N°7 - 2002 Le Congrès de PRC (4-7 avril), la grève générale (16 avril), la bataille référendaire. Quelles suites à une grève historique ? Les mois de mars et avril ont marqué un point culminant de la mobilisation sociale en Italie. Des élections municipales s'inscrivent dans ce sillage. Elles refléteront, peut-être partiellement, le changement de climat socio-politique. Pour l'heure, il nous semble important d'examiner, avec continuité, la conjoncture italienne. Elle s'insère dans une situation européenne complexe où sont intriqués: une accentuation des contre-réformes néo-conservatrices ; un renforcement de tendances autoritaires et populistes ; une acuité de l'instabilité financière internationale et des mobilisations sociales d'envergure (voir dans ce numéro de à l'encontre le dossier sur la mobilisation dans la métallurgie en Allemagne). L'ensemble de cette conjoncture européenne doit être inséré dans le cadre de la vaste opération, placée sous conduite des Etats-Unis, de redéploiements impérialistes, avec ces contre-coups encore peu prévisibles. Nous nous sommes entretenus avec Franco Turigliatto, membre du Comité politique national de PRC (Parti de la refondation communiste). Cet entretien prolonge celui publié dans à l'encontre n° 6. Quel bilan peut-on faire de la grève générale du 16 avril 2002 en Italie ? Franco Turigliatto: La grève générale a connu une réussite extraordinaire dans tous les secteurs. Cela signifie que non seulement les fractions traditionnelles des travailleurs de l'industrie se sont mobilisées, mais aussi celles du secteur public, de la distribution et des transports. Ce fut, en fait, une grève véritablement générale. Les manifestations ont toutes été d'une dimension extraordinaire au sens premier de ce terme ; que ce soit à Florence, à Rome, à Naples, à Palerme et à Milan. Plusieurs millions de personnes sont «descendues» dans la rue. La participation des femmes et des jeunes, ces derniers en tant que jeunesse ouvrière, a été remarquable. Puisque l'essentiel du secteur de la distribution participa à la mobilisation, cela y transparaissait: les femmes constituent en effet la très large majorité des salarié·e·s dans cette branche. De plus, cette dernière emploie aussi des travailleurs jeunes et plus ou moins précaires. Ainsi, on retrouvait dans les manifestations aussi bien des jeunes travailleurs, des étudiants que des fragments de ce néo-prolétariat précaire qui, en partie, constitue la base du Social Forum qui perpétue ses activités, dans diverses villes, après Gênes. Une fois ce constat important posé, il est toutefois nécessaire de souligner que cette grève n'a pas ébranlé le gouvernement. En quelque sorte, le gouvernement a pris acte qu'il y avait eu une grève. Il a développé une tactique d'attente et de manúuvre sur la question de l'article 18 [modification de l'article portant sur les licenciements pour «juste motif»]. Cet attentisme se traduit par le report du débat sur la loi-décret au Parlement et par des ouvertures feintes de Berlusconi en direction des appareils syndicaux, visant à coopter un secteur sur cette question, ce qui n'est pas de l'ordre de l'impossible. On fait donc face à une situation marquée par une reprise - difficilement imaginable il y a encore trois ou quatre ans - du mouvement de masse, avec une série de mobilisations d'une grande ampleur au cours des derniers mois. Néanmoins, le gouvernement n'a pas le dos au mur. Sur tous les terrains, il continue son offensive très dure et la déploie de manière très diversifiée, pour enfoncer des coins là où la résistance est inférieure. Il ne se concentre pas sur un thème. La contre-réforme s'effectue aux plans idéologique, médiatique, juridique, politique et social. La grève générale est restée une grève-pression, une démonstration de force. Elle n'a pas franchi le seuil d'une remise en question du gouvernement, d'une lutte contre le gouvernement. Elle n'a pas capté la force et la disponibilité des travailleurs, du moins d'une grande partie d'entre eux, de s'engager sur ce terrain. Dès lors, elle risque de déboucher sur une situation de pat. Nous y reviendrons. Dans ce contexte, comment envisager les prochaines échéances qui marqueraient une volonté de résistance collective des salarié·e·s, face à un gouvernement Berlusconi et à un patronat (la Confindustria) qui ne renoncent pas à leurs objectifs ? En réalité, ce qui serait vraiment utile est une plate-forme de lutte différente. Cette dernière devrait faire sienne les besoins et revendications qui sont apparus, avec netteté ces derniers mois: ils concernent avant tout l'emploi, la formation et l'ensemble des droits des salarié·e·s. Lors des réunions, je l'explique ainsi: en théorie, il faudrait une assemblée comme celle qui a été faite, il y a vingt-quatre ans, à l'Eur [bâtiment de l'Europe], à Rome. Lors