N°5 2002

Ordre impérial et ordre intérieur (II)

Pour la sécurité des multinationales!

Si aux Etats-Unis un arsenal législatif liberticide se met rapidement en place au nom de la guerre contre le terrorisme et «l'axe du mal» (Iran, Irak et Corée du Nord) 1, l'Europe ne demeure pas en reste. Après le 11 septembre, d'anciens projets, plus ou moins confidentiels, ont refait surface pour être rapidement adoptés tant par le Conseil des ministres de l'Union européenne (UE) que par les différents gouvernements des Etats membres.

Paolo Gilardi

De décrets en décisions-cadre, les choses vont si vite que, fin novembre 2001, la haut commissaire des Nations unies aux Droits de l'homme, Robinson, le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Walter Schwimmer, ainsi que Gérard Stoudmann, directeur du bureau «droits démocratiques» de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s'en inquiètent dans une déclaration publique qui exige que «les Etats respectent scrupuleusement leurs obligations internationales de défendre les droits démocratiques et les libertés fondamentales» 2.

Des décisions expéditives

Pas traditionnelle, cette déclaration se permet de rappeler que «le but des mesures antiterroristes est de protéger les droits de l'homme et la démocratie, et non de porter atteinte aux valeurs fondamentales de nos sociétés» 3. Elle est révélatrice des remises en cause des droits et libertés fondamentales qui s'opèrent également sur le Vieux Continent.

Les décisions prises à Laeken, en Belgique, les 6 et 7 décembre 2001 par le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'UE, et confirmées le 15 du même mois par l'écrasante majorité4 du Parlement européen - pour accroître leur prétendue légitimité -, constituent une attaque d'envergure contre les droits démocratiques. En effet, ces deux institutions ont adopté la «décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme». Cette dernière a été concrétisée par le «mandat d'arrêt européen»et la création de la nouvelle institution judiciaire communautaire Eurojust. Une «décision écrite» du 27 décembre complète ce train de mesures.

Une «décision cadre»de l'UE n'a pas pour effet de modifier les différentes législations nationales. Elle est cependant contraignante pour l'ensemble des pays membres. Et, surtout, elle permet de contourner tout débat dans les parlements nationaux, les décisions relevant, en vertu des traités de Maastricht et d'Amsterdam, de la responsabilité des seuls pouvoirs exécutifs (gouvernements). C'est ainsi que, sous prétexte de «combler les lacunes[.....] dans les instruments juridiques» 5 des pays membres, la décision-cadre des 6 et 7 décembre reprend, en l'étendant à l'ensemble de l'UE, la définition du terrorisme contenue dans le projet de loi anglais UK Anti-terrorism, Crime and Security Act.

Une marge d'interprétation étendue

Bien que cette loi anglaise ait été par la suite largement remaniée par la Chambre des Lords puisqu'elle violait la loi sur les droits de l'homme, le Human Rights Bill6, la définition reste et elle vaut son pesant d'or. Ainsi, est considéré comme terroriste tout acte visant à «gravement intimider une population ou contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques et sociales d'un pays ou d'une organisation internationale» (art. 3, al. a).

La marge d'interprétation est énorme. Comme le faisaient remarquer trois députés européens, les grandes mobilisations de novembre-décembre 1995 en France, qui furent à l'origine de la chute du gouvernement Juppé, pourraient désormais être considérées comme terroristes7. Ne parlons pas du soulèvement argentin initié en décembre!

Au même titre, la décision-cadre considère (art. 3, al. f) comme terroriste «la capture illicite d'installations étatiques ou gouvernementales, de moyens de transports publics, d'infrastructures.....».Terroriste, l'occupation du tarmac d'un aéroport par des grévistes, celle d'une centrale électrique ou encore d'une école?

Une telle définition du terrorisme jette les bases légales de la criminalisation de toute forme de contestation au point que la simple menace de recourir aux formes d'actions énumérées dans la décision-cadre encourt les foudres de la loi (art. 3, al. k). Ainsi, l'avertissement lancé par les salarié·e·s de Moulinex (France) qu'ils brûleraient l'usine en cas de fermeture relèverait du terrorisme. C'est sur la base d'une législation analogue que le patronat italien avait pu, au début des années quatre-vingt, réintroduire les licenciements en expulsant de l'entreprise 80 travailleurs de la FIAT accusés sans preuve de complicité avec des organisations armées.

