N°7 - 2002 La «Vieille-Ville» de Jérusalem, capitale du «Grand Israël» ? Colonisation: l'exemple deJérusalem La guerre coloniale menée par le gouvernement de l'Etat israélien, de l'Etat sioniste, exprime un processus en cours depuis 1948: l'expulsion des Palestiniens de leur territoire. Nous avons examiné cette question dans divers numéros de «à l'encontre». Jérusalem est souvent présentée comme le lieu d'une coexistence et d'une unité possible entre Israéliens et Palestiniens. Toutefois, les études, de diverses origines, sur la politique d'occupation territoriale de Jérusalem par l'Etat israélien démontrent que cette «coexistence» est loin d'être un projet des divers partis israéliens. L'article de Nadhmi al-Joubeh, dans sa rigueur, explicite la multiplicité des instruments mobilisés par l'Etat sioniste pour tenter de prendre possession de la Vieille-Ville de Jérusalem, symbole, souvent revendiqué à juste titre, de l'intrication de cultures, religieuses entre autres, diverses. En fait, l'examen de la politique conduite dans le vieux Jérusalem montre qu'elle est en quelque sorte emblématique de toute l'entreprise coloniale sioniste. - cau Nadhmi al-Joubeh* En 132 après J.-C., l'empereur Hadrien [117-138] avait interdit aux Hébreux d'habiter à Jérusalem. Une telle interdiction est restée en vigueur jusqu'en 636, année de la conquête islamique de la ville. A partir de là et jusqu'à la fin de la conquête des croisés, la présence des Hébreux fut limitée ; en 1099, les habitants de Jérusalem, y compris les Hébreux, furent massacrés par les croisés. Une nouvelle présence d'Hébreux, sporadique et limitée, est signalée depuis les XIIIe et XIVe siècles. Toutefois, dès 1860, il y a eu une augmentation de l'immigration des Hébreux (juifs) vers la Ville ancienne (Jérusalem). On peut attribuer cette augmentation aux pressions (pogroms, développement de l'antisémitisme...) qui se sont exercées sur la communauté juive en Europe [de l'est et de l'ouest] et à l'apparition, toujours en Europe, des mouvements qui annonçaient la naissance du sionisme. Le petit et historique quartier juif de Jérusalem devient de plus en plus surpeuplé. Les nouveaux arrivants commenceront à trouver des logements dans les quartiers voisins. Ainsi, le quartier juif va s'élargir. Mais l'arrivée des juifs dans la Ville ancienne décline à cause de la croissance des nouveaux quartiers se situant hors des murs [de l'ancienne Jérusalem] où les services [l'infrastructure] étaient plus modernes. Cela est peut-être aussi dû à l'augmentation des tensions entre les habitants palestiniens autochtones et les juifs étrangers, au fur et à mesure que le projet sioniste se concrétisait (soit au cours des années 1921, 1926, 1929). En 1948, la situation démographique de la Ville ancienne de Jérusalem est la suivante: le total des habitants s'élève à 36 000 ; les Palestiniens (musulmans et chrétiens) sont au nombre de 33 600 ; les juifs forment un ensemble de 2400. Avec la guerre de 1948 ont été expulsés quelque 80 000 habitants palestiniens des quartiers occidentaux de la ville de Jérusalem [c'est-à-dire hors des murs] qui avaient passé sous l'occupation israélienne. Alors que les quartiers est [à l'intérieur et hors des murs] étaient tombés sous le contrôle jordanien. Dès lors, quelque 4000 juifs se transféreront vers les quartiers occidentaux. Le quartier juif historique [de la Vieille-Ville] restera inhabité. Il fut placé sous l'administration du gouvernement jordanien. Quelques réfugiés palestiniens iront y habiter. L'occupation israélienne de la Vieille-Ville au cours de la guerre de 1967 Le projet israélien visant à acquérir la domination sur la Vieille-Ville remonte bien avant son occupation. Ce projet prévoyait des mécanismes de contrôle dans les aires limitrophes et l'installation de colonies dans ces zones. Première phase. La première phase fut mise en uvre immédiatement après l'occupation militaire de la ville et avant que se manifestent des réactions au plan local, régional ou international. Il est possible de restituer cette première phase en examinant diverses initiatives. 