de cette réunion furent acceptées par les appareils bureaucratiques la politique d'austérité et une série de mesures concrétisant la compatibilité entre les «revendications syndicales» et le Capital. Je propose donc une assemblée de l'Eur, mais à l'envers. Autrement dit, il serait utile d'avoir une grande assemblée de délégués des salarié·e·s qui mette fin à toute cette période concertation, de prétendue harmonisation entre les intérêts du Capital et ceux du Travail. Elle pourrait envisager des luttes sur la base d'une nouvelle plate-forme sociale, spécifier des échéances, des rythmes, ce qui est essentiel pour des mobilisations unifiées. Enfin, elle pourrait dégager les lignes de force d'une bataille en vue de malmener et défaire le gouvernement, un gouvernement qui ne peut que mener une politique plus dure. Ce dernier point est essentiel à comprendre: le gouvernement Berlusconi ne va pas faire de concessions. Il va aiguiser ses attaques, les élargir, les conduire sur la durée. Croire à des «compromis raisonnables» est de l'ordre de l'utopie. Or, une telle perspective n'est pas envisagée. Pour le moment, il y a simplement la réaffirmation - ce qui est juste - que, sans un recul sur l'article 18, il n'y a pas de possibilité pour les organisations syndicales d'une reprise des négociations avec le gouvernement. Ce dernier multiplie des allusions pour une relance des négociations. Mais, en même temps, il réaffirme sa volonté de faire comme si de rien n'était. Face à cette stratégie gouvernementale et patronale, le choix syndical est assez fragile. D'un côté, il y a réaffirmation que, si l'article 18 n'est pas modifié [si Berlusconi renonce], la disponibilité à une négociation pleine et entière existe. Cette négociation est placée sous le signe de la concertation et donc de la possibilité de vendre quelques parties supplémentaires des droits des travailleurs. On remarque donc une situation contradictoire, assez classique en Italie. D'un côté, une disponibilité exceptionnelle à la lutte de la part des salarié·e·s, vérifiée au cours d'une série d'échéances ; de l'autre côté, une non-utilisation de ce potentiel et de cette force par les appareils syndicaux, qui n'envisagent la modification de rapports de force que dans la perspective de renforcer leur «pouvoir» de négociation autour d'une table ronde. En aucune mesure, un affrontement social et politique avec le gouvernement Berlusconi n'est envisagé ; en aucune mesure n'est rendu explicite un fait vital pour les salarié·e·s: sans défaite de Berlusconi, leur situation ne peut que se péjorer. On se trouve en quelque sorte à un nouveau carrefour où la fermentation sociale laisse entrevoir des tournants possibles, mais où, si le temps s'écoule sans bataille introduisant des crans d'arrêt, les risques de régression sociale et de défaites, plus ou moins sectorielles, sont grands. Comment agissent les directions syndicales dans ce contexte ? Pour aller à l'essentiel, il faut comprendre que les potentialités de mobilisation restent, étant donné la faiblesse relative d'initiatives autonomes d'une gauche syndicale, encore très dépendantes d'une sorte de délégation aux directions des trois confédérations. La CGIL a reconquis, à partir de la fin de l'année passée et surtout depuis la grève générale, une autorité. Le poids de son secrétaire général Sergio Cofferati l'illustre. Néanmoins, on ne retrouve pas, au même degré, les initiatives à la base, la structuration semi-indépendante des appareils des mobilisations, telles qu'on les avait connues en 1994. Elles avaient alors provoqué une situation de semi-grève générale prolongée qui mit le gouvernement Berlusconi de l'époque à genoux. Et, de plus, il n'existe pas les conditions, comme ce fut le cas en 1994, pour qu'un parti membre de la coalition du gouvernement [qui réunit actuellement Forza Italia de Berlusconi, la Ligue du Nord de Bossi et Action nationale de Fini] se détache et suscite une crise gouvernementale et dans la majorité parlementaire. La conclusion est donc limpide et certainement comprise par les directions bureaucratiques. Pour battre Berlusconi, il faut engager une lutte très dure et prolongée. Or, cela n'entre ni dans la conception, ni dans le projet, ni dans la tradition des directions des organisations syndicales. Ces dernières ressentent la pression de la base, elles sont conscientes de la capacité de lutte, mais elles cultivent une tactique qui renforce la dimension délégationiste. N'y a-t-il pas la possibilité d'un échange entre l'article 18 et l'ouverture d'une négociation sur d'autres contre-réformes sociales mentionnées dans le «Livre blanc» de la coalition gouvernementale ? Lorsque je me référais à la tactique d'atermoiement du gouvernement quant à la définition d'un calendrier précis sur la loi-décret, je faisais allusion à la possibilité