Initiative USS «pour une durée de travail réduite»
Méfions-nous des bilans «globalement positifs» !
A l'occasion de la votation du 3 mars 2002 sur l'initiative de l'USS: quelles leçons de l'introduction des 35 heures en France ?
Depuis 1998, la France a introduit, par voie législative, et par étapes successives (cf. encadré «Les lois sur les 35 heures en France»), la semaine de 35 heures.
Les responsables de l'Union syndicale suisse (USS) se sont emparés de cet exemple pour tenter de rendre plus crédible leur initiative «pour une durée de travail réduite». L'argument est double: 1) les 35 heures ont créé des emplois en nombre important en France ; 2) les salarié·e·s sont en général satisfaits des 35 heures. Conclusion induite: ces vertus sont aussi celles de l'initiative de l'USS ; donc soutenez-la.
A notre avis, le bilan des 35 heures en France est fort différent. On n'expliquerait pas sans cela la multiplication des grèves que leur application a provoquées. Et la comparaison avec l'initiative de l'USS est beaucoup moins avantageuse que cette dernière n'aimerait le faire croire.
Créations d'emplois réelles…
Reprenons le premier argument: les 35 heures ont créé des emplois. C'est certain et c'est un démenti à la propagande alarmiste à ce sujet. Cependant les marges laissées au patronat français ont fait que cela est resté dans des proportions très limitées. De plus, ce qui a permis de créer des emplois en France manque à l'initiative de l'USS.
La Direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques (Dares) du Ministère de l'emploi et de la solidarité (cf. Dares, b ; pour les références, voir encadré «Des sources officielles sur les 35 heures») estime, dans son étude la plus récente, que de 1997 à fin 2000 la réduction du temps de travail (RTT) a provoqué la création nette de quelque 240000 emplois. L'impact sur l'emploi de la RTT est donc incontestable.
... mais fort limitées
Pour mettre en perspective ces chiffres, et en mesurer la signification, quelques comparaisons:
• De 1997 à 2000 - quatre années de croissance économique, particulièrement en 1999 et 2000 -1,748 million de nouveaux emplois ont été créés en France. Les emplois générés directement par la RTT représentent donc 13,7 % de ce total. Une petite partie. En 2000, l'année où les 35 heures sont devenues obligatoires pour toutes les entreprises de plus de 20 salarié·e·s, la RTT aurait été à l'origine de 30 % des nouveaux emplois (165000 sur 568000 ; cf. Dares, b, p. 8).
• La population active en France -salarié·e·s, indépendant·e·s, chômeurs·euses, personnes au service militaire - est d'environ 25 millions de personnes ; 240000 emplois correspondent à environ 1 % de ce total. Ce n'est pas une révolution, surtout durant une période de croissance économique, favorable pour la création d'emplois. Le problème du chômage reste entier.
Contraintes...de moins en moins contraignantes
Une première explication de ces résultats, somme toute fort limités, réside dans la manière dont les lois Aubry – les lois sur les 35 heures, du nom de Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité -ont été mises en uvre en plusieurs étapes.
• Avant 2000, les entreprises pouvaient passer aux 35 heures sur une base volontaire. Elles pouvaient alors bénéficier d'une aide incitative (cf. encadré «Les 35 heures en France») à condition de réduire le temps de travail d'au moins 10 % et de s'engager à créer, ou à conserver, au moins l'équivalent de 6 % des effectifs concernés. Selon la Dares, quelque 2 millions de salarié·e·s (sur un total de 15 millions concerné·e·s) travaillaient dans des entreprises qui ont fait appel à ces aides incitatives. La Dares estime que dans ces entreprises le passage aux 35 heures s'est soldé par un effet net sur l'emploi de 6 à 7,5 %. Au total, quelque 150 des 240 mille emplois créés par les 35 heures l'ont été dans le cadre de ce dispositif.
• D'autres entreprises sont passées aux 35 heures sans recourir aux aides incitatives, avant 2000 et après cette date. Cela concerne, fin 2000, quelque 3,7 millions de salarié·e·s. Cette manière de procédé a laissé une double liberté aux employeurs.
Premièrement, ils ne sont pas tenus de créer un quota déterminé d'emplois.
