Vote du 25 septembre 2005
 
 

Supercherie et fausses évidences du OUI syndical

Pour un moratoire à la prétendue libre circulation des travailleurs
Pour une mise à niveau de la protection contre les licenciements avec celle des pays voisins
Pour la dignité de toutes et tous les travailleurs, suisses et immigré·e·s

NON le 25 septembre !

I
Les tenants du oui tentent de faire accroire aux citoyennes et citoyens que « la nouvelle protection des travailleuses et des travailleurs améliorera la position des salariés dans leur lutte contre la sous-enchère salariale et pour des meilleurs revenus » (P. Rechsteiner, conférence de presse du 13 juin 2005). P. Rechsteiner poursuit « Les revendications des syndicats pour une meilleure protection des travailleuses et des travailleurs s’inspirent entre autres de l’exemple luxembourgeois » (ibid.).

Or, il y a supercherie !

• En droit luxembourgeois, des délégué·e·s du personnel doivent être désignés dans tout établissement du secteur privé occupant 15 travailleurs ou plus. Ces délégué·e·s, comme le ou la délégué·e à l’égalité et le ou la délégué·e à la sécurité, ne peuvent pas être licenciés !

• En cas de licenciement irrégulier, le tribunal peut ordonner la réintégration immédiate du délégué dans l’entreprise (cf. art. 1, 34 et 35 de la loi luxembourgeoise du 18 mai 1979).

• De plus, le taux de couverture des conventions collectives du Luxembourg s’élève à près de 100% des salarié·e·s (Commission européenne, Emploi et affaires sociales, Le relations du travail en Europe, 2002, p. 50) !

Qu’en est-il ici ?

• L’Organisation internationale du Travail (OIT) vient de condamner la Suisse, en novembre 2004, précisément suite à une plainte de l’Union syndicale suisse (USS), pour non-respect de la liberté syndicale, plus précisément d’une convention fondamentale de l’OIT (Convention 98).

• En outre, moins d’un salarié du secteur privé sur cinq est protégé par une convention collective fixant un salaire minimum contraignant !

• S’agissant de la protection contre les licenciements, soulignons encore qu’en Suisse – à la différence des pays qui nous entourent (France, Allemagne, Autriche, Italie) ainsi que du Luxembourg – c’est au travailleur de prouver le caractère abusif du licenciement, ce qui est pour le moins saugrenu ! Un renversement du fardeau de la preuve n’est prévu que pour les représentants du personnel ; et même pour cette catégorie de salarié·e·s, les tribunaux admettent de manière tellement large les motifs économiques justifiant le licenciement qu’ils vident cette protection d’une grande partie de son sens.

Dans ces conditions, comparer la situation de la Suisse et du Luxembourg, c’est induire les citoyennes et les citoyens en erreur, les prendre pour des imbéciles. Seul un moratoire sur la soi-disant libre circulation, en votant NON le 25 septembre, pourra permettre d’éviter que les salaires pratiqués en Suisse ne soient nivelés par le bas en direction de salaires européens, avec un coût de la vie largement supérieur en Suisse.

Certes, il est possible d'invoquer – comme le font des dirigeants syndicaux inquiets – les futures mobilisations syndicales que les travailleurs·euses de ce pays, suisses et immigré·e·s, devront livrer. Mais les salarié·e·s devront les mener avec une main liée derrière le dos étant donné l’absence d’un droit du travail digne de ce nom.

II
Le patronat de ce pays a trop besoin des marchés de l'UE (pour ses exportations et ses investissements) pour qu’il puisse refuser de faire quelques modestes concessions aux organisations syndicales. L’acceptation par la majorité des dirigeants syndicaux de ce pays des mesures d’accompagnement au rabais est le fruit d’une tragique erreur d’appréciation sur ce point.

Certains se sont malheureusement compromis, comme Serge Gaillard, en se pavanant avec Peter Hasler, directeur de l’Union patronale suisse, et avec le conseiller fédéral Joseph Deiss. Serge Gaillard prend même comme exemple à suivre (voir Le Temps du 20 juin 2005) l’Angleterre de Blair avec ses nombreux working poor, travailleurs avec un salaire de misère, et avec un droit du travail guère meilleur que le nôtre. Ce ne sont malheureusement pas les dirigeants syndicaux qui paieront le fruit de ce mauvais compromis, mais les salarié·e·s qu’ils sont censé·e·s défendre, suisses comme immigré·e·s.

Corrigeons cette erreur le 25 septembre. Le chantage à la dénonciation définitive des bilatérales par l’Union européenne et au chaos économique, si le NON l'emportait, relève d’une propagande visant à induire en erreur les citoyen·ne·s. Une re-négociation avec le patronat suisse et le Conseil fédéral pour de meilleures mesures d'accompagnement est à portée de bulletin de vote.

III
Certains syndicalistes de bonne foi craignent de réveiller la xénophobie en votant NON le 25 septembre. C’est tout le contraire:

Avec un droit du travail digne de ce nom et, notamment, une protection contre les licenciements, remplissant des exigences élémentaires, garanties par les législations de tous les pays qui nous entourent, nous pourrons garantir que les travailleurs des nouveaux pays de l’Union européenne soient bien accueillis chez nous.

Quel serait, en effet, l’accueil que recevraient ces jeunes ou moins jeunes travailleurs, s’ils venaient remplacer un Portugais ou un Suisse de 55 ans, licencié sans que le patronat doive même en indiquer le motif, comme cela peut se faire uniquement en Suisse ? Poser la question, c’est y répondre. 

La Suisse doit cesser d’être un îlot de non-droit du travail au milieu de l’Europe.

Romolo MOLO, juriste, syndiqué UNIA