Contre le démantèlement du droit à la retraite
 
 

Construire la mobilisation
pour des pensions populaires

Mouvement pour le socialisme (MPS)

Ces dernières semaines le patronat et les grands assureurs suisses ont annoncé, par la voix du conseiller fédéral Pascal Couchepin, une attaque brutale contre le droit à la retraite. Cette attaque fait suite à une première victoire des grandes compagnies d'assurance, fin août 2002: le Conseil Fédéral se couchait alors devant leurs exigences, et baissait le taux d'intérêt minimal des avoirs vieillesse de 4 % à 3,25 %. Résultat: une baisse des rentes de l'ordre de 20 %, au bout de trente ans d'activité profession­nelle ! Ce n'était qu'un début, et les attaques continuent: 11e révision de l'AVS, 1re révision de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), «mesures urgentes» sur le 2e pilier, abaissement à 2 % du taux de rémunération minimal des avoirs du deuxième pilier... Les coups tombent les uns après les autres sous les yeux approbateurs de l'Union patronale suisse qui «salue les propositions du Conseil Fédéral».

Une offensive d'ensemble contre les retraites

L'offensive que les autorités fédérales ont lancée contre notre droit à la retraite prend différents aspects. Deux révisions législatives sont en cours depuis de nombreux mois:

•  la 11e révision de l'AVS. Au menu: l'augmentation à 65 ans de l'âge de la retraite des femmes, le ralentissement du rythme d'indexation des rentes (tous les trois ans au lieu de deux) et la suppression de la rente pour une partie des veuves ;

•  la 1re révision de la LPP, où il est envisagé, notamment, de réduire le taux de conversion, à savoir le taux qui est appliqué au capital accumulé pour le transformer en rente. Résultat des courses: un effet négatif sur les rentes.

A ces deux révisions s'ajoute un paquet de mesures «extra­ordi­naires» proposé par le Conseil fédéral pour les caisses de pension:

•  le prélèvement de cotisations spéciales sur les salaires ;

•  la possibilité octroyée aux caisses d'appliquer temporairement un taux d'intérêt inférieur au minimum légal de 3,25 %, ou carrément d'y renoncer ;

•  la réduction «temporaire et ex­cep­tionnelle» des rentes versées aux retraité·e·s.

Travailler plus,toucher moins

Ce n'est pas tout. Pascal Couchepin a fait connaître d'autres propositions concernant l'AVS:

•  l'augmentation de l'âge de la retraite pour toutes et tous: à 66 ans en 2015 et à 67 ans en 2025 !

•  l'adaptation des rentes uniquement en fonction du renchérissement et non plus d'après l'indice mixte, qui prend en compte également l'évolution des salaires ;

•  le relèvement de la TVA: + 1,8 point dès 2025 ; + 3,4 points dès 2040.

Il faudrait ainsi bosser plus pour toucher une rente plus réduite ! En effet, si les rentes AVS n'avaient été indexées qu'en fonction de l'évolution du coût de la vie depuis 1979, la rente maximale, qui était alors de 1050,00 francs, serait aujourd'hui inférieure de 222 francs à ce qu'elle est (1888,00 francs contre 2110). Pour un couple (150 % de la rente maximale), la perte annuelle serait de l'ordre de 4000,00 francs !

Une offensive à l'échelle européenne, au nom du profit

L'offensive à laquelle nous assistons en Suisse fait partie d'un programme de démantèlement du droit à la retraite coordonné à l'échelle européenne: au printemps 2002, les chefs d'Etat de l'Union européenne s'étaient mis d'accord sur l'objectif d'un recul de cinq ans de l'âge de départ effectif à la retraite. Ce plan est en train d'être appliqué: en France, en Autriche, en Allemagne, en Italie, des projets allant dans ce sens sont mis en œuvre. Le but est clair: détruire toute garantie collective et développer au maximum la prévoyance individuelle, sous forme de capitalisation. L'enjeu est de taille pour les bourgeoisies européennes. D'une part, c'est une nouvelle étape dans le démantèlement des droits collectifs des salarié·e·s face à leurs employeurs: la suppression du droit à un salaire différé (rente de vieillesse) financé par des cotisations salariales. De l'autre, le contrôle et le développement des fonds de pension donnent aux milieux dirigeants des perspectives importantes d'investissements financiers... et de profits.

Le PSS au chevet...des assurances privées !