1. Le quartier maghrébin. L'occupation militaire de la Vieille-Ville terminée, se développa un débat entre des généraux israéliens et quelques rabbins sur l'avenir de la Vieille-Ville. Le débat s'est conclu avec la décision d'élargir la place qui se trouvait devant le Mur des lamentations ; jusqu'alors, sa superficie était de quelque 120 m2. Les requêtes de quelques rabbins, en particulier de Goren - rabbin en chef de l'armée israélienne en 1967 -, n'ont pas été suivies. Elles proposaient de détruire le Dôme du Rocher et la Mosquée al-Aqsa pour construire à leur place le Troisième Temple. Au cours de la matinée du 11 juin 1967, les pelles mécaniques ont commencé à démolir le quartier maghrébin. Quatre jours à peine après la chute de la Vieille-Ville, placée sous occupation militaire, l'opération de démolition était terminée. Le quartier historique, construit au XIIe siècle, n'existait plus. Les habitants s'étaient vu donner trois heures pour l'évacuer. Quelque 650 personnes, 135 familles, furent chassées. Parmi les «victimes», on peut énumérer, outre de nombreux édifices historiques, le patrimoine architectural spécifique andalou qui avait accompagné la vie de notre ville au cours de 900 ans. La surface du quartier maghrébin démoli avait 10 000 m2, qui furent intégrés à l'énorme place créée «à l'abri» de l'Aire sacrée de la mosquée. La nouvelle place sert aussi bien aux célébrations israéliennes qu'à créer une contiguïté entre le quartier juif et le Mur de Buraq [mur de l'ascension de Mohammet ou Mur des lamentations], contiguïté empêchée par l'existence du quartier maghrébin. 2. Evidement du quartier juif. En 1948, les juifs possèdent quelque 15 % du quartier et cela était constitué par 105 bâtiments sur un total de 700. L'ensemble était toutefois défini avec l'expression «quartier juif». La propriété juive de la Vieille-Ville constituait le 0,6 % du total de la superficie construite. Cette propriété était divisée en 192 biens immobiliers de différente dimension [par biens immobiliers, on entend aussi bien une propriété qu'un terrain, qu'un simple local ou un bâtiment dans son ensemble]. En avril 1968, dix mois après l'occupation, le gouvernement israélien, suite à un ordre du ministre des Finances, séquestre 29 hectares de la Vieille-Ville afin de «reconstruire le quartier juif». Dans la zone séquestrée vivaient 150 habitants, Palestiniens. Le séquestre est effectué en se référant à une loi du gouvernement britannique [qui disposait du mandat] de 1943 et qui autorisait le séquestre de biens immobiliers pour «utilité publique». Avec ce séquestre, le nouveau quartier juif double sa superficie par rapport à 1948. En 1975, quelque 1500 juifs y sont installés. Aujourd'hui, la surface occupée par le quartier juif est quatre fois plus grande que celle de 1948. Dans le nouveau quartier juif, il n'y a pas d'habitant qui ne soit pas juif. Une décision de la Haute Cour de justice israélienne interdit à des non-juifs d'y habiter afin de «garantir la coexistence et la paix interne de la ville». Celui qui, aujourd'hui, visite ce quartier peut immédiatement relever combien son profil architectural ne s'harmonise pas avec les autres quartiers de la Ville ancienne, en défigure l'harmonie. Et, avant tout, on peut constater que ne s'y développe pas une vie sociale naturelle puisqu'il est évident qu'il s'agit d'un instrument politique et propagandiste, c'est-à-dire d'un véritable «ghetto» créé par les juifs eux-mêmes. On peut constater en outre que Jérusalem, malgré le quartier juif «lustré», est encore une ville arabe et que tous les autres quartiers conservent cette vie caractéristique arabo-orientale. 