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Droits à l’emploi,
à la formation et au revenu
Pour produire un autre «vivre en commun»

    « Le chômage, c’est bientôt fini ! » Ce slogan gouvernemental pourrait presque être assimilé à de la publicité mensongère.

    Le chiffre de quelque 85 000 chômeuses et chômeurs fait la première de la presse. Un tel chiffre ressemble aux annonces de vendeurs d’automobiles : « Voiture neuve à moitié prix » ! Mais les lecteurs savent qu’il faut lire les informations en petits caractères, car elles indiquent le nombre et le montant des versements à effectuer pour s’acquitter d’une « grosse » seconde moitié. Un tel réflexe n’existe pas encore face aux chiffres du chômage. La supercherie officielle peut donc marcher.

    En réalité, les personnes qui recherchent un emploi sont, officiellement, au nombre de 160 000. Ainsi, si quelqu’un est « casé » par l’office de placement dans un programme d’emploi temporaire, il n’est plus comptabilisé comme chômeur. Pourtant, tous les jours, il s’inquiète, à la recherche d’un véritable emploi salarié qu’il n’a pas.

    Et si toutes celles et tous ceux qui ont besoin d’un emploi étaient dénombrés, le seuil des 250 000 serait dépassé. Ce chiffre est présenté dans des études plus ou moins confidentielles ; il est absent des discours autorisés.

« On n’a plus
le temps… »

    « Le chômage n’est pas fini ; les conditions de travail ont changé et se sont dégradées. » Cette formule décrirait assez bien ce qui se passe. Dit autrement, les conditions de vie et de travail sont soumises, avec rigueur, aux impératifs d’une course forcenée aux profits. Celle-ci pousse à contracter la part des salaires dans la richesse produite.

  • « Se dépêcher tout le temps » ; « craindre de faire une erreur et d’être sanctionné » ; « devoir assurer la qualité, sans en avoir le temps » ; « devoir faire des heures supplémentaires sans être payé » ; « être obligé de donner son samedi » ; « avoir peur de manquer un jour, parce que la direction pourrait me renvoyer » : voilà des réflexions que l’on entend tous les jours.
    Pourquoi une telle situation ? Parce que la vie des salarié·e·s est considérée comme une « simple ressource humaine ». Elle doit donc rendre au maximum, comme une machine, un programme d’ordinateur ou une culture de tomates hors sol.

  • La nouvelle loi sur le travail (LT de 1998) a été coupée sur mesure par le gouvernement fédéral (tous partis confondus) pour faciliter des types de « culture du travail » à bas coûts, hors respect du temps de vie des salarié·e·s.
    Ainsi, des statuts précaires se multiplient : contrats de très courte durée ; travail temporaire ; travail à la demande et sur appel ; pseudo-indépendants qui exercent des activités de sous-traitance. Résultat : les existences des gens se sont précarisées.
    Beaucoup de petites entreprises et de bureaux se trouvent, face aux grands groupes qui « leur passent des commandes », dans la même situation qu’un salarié « temporaire ».

 

Créer une réaction collective

    Cette barbarie économique indique la nécessité d’un choix fondamental : le travail doit devenir un droit, afin qu’il s’émancipe de la dictature économique. Alors, le travail deviendrait un élément important – pas l’élément ! – d’un autre vivre en commun, parce que pourrait se développer ce que chacun et chacune sait déjà faire, tente de faire ou voudrait faire.

    Un tel renversement de perspective demande la réinvention d’une culture de réaction collective, afin de contrecarrer les sentiments de peur, de frustration, d’amertume, d’animosité envers « les autres ». Une telle réaction collective se bâtit à partir de besoins. Alors, des visées communes peuvent se former et déboucher sur la légitime exigence d’un droit à l’emploi, à la formation et à un revenu. Une telle réaction collective a une chance de se déployer dans la mesure où de tels droits deviennent des objectifs facilitant la reconnaissance et le respect de celles et ceux avec qui l’on travaille ainsi que des personnes qui cherchent un emploi.

    Ces droits constituent les premières conditions nécessaires pour produire un autre vivre en commun. Inscrire de tels droits dans la réalité européenne, c’est voir devant, donc être réaliste.

 

Etablir
des perspectives

    Et voir devant, c’est aussi indiquer les premiers pas à franchir dans cette direction :

    => Mettre en marche une forte réduction du temps de travail, accompagnée d’un maintien intégral du pouvoir d’achat ; si le temps de travail diminue de 10 %, un nombre équivalent d’emplois doit être créé ; enfin, les frontières des horaires doivent être claires : par exemple 5 x 7 heures ou 4 x 8 heures.

    => Mettre la précarité hors la loi. Travail temporaire, travail sur appel, faux indépendants : la seule raison d’être de cette précarité organisée est de mettre à disposition des employeurs une main-d’œuvre condamnée à s’adapter aux exigences des « carnets de commandes », dans un contexte de folle concurrence. Ces statuts facilitant les abus de pouvoir doivent être interdits. Un nouveau droit au travail doit être mis sur le métier.

    => Mettre l’interdit sur le travail de nuit des femmes comme des hommes. Là où il est absolument indispensable (hôpitaux, etc.), il doit être compensé par une réduction importante du temps de travail. Les repos des fins de semaine doivent bénéficier de la même protection.

    => Assurer aux chômeuses et aux chômeurs un revenu suffisant, pour les aider à retrouver un emploi. Les autorités culpabilisent les chômeurs·euses : ils / elles ne feraient « pas assez d’efforts pour s’en sortir ». Le but est de les obliger à accepter rapidement un emploi, même à des conditions gravement détériorées. La proposition de diminuer fortement le nombre d’indemnités chômage va dans ce sens.
    Il faut au contraire leur assurer un revenu suffisant : il ne doit plus y avoir de personnes en « fin de droit ». Les demandeurs d’emploi pourront alors concentrer leurs ressources pour réactualiser et renforcer leurs compétences professionnelles. Ils seront ainsi dans une meilleure position pour affronter le marché du travail. La mise en concurrence de ceux qui disposent d’un emploi avec ceux qui en cherchent un sera freinée.

    => Introduire un droit de réquisition sur les entreprises afin de contrer les licenciements collectifs. Les pouvoirs publics et les régies fédérales ont un pouvoir de réquisition (sur des terrains, par exemple) pour réaliser des tâches d’intérêt public. Un droit analogue est urgent pour défendre l’emploi face aux décisions de firmes qui licencient des salarié·e·s afin de regonfler le cours de leurs actions et de distribuer plus de dividendes à leurs actionnaires.

    => Obtenir le droit des salarié·e·s à une voix prépondérante dans l’établissement des horaires et dans l’organisation du travail, dans les grands groupes et les services publics qui dictent les règles de la vie sociale et économique d’un pays.