N°5 2002 Amérique du Sud L'argentinazo dans le cadre continental Charles-André Udry Le processus révolutionnaire à l''uvre en Argentine doit être restitué dans le contexte de la projection politico-militaire et économique (établissement de la Zone de libre-échange des Amériques ' ZLEA/ALCA ', zone de libre-échange de l'Alaska à la Terre de Feu à partir de 2005) de l'administration républicaine de G. W. Bush. Le devenir de l'argentinazosera, en partie, déterminé par les initiatives des élites dominantes des Etats-Unis et de leurs juniors partnersdans le continent sud-américain. Etouffer l'argentinazo, empêcher qu'une jonction s'établisse entre ce mouvement socio-politique qui affirme de plus en plus son autonomie face aux institutions politico-étatiques traditionnelles de l'Argentine (péronisme, radicalisme, institutions étatiques diverses) et de vastes secteurs populaires au Brésil, voilà un premier objectif conjoint des gouvernements de l'Union européenne, de la Maison-Blanche et des bourgeoisies latino-américaines. Le peuple surprend L'argentinazoa éclaté avec une vigueur inattendue, même si de nombreux éléments l'annonçaient; ce qui est généralement plus aisé à appréhender a posteriori. La lecture de la presse américaine ' du New York Times au Washington Post, en passant par le Wall Street Journal' fournit suffisamment d'éléments qui indiquent que l'explosion de la crise socio-politique a surpris ceux qui se proclament les garants de , autrement dit . Ce n'est pas l'effondrement économique de l'Argentine qui a suscité le véritable étonnement. Ce basculement vers l'abîme était pressenti depuis des mois. La stupeur est venue lorsque la population du Grand Buenos Aires (quelque 14 millions d'habitants) et d'un grand nombre de villes a agi sans se soucier de la proclamation de l'état de siège et, mieux, a contraint celui qui l'avait proclamé, Fernando de la Rua, à s'enfuir, en hélicoptère, de la maison présidentielle (19-20 décembre 2001). Depuis lors, divers segments du salariat, des employés aux chômeurs, descendent régulièrement dans la rue, organisent des assemblées populaires, des comités de chômeurs et maintiennent une revendication, reprise par une majorité: . La stupéfaction passée, la contre-offensive s'accélère. dans le continent sud-américain est une préoccupation qui ressort déjà avec clarté du document de l'état-major américain portant le titre Joint Vision 2020, publié en juin 2000 par la Direction politique et des plans stratégiques de l'armée américaine. La Colombie, le Venezuela, l'Equateur, Panama et le Pérou sont considérés comme des nécessitant un . L'Argentine s'y ajoute actuellement. L'opération: mort L'intitulé de l'opération des Forces armées colombiennes (FAC) ' commencée le 20 février à minuit et placée sous la houlette des conseillers américains ainsi que de leur système de contrôle de l'espace aérien ' est d'une clarté aveuglante: . Traduction du grec: . Et cela, dans un pays dont la Constitution interdit la peine de mort! Son but déclaré est le suivant: reprendre le contrôle militaire de la zone de 42000 km2, dont le chef-lieu est San Vincente del Caguan. Cette zone avait été démilitarisée sur décision du gouvernement d'Andres Pastrana en octobre 1998 et les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) ' reconnues comme interlocuteur en vue de qui commencèrent en janvier 1999 ' y ont disposé d'une liberté de mouvement durant 3 ans. En fait, cet assaut militaire était préparé depuis longtemps. L'ambassadrice américaine à Bogota, Anne Patterson, le 10 février, justifiait de la sorte la nouvelle aide militaire américaine aux Forces armées colombiennes (FAC): , et (Buenos Aires Herald, 11 février 2002, p. 3). D'ailleurs, la protection militaire de l'oléoduc Cano-Limon-Covenas occupait une place de plus en plus importante dans les médias colombiens. Simultanément, une délégation de Républicains du Congrès américain débarque à Bogota et salue la fermeté de l'orientation de Pastrana dénonçant les FARC qui ne cessent de vouloir (Washington Times, 