Mais cette nouvelle définition du terrorisme ouvre aussi la voie à la mise en accusation, voire à l'interdiction, de toute force politique ou sociale qui prétend à un changement radical de la société, celui-ci impliquant la destruction des «structures politiques et économiques fondamentales» actuelles.

C'est donc par des mesures répressives que se confirme le prétendu cadre indépassable du capitalisme, la permanence d'une prétendue conjonction marché-démocratie parlementaire, puisque toute activité liée à l'émergence d'une alternative à la société capitaliste devient automatiquement crime.

L'extradition réinventée

C'est toujours à Laeken que les Quinze se sont mis d'accord sur le mandat d'arrêt européen. Cette vieille idée, déjà élaborée en 1999 lors du sommet de Tampere en Finlande, a soudainement refait surface dans les jours qui ont suivi le 11 septembre. Elle supprime les règles actuelles en matière d'extradition pour les remplacer par l'extradition automatique, sur simple demande d'un Etat membre de l'Union européenne et ceci sans voies de recours.

La portée de ce mandat est énorme: il abolit le principe juridique en vigueur de la double infraction. Actuellement, une personne ne peut être extradée d'un pays vers un autre que si les délits pour lesquels l'extradition est requise sont considérés comme tels dans les deux pays. Or, les législations nationales diffèrent forcément d'un pays à l'autre, en fonction de nombreux critères. Par exemple, alors que dans les années quatre-vingt les lois italiennes prenaient en compte le délit «d'apologia di reato», sorte de soutien moral à un délit (sans qu'aucun acte n'ait été commis, ni aucun lien prouvé), nombreux furent les intellectuels (par exemple, le philosophe Tony Negri, dont le dernier ouvrage, L'Empire, a droit à la première du New York Times) et militants transalpins qui purent résider en France, cette dernière refusant l'extradition du fait qu'un tel délit ne figurait pas dans sa législation.

Qui plus est, le mandat d'arrêt européen ne s'applique pas qu'aux faits de terrorisme: il s'applique à l'ensemble des procédures d'extradition. Il entraîne un nivellement vers le bas des garanties juridiques individuelles du fait que les exigences du pays demandeur primeront. Ainsi, pour reprendre un exemple connu8, la Grande-Bretagne, pays où la majorité pénale est acquise à l'âge de 10 ans, pourrait exiger et obtenir l'extradition, de la part des Pays-Bas par exemple, d'un enfant de 11 ans qui aurait commis un délit sur territoire anglais!

De plus, le mandat d'arrêt européen abolit le principe selon lequel un acte ne peut être considéré comme délit, et par conséquent puni, que s'il constitue une infraction à la loi du pays dans lequel il a été commis. Concrètement, la République d'Irlande qui considère que l'avortement est un crime pourrait poursuivre l'une de ses ressortissantes «coupable» d'avoir subi une IVG dans un pays qui l'autorise, en France par exemple.

Superflics continentaux

Enfin, pour couronner le tout, les présidents et chefs de gouvernement ont accéléré l'application d'une autre mesure élaborée à Tempere: la création de l'unité centrale européenne de magistrats Eurojust.

Réunissant dans un seul lieu «des spécialistes chevronnés, des magistrats, des procureurs, des juges et autres experts détachés de chacun des Etats de l'UE» 9, elle sera habilitée à «engager un dialogue direct avec les autorités nationales» dans le but de «déceler plus facilement [.....] toute tendance ou tout comportement criminels significatifs au plan européen. [.....] Eurojust pourra recommander aux autorités nationales de prendre certaines mesures ainsi que d'ouvrir des enquêtes10

Point n'est besoin d'être un juriste avisé pour mesurer la portée de ces «recommandations» dans un cadre où l'harmonisation des législations nationales, avec les débats publics et parlementaires qu'elle exigerait, n'est pas à l'ordre du jour. Or, votée par le Parlement européen, cette nouvelle structure forte d'un prestige proportionnel aux conseils qui en ont décidé la création ne devrait pas tarder à voir le jour et à commencer à émettre ses fameuses recommandations.....

La rapidité avec laquelle ces projets ont été adoptés - trois mois! - est la démonstration même du fait qu'ils existaient bien avant le 11 septembre. Elaborés lors des sommets précédents de l'Union, notamment lors du Conseil extraordinaire de Tampere en octobre 1999, ils ont trouvé dans les attentats du 11 septembre la légitimation idéale pour être imposés sans aucun débat public. Ils favorisent aussi le durcissement des différentes lois nationales.

