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Elections nationales octobre 1999

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Course forcenée aux profits
Une nouvelle oligarchie
façonne la vie sociale

 

    « Contre la course forcenée au profit ! Ré-inventons le bien commun », voilà une formule qui ne manque pas d’ambition, démesurée dira-t-on.

    Pourtant, une attention un peu soutenue portée aux divers rapports des agences de l’ONU – travail, santé, alimentation, eau, environnement – démontre que le constat est net sur les désastres en cours comme sur les possibilités matérielles, techniques, scientifiques existantes pour y faire face. Ces possibilités ne seront réunies et mobilisées, dans l’intérêt de la vaste majorité de la population, que si cette dernière – aujourd’hui expropriée de la parole et du pouvoir – peut participer à la formulation de droits et de règles et en contrôler l’application.

    L’ambition du slogan est donc à la mesure de cette indispensable participation active à la recherche de réponses raisonnées face à des urgences identifiées, mais vite délaissées – dans la pratique – par les dominants.

La politique abandonne la partie

    Comme elle se présente à l’occasion de ces élections nationales, la représentation politique doit être contestée sur le fond. Pourquoi ?

  • Elle fait silence sur une évidence : les autorités acceptent, explicitement, la prédominance des intérêts égocentriques – par définition – des maîtres de l’économie. Ainsi, le pouvoir étatique et politique ne cesse de répéter : « Faites confiance à l’économie ». Le débat sur l’avenir d’Expo.01 a, au moins, permis d’exposer cette subordination. Il en va de même pour le futur des télécommunications, de la poste, des CFF, de l’électricité, de la recherche scientifique, des systèmes d’information-éducation et de la « protection de la maladie et de la vieillesse ».

    Selon le Conseil fédéral, du « libre jeu » des intérêts de chaque grand groupe économique devrait naître la solution des problèmes de la société. Dès lors, le pouvoir doit s’opposer à toute ingérence dans le « domaine réservé » de ces titans. Et, nouvelle règle de « gestion de la société », le gouvernement et l’Etat revendiquent le mérite d’être dépossédés de l’essentiel de leurs pouvoirs dans les secteurs où les géants de la finance ou de l’industrie étendent leur souveraineté.

  • Faire l’impasse sur cette expropriation accrue des droits démocratiques et nourrir l’illusion que la représentation parlementaire est le seul recours efficace participent d’une duperie dangereuse. D’un côté, une telle attitude laisse le terrain libre aux populistes qui utilisent la perception largement partagée d’une impuissance « du peuple » face au « monde de l’économie ». De l’autre, la politique est vidée de sa substance : c’est-à-dire l’expression des oppositions profondes qui structurent la société.

 

La rentabilité déclare l’affrontement

    Camouflant ce que tout observateur peut pourtant constater, les forces de la gauche officielle se refusent à dire sans détours : nous vivons dans une économie capitaliste ; elle a pour critère essentiel la rentabilité du capital investi dans la production, la distribution et les services ; la maximisation du profit engendre des effets désastreux, même s’ils ne sont pas recherchés délibérément.

    Pour répondre à cette contrainte de la rentabilité, la bourgeoisie est en lutte, activement. Ses membres doivent conduire des batailles face à des concurrents, pour garder ou élargir des marchés. La « guerre économique » est mondialisée ; les sociétés et leurs membres doivent s’aligner ; ce qui est en jeu n’admet pas la délibération démocratique.

    Bon gré mal gré, les « dirigeants économiques » doivent « sortir du 15 %-18 % » par année. C’est devenu la norme pour jouer dans la cour des grands et ne pas être éliminé ou racheté. Les actionnaires rendus voraces sont sans cesse à l’affût de meilleurs placements. Un emprunt à une grande banque reçoit le feu vert à condition de montrer des livres de comptes avec, en bas à droite, des résultats « indiscutables ».

    De telles performances (« ratio de profitabilité ») ne tombent pas du ciel. Pas de miracles. Les voies du succès : serrer les boulons des salarié·e·s (intensification du travail, licenciements, enveloppe salariale comprimée) ; resserrer les marges des sous-traitants ; échapper au maximum aux impôts, tout en sollicitant des subventions de l’Etat.

    Les grands entrepreneurs et financiers donnent le ton de l’affrontement avec les « entrepris », c’est-à-dire les salarié·e·s. Une lutte de classes, partie d’en haut, a été déclarée. Cette formule a trouvé un écho en Suisse. En effet, l’expérience est faite que le patronat et la droite ne font plus de compromis, même autour de « tables rondes ».

    Autrement dit, les dirigeants économiques tendent à s’opposer au reste de la société en raison même de leurs actes. Le fonctionnement du capitalisme mondialisé, soumis aux injonctions des placements financiers, aboutit à cliver la société. « L’intérêt général » s’agenouille devant « l’intérêt particulier ».

 

Interroger l’usage de la grande propriété

    L’oligarchie au pouvoir capte le malaise. D’où ses efforts de communication, ses journées d’étude sur « l’homme, vrai capital de l’entreprise », slogan qui rappelle la célèbre brochure de Staline : « L’homme, le capital le plus précieux » !

    Questions et réponses sur ce thème illustrent l’embarras. Ainsi la Banque cantonale vaudoise interroge un professeur de l’Université de Lausanne : « Comment les entreprises peuvent-elles jouer leur rôle en faveur de leurs collaborateurs et indirectement de l’épanouissement de la société ? » Réponse : « Elles doivent renoncer à poursuivre des objectifs économiques et financiers à l’exclusion et au détriment de toute autre considération et chercher à trouver un équilibre entre des intérêts économiques, sociaux, culturels et écologiques » (Reflet, octobre-novembre 1999). L’intention affirmée semble honorable. Mais, elle est promise, à coup sûr, à être inscrite sur la longue liste des vœux pieux.

    En effet, tant que la société et les salarié·e·s – dans leur diversité et avec leurs connaissances et attentes – laisseront intact le champ d’exercice de l’économique, pour ne pas parler du cœur du système, il n’y aura pas possibilité de faire converger les droits politiques, économiques, sociaux, écologiques et culturels.

    Le déchaînement d’un capitalisme mondialisé a réactualisé deux interrogations essentielles : 1° sur les formes d’appropriation des grands moyens de production et de communication (l’avalanche de fusions parmi les principales transnationales) ; 2° sur l’usage qui est fait de cette propriété de plus en plus concentrée. Dit autrement : quelles formes et quels usages de la grande propriété pourraient la rendre propre à répondre à des urgences criantes : l’emploi, l’accès à l’eau et au logement, la santé, l’égalité… ?

    Comment pourrait s’organiser une production sociale de l’existence humaine qui prendrait appui sur le potentiel d’intelligence générale, de savoir-faire, de capacités de délibérations, potentiel mobilisé déjà aujourd’hui, mais canalisé dans l’étroite voie de la rentabilisation d’un capital aux caractéristiques fortement rentières ?

    Ces questions apparaissent débordantes. Peut-être. Mais, pratiquement, tous les jours, le système capitaliste, lui, les traite à partir des sommations des marchés financiers. Face à cela se dresse l’exigence sociale et éthique d’initier une mise en cohérence d’alternatives qui, en pointillé, ré-invente le bien commun.

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