3. Les excavations israéliennes. L'archéologie a eu un rôle fondamental dans la création de la légende d'une continuité historique de la présence juive en Palestine. Les excavations archéologiques ont un double objectif. D'une part, elles servent à repousser toujours plus la présence palestinienne grâce à l'accroissement des zones déclarées «zones protégées d'intérêt historique», qui servent en outre d'attraction touristique. D'autre part, les fouilles archéologiques servent à opposer la présence juive à la présence arabe, chrétienne et musulmane, c'est-à-dire aux églises, aux mosquées, aux maisons et aux marchés arabes qui constituent la Vieille-Ville en tant que telle. La zone qui concentre avant tout les fouilles archéologiques est la partie sud-ouest de l'Aire sacrée [des mosquées]. C'est là que s'est développée une activité visant à chercher les restes de l'Ancien Temple. Ces fouilles ont abouti à des découvertes d'une importance extraordinaire, mais toutes sont relatives à la présence arabe dans la ville, relevant de l'époque omeyyade [dynastie de califes arabes qui règnent à Damas de 661 à 750]. Ont été découverts quatre palais omeyyades et des dizaines de bâtiments romains et byzantins. Les fouilles ont été étendues à l'entièreté de la Vieille-Ville mais n'ont apporté aucune découverte significative ayant trait à l'histoire juive. Depuis la fin des années 1970 a commencé un travail d'excavation intense au-dessous du niveau des fondations des édifices historiques. C'est ainsi qu'a été créée la fameuse «galerie» inaugurée en septembre 1996 par Netanyaou, alors premier ministre israélien. La fouille et l'inauguration de la galerie ont suscité des manifestations de protestation. Il s'en est suivi un massacre des manifestants. En réalité, ces fouilles ne visent pas à accroître la connaissance de l'histoire antique de Jérusalem, en partie déjà acquise au cours du dernier siècle et demi. Elles visent plutôt au contrôle du sous-sol de la ville et en particulier de celui de l'Aire sacrée [des mosquées]. 4. Le séquestre de al-Madrasa al-Tankiziyya. Cet édifice construit en 1336 [certaines sources parlent de 1328], est considéré comme un des chefs-d'uvre de l'architecture islamique ; il jouxte le mur ouest de l'Aire sacrée (des mosquées). Il a été séquestré en 1969 et transformé en une caserne pour l'armée israélienne [cet édifice est considéré comme faisant partie du patrimoine culturel à préserver par l'Unesco en octobre 1987]. De la terrasse de cet édifice, les soldats israéliens peuvent tirer et tirent sur les fidèles qui s'arrêtent pour prier et sur d'éventuelles manifestations de protestation. C'est depuis cette terrasse qu'ils ont tiré contre des manifestants en septembre 1996, provoquant un massacre. Et c'est du même endroit qu'ils ont tiré à l'occasion de la seconde Intifada. 5. Saisie d'autres édifices. Le gouvernement israélien a continué, au cours des années, à séquestrer des édifices de la Vieille-Ville, en invoquant des prétextes divers, parmi lesquels les fameuses «raisons de sécurité». Ainsi, si un Israélien est tué, toute une zone est saisie. De la sorte ont été expropriés les bâtiments contigus au Mur des lamentations. D'autres immeubles ont été saisis en invoquant la loi sur les propriétés appartenant à des absentéistes [c'est-à-dire à des Palestiniens !]. Les exemples pourraient être multipliés. Deuxième phase. On peut affirmer que l'accession au pouvoir du Likoud, en 1977 [gouvernement de Menahem Begin, premier ministre de 1977 à 1983], a marqué le début d'une nouvelle phase de la mise en uvre du projet israélien de domination sur la Vieille-Ville. Avec les gouvernements du Likoud, la politique de colonisation de la ville a suivi certaines directives qui s'inspiraient du mot d'ordre lancé par Menahem Begin - le premier membre du Likoud à être chef du gouvernement israélien et pour qui les «juifs ont le droit de s'installer à Jérusalem où ils le désirent» - selon lequel la colonisation israélienne «est nécessaire à la coexistence pacifique entre Arabes et juifs» et «à la conservation de la