Deuxièmement, ils ont le droit de modifier le mode de décompte de la durée du travail. Concrètement, ils peuvent exclure du temps de travail des pauses qui y étaient préalablement incluses. Ou intégrer dans la «diminution» du temps de travail des jours fériés non obligatoires. Bref, supprimer des acquis et réduire d'autant la réduction effective du temps de travail. Ainsi, en 2000, 18 % des établissements passés aux 35 heures ont exclu du décompte du temps de travail des pauses préalablement incluses. Au total, un tiers des salarié·e·s passés cette année-là aux 35 heures ont subi des modifications du mode de décompte de leur temps de travail. Chez de nombreux sous-traitants de l'industrie automobile, les 35 heures se sont ainsi traduites, au final, par une diminution du temps de travail de-quelques minutes par jour (Libération, 21 janvier 2001).
Dans toutes ces entreprises, la Dares estime que la création d'emplois est nettement plus faible: 3,8 % pour celles qui ont signé un accord en 2000 (Dares, b, p. 6). A la fin 2000, 87000 des 240000 emplois créés grâce aux 35 heures l'ont été dans ces entreprises.
• La loi Aubry II prévoyait que le passage aux 35 heures ne serait obligatoire que le 1er janvier 2002 pour les salarié·e·s travaillant dans des entreprises de moins 20 salarié·e·s. De fait, fin 2000, seuls 7,7 % de ces 4,5 millions d'employé·e·s travaillaient 35 heures, contre 62,4 % des 10,5 millions de salarié·e·s engagé·e·s dans les entreprises de plus grande taille.
Or, l'automne dernier, dans la discrétion, le gouvernement français a adopté un arrêté qui, de fait, reporte à 2004 l'entrée en vigueur des 35 heures pour ces entreprises. Il a en effet relevé le total des heures supplémentaires autorisées de manière à leur permettre de continuer à appliquer les 39 heures hebdomadaires (Le Monde, 29 décembre 2001). Dans ce cas, l'impact en terme d'emplois sera donc quasi nul.
Ce qui manque à l'initiative de l'USS
Le fait que les 35 heures aient permis des créations d'emplois est, dans tous les cas, lié à deux réalités: a) dans certains cas, une obligation à créer un volume minimum d'emplois, pour bénéficier des aides incitatives ; b) d'une manière générale, le passage rapide, d'un coup, de 39 à 35 heures.
Interrogé par Le Temps (5 février 2002), Jacques Freyssinet, proche de ladite «gauche plurielle, directeur de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) de Paris, organisme lié aux syndicats français, souligne ce dernier point et montre la différence avec l'initiative de l'USS: «En France la décision [des 35 heures] a été prise par la gauche plurielle au pouvoir lorsque le chômage s'élevait à 12,5 %. Les modèles de simulations macroéconomiques montraient que seules des mesures du genre RTT pouvaient donner un effet fort et rapide sur l'emploi. Il s'agit donc d'une stratégie de cassure. L'initiative de l'USS me donne l'impression de chercher à améliorer les conditions de vie et à réduire les inégalités entre hommes et femmes. La réduction de la durée du travail est prévue sur le long terme, sous une forme de distribution des gains de productivité, ce qui me semble être une logique différente[souligné par nous].»
L'initiative de l'USS «pour une durée de travail réduite» ne prévoit ni une diminution rapide du temps de travail ni de véritable obligation d'embauche, en dehors d'une disposition transitoire marginale et, surtout, très peu contraignante. Elle aurait donc un impact sur l'emploi infiniment plus faible que celui, déjà limité, des 35 heures en France. Pour mémoire, 1 % de la population active en Suisse équivaut à environ 40000 emplois.
Que cache un bilan «globalement positif» ?
Le second argument, amplement diffusé par les responsables de l'USS, est que les enquêtes démontreraient que la très grande majorité des personnes concernées trouve la semaine de 35 heures très positive. Regardons-y de plus près. La Dares a réalisé début 2001 une enquête détaillée auprès de plus de 1600 salarié·e·s ayant connu la RTT depuis un an au moins. Nous prendrons ces données comme point de départ.
Satisfaction générale...et des failles
L'appréciation générale est, au premier abord, effectivement positive: 59,2 % de l'ensemble des personnes interrogées ont constaté une amélioration de leur vie quotidienne depuis la mise en uvre de la RTT ; 12,8 % constatent une détérioration et 28 % pas de changement (cf. Dares, a, p. 2).
Une donnée devrait cependant nous mettre la puce à l'oreille: la satisfaction parmi les femmes non qualifiées chute à 40,2 % ; 20,4 % déclarent au contraire avoir subi une détérioration, alors que 39,5 % n'ont pas vu de changement. Cette réticence parmi les salariées qui ont, certainement, parmi les conditions de travail les plus dures, avec le moins d'autonomie, devrait alerter tout syndicaliste.