11 février 2002). Le 8 janvier 2002, Anne Patterson avait présidé à la réception, par les FAC, de 14 hélicoptères de combat Blackhawk. L'arrivée, respectivement en décembre 2001 et janvier 2002, de John Walters et Otto Reich dans le département des affaires en charge de la Colombie constituait un indice fort de l'empressement de la Maison-Blanche à conforter une solution militaire. Les exigences budgétaires le démontrent: 503 millions de dollars sont réclamés par l'exécutif, dont 70%, soit 374 millions, sont destinés à la police et aux militaires colombiens. Surtout, la requête budgétaire élargit le à une 2. Pour comparaison, les Etats-Unis se sont engagés à verser, en janvier 2002, un total de 290 millions de dollars à l'Afghanistan. et guerre ont des prix relatifs. Mais le fait majeur réside certainement dans l'allocation de 98 millions de dollars sous forme de Foreign Military Financing (FMF). Ce genre d'aide militaire directe était réservé jusqu'à maintenant à Israël et à l'Egypte. Le but est de protéger l'oléoduc qui appartient à la compagnie basée à Los Angeles: l'Occidental Petroleum Company. La laisse la place à la défense du pétrole. La reporter du quotidien français Le Figarodit les choses de manière non contournée: «Sous le couvert de la lutte antidrogue' l'assistance des Etats-Unis a déjà permis la formation et l'équipement de l'armée et de la police colombiennes, fortes de 305000 hommes. Washington vient d'annoncer une destinée à protéger les infrastructures pétrolières.» (22 février 2002) Des objectifs sur le moyen terme Les ressorts profonds du Plan Colombie viennent au grand jour. Tout d'abord, , le pour créer des conditions meilleures de son exploitation. Les ' , pour les FARC ' n'ont jamais été conçues par Andres Pastrana et ses instigateurs étatsuniens comme devant lier la fin des affrontements militaires à des réformes sociales (terres, cultures alternatives à la coca avec prix assuré et protégé, etc.) Pastrana déclare aujourd'hui: C'est explicite. L'objectif, au cours des derniers mois, était d'ailleurs devenu: .D'où la campagne médiatique contre les agissements des FARC et la présentation, en parallèle, des progrès d'urbanité au sein des FAC. Ce que dénonce un rapport conjoint de trois organisations de défense des droits de la personne humaine qui souligne les liens qui persistent entre les FAC et les paramilitaires de l'AUC (Autodefensas Unidas de Colombia) 3. Il est tout à fait possible de soumettre à la discussion certaines initiatives (séquestres, actions en milieu urbain) des FARC. Mais, il est utile de les replacer dans le cadre d'une guerre civile qui ronge la Colombie depuis 1948 et qui a été engagée par les mêmes familles oligarchiques qui sont encore au pouvoir. Toutefois, l'ingénuité de certains médias s'explique soit par l'ignorance et le goût de la commodité de journalistes qui font du à partir des nouvelles fournies par les grandes agences de presse, soit par l'effort concerté de propagande des services américains, soit par une combinaison des deux. Ce qui est le plus probable. la Colombie relève d'un sens exprès: éliminer physiquement la colonne vertébrale des FARC, disposer d'une que les paramilitaires et la police pourront liquider ou qui sera cooptée à des postes institutionnels. Ce plan est d'ailleurs exposé dans une de la Rand Corporation qui a travaillé, sur commande de l'US Air Force. La Rand y expose la nécessité d'une longue guerre contre-insurrectionnelle: 4 Ce modèle a été utilisé, au cours des années 1980, contre le FMLN (Front Farabundo Marti de Libération). Pour rappel, les Etats-Unis y avaient dépensé 2 milliards de dollars en 12 ans; une qui aboutit à la ' 70000 morts ' et à 1 million de personnes déplacées; et cela dans un pays dont la population s'élevait alors (1980) à 5 millions d'habitant; la Colombie en comptait 27 millions, à la même date. Ensuite, l'accès aux richesses pétrolières et surtout aux ressources de la région amazonienne de la Colombie (et d'autres pays de la région) s'inscrit dans un plan à long terme des