On décide..... par écrit

Trois semaines après Laeken, le Conseil de l'UE adoptait, par «procédure écrite, quatre mesures relatives au terrorisme». Le recours à la «procédure écrite» n'est pas anodin. Alors qu'à Laeken, certains pays tels le Danemark, l'Irlande et la Suède avaient émis des réserves durant la discussion, l'adoption de ces mesures par écrit n'a pas seulement évité le débat au sein du conseil des chefs d'Etat: elle a laissé une totale liberté aux gouvernements pour donner leur aval en dehors de tout débat public ou même parlementaire.

Ces mesures ont un caractère contraignant pour l'ensemble des Etats membres par le fait qu'elles se réfèrent à différents articles des traités de Maastricht et d'Amsterdam ainsi qu'au texte de «politique étrangère et sécurité communes» adoptés précédemment.

Première des quatre mesures, la «position commune contre le terrorisme» revisite la résolution 1373 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 28 septembre 2001. Alors que celle-ci faisait obligation aux Etats «de poursuivre les groupes ou personnes impliqués dans des actes de terrorisme», l'article 4 de la position commune introduit la notion d'implication «active ou passive» dans de tels actes11.

Or, d'après cette mesure, le fait de partager les objectifs revendiqués dans le cadre d'actions dites terroristes relève justement de «l'implication passive». Cela pourrait signifier que combattre la politique d'une multinationale pharmaceutique pourrait valoir à n'importe qui l'accusation d'«implication passive» dans un acte terroriste si une filiale locale de cette multinationale venait à subir des dégâts! La notion pourrait être étendue à souhait puisque l'occupation dite violente par une fraction minoritaire de manifestants pourrait valoir à tous les participants à une manifestation d'être accusés d'«implication passive» dans un acte que la décision-cadre de Laeken considère comme «terroriste».

La sécurité des multinationales

De plus, la révision européenne de la résolution de l'ONU supprime la distinction faite entre «groupes terroristes» et «mouvements de libération» 12. Dès lors, tout mouvement de libération nationale et sociale recourant à des actions caractérisées comme violentes peut être considéré comme terroriste. Et, dans la foulée, par exemple, toute activité de soutien aux forces de résistance armée en Colombie - qui subissent aujourd'hui une attaque militaire d'envergure par une opération conjointe de l'armée colombienne et des services spéciaux américains - peut être assimilée à de la complicité passive avec le terrorisme. L'exemple de la Colombie n'est pas pris au hasard. En effet, Peter Brabeck, le PDG de Nestlé (et membre du conseil d'administration du Credit Suisse Group, ainsi que du Credit Suisse First Boston, banque impliquée directement dans la fuite massive de capitaux de l'Argentine), y fait référence lorsqu'il se félicite, par voie de presse, du durcissement des mesures policières.

En plaidant pour que la prochaine édition du World Economic Forum (WEF) se penche davantage sur la «sécurité des multinationales», ce dirigeant de la multinationale de l'alimentation, de l'eau et du transgénique affirme notamment que alors que «quatre de nos employées ont été kidnappées en Colombie par la guérilla locale que certains gouvernements occidentaux soutiennent», le 11 septembre «amène peut-être à plus de clarté sur ce que sont parfois ceux qui se font appeler des combattants de la liberté» 13.

L'allusion aux «gouvernements occidentaux» n'est pas anodine. Elle vise ceux d'entre eux, et le gouvernement helvétique en particulier, qui ont essayé de jouer un rôle de médiateur en Colombie, rôle qui s'inscrivait dans le volet humanitaire du Plan Colombie14.

Brabeck, reprenant à son compte «le discours très clair du gouvernement Bush, en forme d'ultimatum: qui n'est pas avec nous est contre nous», indique à ces gouvernements que «dans ces conditions, il n'y a plus beaucoup de marge de manœuvre», non sans ajouter que «cela peut paraître brutal, mais actuellement c'est encore utile»15.