d'un échange de cet ordre. Le gouvernement ne veut pas reculer, pour l'heure, parce qu'il a donné une force symbolique à sa résistance sur l'article 18. Mais il pressent la possibilité d'obtenir des succès, substantiels, sur d'autres terrains. Dès lors, il pourrait modifier son jugement et sa tactique. Il faut avoir à l'esprit qu'un secteur du patronat ne voit pas d'un bon úil une ra'dicalisation et un approfondissement des luttes sur l'élément politico-symbolique de l'article 18, ce d'autant plus que les projets de restructurations et de licenciements ont été menés à bien sans grandes difficultés. Un scénario rénové de concertation, à partir d'un troc convenant aux deux parties, entre en syntonie avec ce que les appareils bureaucratiques syndicaux recherchent, sur le fond. Si cette perspective ne s'est pas concrétisée, c'est parce que le gouvernement a fait un choix différent. Mais on ne peut exclure une telle réorientation. Par rapport à la situation de 1994, tu as fait allusion à une politique de délégation. N'existe-t-il pas une gauche syndicale capable de freiner cette tendance à la délégation vers les appareils et à participer à l'auto-organisation à partir des rangs syndicaux ? L'activité et les pressions de la gauche syndicale restent modestes, d'autant plus que les énergies se sont concentrées pour stimuler et élargir les mobilisations qui ont débouché sur la grève générale du 16 avril. Après la grande réussite de la grève générale, la gauche syndicale est restée un peu sur place, et pas seulement parce que l'on a connu une période de jours de fête, qui certes compte dans une telle dynamique. Ce qui est certain, c'est que dans les entreprises reste encore très limitée la couche de jeunes militants syndicalistes qui pourraient, en alliance avec des permanents ou des délégués de base plus âgés, stimuler des activités. Plus exactement, qui pourraient prendre directement des initiatives sur les lieux de travail et les coordonner. Il y a là peut-être une dissemblance avec certains secteurs syndicaux en France, bien que je croie que le problème est plus général. Il existe toutefois la possibilité - et cela a été vérifié - de prendre des initiatives de luttes partielles, spécifiques, sur des questions précises. Néanmoins, il y a une différence entre cela et le type de dynamique de mobilisation générale venant d'en bas, telle qu'on l'a connue en 1994. Alors, des mobilisations ont été organisées, avec un fort degré d'indépendance face aux appareils syndicaux. Des années et des années de défaites, de reculs, de perte de confiance dans sa propre force, de rupture de transmission d'expériences entre générations rendent plus difficiles des initiatives démarrant sur le lieu de travail ou à l'échelle locale. Le contexte dans lequel agit une gauche syndicale, qui reste réduite, est donc ardu. Au lendemain de la grève générale, la presse italienne a titré: «Naissance d'un nouveau mouvement syndical». Est-ce une simple formule de conjoncture ? Je vois les choses de la sorte. Dans la lignée de ce que j'ai indiqué précédemment, on constate la permanence des appareils traditionnels du mouvement ouvrier, et de leurs liens avec les salariés, liens représentés par des cadres syndicaux relativement âgés. Cela est valable pour des secteurs comme la métallurgie. Parallèlement on distingue la présence - dans les luttes et les diverses manifestations - de nouvelles catégories de travailleurs qui disposent de conditions de travail très différenciées, de travailleurs immigrés, de jeunes qui sont entrés sur un marché du travail déjà fortement flexibilisé. Les deux éléments coexistent. Une vaste réorganisation sociale, culturelle, syndicale, associative est en marche. Il peut en ressortir, suivant la dynamique des affrontements socio-politiques, un nouveau mouvement ouvrier. L'ancien reste, il est en partie dépassé et nourrit aussi ce qu'il y a de nouveau. Le processus est à ses débuts. Cela est évident au plan politique. Il est peut-être plus avancé au plan social et syndical, mais toujours avec d'importantes différenciations régionales et par secteurs économiques. Reste posée une question cruciale: celle de la re-syndicalisation ou de la syndicalisation de millions de travailleurs qui ne sont plus organisés syndicalement. Et qui n'adhéreront pas activement à des structures syndicales marquées par la concertation sociale et toutes les pratiques bureaucratiques et de cooptations sur lesquelles les couches dirigeantes s'appuient et se consolident. Une telle avancée de la syndicalisation, dont les formes seront classiques et nouvelles à la fois, participera de l'émergence de ce nouveau mouvement ouvrier. Je voudrais ajouter un élément important. Pour tenter de sortir de l'impasse dans laquelle on se trouve après le 16 avril, diverses forces ont lancé une série de référendums. Deux