 7,2 %. Ainsi, un capital accumulé de 100 000 francs - à 65 ans et pour un homme - donne, selon les règles de la LPP, une rente de 7200 francs par an, soit 600 francs par mois. Le Conseil national propose de l'abaisser à 6,8 % en 10 ans. Le Conseil fédéral voulait, lui, l'abaisser à 6,65 % en 13 ans, ce qui est très proche. Ici, nous ne donnons pas le calcul du montant de la rente pour une femme, car il faudrait y ajouter l'élément du passage de l'ouverture du droit à la retraite, par étapes, de 62 à 65 ans.

Ce taux de conversion est uniforme, quel que soit le revenu de l'assuré·e. En cela, il est défavorable - comme le 2e pilier en général - aux personnes ayant eu des revenus faibles au cours de leur vie active. En effet, les revenus et la durée de vie après 65 ans sont corrélés positivement: un directeur de banque a un revenu plus important qu'un maçon et son espérance de vie est, en moyenne, aussi significativement plus grande. Cela veut dire - toujours en moyenne - que lorsque deux hommes prennent leur retraite à 65 ans, celui ayant la rente la plus élevée vivra aussi le plus longtemps. Il touchera donc un plus grand nombre de rentes mensuelles. En d'autres termes, les personnes avec des bas revenus financent en partie les rentes de celles ayant des revenus élevés. C'est une solidarité à l'envers, typique du fonctionnement du 2e pilier.

Assurances privées à la fête

L'augmentation de l'espérance de vie, en particulier après 65 ans - «on vit plus longtemps» -, est incontestable, et bienvenue. De ce point de vue, il est a priori logique qu'une baisse du taux de conversion soit proposée, ce qui entraîne des rentes inférieures si les autres éléments déterminants - en particulier l'âge de la retraite et le montant des cotisations - restent constants. En l'occurrence, ces deux éléments sont également modifiés.

1° La modification du montant de coordination, prévue par la 1re révision de la LPP, augmente tous les salaires cotisants d'au moins 2910 fr. par an. Cette mesure va donc accroître les cotisations versées par chaque salarié·e. Cette hausse vise à compenser les effets de la baisse du taux de conversion. Elle est censée garantir que les futures rentes servies ne seront pas plus basses que les rentes déterminées par les règles actuelles.

2° La 11e révision de l'AVS, adoptée par le Conseil national il y a une année, inclut notamment une modification... de la LPP. Elle s'est conclue par: l'élévation de 3 ans - de 62 à 65 ans - de l'âge donnant droit pour les femmes à une rente de la «prévoyance professionnelle». Ce fait a cependant été absent du débat sur la révision de la LPP, quand bien même il a une influence directe sur le taux de conversion (il devrait en freiner la réduction).

On peut bien entendu se demander si la diminution du taux de conversion n'est pas trop forte et trop rapide. La gauche parlementaire a plaidé pour un maintien à 7,2 % de ce taux pour les deux décennies à venir puis, battue sur ce point, pour un étalement de cette baisse sur 20 ans au lieu de 10. Pour être défaite à nouveau. Les cris de victoire des assureurs privés - qui se réjouissent en particulier de la «surprise positive» qu'a constitué l'engagement de la conseillère fédérale social-démocrate Ruth Dreifuss pour un délai de 10 ans («Notre récente rencontre avec elle a-t-elle laissé des traces ?», se demande l'Association suisse d'assurances-ASA) - plaident pour cette interprétation: la décision du Conseil national est taillée sur mesure pour garantir que le marché du 2e pilier reste fort lucratif pour les assurances et les banques.

Les faiblesses du 2e pilier mises à nu

L'essentiel est cependant ailleurs. La décision d'abaisser le taux de conversion démontre en effet que le 2e pilier est aussi sensible aux effets de l'allongement de la durée de la vie que l'AVS. Or, la prétendue différence dans ce domaine entre le système de capitalisation (2e pilier) et le système de répartition (AVS) a toujours été un des arguments majeurs pour développer la prévoyance professionnelle et bloquer un renforcement de l'AVS.

L'autre grand argument en faveur du 2e pilier est le suivant: un système de capitalisation n'est pas sensible au rapport entre actifs et passifs, contrairement à un système de répartition, car l'argent nécessaire pour financer la retraite a déjà été «mis de côté». Ce raisonnement n'offre en fait qu'une sécurité formelle (l'avoir vieillesse sur son compte), mais il n'a aucune validité économique. En effet, comme dans le cas de l'AVS, la réalisation de cet avoir, c'est-à-dire les achats effectués grâce aux revenus procurés par la rente du 2e pilier, dépend de ce que produisent les actifs.

Ces constats sonnent le glas de la prétendue supériorité économique des systèmes de retraites par capitalisation. D'autant plus que la fin de l'euphorie des marchés financiers de la seconde moitié des années 90 dissipe l'illusion d'un enrichissement boursier sans fin, surgissant ex nihilo, et dont profiteraient les caisses de pension.