mosaïque de civilisations qui caractérise cette ville». Cette pensée-slogan avait été exposée initialement par Teddy Kollek, l'ancien syndic israélien travailliste de Jérusalem. A la fin des années 70, le gouvernement israélien a consacré une ligne du budget de l'Etat au contrôle des immeubles dont la propriété était palestinienne. La priorité a été donnée à l'installation de juifs dans les quartiers musulmans et, en deuxième rang, au sein des quartiers chrétiens. L'exemple a été fourni par le ministre de la Défense de l'époque, l'actuel premier ministre Ariel Sharon. Il a mis la main sur un bâtiment près de la Porte de Damas [porte d'entrée dans la Vieille-Ville Bab al-'Amoud]. Une attention particulière a été consentie pour acquérir, avec divers moyens, des immeubles longeant le mur occidental de l'Aire sacrée [des mosquées] dans les endroits qui se trouvent au-dessus de la fameuse galerie et en direction de la place du Mur de Buraq [Mur des lamentations pour les juifs religieux]. Le mur au sud de l'Aire sacrée et toute la zone qui l'entoure sont aujourd'hui sous contrôle complet israélien. Il faut noter qu'un tiers du mur occidental se trouve à l'intérieur de la place du Mur de Buraq et de la al-Madrasa al-Tankiziyya. Le Mur du Petit Buraq [ou camp des Kurdes: Ribat al-Kurd] est en permanence soumis à des tentatives de saisie par les Israéliens afin de réunir les divers éléments de l'implantation dans la Vieille-Ville. Pour l'heure, une telle mise en réseau est garantie par le contrôle du sous-sol, la fameuse galerie par exemple, et par le contrôle des terrasses qui surplombent les édifices. En plus du nouveau quartier juif élargi, on compte 79 immeubles que les colons ont réussi à contrôler jusqu'à aujourd'hui et qui sont répartis dans divers quartiers de la Vieille-Ville. Troisième phase. Après Oslo, 1993. Cette phase se caractérise par l'intensification de l'action des mouvements de colonisation et de l'activité d'installation ayant pour but de prévenir toute négociation sur le statut final de la ville, cela en créant un fait accompli irréversible. L'ensemble de ce projet a été explicité au cours d'une intense campagne qui avait pour objet de prendre possession des zones jouxtant les murailles de la Vieille-Ville. Dès 1993, les autorités israéliennes ont commencé une activité systématique de pression contre les institutions de la ville afin de les contraindre à transférer leur siège dans la zone qui était assignée à l'Autorité palestinienne. Cela a été poursuivi par une politique de fermeture de Jérusalem, d'isolement de la ville du reste de la Cisjordanie et de multiplication de pressions de tout genre sur les habitants afin de les contraindre à quitter la ville. Malgré la véhémence de ces actions, les autorités israéliennes ne peuvent pas revendiquer des résultats brillants. S'emparer d'un quelconque immeuble est devenu une opération extrêmement difficile. Les associations palestiniennes engagées dans la résistance contre la séquestration d'édifices sont plus attentives et plus efficaces. Le niveau, la qualité et les méthodes des réactions des Palestiniens se sont améliorés. Il en va de même pour la défense des immeubles ; ainsi sont nées des structures qui s'occupent de la restauration des édifices et de l'amélioration des conditions d'habitat. Les groupes de colons organisés Il existe quelques groupes de colons qui agissent dans la Vieille-Ville soutenus par le gouvernement israélien et ses multiples organismes. Ces groupes et ces organisations reçoivent un appui financier et logistique, comme informatif, de la part de la municipalité israélienne de Jérusalem. Le plus important de ces mouvements est représenté par le gouvernement israélien lui-même. Il a saisi la plus grande partie des immeubles ; il a détruit des quartiers entiers. Il s'est refusé à évacuer les colons lorsqu'ils occupaient des habitations palestiniennes et il «inspire» [soutient] les décisions de la Haute Cour de justice israélienne lors du rejet des procédures engagées par les habitants palestiniens afin de défendre leur propriété. L'autorité israélienne, dans son úuvre de colonisation, est appuyée pour huit groupes de colons qui sont actifs dans la Vieille-Ville. Effectuons l'analyse des trois principaux. 