Conditions de travail: changement de tableau
La tonalité change encore davantage lorsque l'on interroge ces personnes au sujet de leurs conditions de travail, et pas de leur «vie quotidienne». Cette fois-ci ils ne sont que 26,4 % à avoir constaté une amélioration ; moins que celles et ceux qui dénoncent une détérioration (28 %) ! La majorité (45,6 %) affirme qu'il n'y a pas eu de changement.
A nouveau, les femmes non qualifiées sont particulièrement critiques: 20,9 % parlent d'amélioration contre 35,4 % de détérioration ; 43,7 % disent qu'il n'y a pas eu de changement. Etrange pour un bilan «très positif».
Négatif: intensification et annualisation
Les résultats plus détaillés indiquent l'origine de ce solide mécontentement: la réorganisation et l'intensification du travail, les horaires «modulables», annualisés. Bref, ce qui est justement au cœur de l'initiative de l'USS, avec l'annualisation du temps de travail. C'est d'ailleurs sur ces questions que les grèves se sont multipliées en France.
• Dans le cadre de la loi Aubry I, avant 2000, 8 conventions sur 10 signées sur les 35 heures prévoyaient le principe d'une réorganisation des horaires, avec notamment des fluctuations des temps de présence (une forme d'annualisation). En 2000, 38 % des salarié·e·s passés aux 35 heures sont concernés par des modulations des horaires (cf. Dares, b, p. 6 ; c, p.7).
• Ces dispositifs n'ont pas nécessairement tous été mis en uvre ; mais la porte est ouverte. Cela a été accompagné, dans nombre d'entreprises, par des mesures pour étendre les plages d'ouverture ou d'utilisation des installations. On se souvient que le travail du samedi avait été une des questions clés lors des grèves qui ont eu lieu à Michelin, à l'occasion de l'introduction de 35 heures.
• La Dares constate également que ces réorganisations donnent aux entreprises la possibilité d'économiser les heures supplémentaires qu'elles doivent payer, comme le fait l'annualisation cautionnée par l'USS: «Les réorganisations et la modulation permettraient ainsi de réduire le recours aux heures supplémentaires et leur coût.» (Dares, b, p. 6)
• C'est cette réalité qui nourrit les appréciations les plus négatives au sujet des 35 heures. Ainsi la moitié (48,4 %) des personnes interrogées constate qu'elles sont confrontées à une exigence de polyvalence accrue, une conséquence classique de la réorganisation-flexibilisation du travail ; parmi elles, 35,5 % déplorent une dégradation des conditions de travail contre 7,1 % une amélioration. De même, deux salarié·e·s sur 5 (41,9 %) ont désormais moins de temps pour faire les mêmes tâches ; parmi eux, 44,4 % se plaignent d'une dégradation de leurs conditions de travail contre 20,7 % qui saluent une amélioration. Ou encore un tiers des personnes interrogées (31,7 %) disent être plus stressées au travail avec les 35 heures ; conséquence, 63,7 % d'entre elles dénoncent de moins bonnes conditions de travail, contre 11,8 % qui estiment qu'elles sont meilleures.
Positif: création d'emplois et négociations
A l'inverse, l'enquête de la Dares désigne deux des conditions qui contribuent le plus à ce que les salarié·e·s tirent un bilan positif du passage aux 35 heures.
• La première est la création d'emplois. Un salarié·e· sur deux (50,4 %) interrogé·e en a bénéficié dans son unité de travail. Pour eux, l'appréciation de l'impact des 35 heures sur les conditions de travail est inversée: 33 % d'entre eux constatent une amélioration contre 23,6 % une détérioration. «L'augmentation des effectifs dans l'unité de travail du salarié interrogé (service, atelier, ligne de production…) est le point névralgique, car il conditionne l'organisation du travail et son éventuelle transformation», constate la Dares (a, p. 3). Or l'initiative de l'USS ne prévoit de fait aucune obligation sérieuse d'embauche en lien avec un passage éventuel aux 36 heures.
• La deuxième est la consultation des salarié·e·s et leur participation effective à la définition des nouveaux horaires de travail (cf. Dares, a, p. 5). Un résultat auquel arrive également la confédération syndicale CFDT, très favorable aux 35 heures, suite à un questionnaire auprès de 18000 salarié·e·s: «quand il n'y a pas eu débat, personne n'est content de la réduction du temps de travail» (Libération, 21 janvier 2002).
