Avec la suppression du statut,
c'est l'avenir des services publics qui est en jeu!
La révision du statut des fonctionnaires dans le canton de Vaud a lieu dans un contexte marqué par une transformation en profondeur des services publics en Suisse.
Les services publics: une cible privilégiée
Depuis le Livre blanc du gotha patronal suisse en 1991 aux récents propos du «Chief Executive Officier» du Crédit Suisse, Lukas Mühlemann, une idée est martelée sans relâche: «abandonner les monopoles étatiques au profit du Marché». Des Postes aux Télécommunications, des Chemins fer à l'Electricité, en passant par l'Ecole ou la Santé, des pans entiers du service public doivent être offerts aux capitaux assoiffés de profits. La rentabilité sociale se voit ainsi sacrifiée sur l'autel de la rentabilité financière.
Le sort réservé à l'ancienne Régie fédérale des PTT au cours de la dernière décennie illustre l'ampleur du chemin déjà parcouru. Dans le secteur des télécoms, la privatisation est lancée, avec comme corollaire des suppressions d'emplois et l'abandon progressif du statut de fonctionnaire. En ce qui concerne La Poste, elle subit une érosion lente et inexorable de ses prestations: de deux livraisons de courrier par jour à une seulement, d'un tarif unique modéré à des prix différentiés A et B qui prennent l'ascenseur, d'un réseau exemplaire de bureaux postaux dans chaque quartier et chaque commune à un filet aux mailles de plus en plus lâches, et enfin d'un personnel disponible à des employé·e·s surchargé·e·s.
Tirés par cette même locomotive, les CFF suivent la voie. Si son statut reste public, la gestion des chemins de fer est d'ores et déjà soumise aux critères de la rentabilité financière maximale. Les salarié·e·s en ont déjà fait l'expérience: compression des salaires, accroissement des rythmes de travail et suppression de plusieurs milliers d'emplois. Les usagers, quant à eux, ont également commencé à passer à la caisse, que ce soit par l'augmentation régulière des tarifs, par la fermeture des petites gares moins rentables ou encore par la diminution des dessertes régionales.
Au niveau cantonal, les écoles comme les hôpitaux, les structures d'accueil de la petite enfance comme les EMS, n'ont pas été épargnés. Sous la pression constante des déficits budgétaires, savamment entretenus par les multiples cadeaux fiscaux offerts aux couches les plus aisées, la qualité des prestations publiques et parapubliques est continuellement dans le collimateur des autorités. Malgré les efforts quotidiens des salarié·e·s pour maintenir des services de qualité, les mesures d'austérité reviennent sans cesse avec de plus en plus de force. Ces vagues préparent le terrain des privatisations annoncées dans les domaines les plus rentables.
L'abolition du statut: un outil pour accélérer les privatisations
Le projet de statut du Conseil d'Etat vaudois, comme la révision en cours de la loi sur le personnel de la Confédération (LPers), sont parties prenantes du démantèlement des services publics. En supprimant la «nomination», en liquidant les «mécanismes salariaux» (annuités, échelle des salaires, etc.) et en introduisant le principe du «salaire au mérite», les autorités veulent se doter de nouvelles armes. Des armes permettant de donner un coup d'accélérateur à la privatisation des services publics.
- L'abandon du principe de la «nomination» facilite grandement le licenciement du personnel. Pour traduire le projet «Optima» (réorganisation du réseau des bureaux de poste à l'échelle fédérale) dans les faits, la Direction de La Poste sera bien contrainte de sacrifier une partie de ses employé·e·s. Or, la fermeture de plusieurs centaines de bureaux de poste ne peut se faire par le seul biais des préretraites, des départs plus ou moins volontaires, ou encore par des déplacements de personnel au sein de la société. Dans le même esprit, la fermeture planifiée des hôpitaux régionaux dans le canton de Vaud pourra se réaliser dans les plus brefs délais, si le Conseil d'Etat peut se prévaloir de ce nouveau cadre légal pour diminuer le nombre d'emplois. De plus, la pression au licenciement représente un formidable levier, que les employeurs du privé ne s'empêchent d'exploiter, pour réviser à la baisse les conditions de travail.
La liquidation des «mécanismes salariaux», comme l'introduction progressive du «salaire au mérite», permet à l'Etat de Vaud et à la Confédération de mettre en place une nouvelle politique salariale. Largement inspirée du «non-droit» qui règne dans le privé, cette politique salariale remet en cause les acquis collectifs au profit d'une mise en compétition des salarié·e·s entre elles/eux. Alors que les soins aux malades impliquent une coopération constante au sein d'un personnel soignant aux qualifications multiples, alors que la formation scolaire d'un jeune doit pouvoir s'appuyer sur une collaboration étroite entre chaque enseignant, nul doute que cette mise en concurrence détruira des solidarités indispensables à des services publics de qualité. Une péjoration des services offerts à la population qui conduira à ouvrir toutes grandes les portes d'un nouveau marché créé de toutes pièces: combler les lacunes d'un service public démantelé.
Un service public à ré-inventer
Face à cette vague déferlante, la lutte pour la défense du statut peut devenir le terrain d'une réinvention démocratique des services publics. Une réinvention qui doit partir de la définition collective, par les salarié·e·s et les usagers, des besoins (formation, soins, accueil de la petite enfance, etc.) devant être satisfaits par les services publics. Cela de manière indépendante à la fois du pouvoir d'achat et du lieu de vie de chacune et chacun. La réalisation de ces tâches nécessite de déterminer les conditions de travail (effectif, horaire, salaire, etc.) indispensables pour fournir des prestations de qualité. Simultanément, les objectifs collectivement assignés aux services publics doivent être soumis à la consultation et à la participation régulières des usagers, afin que l'évolution des besoins et l'ajustement des prestations puissent être intégrés. Enfin, le financement de ces services publics réinventés doit être assuré par une redéfinition d'ensemble de l'architecture fiscale, permettant d'allouer les moyens financiers nécessaires à la satisfaction des besoins définis démocratiquement.
L'aboutissement de ce projet nécessité de la persévérance. Une persévérance au moins égale à celle dont ont fait preuve le patronat et la droite au cours de cette dernière décennie dans l'élaboration, la défense et l'application de leur programme de privatisation des services publics.
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