Pour une libre circulation avec de véritables droits sociaux
Jean-Pierre Petignat *
Les accords bilatéraux sur l'extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l'UE n'associent pas les droits fondamentaux, droit à un emploi, libre choix de son travail à des conditions équitables et satisfaisantes, à la protection contre le chômage ainsi qu'à la protection contre les licenciements. Les gagnants sont clairement désignés: le patronat qui baisse les salaires, flexibilise le temps de travail et précarise les conditions de travail. Campagne publicitaire et mensongère sans précédent qui va coûter au moins 10 millions.
Chômage européen, salaires très inégaux et poussés vers le bas, droits syndicaux attaqués et «libre circulation» contrôlée de fait par le patronat sont des instruments contre les revenus salariaux, contre les droits sociaux ainsi que contre la dignité des salariés.
Les mesures d'accompagnement des accords bilatéraux I, entrées en vigueur en juin 2004, ont déjà montré leur inefficacité. Ceux qui sont sur le terrain constatent tous les jours la sous-enchère salariale, la précarisation du travail. Les mesures d'accompagnement prévues sont totalement déficientes.
Pourquoi ne pas avoir exigé que le Parti socialiste suisse et l'Union syndicale suisse posent comme conditions à ces accords, dans les branches sans convention collective de travail (CCT), un contrat type de travail fixant des salaires minimaux et le temps de travail? L'instauration de la force obligatoire d'une CCT sur demande des seuls salariés? Une protection sérieuse contre les licenciements (sans cela qui osera informer sur les abus répétés)? Une information transparente automatique sur le contenu des contrats, salaires, horaires et qualifications? Un véritable contrôle des contrats de travail? Dans la métallurgie, la mécanique et l'horlogerie, des salaires de base pour toutes les catégories professionnelles?
Le secteur industriel jurassien est particulièrement important dans l'économie. L'horlogerie, l'électronique, la métallurgie, les machines représentent 8800 emplois sur un total de 11 700. Près de 75% des entreprises ne sont pas conventionnées!
Les partis socialistes et l'USS soutiennent farouchement ces Bilatérales. Ils promettent de revendiquer, se battre et d'exiger des mesures concrètes de protection, mais après le 25 septembre! Ce sont des illusionnistes, ils seront totalement impuissants. Le patronat avec les cantons imposeront «leurs mesures d'accompagnement». Plus grave encore, les conventions collectives seront vidées de leur substance ou dénoncées. Ce qui est affligeant, c'est que ce sont les travailleurs qui seront encore et toujours les victimes. Les salaires baisseront, le chômage augmentera et la pauvreté s'installera durablement dans le Jura.
Un non aux mesures d'accompagnement votées par l'Assemblée fédérale n'enterrera pas les accords existants. Après un refus, le Conseil fédéral et les politiciens devront présenter une nouvelle copie, qui ne sera acceptable qu'avec de véritables protections pour les salariés suisses et immigrés. A défaut, l'édifice des relations bilatérales avec l'UE va se fissurer, ce qui obligera le patronat, qui tient tellement à ces accords, à se plier à la volonté populaire.
Ce sera l'occasion pour toutes les forces progressistes et défenseurs des salariés d'imposer, avec détermination, le droit à une libre circulation contrôlée et adossée à de véritables droits sociaux et syndicaux. Seul un non permettra d'y arriver.
* Député socialiste jurassien, ancien secrétaire FTMH et de l'Union syndicale jurassienne, syndiqué UNIA
Article paru dans Le Temps du lundi 19 septembre 2005
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