A ce sujet également, l'initiative de l'USS ne prévoit aucune obligation pour les employeurs. Quand on sait la place faite dans les entreprises helvétiques à la «consultation» des salarié·e·s et à la négociation avec leurs organisations syndicales, ce n'est pas un détail.
Bilan très mitigé..et qui ne plaide pas pour l'USS
Le bilan des 35 heures en France est donc, à notre avis, beaucoup plus mitigé que le gouvernement socialiste ou l'USS veulent essayer de nous faire croire. Cela ne tient pas à la diminution du temps de travail – qui est indéniablement appréciée comme un progrès social – mais aux conditions de sa réalisation, conséquence du choix du gouvernement français de ne pas toucher aux profits des entreprises (cf. encadré «Des 35 heures payées par les salarié·e·s»).
Et la comparaison est accablante pour l'initiative de l'USS. Ce qui fait problème pour les salarié·e·s dans les 35 heures en France..la réorganisation et l'annualisation des horaires ..est encore plus présent dans l'initiative «pour une durée de travail réduite». Ce qui est le plus positif dans les 35 heures – une certaine contrainte à l'embauche et à la consultation des salarié·e·s -manque dans l'initiative de l'USS. Comment cela a-t-il été possible ?
Des 35 heures payées… par les salarié·e·s
«Les réorganisations [du temps de travail] doivent être suffisantes pour ne pas diminuer les capacités de production ; le surcoût pour les entreprises doit être nul, pour ne pas peser sur le coût du travail, sur les prix ou les profits.» C'est en ces termes, très clairs que la Dares présente les choix économiques et sociaux à la base des lois «Aubry» (cf. Dares, b, p. 7).
En d'autres termes, le gouvernement de la «gauche plurielle» a voulu des 35 heures qui ne coûtent pas un centime au patronat. Les enquêtes de la Dares montrent que cet objectif a été pour l'essentiel attteint. Jacques Freyssinet, dans son interview, ne dit pas autre chose: «La charge supportée par les entreprises est restée presque la même qu'avant les 35 heures.» Cela à un moment où la part des profits dans la richesse produite chaque année est en France à un niveau record.
Comme les 35 heures ont cependant un coût, ce sont les salarié·e· s, dans leur ensemble, qui le paient. De plusieurs manières:
• Une augmentation de la productivité (le volume de production réalisée par travailleur). La Dares l'estime a environ 4 %, ce qui est plus élevé que prévu (cf. Dares, b., p. 6). La réorganisation du travail, son intensification, la prolongation des périodes travaillées (soir, week-end), des formes d'annualisation du temps de travail, la suppression de pauses payées: tous ces changements, autorisés voire encouragés par les lois «Aubry», ont contribué à l'augmentation de la productivité. Les salarié·e·s le paient de diverses manières: fatigue accrue, moindre maîtrise sur son temps (dans nombre d'entreprises, les salarié·e·s ne choisissent pas, ou que partiellement, quand ils prennent leurs jours RTT), et moins de création d'emplois.
• Une modération salariale. En 2000, un accord sur deux introduisant les 35 heures prévoit un gel ou une modération salariale, durant presque deux ans en moyenne. La Dares estime qu'il en a résulté en moyenne une perte de 1 % pour les salarié·e·s concerné·e·s (cf. Dares, b, p. 8). La contribution des salarié·e·s est, ici également, directe.
• Les allégements de cotisations sociales accordées aux entreprises. Pour les entreprises ayant bénéficié des aides incitatives prévues par la loi «Aubry I», ces allégements correspondent à environ 4 % du coût du travail, en fait souvent davantage dans la mesure où cela peut se cumuler avec les aides mises en place par la loi «Aubry II». A nouveau, ce sont les salarié·e·s qui, indirectement, contribuent au financement de ces allégements.
Ce sont ces choix qui expliquent que le patronat français a adopté une attitude très pragmatique face aux 35 heures. Il maintient une opposition de principe ; demain, par exemple si la droite revient au gouvernement, il fera pression pour permettre le rallongement du temps de travail. Mais, les 35 heures ne lui ont rien (ou très peu) coûté. Mieux: elles lui ont permis de faire un bon en avant dans la réorganisation du travail et dans la diffusion de la flexibilité, bref dans la «modernisation» des entreprises. Le patronat s'en réjouit.