transnationales contrôlant les (pharma, agro-transgénique'), de l'énergie (Shell et Exxon) et y compris de la transmission de données par des procédés rompant avec la technologie actuelle (silicium) de captation privatisée de ces réserves par les Colombiens! Enfin, une défaite infligée aux FARC et aux forces populaires devrait permettre de mettre en place un projet économico-politico-institutionnel ' qui possède pour l'impérialisme une pertinence allant au-delà de la Colombie, si des déroutes sont infligées aux divers mouvements populaires du continent ' pouvant être résumé sous la forme du triptyque suivant5. 1° Un contrôle économique de type colonial sur l'économie. 2° Une stabilité assurée par une armée colombienne modernisée par les Etats-Unis et utilisant un système (surveillance) dont le Pentagone dispose du monopole. 3° Une décentralisation du pays avec une gestion politique fragmentée ' qui vise à freiner la constitution de tout mouvement social politique à dynamique nationale, posant la question de la nature du pouvoir en place ' s'appuyant sur le triangle suivant: des ONG (locales, américaines et européennes financées par les pays impérialistes); des organes de ladite société civile (depuis une entreprise locale ou filiale d'une transnationale jusqu'à une association de quartier); et des autorités locales qui proposent une gestion sur la base d'un budget nourri avant tout par des recettes fiscales diverses locales, un budget efflanqué pour des êtres humains paupérisés qui le financent. C'est dans cette perspective qu'il faut inscrire la nouvelle phase de la guerre préprogrammée qui a commencé le 20 février; une guerre qui fera des milliers de victimes. La législation en vigueur ' la nouvelle Loi sur la Défense et la Sécurité Nationale ' attribue une totale autonomie juridique aux FAC sur le . La presse est tenue à distance. C'est le modèle en vigueur en Tchétchénie. Les opérations répressives de l'AUC dans les départements ou régions de Sierra Nevada de Santa Marta, de la Valle del Rio Cimitarra, du Choco et d'Arauca sont passées sous silence dans les médias. Par contre, toutes les actions des FARC ' qui visent plus d'une fois des transnationales pillant les ressources du pays (pétrole) ' sont présentées, de façon unilatérale, comme l'origine de la , alors qu'elles répondent à une violence structurelle et quotidienne contre les couches populaires nourries par la défense inflexible des intérêts d'une oligarchie historique, qui s'est élargie à des narcotrafiquants et à des militaires enrichis. Cette dernière est plus subordonnée que jamais aux intérêts impériaux. La stratégie de des FARC peut être l'objet d'une discussion dans le mouvement de solidarité, comme leurs genres d'actions (attentats et séquestres) en milieu urbain. Mais, il ne fait pas de doute que, prévoyant la rupture des négociations, les FARC ont engagé une série d'actions visant à créer un rapport de force en vue d'une possible nouvelle négociation. Etait-ce le plus adéquat? La question reste posée. D'autant plus lorsque l'on constate que le candidat le plus intransigeant en faveur d'une guerre à outrance, l'ultraconservateur Alvaro Uribe Velez, monte rapidement dans les sondages (avec certes les limites de ce type d'indicateur), à trois mois des présidentielles. L'appui d'Uribe Velez à Pastrana reflète l'unité de l'oligarchie pour mener une guerre qui sera, par définition, . Par contre, les politiques d'ajustement structurel exigées par le FMI seront proprement exécutées. Enfin, la nouvelle économie de guerre va accroître la corruption et les transferts de richesses en faveur des privilégiés, alors que les paysans appauvris et les couches urbaines paupérisées manquent de tout. Un paysan, rencontré sur la route entre San Vicente et Macarena, confie au journaliste du quotidien espagnol El Pais: (27 février 2002) La guerre conduite par un Pastrana ' qui arrive en hélicoptère à San Vicente accompagné de quatre militaires américains en uniforme ' exacerbe, comme toujours, les processus économiques et sociaux