Sécurité contre asile

Alors que la deuxième de ces mesures contraignantes «adoptées par écrit» donne à l'UE certains moyens légaux pour geler les avoirs des organisations terroristes, la troisième porte un nouveau coup brutal à la politique européenne d'asile. Elle subordonne l'accueil de «réfugiés» et l'octroi de l'asile à la politique de sécurité commune et aux services de sécurité. Ces derniers se voient autorisés à entreprendre la surveillance des demandeurs d'asile, et ceci avant qu'ils frappent aux portes du pays, à l'image de ces agents du MI6 anglais, spécialistes des questions asiatiques et opérationnels dans le centre d'enregistrement de Sangate (nord de la France) qui abrite de forts contingents de requérants originaires d'Orient16.

Combinée à la première des mesures - «l'implication active ou passive» et l'absence de distinction entre terrorisme et mouvement de libération - cette subordination de la politique d'asile à la politique de sécurité anéantit le principe même de l'asile politique. Pour faire exemple, un ancien détenu kurde arraché aux prisons turques et membre du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) n'aurait plus aucune chance de se voir reconnaître le statut de réfugié politique.

La mesure «adoptée par écrit», deux jours après Noël 2001, systématise les pratiques en cours depuis le 11 septembre. En effet, alors que le 16 octobre le président Bush demandait à Romano Prodi, président de la Commission européenne, «d'explorer toutes les alternatives à l'extradition, y compris l'expulsion et les déportations»17, de nombreux pays européens n'ont pas attendu la redéfinition de la politique d'asile pour procéder à des expulsions et à des renvois vers des pays pratiquant la torture.

C'est le cas de la Suède ou de l'Autriche. Ces deux pays viennent de s'illustrer par des renvois vers l'Egypte - pays dénoncé à plusieurs reprises pour sa politique carcérale - de requérants d'asile que le gouvernement Moubarak accuse de collusion avec le terrorisme. Cela amène d'ailleurs l'avocat d'une des personnes expulsées à affirmer que, «conséquence du 11 septembre, pour la première fois l'Autriche extrade vers un pays qui pratique la torture»18. Pour sa part, Otto Schily, ancien défenseur de prisonniers politiques19 et actuel ministre social-démocrate de l'Intérieur allemand, estime que rien ne s'oppose à des expulsions vers l'Egypte, l'Algérie ou la Turquie dans la mesure où ces pays s'engagent à ne pas pratiquer la peine de mort. Pour le reste.....

Une liste discrèteEnfin, le texte du 27 décembre confère au Conseil de l'UE la prérogative d'établir, d'élargir ou de réduire la liste des organisations terroristes et des personnes qui les soutiennent (art. 2.3). L'actuelle liste, discrètement publiée au lendemain de son adoption par le Parlement européen et difficilement trouvable online, avait fait l'objet d'âpres discussions et négociations.On se souviendra que, lors de son établissement, le premier ministre espagnol Aznar voulait y inclure le parti indépendantiste basque Batasuna. Il avait alors cherché un allié et des voix du côté de son homologue italien Berlusconi qui, lui, avait négocié son soutien contre l'inscription dans cette même liste du mouvement contre la globalisation et des..... organisations syndicales. La manœuvre avait échoué et la liste adoptée par le Parlement comporte actuellement une quinzaine d'organisations et des personnes dont les fonds bancaires sont gelés.

Or, en vertu de la «décision écrite» du 27 décembre, c'est le Parlement européen lui-même qui est pratiquement court-circuité. La voie est ainsi grande ouverte aux négociations en coulisses et à des décisions contre lesquelles seul le recours à la Cour européenne de justice est possible.

De toute évidence, découlant de projets antérieurs, l'ensemble de ces mesures participe d'un vaste projet de contrôle et de criminalisation de toute forme de critique sociale. Prenant prétexte des attentats du 11 septembre, elles établissent de nouvelles normes de convivence sociale qui assimilent toute expression dissonante face au cadre légal établi à une activité potentiellement criminelle, pour ne pas dire terroriste.