Les milieux patronaux et de droite en tirent la conclusion que de nouvelles élévations de l'âge de la retraite sont inéluctables. C'est abusif. La vraie question est, en fait, celle de la répartition de la richesse produite et des critères de cette répartition. L'augmentation de l'espérance de vie ainsi que l'exigence d'une amélioration de la situation des retraité·e·s ayant eu des bas revenus durant leur vie active indiquent la nécessité de consacrer aux retraites une part plus élevée de la richesse sociale produite chaque année. L'augmentation de la productivité, et de la richesse globale produite, au plan macro-économique, rend cela possible et compatible avec un maintien et même une augmentation des revenus des hommes et femmes ayant une activité professionnelle, ainsi qu'un taux d'investissements suffisant pour un développement de l'appareil productif (sans même entrer dans le débat portant sur le caractère de cet appareil productif et des «dépenses» qu'il nécessite).

Certes, une telle option - qui impliquerait une réorganisation profonde des relations entre temps libre et temps de travail sur une vie - exige une maîtrise collective de l'usage (soit aussi des priorités d'utilisation) de la richesse sociale ; ce qui s'oppose à l'actuelle appropriation privative d'une part croissante des ressources et des moyens de production et de financement et de leur concentration dans les mains d'un nombre toujours plus restreint «d'acteurs institutionnels» (fonds de placements, fonds de pension, etc.) et de personnes. Néanmoins, dès maintenant, un redressement de la répartition de la richesse sociale et donc aussi des rapports entre les trois piliers est de l'ordre du possible, du faisable à court terme.

Saisir l'occasion... pour changer

Cette première révision de la LPP indique les faiblesses de la prévoyance professionnelle quant à la garantie des rentes finalement versées aux assurés. D'autant plus qu'un nombre croissant de caisses passent de la primauté de prestation, qui garantit le maintien d'une part donnée du dernier salaire, à la primauté de cotisation (voir encart: «Paramètres d'un système de retraite»).

En 2000, 2,45 millions d'assuré·e·s cotisaient à des caisses avec primauté de cotisation, contre 770 000 à des caisses avec primauté de prestation. Les débats ont aussi montré combien le système même du 2e pilier rendait, de fait, impossible une vraie transparence sur la situation financière effective des caisses de pension. Cela prive les salarié·e·s de la possibilité de décider démocratiquement, en toute connaissance de cause, de l'avenir de retraites qui, en principe, leur appartiennent.

Or, que font l'USS et le Parti socialiste ? Ils incitent à une extension de ce 2e pilier. Ils renoncent à exiger une amélioration des rentes AVS, qui serait pourtant la meilleure réponse pour les personnes ayant eu des bas ou des moyens revenus (un nombre qui ira croissant).

Ils renforcent ainsi la dynamique originelle du système des trois piliers: accroître progressivement le poids de la prévoyance professionnelle et du 3e pilier (épargne individuelle) par rapport à celui de l'AVS. Donc renforcer l'individualisation de la retraite par rapport à un mécanisme de solidarité sociale.

Il faut au contraire proposer une alternative qui renforce l'AVS pour en faire une sécurité sociale. Nous y reviendrons dans un prochain numéro de à l'encontre avec une proposition élaborée.


Paramètres d'un système de retraite

Les paramètres exposés ci-dessous structurent l'essentiel d'un système de prévoyance. Leur compréhension facilite la saisie des mécanismes à l'úuvre dans l'AVS et la LPP.

1° Répartition ou capitalisation

Dans le système de répartition - par exemple, l'AVS - les cotisations des personnes actives encaissées pendant l'année servent à verser la même année les rentes des personnes à la retraite. Un certain montant sert de coussin afin d'absorber les fluctuations aléatoires (passagères...).

Dans un système de capitalisation - par exemple, la LPP - les cotisations sont d'abord placées sous formes mobilières (obligations, actions...) ou immobilières (bâtiments, terrain). Ces placements serviront à payer les rentes des personnes travaillant actuellement lorsqu'elles bénéficieront de leur retraite.

2° Primauté de prestation ou primauté de cotisation

Dans la primauté de prestation, le niveau des rentes est déterminé à l'avance, par exemple en pour-cent du dernier salaire ou en fonction du salaire moyen pendant la durée d'activité. Les taux de cotisation sont ensuite déterminés afin de financer les prestations et sont révisés en cas de déséquilibre durable (entre prestations et cotisations). Fixer un niveau de prestation et non un niveau de prélèvement est socialement pertinent.