qui dévastent depuis longtemps le pays. Elle agit aussi comme signal politique envoyé, avec luminosité, aux forces sociales anti-impérialistes au Venezuela et aux masses populaires d'Argentine qui n'acceptent pas que leur pays ait été exproprié, privatisé par des transnationales et une oligarchie au profil fort autoritaire. Venezuela: déstabilisation Depuis la grève patronale du 10 décembre 2001, le déroulement du scénario de déstabilisation du régime de Hugo Chavez au Venezuela est limpide, autant que les intentions des représentants de la bourgeoisie ' et des secteurs de gros propriétaires touchés par le projet de réforme agraire ' venant manifester, depuis les quartiers résidentiels de Caracas, en voitures 4x4 et avec des lecteurs CD produisant le bruit des casseroles que peu de manifestantes des beaux quartiers ont maniées de leurs propres mains. Cinq éléments méritent une attention, ne serait-ce que pour prendre quelques distances critiques face à une touchant au grotesque. 1° Le 5 février 2002, en réponse à une question de l'ultradroitier sénateur Jesse Helms, le secrétaire d'Etat Colin Powell a manifesté son regret que le Venezuela n'ait pas appuyé la guerre conduite par Bush en Afghanistan! Etait-ce vraiment un v'u sincère de l'administration Bush? La réponse ne nécessite pas une clairvoyance particulière. Par contre, la fonction des déclarations de C. Powell renvoie à la pierre angulaire de la politique de Washington: . En outre, Powell s'est dit préoccupé du manque de clarté de Chavez sur la . A-t-il les mêmes sollicitudes pour les conceptions démocratiques de Vladimir Poutine, de Pervez Moucharraf (avec son coup d'Etat d'octobre 1999), de Hosni Moubarak, de la dynastie Saud en Arabie saoudite, pour ne pas mentionner celles d'Ariel Sharon? Les casseroleuses de luxe de Caracas ont-elles essuyé des tirs de la police et été tuées comme ce fut et c'est encore le cas dans l'Argentine démocratique de Duhlade? L'opération de mise hors la loi internationale du régime de Chavez est le premier élément d'une offensive impérialiste d'envergure qui vise, comme par hasard, un pays important producteur de pétrole et fournisseur des Etats-Unis; un pays qui dispose aussi de ressources naturelles enviées. Le 6 février, le directeur de la CIA (Central Intelligence Agency), George Tenet, devant le Comité du Sénat consacré aux questions d'intelligence, a souligné qu'il qui . Le 19 février, le porte-parole du Département d'Etat, Richard Boucher, a laissé entendre que les Etats-Unis pourraient, si au Venezuela, invoquer le Charte démocratique de l'OEA (Organisation des Etats Américains, dont le secrétaire, jusqu'en 2004, est l'ancien président de Colombie Cesar Gaviria Trujillo). Pourquoi ne pas faire appel à cette Charte quand le gouvernement bolivien massacre les paysans du Chiapare? 2° La montée en puissance des militaires d'opposition. Cela a commencé, le 7 février 2002, avec un colonel d'active, membre de l'armée de l'air, Pedro Vicente Soto., le colonel a demandé, lors d'un forum sur la liberté de la presse, que Chavez démissionne avant la fin de son mandat en 2005; et que de nouvelles élections soient convoquées. Il affirma représenter l'opinion de 75% des forces armées. Avait-il fait un sondage? Il sera suivi par le général de brigade Guaicaipuro Lameda, qui a présidé jusqu'au 21 février 2002 la société Petroleos de Venezuela (PDVSA), entreprise étatique qui est une des plus importantes du secteur pétrolier non privé en Amérique latine. Il sera encore rejoint par le général de l'Aviation Roman Gomez qui a lancé une pétition pour la démission de Chavez. Tous ces soldats ont été formés dans des Ecoles militaires américaines, afin d'apprendre le respect des droits démocratiques et la doctrine de la qui a étayé tant de régimes dictatoriaux. 