concernent directement les travailleurs et travailleuses. Ils portent sur une extension de l'article 18 du code du travail. Le but consiste à élargir la protection contre les licenciements aux petites entreprises. Actuellement, 6 millions de salarié·e·s sont couverts, alors que 9 millions ne disposent même pas de cette protection légale minimale. En outre, un autre référendum porte sur l'article 35, qui a trait aux droits syndicaux dans l'entreprise et aux droits des délégués syndicaux qu'il faut conforter. Ce n'est pas un hasard si les directions syndicales se sont opposées à ce projet d'extension de l'article 18 aux entreprises de 16 salariés et moins. Elles mesurent que cela ouvre une possibilité de relance unificatrice du mouvement, ce qui est contraire à leur recherche d'accord avec le gouvernement. De surcroît, le centre gauche et l'appareil syndical bureaucratique ne voudraient pas créer un antagonisme avec un secteur de petits patrons qui exploitent durement une main d'úuvre très précarisée. Pour le centre gauche, cette fraction du patronat doit être caressée dans le sens du poil, car elle constitue parfois un apport électoral et est conçue comme un allié social et politique. Nous défendons ces deux référendums parce que les faits indiquent que, tant qu'existera un secteur aussi important de travailleurs qui ne disposent même pas d'une défense légale minimale, l'affaiblissement des positions de l'ensemble des salariés sera d'autant plus facile. Ces deux référendums, qui ont un écho dans la FIOM (fédération de la métallurgie liée à la CGIL), devraient aussi être un instrument afin d'engager une campagne d'explication et d'agitation pour mettre en relief l'urgence d'une résistance face à la machine patronale et gouvernementale. Ils peuvent servir, s'ils sont relayés dans le mouvement syndical et sur les lieux de travail, à des initiatives pédagogiques en faveur de l'action directe et d'une mobilisation politique afin d'infliger une défaite à ce gouvernement. Nous ne pensons pas qu'il faille opposer référendum à action directe, cela d'autant plus que les rapports de force dans les entreprises, et entre la gauche syndicale et l'appareil, ne permettent pas de crédibiliser, à court terme, une nouvelle grève générale que ces forces pourraient déclencher. Néanmoins, l'idée d'une grève générale reste présente. Et Cofferati ne peut facilement reculer sur l'article 18 - dans le sens de son maintien et non pas de son extension - s'il veut négocier avec le gouvernement dans un certain rapport de force et être capable de stabiliser son emprise sur l'aire politique du centre gauche. L'expérience de la récolte des signatures - il faut 500 mille signatures légalisées, ce qui nécessite d'en réunir 700 mille - nous montre que les personnes signent facilement les 6 référendums. Un troisième référendum porte sur le financement de l'école publique par rapport à l'école privée. Et les autres concernent des thèmes d'environnement: électro-smog, utilisation des pesticides, fonctionnement des incinérateurs. Devant les écoles, on pouvait s'attendre à ce que le référendum sur l'école soit bien accueilli. Ce fut le cas. Pourtant, les personnes signent les autres référendums, car elles comprennent, pour la majorité, la nécessité d'une riposte d'ensemble, sur divers terrains, à la politique du gouvernement de droite. De même, à la porte des fabriques ressort bien la disposition à engager de nouvelles luttes. Les référendums peuvent servir à sortir de l'immobilisme, et à rompre avec un calcul classique d'attente et d'ouverture indirecte de négociations entre direction syndicale, patronat et gouvernement. PRC s'est engagé dans tous les référendums pour construire un front social. Beaucoup dépendra de la capacité de secteurs syndicaux - et de leur aile la plus décidée - de connecter la bataille référendaire avec des échéances sociales et syndicales. La situation est marquée d'un côté par l'immobilisme politico-syndical au niveau des sommets et de l'autre par une vivacité sociale que l'on n'avait plus connue depuis des années. L'immobilisme est donc placé sous tension. Quels ont été les éléments les plus importants du congrès de PRC qui s'est tenu du 4 au 7 avril 2002 ? Le débat a abouti à une clarification politique et stratégique. Dans quel sens ? La majorité de PRC s'est engagée dans un projet de construction d'une gauche «alternative», non pas dans le sens de l'affirmation d'un parti unique - qui revendiquerait la représentation univoque des salariés, comme l'a fait le PCI - mais comme élément d'un ensemble où coexistent des formations politiques, des associations, des réseaux comme celui du Social Forum. Sur ce plan, c'est une rupture complète avec l'orientation non seulement des partis socio-démocrates, mais aussi des partis comme le PC français, à la remorque de