Le Conseil fédéral nous vend un mirage
• Avec la libre circulation des salarié·e·s élargie à l’UE à 25 «l’économie suisse devrait profiter de cette main-d’œuvre bon marché. Car certains salaires vont immanquablement se retrouver sous pression.» (Le Temps, 8.5.05) C’est un fait.
Aucune «vague massive d’immigration» ne va se produire, contrairement à ce que prétend la démagogie xénophobe à la sauce UDC, ASIN ou Démocrates suisses. Le problème est ailleurs: la Suisse, au centre de l’Europe, est un îlot de non-droit du travail pour tous les salarié·e·s. La protection contre les licenciements y est quasi inexistante, ce que le Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du Travail a condamné en 2004. Pour le droit à la libre expression sur le lieu de travail, la Suisse est au 25e rang des pays développés. Quatre salarié·e·s sur cinq ne sont pas couverts par des conventions collectives avec des minimums salariaux à respecter.
• Tous les salarié·e·s – résidant ou venant en Suisse – doivent disposer de moyens efficaces pour se défendre collectivement. Sans cela, la «libre circulation» est pour le patronat un levier supplémentaire pour mettre en concurrence des salarié·e·s entre eux, avec les divisions accrues qui en découlent.
• Les milieux économiques avaient et ont intérêt à faire accepter les Bilatérales par le peuple. En 2003, l’Union syndicale suisse (USS) constatait que ce «contexte offre au syndicat la chance rare d’accroître l’importance des conventions collectives de travail». Et d’autres droits collectifs. Dès 2002, elle avait établi un socle minimum d’exigences:
– «Une convention collective (CCT) pour toutes et tous», si possible ayant la force d’une loi.
– Des salaires minimaux pour toutes et tous. Ils «sont la seule protection contre les pressions à la baisse qui s’exercent… dans le cadre de la libre circulation des personnes».
– Une protection renforcée contre les licenciements, en particulier «des représentant·e·s élu·e·s des travailleurs·euses». Car, sans une protection contre les licenciements, «il est irréaliste de croire à l’efficacité des contrôles des conditions de travail» par les commissions tripartites (représentants des employeurs, des syndicats et des cantons). En effet, ces dernières – censées intervenir contre «la sous-enchère salariale abusive et répétée» et les violations de la Loi sur le travail – «vont dépendre des renseignements que leur fourniront les représentant·e·s du personnel».
• Aujourd’hui, le bilan est clair:
– Aucune de ces mesures – pourtant fréquentes au sein de l’UE! – ne fait partie des «mesures d’accompagnement» votées par le Parlement en décembre 2004.
– Les règles minimales en vigueur sont très souvent violées. Dans des branches, comme la construction, où le syndicat est présent, 40% à 50% des contrôles mettent déjà en évidence des infractions. Pas difficile d’imaginer ce qui se passe ailleurs, là où le syndicat est absent et les contrôles plus que rares!
– Pourtant, les principaux dirigeants de l’USS nous demandent d’accepter ce «paquet fédéral». Ce serait «mieux que rien». De plus, selon eux, il faut s’en remettre aux employeurs et aux cantons pour «appliquer vraiment» les mesures d’accompagnement, tellement elles échappent au contrôle des salarié·e·s.
• Le paquet soumis en votation ne répond pas du tout aux objectifs basiques avancés par le mouvement syndical.Il faut donc commencer par dire NON le 25 septembre. Si le NON l’emporte, il sera possible de saisir à nouveau cette «chance rare». C’est-à-dire gagner une majorité en faveur de quelques droits élémentaires:
1° Une protection renforcée contre les licenciements. A commencer par l’interdiction de licencier les représentant·e·s élus des salarié·e·s. Tout licenciement injustifié doit pouvoir être annulé, comme le congé dans le droit du bail à loyer.
2° La force de loi des CCT (extension à la branche) doit pouvoir être exigée par les salarié·e·s organisé·e·s dans un syndicat, sans que l’accord des employeurs soit exigé.
3° Dans toutes les branches où il n’existe pas de CCT: fixation de l’horaire maximal, du salaire minimal (sans qualification ni expérience) et du salaire effectif (usuel) par l’autorité (cantons, Confédération); c’est-à-dire le contenu essentiel d’un contrat-type de travail.
4° Les employeurs doivent annoncer – avec publication dans les organes officiels électroniques (en respectant l’anonymat) – les salaires et les qualifications de toute nouvelle personne engagée. Les syndicats pourront utiliser ces données, notamment dans les commissions tripartites, et les rendre publiques.
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