3° A l'armée, s'ajoute une autre institution démocratique: la police. Ainsi, le second de la police politique et responsable de la contre-subversion (Disip), Gustavo Egui Bastida, dénonce les appuis de Chavez aux forces armées de guérilla de Colombie. Autrement dit, Chavez protège des terroristes: du mollah Omar à Hugo Chavez! D'ailleurs Colin Powell et son adjoint Carl Ford ont insisté sur les (Clarin, 16 février 2002, et Pagina 12, 18 février 2002). Ils faisaient allusion aux déplacements de Chavez en Iran, Irak et Libye qui sont des pays associés dans le cadre de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Deux de ces pays sont membres de selon Bush; le troisième (la Libye) est entre deux eaux. Quant à Cuba, visitée par Chavez, les commentaires sont superflus. L'Eglise ajoute sa voix à celles des militaires et policiers. Le cardinal de Caracas, Ignacio Velasco, dénonce l' qui est, selon lui, le propre du régime de Chavez. Le 27 février, le jésuite Mikel Viana soutenait toutefois la mobilisation des syndicats (de l'appareil corrompu des syndicats) pour défendre l'emploi; une grève qui avait le soutien des patrons et donc n'incitait pas à la haine de classe, mais qui avait pour slogan: . Ici, la haine n'est que religieuse, nous dira le père jésuite. Toutefois, la presse internationale a été contrainte de reconnaître que de l'opposition à Chavez ne faisait pas le poids face à celle des partisans du régime. Le contrôle des moyens de communication par le clan anti-Chavez (Nacional, El Universal, Globovision, Venevision)a transformé ces médias en . 4° L'orientation adoptée par Chavez, dès le 12 février, face à la crise économique (accentuée par la baisse du prix du pétrole), est marquée du sceau de l'austérité: coupe de 22% dans le budget, applaudie par le FMI et les instituts financiers. Elle est expliquée par le déficit budgétaire de 9 milliards de dollars' lié en partie à une baisse des recettes fiscales à l'exportation. Le bolivar flotte, avec à la clé une dévaluation forte face au dollar: du 1er au 13 février, le bolivar a déjà perdu 19% face au dollar. Les effets inflationnistes (hausses de prix des produits importés) se font ressentir, en priorité sur les secteurs sociaux les plus fragilisés qui soutiennent Chavez. A cela s'ajoutent des actions de stockage de biens afin d'accentuer l'effet de spirale à la hausse des prix. Les mesures adoptées par le gouvernement pour assurer la du Venezuela possèdent des traits d'un plan . Le régime doit faire face à une sortie de capitaux estimée à 100 millions de dollars par jour. La saignée est organisée, comme au Chili entre 1971 et 1973. Soyons certains que les banques impérialistes facilitent la tâche des protestataires' qui connaissent mieux les transactions bancaires que leurs batteries de cuisine. La riposte organisée par Chavez combine des actions de contrôle des services spéciaux de l'armée et de la police avec des actions des qui disposent d'une base sociale effective. De plus un appui populaire à Chavez existe. Néanmoins, la faiblesse des relais de masse organisés, disposant d'une autonomie face aux institutions étatiques, révèle le caractère (caudilliste) du régime. Un caractère cultivé (ou accepté), comme le reconnaît, avec une certaine ingénuité, Chavez lui-même, lors d'un entretien, le 28 décembre 2001, avec Luis Bilbao, journaliste du Monde diplomatique (édition argentine) 6. 5° La disponibilité immédiate du gouvernement Chavez ' plus exactement du chef d'état-major José Vincente Rangel ' à s'assurer qu'aucun membre des FARC ne puisse entrer dans le pays et le soutien public du gouvernement Chavez (qui ne peut être analysé seulement au plan tactique et diplomatique) donné à Pastrana dans sa lutte contre les FARC créent la confusion. Il faut aussi mentionner l'appui donné par Gustavo Noboa, président équatorien, à l'opération de Pastrana et des Américains. En outre, le 28 février 2002, le gouvernement équatorien a militarisé deux provinces pétrolières, celles de Sucumbos et d'Orellana dans le nord-est amazonien. Il y a une cohérence d'ensemble. Brésil: le PT et sa fiancée patronale Un dernier élément de cette conjoncture a trait à l'échéance électorale ' cet automne ' au Brésil. Ce fait politique participe à la définition du cadre dans lequel évolue