1. Le groupe Atret Kohenim. Fondé en 1978, il s'est fait l'interprète de l'idée qu'il est nécessaire d'expulser «tous les Arabes», afin de créer les conditions pour la «reconstruction du Temple». Ce groupe s'occupe en particulier de la préparation «de la reconstruction du Temple», de former les rabbins et de prévoir tout ce qui est nécessaire en vue de la reconstruction «désormais très proche». Parmi les dernières initiatives curieuses de ce groupe, il faut noter la préparation d'un chandelier [menorah] d'or pur, au coût de 3 millions de dollars. Il s'ajoute à d'autres objets de culte prêts à être utilisés dans le futur temple. Ce groupe reçoit des appuis substantiels et aussi des financements de la part du gouvernement israélien, de la municipalité de Jérusalem et de quelques mécènes américains à la tête desquels se trouve le célèbre Moskovich. Ce dernier est lié à une nouvelle installation de colons, qui est aujourd'hui en marche, près de la Porte de Damas et au projet d'une nouvelle implantation à construire à Abu Dis [que les Israéliens considèrent comme une extension du Mont des oliviers, zone que Barak était censé laisser sous influence de l'Autorité palestinienne en mai 2000]. 2.Le groupe Atret Leosna. Il a été fondé en 1984. Le groupe a comme objectif de faire revivre les traditions du Temple et de préparer ceux qui serviront le culte dans le Troisième Temple, dans l'attente du Messie. Un des autres objectifs de ce groupe est de «libérer» Jérusalem des «étrangers», afin de permettre l'installation des serviteurs du Temple parce que le climat existant dans la ville ferait obstacle au retour du Messie. Ce mouvement est financé formellement par le gouvernement israélien et est soutenu par le bureau du rabbinat ashkénaze. Il reçoit des appuis financiers en provenance des Etats-Unis et il y est enregistré comme une association «sans but lucratif», ce qui permet aux contribuables américains de verser des sommes qui pourront être déduites de leurs impôts. 3.Le groupe L'Ad. Fondé au début des années 1990, il a pour fonction d'exclure les habitants de Siwan et de Sheikh Jarrah [quartiers de Jérusalem] afin de créer une zone continue entre celle occupée par les colons au sein de la Vieille-Ville et les implantations hors les murs. Les divers groupes sont coordonnés. Toutefois, ils ont des rôles différents, en particulier pour ce qui a trait aux zones de territoire attribuées à chacun d'eux. L'action commune - celle où apparaît la plus grande coordination - réside dans la définition des propriétés juives anciennes, des lieux auxquels se réfère la tradition juive, aux actions de séquestre, aux occupations, aux achats ou à la location d'immeubles à des particuliers. Ce qui est la tâche propre de chaque groupe est de mener à son terme toute l'opération «d'expropriation». La coordination entre les groupes apparaît aussi à l'occasion de la restructuration, de la reconstruction ou de la surélévation des édifices dont ils entrent en possession. Enfin, et co-organisé, le choix des familles auxquelles sont assignés les immeubles, gratuitement. La priorité est donnée aux familles jeunes ayant un grand nombre d'enfants. Parallèlement aux groupes actifs dans «l'acquisition» d'immeubles agissent des groupes de colons qui se sont spécialisés dans la «reconstruction du Temple». Le plus important de ces groupes est celui des Gardiens du Mont du Temple, dirigé par Jarshon Salomon, un raciste notoire. Fondé en 1967, il cherche chaque année, le 9 août du calendrier hébraïque, à poser la première pierre du Temple dans la cour d'honneur de la Mosquée al-Aqsa [c'est-à-dire dans l'Aire