Immigration et asile
Du « hors droit »
à la convergence des droits
Lhistoire du capitalisme est marquée par de vastes migrations de populations. A la veille de ce siècle, des millions dEuropéennes et dEuropéens parmi lesquels de nombreux Suisses ! sont partis à la recherche dune nouvelle vie aux Amériques.
Après la Deuxième Guerre mondiale, des centaines de milliers de travailleurs immigrés sont venus en Suisse : Italiens, Espagnols, Portugais, Yougoslaves
Et noublions pas les réfugiés : Hongrois, Tchèques, Vietnamiens, Kurdes, Tamouls, Angolais ou Kosovars. Les raisons de ces migrations ne sont pas mystérieuses :
- Les employeurs des économies dominantes vont puiser dans les réservoirs de « travailleurs désoccupés » des pays avoisinants. En une phrase : « ils importent des bras ».
- Depuis les régions laissées sur les bas-côtés des autoroutes sélectives du développement émigrent des femmes et des hommes. Le départ est souvent une déchirure. Ils partent « au loin » pour chercher un emploi, pour fuir linfortune, pour tenter daider leurs proches et, demain peut-être, retourner au pays.
- La mondialisation capitaliste a fait de la planète un archipel constitué, dans chaque continent, de grandes métropoles qui attirent des migrants pour assurer « leurs diverses tâches domestiques ».
- Les guerres et les persécutions souvent attisées par le pillage conjoint des banques créancières occidentales et des élites locales corrompues enlèvent la liberté de vivre dans leur pays à des populations entières. En très grand nombre, elles cherchent refuge dans dautres régions pauvres. Seule une infime minorité de migrants se risque à escalader les enceintes légales et de barbelés dressées autour des pays riches.
Des « marchandises » pour contrebandiers
Comme les quartiers huppés des grandes métropoles, les pays nantis « se protègent » des flux migratoires derrière un mur fait de contrôles policiers et de mesures dissuasives. En Suisse, une telle stratégie a été adoptée par tous les partis gouvernementaux. Même si certains, par souci de marketing, laissent transparaître sous le strict uniforme du gendarme un « bon cur », élastiquement charitable.
- Cette politique du cadenas est trompeuse. En effet, hier comme aujourdhui, il savère illusoire de maîtriser les frontières. Leur fermeture aboutit à fabriquer des clandestins, à multiplier les contrebandiers industriels de migrants ainsi que les marchands de travailleurs-euses au noir.
Dès lors se crée une zone grise où évoluent, sans droits, des salarié·e·s précaires et leur famille.
- Cette politique condamne les réfugiés, les demandeurs dasile et une part des immigrés à trouver leur chemin dans un lacis de discriminations. La multiplicité des permis et des statuts sanctifie larbitraire et viole les droits de la personne : le saisonnier ne peut faire venir sa famille ; le clandestin paie très souvent des assurances sociales, mais ne peut en jouir ; le détenteur dun permis annuel vit dans lincertitude de son renouvellement.
Les droits politiques (vote et éligibilité) sont déniés à tous les étrangers, même après des années de vie, de travail, détudes en Suisse.
Enfin, sont projetées sur la place publique des « figures » suscitant la méfiance : le « faux réfugié », le « Slave délinquant » ; elles rappellent celle du « rital fainéant » des années 50 et 60. Ces préjugés officialisés blessent et peuvent rendre pénibles même de simples démarches administratives.
Linjustifiable
devient la norme
Ces zones grises du marché du travail et le système de discriminations offrent des laboratoires à un chapelet dentreprises. Elles y expérimentent le contournement, plus ou moins raffiné, des lois, des Codes et de la Constitution. Inévitablement, des entreprises ayant pignon sur rue les imiteront.
- Laccoutumance vient vite. Ainsi, admettre le statut inadmissible de saisonnier facilite lacceptation, dans les mentalités, dune extension du statut de travail à la demande ou sur appel. Cultiver au grand jour le « hors-contrat » et le « hors-la-loi » dans la construction ou la restauration parce quils frappent des réfugiés ou des immigrés aboutit à dévaluer le sens et le contenu dun contrat de travail dans les bureaux ou les grandes surfaces.
Lhyperréglementation des migrations conduit ainsi à instaurer une situation dexception permanente pour des migrants. Par effet de contagion, la déréglementation des conditions de travail pour des secteurs de salarié·e·s précarisés, nationaux et immigrés installés, peut plus facilement se diffuser.
- La stratégie officielle du bunker attise la xénophobie et le racisme. En effet, afin de camoufler le sens et la réalité de leurs politiques « de migration contenue » ou « de très bas taux dacceptation de lasile », les autorités montent en épingle le thème de linsécurité.
Or, ce sont ces autorités qui provoquent linsécurité. Elles multiplient les interrogations trompeuses sur la solidité financière de lAVS, symbole dun avenir protégé. Elles minent la vraie sécurité, qui ne peut être que sociale : emploi, santé, logement. Elles utilisent des frustrations et des craintes diverses pour susciter des réflexes sécuritaires : « Il faut de lordre ». Dans ce climat, des boucs émissaires peuvent facilement être désignés : les requérants dasile, les immigrés, les « étrangers ».
Sur un tel terreau cultivé par les forces gouvernementales, rien détonnant à ce que Blocher puisse prospérer.
Réunifier les « droits
de lhomme,
du citoyen et
du salarié »
Une politique respectueuse des droits de la personne et du citoyen doit prendre acte du caractère irréversible des migrations et se féliciter de leur potentiel denrichissement de la collectivité, sur les plans culturel, social et économique.
=> Sur cette base pourront et devront être élaborées les règles pour un vivre ensemble dans des sociétés où la multi-appartenance à des langues, à des cultures, à des histoires renforce laptitude de chacun à estimer la valeur de chaque apport particulier. Des exemples existent qui indiquent les possibilités dune telle avancée : depuis les manifestations musicales et culturelles bigarrées et cosmopolites jusquaux multiples initiatives scolaires qui impliquent des échanges dits interculturels.
=> Sur cette base devraient se nouer des actions faisant converger le refus de toute discrimination envers les immigré·e·s et la mobilisation pour une revalorisation générale de la protection contractuelle du travail. Voilà une voie pour que séchafaudent des collectifs solidaires sur les lieux de travail
et donc aussi hors du travail.
=> Un vivre ensemble pour vivre bien les rencontres dexpériences diverses se constituera parallèlement à lexigence constante dune totale égalité de droits, y compris politiques, pour toute personne vivant et travaillant dans ce pays.
=> Le droit de chercher asile et de bénéficier de lasile doit être inviolable, car il protège, dans un monde où les guerres et les persécutions sont, hélas, monnaie courante, la liberté de vivre.
Léloge officiel du libre-échange, du « village planétaire », de léconomie-monde est quotidien. Par contre, aucun pas concret nest accompli dans la reconnaissance dun peuple-monde avec tous ses droits proclamés pourtant par la visionnaire « Déclaration universelle des droits de lhomme », en 1948 déjà. Une telle reconnaissance exigera que la « tyrannie des marchés » ne prédomine plus à léchelle planétaire.
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