World Economic Forum 2003
 
 

Tous et toutes à Davos
Les droits démocratiques ne sont pas négociables

Mouvent pour le socialisme (MPS)

Le logo du World Economic Forum 2003: «Construire la confiance»... avec des kilomètres de barbelés, de grillage, avec des tanks?

La méfiance des autorités fédérales et cantonales serait presque compréhensible. En effet, parmi les membres du conseil d'administration de cette fondation – honorée si ce n'est honorable – qu'est le WEF, ne trouvait-on pas des «escrocs globaux», tels les ex-patrons de Enron? Dès lors, s'assurer que ces gangsters en col blanc ne polluent pas l'environnement enneigé de Davos aurait été méritoire. Inutile de dire que la surveillance policière, fédérale et cantonale, ne va pas s'exercer à l'encontre de ce type d'«entrepreneurs du monde».

Des méthodes de patrons néolibéraux

Les mesures militaires, policières, en un mot antidémocratiques, prises contre ceux et celles exprimant leur désaccord avec les «Chiefs Executive» – les «F¸hrer du monde» – ne tombent pas d'un ciel bleu, surveillé par des helvétiques F/A-18. Ces mesures sont avant tout liées au contexte social et économique dans lequel se déroule ce WEF 2003. Le quotidien de la City londonienne, le Financial Times, va droit au but: «Le culte des PDG a été ébranlé par l'éclatement de la bulle boursière, par l'écroulement des profits et par une succession de scandales de grandes firmes états-uniennes.» (21.1.2003, p. 14)

En une formule, voilà la description d'une des faces visibles de la crise du capitalisme mondialisé. Et cette crise fait que des millions et millions de personnes, dans le monde, ne sont plus prêts à déposer leur confiance dans la «gestion planétaire» de ceux qui gèrent les résultats financiers de leurs firmes et la santé de leur portefeuille privé.

Car ces femmes et ces hommes comprennent le lien qui existe entre le «management» privé et profitable des firmes et les centaines de milliers de licenciements, l'intensification du travail ou les conditions imposées aux migrant·e·s.  

Et, par expérience, ils/elles savent que, face à toute résistance, les «Chiefs Executive» font appel à la police ou au «droit» pour interdire une grève, une manifestation, une occupation d'usine.

A Davos et en Suisse, le Conseil fédéral applique les mêmes recettes que celles des hôtes du WEF face à leurs salarié·e·s ou aux chômeurs et chômeuses du monde.

Pire, quasi personne ne s'étonne que des droits démocratiques des citoyennes et citoyens suisses, et de tous les habitants de ce pays, soient bafoués pour, dit-on, protéger un ministre de la Justice des Etats-Unis: John Ashcroft. Or, la BBC, la chaÓne de télévision officielle de Grande-Bretagne, dépeignait ainsi Ashcroft: «Pour la peine de mort, contre le droit à l'avortement, contre les droits des homosexuels et opposé au contrôle des armes [aux Etats-Unis]» (mardi 16 janvier 2001, 17h53).

Un Conseil fédéral sous influence

Le Conseil fédéral est fier de la «souveraineté helvétique». Mais l'ami américain est influent. Un des rédacteurs les plus respectés du Financial Times, Guy de Jonquières, affirme: «Les [manifestants] seront surveillés soigneusement sur l'insistance des Etats-Unis qui envoient une délégation de haut rang.» (FT, 21.1.2003, p. 14) Pour complaire aux représentants de l'avant-garde néoconservatrice du monde, la «délégation de haut rang» américaine, sont mis en place: 1ƒ un déploiement de 1500 soldats suivant leur cours de répétition; 2ƒ 300 soldats dits professionnels; 3ƒ «un nombre secret» (NZZ, 19.1.2003) de policiers de tous les cantons; 4ƒ 250 Securitas; 5ƒ des F/A-18 prêts à faire feu; 6ƒ des hélicoptères et d'autres avions; 7ƒ des véhicules avec canons à eau de la police de Bavière; 8ƒ le contrôle des frontières par l'armée autrichienne. Ici n'existe pas de frein à l'endettement sécuritaire.