l'argentinazo. Ce d'autant plus que le Brésil représente certainement pour l'impérialisme l'enjeu le plus important. Toutefois, comme l'a expliqué un dirigeant du Parti des Travailleurs (PT), il ne peut se passer au Brésil ce qui se passe en Argentine, car le PT est un facteur . Un langage que n'aurait pas renié un François Mitterrand, en 1981. Plus intéressant ' pourrait-on dire ' est le explicite des sommets du PT en direction de secteurs industriels. Luiz Inacio Lula Da Silva, candidat du PT, est en tête des sondages électoraux ' 26% à 30% ' devant Roseana Sarney (la fille de l'ancien président de la transition, de 1985 à 1990, José Sarney). La présidence du PT (Lula) et ses conseillers cherchent à gagner tranches de voix (électorales) après tranches de voix. Et cela, ils le font en glissant vers le centre. De plus, ils désirent rassurer la bourgeoisie pour ne pas faire fuir les capitaux. Dès lors, une consiste à faire campagne pour que le vice-président de Lula soit un patron reconnu: José Alencar, sénateur du Parti Libéral du Minais Gerais. José Alencar dirige une des plus importantes entreprises du textile du Brésil. Lula a visité avec lui une de ses usines (Folha de S. Paulo, 14 février 2002 et 21 février 2002). José Alencar possède un patrimoine financier de 933 millions de reals. Il a été déjà vice-président de la Confédération Nationale des Industries. Il a déclaré: Lula fait tout pour que José Alencar, . Il n'est pas certain qu'Alencar l'accepte, d'autant plus qu'au sein du PL les oppositions conservatrices, de l'aile droite de l'Eglise catholique aux adventistes, s'y opposent. Mais les avances de Lula vers une fiancée incertaine ont déjà miné son profil ainsi que suscité des remous dans le PT. Et cela, alors que la victoire du PT n'est pas certaine. Loin de là. Toute la presse financière d'Amérique latine a titré dans le style: (Ambito Financiero, 21 février 2002) Comme le dit, avec humour, le président de la Centrale des mouvements populaires (Raimundo Bonfim), suite à la publicité faite par José Alencar à la TV ( ): lui devait être le vice de Lula, alors le candidat petiste cesserait d'être l'ouvrier dont le Brésil a besoin. Dans tous les cas de figure (victoire ou défaite électorale de Lula) un choc d'envergure va toucher le PT. Une nouvelle étape, après 22 ans d'existence, va s'ouvrir pour le PT, avec une crise, comme il se doit dans de telles circonstances. Il apparaît donc que les développements sociaux et politiques au Brésil ' comme en Colombie et au Venezuela, deux pays où l'instabilité socio-politique et économique va durer ' vont avoir un impact sur les luttes en Argentine. Dans la mesure où les forces classistes dans le PT ' et au dehors ' sont aptes à construire un rapport de force et une présence politique, cela lié à des propositions concrètes, il y a plus de possibilités de désenclaver l'argentinazo, pour autant qu'une réaction vive de l'impérialisme et du bloc bourgeois ' avec son appareil répressif ' n'intervienne pas à trop court terme. Le capital de l'UE: pour l'ordre, vite Il faut enfin souligner l'unanimité des gouvernements européens (voir la déclaration d'Ecofin, réunion des ministres des Finances, mi-janvier) non seulement pour soutenir Duhalde et le bloc bourgeois commotionné, mais pour l'aligner sur le FMI. Il est aussi intéressant de prendre en compte les décisions et déclarations de groupes aussi différents que Siemens, Nestlé, Credit Suisse Group, Repsol, Telefonica, BBVA' qui exigent l'ordre. Le CEO de Nestlé ' Peter Brabeck, qui est aussi au CA du Crédit Suisse et qui a succédé à Helmut Maucher, un des piliers de la Round Table of European Industrialists' a déclaré, plusieurs fois, que le gouvernement Bush n'était pas suffisamment ferme en Amérique latine, entre autres en Colombie et en Argentine. Le capital financier impérialiste ' au sens classique, au-delà des mutations connues ' joue la carte de la crise (au plan des sorties de capitaux, des prix, des lignes de crédit, etc.) pour pousser Duhalde, les appareils péronistes, les appareils