N° 1 octobre 2001 Mouvement anti-mondialisation Une période test Ce dossier sur le mouvement international contre la mondialisation du capital a été préparé avant le 11 septembre. Son point de départ: la mobilisation très importante, fin juillet, à Gênes. Or, après lattentat criminel du 11 septembre, une "guerre contre le terrorisme" a été lancée par les Etats-Unis, appuyés par leurs alliés européens. La portée de cette troisième guerre conduite par les Etats-Unis au cours dune décennie Golfe en 1990-1991 et Serbie-Kosovo 1999 ne doit pas être sous-estimée. Ce dautant plus quelle intervient dans un contexte de retournement marqué de la conjoncture économique. Toutes les implications de ce déploiement militaire impérialiste adossé à une nouvelle "guerre froide contre le terrorisme" sont encore difficiles à prendre en compte. Néanmoins, ce serait faire preuve dune irréflexion excessive que de considérer ces grandes manuvres militaro-politiques comme un conflit relativement ponctuel. Si cétait le cas, il suffirait, tout bonnement, daffûter quelques arguments et de reconduire les mobilisations passées, auxquels il conviendrait dajouter un volet supplémentaire "contre la logique de guerre". Des interrogations plus soutenues nous paraissent indispensables. A Québec comme à Gênes une jonction sest produite entre un secteur du mouvement ouvrier organisé (avant tout syndical) et les multiples forces engagées dans les mobilisations "anti-mondialistes". De plus, ce mouvement de protestation se développe dans un climat différent de celui du début des années 1990. Ainsi The Economist remarque qu"au mieux elles [les institutions internationales comme lOMC ou le FMI] ne peuvent attendre quune acceptation à contrecur de la part de lopinion publique" (Survey, p. 3, 29 septembre 2001). Et, lorsque les "firmes multinationales
commencent à raconter comment elles ne vont plus mettre le profit au premier rang, les gens (à juste titre) pensent quelles mentent"! Depuis septembre-octobre, les bombardements et la campagne de propagande orchestrée de manière bien rodée nont pas fait exploser les piliers de cette contestation diffuse à lencontre des diverses expressions économiques, sociales, politiques et culturelles de la mondialisation capitaliste. Néanmoins, le cadre change et les enjeux deviennent, en quelque sorte, plus concrets sous leffet dune guerre et dune récession qui mettent au jour la réalité des rapports de force effectifs entre classes et leurs diverses représentations au sein des divers pays et sociétés, à léchelle internationale. Lorsque lArgentine plonge dans labysse, la revendication la plus élémentaire pose de suite la question du pouvoir. Lampleur dune manifestation à loccasion dun sommet européen ou dune rencontre de lOMC se situe dans un registre différent. Climat de guerre et renversement de la conjoncture économique avec sa cohorte de licenciements et de hausse du chômage interviennent à un moment où le mouvement de résistance globale est encore relativement récent et incertain (comme de normal) sur de multiples questions; sans même mentionner son inexistence dans des parties fort importantes du monde. Mais, surtout, le mouvement ouvrier organisé (syndical) reste, pour lessentiel, soumis aux injonctions densemble des politiques gouvernementales et patronales dans la majeure partie des pays impérialistes. La réorganisation, au sens le plus fort du terme, dun mouvement anticapitaliste des salarié·e·s est encore balbutiante, syndicalement et politiquement. Les gouvernements de droite comme socio-démocrates qui se font les hérauts de la "guerre contre le terrorisme" et les appareils syndicaux feront tout pour brider des luttes de salarié·e·s et faire obstacle à une jonction, plus soutenue, entre le mouvement de résistance global, les actions contre la guerre et les organisations de salarié·e·s. En outre, un fait doit être enregistré: il est plus difficile de résister, avec un certain succès, à des licenciements brutaux "justifiés" par la faillite ou le marasme dune industrie (attribués frauduleusement à lattentat du 11 septembre) que de mettre en cause les licenciements effectués par une entreprise bénéficiaire qui vise à soutenir le cours de ses actions en Bourse. Le sentiment dimpuissance peut reprendre le dessus et pousser à une "politique de concertation" dont les perdants sont déjà désignés. Lacceptation dune modération revendicative par les syndicats allemands, fort bien accueillie par le social-démocrate Schröder et le patronat, fournit un premier indice du climat de "paix sociale quexige la guerre". Aux Etats-Unis, le dirigeant de lAFL-CIO, John Sweeney, a accordé son appui complet à Bush; la participation officielle à la manifestation "pour la justice globale" prévue à Washington pour le 30 septembre a été annulée par la centrale syndicale. Le dirigeant du syndicat de lautomobile au Canada, Buzz Hargrove, veut décommander la mobilisation prévue, à léchelle internationale, pour les 9-10 novembre. Cependant, ces prises de position ont suscité des oppositions significatives dans les rangs syndicaux américains. Ce qui est nouveau. Après quelque six ans de réorganisation, le syndicalisme aux Etats-Unis se trouve à un carrefour. Plier devant "lunité nationale" et les menaces de rétorsion ou les repousser, se replier ou maintenir une solidarité internationale, voilà les options qui se présentent à une force sociale cruciale pour lavenir de tout le mouvement de résistance globale. Lensemble du mouvement contre la mondialisation du capital se trouve face à deux interrogations: 1° Comment développer un large mouvement anti-guerre et anti-impérialiste, car la mondialisation capitaliste réellement existante possède les traits concrets dun impérialisme où le militaire occupe une place de choix? En outre, le soutien aux revendications du peuple palestinien doit se réaffirmer, si une jonction même limitée veut être établie avec des forces qui, sans cela, seront emprisonnées dans une idéologie rétrograde et sans issue ("intégrisme islamiste"). 2° Comment faire face à une politique dordre qui met à nu le visage de la "démocratie capitaliste" bornée par les droits souverains de la grande propriété privée conduite au nom dun effort conjoint de "lutte contre le terrorisme" et d"effort patriotique" afin de "combattre" une crise économique qui serait née le 11 septembre? cau
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