Suisse
Assurance chômage: l'heure des choix approche
Les Chambres fédérales sont sur le point d'adopter la version définitive de la révision de l'assurance chômage (cf. à l'encontreN° 4, Dario Lopreno, «La révision de la loi fédérale sur l'assurance chôamge est sur le point d'aboutir. Coupables de chômage», pp.31-34). L'élimination des divergences et le vote final pourraient intervenir en mars prochain déjà.
Les modifications essentielles sont deux coups de sabre dans les droits des personnes sans emploi. Premièrement le nombre d'indemnités serait réduit de 520 à 400 (deux ans à une année et demie), sauf pour les personnes de plus de 55 ans. Deuxièmement, il faudrait désormais avoir cotisé une année – et plus six mois – pour avoir droit aux indemnités.
D'ici mars, les syndicats devront donc se prononcer et décider s'ils vont considérer que cette nouvelle attaque contre les chômeuses et les chômeurs est «à l'extrême limite de l'acceptable» (J.-C. Rennwald, vice-président de l'USS), ou s'ils vont réagir et contester cette révision par référendum.
Il est utile dans ce contexte de citer la prise de position du professeur Bernd Schips. Celui-ci est directeur du KOF, le Centre de recherches conjoncturelles de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), un organisme qui a un statut semi-officieux en Suisse. Ce n'est donc pas exactement un syndicaliste, et encore moins un critique du capitalisme. Pourtant, le titre de sa prise de position parue dans l'hebdomadaire Cash du 23 novembre 2001 est net: «Moins de prestations de l'assurance chômage n'apporte rien».
B. Schips rappelle l'évidence: le caractère fallacieux de la «démonstration économique» censée fonder les actuelles coupes dans l'assurance chômage. Selon ce raisonnement, repris par les milieux patronaux et le Conseil fédéral, c'est l'augmentation des prestations de l'assurance chômage, au milieu des années 90, qui aurait provoqué une augmentation du nombre de personnes sans emplois. On aurait affaire à un «chômage volontaire» de personnes «profitant» de la générosité des assurances sociales. Selon de «raisonnement», le remède serait donc simple: réduire les prestations, afin de décourager le «chômage volontaire».
B. Schips souligne que cela revient, en se fondant sur une corrélation – entre 1991 et 1994, puis entre 1995 et 1997, le nombre de chômeurs·euses augmente en même temps que le nombre des indemnités –, à inverser causes et effets. Ou à proposer de casser le thermomètre pour faire disparaître la fièvre. L'enchaînement effectif a été à chaque fois un recul massif de l'emploi, qui a plongé des dizaines de milliers de personne au chômage et qui a obligé les autorités fédérales à étendre la durée des prestations, sous peine de voire exploser encore plus fortement des phénomènes de pauvreté et les recours à l'aide sociale. Dès que la croissance économique a débouché sur des créations importantes de postes de travail, en 1998, le chômage a d'ailleurs reculé.
Cette réflexion, qui n'a par ailleurs rien d'original, confirme que l'actuelle révision de l'assurance chômage n'a rien à voir avec une prétendue lutte contre le «chômage volontaire» ; elle constitue une étape supplémentaire dans la mise sous contrainte des personnes sans emploi afin qu'elles acceptent n'importe quel boulot aux conditions dictées par les employeurs. Et qu'elles jouent ainsi leur rôle de pression sur les conditions de travail de l'ensemble des salarié·e·s.
Les dirigeants de l'USS se sont montrés forts accommodants jusqu'à maintenant au sujet de cette révision. Seraient-ils plus flexibles que le professeur Schips ?
(février 2002)
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