répressifs à tester leur pouvoir, à tester leur base. Des secteurs du capital de l'Etat espagnol critiquent Duhalde qui, pourtant, applique une politique de transfert de richesses plus brutale que de la Rua. Ils manifestent une préférence pour Lopez Murphy. Ce dernier a été ministre de la Défense et, peu de temps, ministre de l'Economie de Fernando de la Rua. C'est un économiste ultra-orthodoxe, partisan des recettes les plus dures du FMI. Il est considéré comme d'une conspiration antidémocratique et d'une sortie autoritaire de la crise, un type de sortie qui tranquilliserait les grandes banques espagnoles. Il est atterrant ' mais logique ' de voir que sur la nécessité de remettre de l'ordre en Argentine l'ancien franquiste Aznar utilise le social-démocrate Felipe Gonzales pour faire passer son message. Le FMI, quant à lui, laisse une courte marge de man'uvre à Duhalde afin que, suite à des négociations et à une possible restabilisation du pouvoir, le principe du service de la dette soit respecté. Cela rend encore plus graves les déclarations ambiguës de la CTA (Centrale des travailleurs argentins) sur le thème du rejet de la dette. Comme d'ailleurs les déclarations de Lula disant que le paiement de la dette doit être respecté par le gouvernement brésilien' s'il est élu. C'est dans ce contexte continental ' qui est soumis aux lignes de force internationales ' qu'il faut saisir l'importance et les difficultés du processus révolutionnaire en Argentine. Les forces anti-impérialistes et internationalistes des pays européens, des Etats-Unis et des pays d'Amérique latine devraient conduire une double activité: l'une contre la politique impérialiste menée dans chaque pays du centre; l'autre visant à faire que le souffle de l'argentinazocommence à développer ses effets au Brésil. En Uruguay, c'est déjà le cas.' 1. Voir à l'encontreN° 1, octobre 2001, et sur notre site www.alencontre.orgla rubrique . 2. Voir Center for International Policy: ; le couvrant des dépenses pour 2000-2001. 3. Rapport conjoint, datant du 6 février 2002 de Amnesty International, de Human Rights Watch et du Washington Office on Latin America. Depuis le 7 septembre 2001, le Département d'Etat américain a publiquement placé l'AUC sur la liste des organisations terroristes, car les FARC et l'ELN (Armée de libération nationale) ' deuxième groupe de guérilla en importance ' y étaient mentionnés depuis son établissement. Pour éviter des critiques sur un traitement entre les FARC, l'ELN et l'AUC, Colin Powell annonça l'inscription sur la liste des organisations terroristes de l'AUC lors de son voyage en Colombie le 10 septembre, un voyage vite interrompu à cause de l'attaque du 11 septembre. Depuis le 4 septembre, un jour avant la décision officielle du Département d'Etat datée du 5 septembre (!) concernant la qualification de l'AUC comme terroriste, le dirigeant de l'AUC, Castano, annonçait son recyclage à la tête du Mouvement démocratique national, organisation politique' préparant le futur. Le nouveau commandant militaire est Salvatore Mancuso. Les liens étroits entre l'AUC et les FAC (les deux au service de l'oligarchie colombienne) font de cette organisation une bénéficiaire indirecte de l'aide militaire des Etats-Unis. El Espectador, un des principaux quotidien de Colombie, cité par Le Monde (24 janvier 2002), écrivait en éditorial, citant pour se couvrir le New York Times: «Les guérilleros sont des kidnappeurs et des trafiquants de drogue, mais les paramilitaires sont responsables de 80% des actes de violences politiques qui atteignent des niveaux renversants [']. Ils sont plus profondément impliqués dans le trafic de drogue que les guérillas.» 4. Angel Rabasa et Peter Chalk, Colombia Labyrinth: The Synergy of Drugs and Insurgency and its Inplications for Regional Stability, Rand Corporation, June 2001. 5. Voir Plan Colombia. Ensayos criticos, Edité par Jairo Estrada Alvarez, Editions Universidad Nacional de Colombia, 2001, 367 p. 6. Voir www.projetoadia.com.br
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