Pendant ce temps, ladite gauche suisse - Parti socialiste suisse (PSS) et directions syndicales - contemple les dégâts. La crise des caisses de pension a démontré à tous les salarié·e·s que le deuxième pilier ne peut en aucun cas leur garantir des retraites décentes et sûres. Pour Christiane Brunner (présidente du PSS) au contraire, «entre le deuxième pilier et l'AVS, nous avons un bon système, malgré quelques failles» (Le Temps, 23 juin 2003). Des failles qui semblent pourtant se multiplier: trois jours auparavant, l'assurance Winterthur décidait d'abaisser le taux de conversion pour la prévoyance professionnelle surobligatoire (le capital constitué par les versements supérieurs au minimum légal). Conséquence: une baisse des rentes pour les retraité·e·s de l'ordre de 10 à 24 % pour la part surobligatoire ! La présidente du PSS apparaît plus en souci pour la santé des assurances que pour celle des salarié·e·s: «On court le risque que certains assureurs ne considèrent plus le marché suffisamment rentable et décident d'abandonner cette activité»... Qu'elle se rassure, les profits de la Winterthur, de la Zürich FS et de la Rentenanstalt seront assurés par les sacrifices imposés aux salarié·e·s et aux rentiers / -ières via le Conseil Fédéral !

L'USS: de défaites en mobilisations sans lendemain ?

Face à des attaques aussi massives, n'importe quel syndicat digne de ce nom devrait engager des mesures de lutte immédiates. Pas l'Union Syndicale Suisse, qui comme le PSS, défend toujours la solution des compromis... qui se transforment en défaites magistrales:

•   Elle admet l'idée d'un taux de rémunération flexible des avoirs vieillesse ; sa secrétaire Colette Nova proposait même en septembre, au sein de la commission LPP du parlement, de le baisser à 2,7 % (Le Temps, 23 mai 2003) ! Compromis rejeté: le Conseil fédéral veut une baisse à 2 %.

•   Comme le PSS, elle ne manifeste pas d'opposition à la hausse de l'âge de la retraite des femmes (de 64 à 65 ans) prévue dans la 11e révision de l'AVS. Il y a une année, elle pensait la compenser par un fond de 1 milliard et demi destiné à financer la retraite anticipée ; en septembre, ce chiffre tombait à 400 millions. Même ce compromis inacceptable va être rejeté: comme l'admet candidement Christiane Brunner dans l'interview accordée au Temps («Je crois que ces 400 millions sont de toute façon condamnés», Le Temps, 23 juin 2003), les perspectives de retraite anticipée sont aujourd'hui réduites à néant.

Le patronat et les autorités politiques ont refusé à l'USS les miettes qu'elle leur demandait. C'est ainsi qu'elle a décidé de mesures de luttes, à reculons...Dans ces conditions, les mobilisations finalement annoncées en septembre risquent fort de rester sans lendemain.

Développer une mobilisation à la hauteur des enjeux

Face à cette attaque massive touchant tous les salarié·e·s du pays, c'est une autre logique qu'il faut défendre: pour faire reculer Pascal Couchepin et le Conseil Fédéral, il faudra plus que des manifestations à l'automne. Il faut initier un mouvement social qui s'inscrive dans la durée et permette de créer un rapport de force qui oblige le gouvernement à remballer son projet. La création de comités locaux «Pour la défense du droit à la retraite» va dans la bonne direction. Mais les mobilisations devront également s'exercer sur les lieux de travail. Les journées d'action du 30 juin, du 10 septembre et la manifestation nationale du 20 septembre devront être suivies, en novembre, de nouvelles mobilisations, notamment sous forme de grèves. Dans tous les pays d'Europe, la réponse des salarié·e·s à la réforme des retraites a été la grève ; il faut faire de même en Suisse.

S'opposer à l'ensemble des mesures de démantèlement des retraites

Les revendications de ce mouvement de lutte doivent être claires: le rejet de l'ensemble des mesures de démantèlement des retraites. Le référendum contre la suppression de l'indice mixte annoncé par l'USS ne suffit pas ! Il faut aussi s'opposer à la 11e révision de l'AVS qui, avec l'élévation de l'âge de la retraite des femmes, ouvre toute grande la porte à la retraite à 67 ans annoncée avec fracas par Pascal Couchepin.

Sortir du système des trois piliers, pour des «pensions populaires» !

Cette bataille ne doit pas se limiter à la préservation du système de retraite actuel, insuffisant pour couvrir les besoins de la majorité des rentiers / -ères: le troisième pilier est réservé à l'évasion fiscale des plus riches ; le 2e pilier dépend des hauts et des bas de la bourse, et ses exigences de rentabilité exercent une pression à la baisse sur les conditions de travail des salarié·e·s. Seul le 1er pilier, avec son aspect redistributif, donne des garanties de stabilité et peut offrir des rentes sûres et décentes. Dès lors, la sortie du système des trois piliers et l'établissement d'un système de «pensions populaires» - basées sur le système redistributif de l'AVS et garantissant les droits acquis de celles et ceux qui ont cotisé au 2e pilier - s'imposent comme solution ! Les alternatives existent: il s'agit maintenant de travailler à leur réalisation.

(30 juin 2003)

 
Vos commentaires