la social-démocratie et de son acceptation des choix néo-conservateurs. Sous cet angle, PRC s'inscrit dans la recherche, plus affirmée en France, mais existant en Europe, de la construction d'une gauche anti-capitaliste et socialiste. Cela a son importance. L'unité d'action avec des forces liées au centre gau'che (les restes du PCI) n'est pas exclue. Mais il y a une claire démarcation quant à l'inexistence d'une convergence stratégique. De plus, est refusé tout projet de participation gouvernementale avec ces forces. Encore une fois cela n'exclut pas des unités d'action particulièrement sur des thèmes démocratiques et sociaux, où les batailles communes contre Berlusconi ont une grande importance. L'autre élément de relief a trait à ce que l'on pourrait appeler la «refondation». Le rejet du stalinisme est net ; les liens avec le modèle de société stalinien ont été, en principe, rompus. Le débat a été assez vif à ce propos. Toutefois, reste encore très confuse la rupture avec l'héritage stratégique du Parti communiste italien (PCI), c'est-à-dire la politique qu'il a menée sous les règnes de Togliatti et Berlinguer. Si l'affirmation d'un dépassement nécessaire de cette histoire a été répétée, elle le fut partiellement à partir d'un constat de l'impossibilité de répéter la stratégie de Togliatti à l'époque présente. Ce qui semble aller de soi ! Mais un tel constat ne débouche pas sur une rediscussion des véritables fondements de cette stratégie, de la conception des alliances sociales et politiques qu'elle implique et de la façon dont elle subordonnait à ces alliances le mouvement de masse. Sur ce terrain, un fort courant continuiste s'affirme. Mieux, après le congrès, ce courant emmené par Claudio Grassi a multiplié les initiatives à l'échelle nationale. Il se situe dans une position d'expectative face à la configuration politique qu'a acquise PRC à l'occasion du congrès. Il veut voir si la direction de Fausto Bertinotti est apte à appliquer effectivement les décisions du congrès. Dans diverses régions, les débats politiques interviennent et retardent les élections des directions locales, que ce soit à Milan, à Turin, en Emilie Romagne, en Sardaigne et en Calabre. C'est une opposition à ce tournant à gauche qui a été initié et consacré au début avril. C'est un courant conservateur. Son opposition aux référendums a comme fondement effectif son désaccord sur le possible relais que pourraient constituer les instruments référendaires pour un affrontement direct avec Berlusconi. Son argumentation peut prendre des tonalités différentes, y compris avec des accents «gauche», mais la substance reste celle-là. L'argument portant sur le nombre de référendums a une certaine validité. En revanche, le choix de la direction de PRC a été déterminé à partir d'une volonté de construction d'un front social avec des forces écologiques dont les thématiques ne peuvent être détachées de celles liées aux conditions de travail et de fonctionnement de ce tissu d'entreprises sous-traitantes. Cela pourrait être aussi l'occasion d'un échange avec ces courants écologistes pour éclairer combien les relations santé-travail-environnement sont étroites et combien elles posent le problème du contrôle sur le procès de production et sur la propriété. Ce débat, combiné avec celui portant sur les relations syndicales et les mouvements de masse sont susceptibles de faire mûrir les positions développées par la majorité et par la gauche au sein de cette majorité, lors du congrès. Au cours du débat, nous avons mis l'accent sur le refus d'une politique visant à utiliser le mouvement de masse comme médiation politico-institutionnelle. Nous avons insisté sur l'importance de la construction du mouvement de masse - syndical ou associatif - afin de modifier les rapports de force sociaux et politiques et de faire avancer dans les consciences la réflexion sur une alternative politique et systémique. Dans le fonctionnement de PRC, il y a un respect pour une représentation proportionnelle des tendances - même si la proportionnalité est parfois un peu bousculée - dans les directions. Cela n'aboutit pourtant pas à renoncer à faire avancer la ligne, cela ne se conclut pas par des compromis minimums au plan de l'orientation politique définie au congrès. C'est du moins ce qui s'est passé jusqu'ici. Le poids du courant continuiste, conservateur, est important, et on ne peut exclure une sorte de «surplace» politique si le contexte social et politique du pays est marqué par un ressac, un calme social relatif. Un attentisme dans une organisation comme PRC se traduit aussi par une sorte de distorsion au plan des directions locales et régionales, qui aboutit à des sur-représentations dans les secrétariats du courant de Grassi et de ses alliés (24 mai). Haut de page
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