Union sacrée autour du marché

Lors des mobilisations de l'été 2001 à Gênes, le premier ministre italien Berlusconi avait traité les manifestants «d'apprentis terroristes». La déclaration avait paru exagérée à plus d'un observateur. Aujourd'hui, s'appuyant sur les textes de l'UE, cette «exagération» apparaît comme relevant du «bon sens juridique» et du «besoin d'ordre» qui vont de concert.A contrario, l'assimilation de la critique sociale au terrorisme drape l'objet de cette critique d'une aura de légitimité et de d'immuabilité légalisée. Le transfert à New York de l'édition 2002 du World Economic Forum en est la démonstration la plus évidente: quelle meilleure légitimité que celle de la «cité-martyre» pour un cénacle de plus en plus critiqué?Les restrictions à l'exercice de la critique radicale (à la racine) économique, sociale et politique visent à l'étouffer afin de permettre que se déploie, dans un air épuré, l'ensemble des politiques économiques, sociales, communicationnelles et symboliques devant étayer la rentabilisation des capitaux investis. Les déclarations de P. Brabeck sont éclairantes à ce sujet. Faisant le point sur une «collaboration renforcée entre multinationales et gouvernements en matière de sécurité», il décrète que «l'état d'esprit a changé, mais que beaucoup de chemin reste à faire» 20.Ce long chemin bénéficie de la compréhension des gouvernements sociaux-démocrates européens. La politique de Tony Blair, le vassal animé de G. W. Bush, est souvent sous le feu des projecteurs. Toutefois, celle de ses compères des gouvernements européens n'en diffère pas. Aussi bien le gouvernement de la gauche plurielle française que celui de la coalition rose-verte qui gouverne l'Allemagne rivalisent en matière de mesures sécuritaires au point de mériter l'honneur de la première page du Wall Street Journal21!Nous reviendrons dans le dernier volet de cette série sur le détail de mesures prises dans les différents pays du Vieux Continent. Relevons néanmoins que cette escalade de politiques sécuritaires de la part des partis sociaux-démocrates - avec le consentement des minorités politiques vertes - participe d'une conception de la société qui fait sienne l'équation douteuse «démocratie = marché». Celle invoquée, par exemple, le 11 septembre par Moritz Leuenberger pour qualifier les attentats du jour comme une atteinte à «notre démocratie libérale» 22.Dès lors, toute remise en cause, aussi partielle fût-elle, de la légitimité du marché et de la propriété privée devient, par assimilation, atteinte à la démocratie, voire à la Civilisation. Et elle permet, ainsi que l'a fait en Suisse la direction du Syndicat des services publics (SSP), au nom de la solidarité de Civilisation, de se désolidariser de la grève du personnel de Swissair du 15 septembre, qualifiée par le grand journal de la bourgeoisie helvétique de Piätatslos (irrespectueuse) 23.

Ce qui démontre le lien évident entre refus des mesures de restriction de l'exercice des droits démocratiques et luttes quotidiennes en matière de salaires, de conditions de travail et d'emploi, mais aussi de défense de l'environnement.




1. Cf. à l'encontre,N° 4, janvier 2002, accessible sur notre site www.alencontre.org.

2. Nations unies, Genève, 29.11.2001.

3. Id.

4. Seuls les 44 députés du groupe de la gauche unie européenne (Rifondazione comunista, Ligue communiste révolutionnaire, Lutte ouvrière, Parti communiste français et Verts de l'Europe du Nord) ont voté contre.

5. Conseil européen de Laeken, Décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme, online. Des 15 Etats membres de l'UE, sept seulement mentionnent le terrorisme dans leurs lois.

6. Wendy Mc Auliffe, Londres met son projet de loi antiterroriste à l'épreuve, ZDNet UK, 19.11.2001.

7. A. Boumediene-Thiery, A. Krivine, G. Di Lello Finuoli, «Europe: vers l'état d'exception?», Le Monde,27.11.01.

8. Ligue des Droits de l'homme, conférence de presse, Bruxelles, 22.10.01, online.

9. http://europa.eu.int/comm/justice

10 Id.

11 Statewatch News online, 8.1.2002, www.statewatch.org et aussi www.equiponizkor.org

12. Id.

13. Le Temps,05.02.2002, «Le Forum ne doit pas devenir une sorte de cirque itinérant».

14. Voir le dossier sur le Plan Colombie dans le n° 1 de à l'encontre, octobre 2001; voir rubrique «archives» sur le site.

15. Bilan, février 2002.

16. Sunday Express,30.12.2001.

17. The Washington Postonline, 29.01.2002, «European Tossing Terror Suspects out the Door».

18. Id.

19. Il fut l'avocat notamment de U. Meinhof, A. Baader, G. Ensslin et H. Mahler, les principaux dirigeants de la Rote Armee Fraktion en 1974.

20. Le Temps, art. cité.

21. The Wall Street Journal,édition européenne, 24.01.2002.

22. TSR, 11.09.2001.

23. Neue Zürcher Zeitung, 17.9.2001.


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