Lorsqu'une caisse de pension utilise la primauté de cotisation, le niveau des cotisations est fixé. Il détermine la hauteur des rentes au moment où elles sont versées la première fois. On prend en compte la situation de la caisse, c'est-à-dire son rendement passé et sa «perception» (sur la base d'une projection) de ces charges futures. La caisse de pension reporte ainsi le risque sur les assuré·e·s (les personnes actives) et les bénéficiaires (retraité·e·s). On constate, pour le 2e pilier, qu'un nombre important (en termes de nombre d'assurés) de caisses de pension passe de la primauté de prestation à celle de cotisation. Et les caisses avec primauté de prestation deviennent des exceptions.

3° Adaptation des rentes

Si le montant de la rente de retraite en francs est celui du premier versement (maintien de la valeur nominale), cette rente diminue en valeur réelle (c'est-à-dire ce qu'on peut acheter avec cette rente), entre autres à cause de l'inflation (hausse des prix). Etant donné que les rentes sont versées, en moyenne, pendant de nombreuses années, cette dévalorisation peut être considérable, si leur montant n'est pas adapté (ce qui est tout à fait tangible lorsque l'inflation croît au rythme des années 1980). Pour l'AVS, les rentes sont adaptées selon la moyenne de l'indice des prix et celui des salaires.

Par contre, en général, les caisses de pension n'adaptent que partiellement, voire pas du tout, les rentes versées au renchérissement. D'ailleurs, sauf exception (autorisation de couverture partielle), elles ne peuvent pas garantir une telle adaptation. En effet, l'évolution future des prix ne peut être estimée avec suffisamment de précision pour pouvoir être financée par un système par capitalisation.

4. Pérennité

Il est essentiel de déterminer si le cercle d'assurés (le nombre de cotisants) et de bénéficiaires (retraités) d'une institution de prévoyance est pérenne (c'est-à-dire qu'il est durable). En effet s'il ne l'est pas, on peut faire face à un cas de figure où il n'y a plus (ou presque plus) de cotisants. Dans ce cas, un système de répartition est à exclure car les rentes ne pourront plus être versées en l'absence d'un contingent de personnes actives qui abondent au financement.

Ainsi, une entreprise ne peut prétendre à un tel statut. Même une branche économique ne le peut pas. On a constaté par le passé, et cela est encore accentué actuellement, des secteurs industriels ou de services qui, s'ils n'ont pas disparu, ont vu leurs effectifs fondre.

Seul un cercle étendu - au plan national, par exemple, ou, dans une moindre mesure, des services publics ou administratifs (liés à la pérennité de l'Etat) - peut garantir une permanence.

5. Diversité et fragmentation

En Suisse, le 2e pilier est géré par plusieurs milliers de caisses de pension et fondations collectives avec chacune leur propre règlement qui définit, entre autres, les prestations. On constate, d'une part, une différenciation considérable et, d'autre part, que cette diversité ne coïncide nullement avec la diversité des besoins des salarié·e·s.

Au contraire, un certain nombre d'entreprises revendiquent, avec force, le fait que leur caisse de pension est un élément important de leur politique du personnel (ou de «gestion des ressources humaines»). Cette fragmentation implique que les luttes pour maintenir ou étendre la protection conférée par la caisse de pension (montant des rentes, rentes de veuf ou pour conjoint non marié...) se font caisse par caisse, donc, sauf exception, entreprise par entreprise. Ce cadre de négociation est très défavorable. Néanmoins, c'est celui qui existe et des revendications dans ce contexte peuvent être une forme de lutte salariale qui est à soutenir.

Une institution centralisée, comme l'AVS, peut - ou pourrait - tenir compte des différences de besoins objectivables, par exemple l'usure prématurée liée à certaines professions.

Un système de retraite devrait prendre en compte la dimension du salaire social qui intègre l'ensemble des formes du salaire.

6. Equivalence ou redistribution

Un système de sécurité sociale n'a pas à être basé sur un principe d'équivalence mutualisé entre les prestations et les cotisations. C'est celui sur lequel se basent les assurances privées, ou toute institution d'assurance s'intégrant aux «exigences» du marché et de la rentabilisation et à celles d'une approche contractuelle, individualisée, de l'assurance.

On peut instaurer des règles de répartition qui ne reposent pas sur le principe d'équivalence, mais sur des critères sociaux, ce qui n'implique pas qu'il ne coûte rien (même la gratuité n'est pas synonyme de non-coût).

Plus la situation socio-économique de la population active est marquée par des insertions très inégales dans le processus de travail et de distribution de la richesse, plus la position des retraité·e·s reflétera les inégalités diverses qui ont marqué leur «parcours professionnel». D'où la nécessité de mécanismes fortement correctifs. Or, le système des trois piliers s'adapte à des inégalités et ne les corrige quasiment pas.

Toutes les combinaisons de ces différents paramètres, et d'autres, ne sont pas possibles. Mais, c'est à partir de ces derniers qu'il faut rénover, transformer ou rebâtir un système de retraite.

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