sacrée]. Les actions de ce groupe ont abouti à des affrontements répétés avec les habitants palestiniens de la Vieille-Ville. Un autre groupe important est également l'Association du Mont du Temple. Son objectif est «la reconstruction du Temple». Ce projet est poursuivi par de nombreux petits groupes, parmi lesquels le Mouvement des visiteurs de Sion et le Fonds du Mont du Temple. On peut ajouter l'Ambassade chrétienne internationale (International Christian Embassy), fondée en 1980, après que le gouvernement israélien a échoué dans son projet de faire transférer les ambassades de Tel-Aviv à Jérusalem. L'Ambassade chrétienne internationale considère comme un devoir religieux de fournir «un soutien suffisant» à l'Etat d'Israël et cela dans la mesure où ce dernier est identifié à l'Israël de la Bible. Les moyens de la saisie La prise de possession des édifices se fait en utilisant les moyens les plus disparates. Il apparaît certain qu'existe un système d'archives centralisé qui, en plus des données ayant trait aux immeubles de la Vieille-Ville de Jérusalem, recueille aussi des informations sur leur propriétaire. Depuis ces archives centrales sont fournies des informations aux divers groupes qui agissent en vue d'entrer en possession des immeubles. Les instruments les plus utilisés pour s'emparer «légalement» des édifices peuvent être énumérés ainsi: 1°réquisition des immeubles parce qu'ils étaient propriété ou utilisés par des juifs avant 1948 ; 2° application des lois israéliennes sur la propriété des absentéistes [c'est-à-dire les Palestiniens expulsés, cet instrument juridique a permis à Israël de légaliser l'appropriation des territoires, des villes et de l'entièreté du pays occupé en 1948], cela sans référence aux motifs à l'origine de l'absence ; 3° saisie des propriétés domaine de l'Etat et des biens qui avaient été confiés à l'administation jordanienne avant 1967 [avant l'occupation] ; 4° réquisition des sites archéologiques et d'intérêt historique sur la base de la loi «d'utilité pour le bien public» et de la loi «d'utilité pour la sécurité publique» ; 5° appropriation par application de la loi israélienne sur l'héritage selon laquelle, face à une absence d'héritier, l'Etat est considéré comme «l'héritier» ; 6° réquisition grâce à la falsification de documents de propriété ; 7° réquisition lorsque le propriétaire palestinien est endetté auprès d'une banque ; 8° pression exercée, grâce au chantage, lorsqu'un propriétaire palestinien est impliqué dans une affaire de «commerce de drogue». Dans d'autres cas, le prix du bien immobilier peut être fortement sous-évalué par rapport au prix du marché ou, finalement, l'achat est opéré par un intermédiaire palestinien qui le transférera, après acquisition, à des colons. Un conflit au centre Les liens qui lient les juifs à Jérusalem sont des liens spirituellement forts, chargés de grandes significations symboliques. Ils changent à partir de l'époque romaine, au cours des temps. Durant les périodes où les juifs ont eu la possibilité de vivre à Jérusalem - c'est-à-dire au cours des 1400 ans de gouvernement musulman -, ils ont préféré continuer à vivre dans leurs multiples pays «d'origine». Lorsque, à certains moments, la pression et la répression à leur encontre augmentaient, Jérusalem apparaissait comme symbole messianique de la continuité juive et Sion comme une garantie de cohésion et de sauvegarde. Dans ces périodes, la charge symbolique de Jérusalem augmentait. La lutte pour Jérusalem, et en particulier pour la Vieille-Ville, n'est pas terminée. Il est facile de prévoir que la cité traversera des moments difficiles, parce que le mot d'ordre «maintenir Jérusalem unie comme capitale d'Israël» est un instrument démagogique des partis politiques israéliens, y compris des libéraux et de la gauche. * Nadhmi al-Joubeh est archéologue et enseignant à l'Université de Bir Zeit Haut de page
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