Quant aux salarié·e·s, il ne fait pas de doute que la diminution du temps consacrée au travail est appréciée lorsqu'elle est effective et qu'elle va de paire avec une maîtrise au moins aussi grande qu'auparavant sur son temps de travail. Mais nombre de salarié·e·s paient les 35 heures par une mise sous tension encore accrue. Sans parler de celles et ceux qui se sont tout simplement fait voler, en toute légalité (car ainsi sont faite les lois de ladite «gauche plurielle» française) la réduction du temps de travail: en perdant dans l'affaire pauses payées ou jours fériés, en ne pouvant quasiment pas choisir quand ils prendront leurs heures, ou leurs jours, RTT.
Un tel bilan ne peut pas être considéré comme «globalement positif» par un syndicaliste. Il est la conséquence directe du choix de ne pas toucher aux profits des entreprises. Un choix que l'on retrouve entièrement dans l'initiative de l'USS.
Il ne sera pas possible de mettre en place une réduction du temps de travail n'ayant pas les tares de l'expérience française sans rompre avec un tel choix de base. Pour ne pas être alors étouffé par les pressions patronales et les menaces à la délocalisation, cela exige de donner une dimension continentale, au moins, à la bataille pour une forte réduction du temps de travail. Et d'assumer la dynamique anticapitaliste de cette revendication. C'est aussi de cela qui devrait être débattu au sein du mouvement syndical, au lendemain de la votation du 3 mars.
Les lois sur les 35 heures en France
Les lois ayant contribué à l'introduction des 35 heures en France sont nombreuses et constituent un dédale complexe. Quelques points de repères très succincts.
La loi du 11 juin 196, dite loi «Robien» a institué un système d'aide aux entreprises qui réalisent une réduction du temps de travail (RTT) pour favoriser l'emploi. La loi «Robien» comprend un volet offensif: les entreprises s'engagent à augmenter leurs effectifs de 10 % en cas de diminution du temps de travail de 10 %. Le volet défensif est symétrique: les entreprises s'engagent à sauver 10 % des emplois menacés dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif, en cas de diminution du temps de travail de 10 %. En compensation, l'employeur bénéfice d'une réduction des cotisations sociales importante.
La loi du 13 juin 1988, dite loi «Aubry I» a abrogé la loi «Robien». Elle fixe la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires (précédemment 39 heures) au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salarié·e·s et au 1er janvier 2002 pour les autres.
Pour les entreprises qui diminueraient leur temps de travail avant 2000, la loi «Aubry I» prévoit aussi une aide incitative, sur le modèle de la loi «Robien». Les conditions sont cependant assouplies (!): il suffit pour en bénéficier de créer, ou de préserver, 6 % de places de travail pour une diminution du temps de travail de 10 %.
Ces aides incitatives ne sont plus valables pour les entreprises passant aux 35 heures après le 1er janvier 2000. De plus, des entreprises ont choisi de passer aux 35 heures avant 2000 sans faire appel aux aides incitatives, et donc sans avoir à se soumettre aux contraintes qui leur sont liées.
La loi du 19 janvier 2000, dite loi «Aubry II», confirme le passage aux 35 heures, définit la manière de calculer la durée effective du travail, règle la question des heures supplémentaires et du salaire des personnes payées au minimum légal du SMIC. Enfin, elle prévoit un allégement durable des cotisations sociales. Pour en bénéficier, il suffit que les entreprises signent avec les représentant·e·s du personnel un accord majoritaire, fixant un horaire maximum de 35 heures (mais sans obligation sur l'ampleur effective de la baisse), et prévoyant des créations d'emplois (mais sans seuil minimum). (Source: Dares, b, p. 9)
Des sources officielles sur les 35 heures
La Direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques (DARES) du Ministère de l'emploi et de la solidarité a notamment publié au cours de la dernière année trois études sur la mise en œuvre des 35 heures. C'est de ces sources très officielles, a priori favorables aux lois sur les 35 heures, que proviennent l'essentiel des données citées dans cet article. Il s'agit de: a) «Les effets de la réduction du temps de travail sur les modes de vie: qu'en pensent les salariés un an après ?», Premières synthèses, mai 2001 ; b) «35 heures: 3 ans de mise ne œuvre du dispositif «Aubry I», Premières synthèses, février 2002 ; c) «Les modalités de passage à 35 heures en 2000», Premières synthèses, février 2002. Ces documents peuvent être consultés sur Internet: http://www.travail.gouv.fr/etudes/etudes_h.htm
(février 2002)
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