Une démocratie «à la Fideris»

Enfin, un dispositif de contrôle et d'enregistrement de tous les manifestants est mis en place à la gare de Fideris (entre Landquart et Davos). La police peut ici puiser dans une vieille tradition helvétique: faire descendre des hommes et des femmes des trains, les enregistrer, les refouler, ou les «accueillir».

Inutile de faire référence à la Seconde Guerre mondiale. Plus proche, des centaines de milliers de saisonniers ont subi des contrôles analogues. Aujourd'hui, des dizaines de milliers de requérants d'asile sont traités «à la Fideris».

Une nouvelle loi s'établit, dans les faits. Le manifestant est jugé coupable, ou non, selon l'arbitraire policier, avant d'avoir manifesté. Voilà le sens du filtrage de Fideris.

C'est le retour plein et entier des méthodes célèbres de la Bundespolizei (Bupo), de la police politique, de la «police préventive». Dans ce système, le soupçon discrétionnaire de la «culpabilité potentielle» d'une personne devient la preuve qui permet à la police non seulement de la contrôler, mais de l'arrêter, de l'empêcher de manifester. Les actes n'ont plus d'importance. Les intentions attribuées par l'autorité deviennent la règle répressive. C'est une méthode que l'on a connue en URSS et qui est en vigueur en Chine, aujourd'hui.

PSS-la-honte

Comment est-il possible que le secrétaire du Parti socialiste suisse, Reto Gamma, un militant qui a animé la campagne contre la police politique (début des années 1990), puisse cautionner l'appui du PSS à de telles mesures? Dans un communiqué, daté du 21 janvier, le PSS proclame que «les contrôles... semblent nécessaires à Fideris». Puis, ce communiqué, comme le faisaient les défenseurs droitiers de la police politique, affirme qu'ils sont «conformes... avec la Constitution fédérale».

Pire, le PS va jusqu'à mettre sur pied d'égalité «les fauteurs de guerre états-uniens» – c'est-à-dire Colin Powell que la conseillère fédérale socialiste Micheline Calmy-Rey a réclamé, à cor et à cris, de rencontrer – et «les quelques groupes perturbateurs au sein de l'Alliance d'Olten». Le style même – «les quelques groupes perturbateurs» – pue la délation honteuse et le procès d'intention.

Un enjeu social et démocratique

Toutes les expériences montrent, que ce soit à Genève en 2000 ou lors du Forum social de Florence en 2002, que les manifestant·e·s altermondialistes sont aptes, de façon plurielle, à exprimer leur opposition au monde réellement existant et aux responsables qui s'en revendiquent. Ils savent que leur force est le nombre.

Tout le dispositif sécuritaire mis en place a une double fonction. Premièrement, créer l'ambiance pour susciter les frustrations. Et, pourquoi pas, comme ce fut le cas à Gênes en 2001, multiplier les provocations en provenance du «nombre secret» de policiers. Au nom de la sécurité, les autorités veulent s'assurer que la force démocratique du nombre ne puisse pas s'exprimer.

Deuxièmement, instaurer et banaliser un système dit sécuritaire. En réalité, il a aujourd'hui une fonction première: criminaliser le mouvement social. En période de crise, de chômage, le patronat et la droite ont toujours eu recours aux manúuvres sécuritaires, à la répression et à la xénophobie nationaliste.

Notre camp est choisi. Il faut que le plus grand nombre de personnes se rendent à Davos. Celles et ceux qui envisageaient d'y retourner ou d'y aller pour la première fois. Et celles et ceux qui, choqués, comprennent l'importance d'être à Davos, ne serait-ce que pour la défense des droits démocratiques. Une défense qui exprime le refus que Davos ressemble au paysage orwellien de 1984.

L'enjeu démocratique d'une manifestation altermondialiste en Suisse n'a jamais été aussi grand.

(21 janvier 2003)

 
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