A Marseille, Nestlé est chocolat
La firme sommée hier par la justice de rouvrir l'usine de Saint-Menet.
Michel Henry-Libération
Pan sur le bec ? Un juge des référés de Marseille a ordonné hier à Nestlé de redémarrer la production sur son site phocéen de Saint-Menet, abandonnée fin juin. La multinationale s'est inclinée, annonçant hier la reprise de l'activité pour le 5 septembre, ce qui représente une franche victoire pour les 427 salariés.
Pourtant, c'est la direction qui avait saisi le juge des référés afin qu'il «interprète» sa décision du 4 juillet. Le juge avait alors ordonné aux salariés d'évacuer l'usine qu'ils occupaient (ce qu'ils firent) et enjoint la direction de «rétablir le fonctionnement normal de l'établissement», sous astreinte de 50 000 euros par jour, tant que la consultation des salariés sur la fermeture n'est pas achevée. Pour Nestlé, cela revenait juste à remettre les lieux en état. Pour les salariés, cela impliquait de reprendre la production.
Code du travail
Le juge a tranché, hier : «Nous visions évidemment l'ensemble des activités de ce site, y compris la production.» Précisant qu'il n'entre pas dans ses pouvoirs «de s'immiscer dans la gestion d'une entreprise et de lui dicter ses choix stratégiques», le magistrat estime qu'il doit vérifier «le strict respect de l'obligation préalable de consultation» imposée par le code du travail en cas de fermeture programmée. Pour le juge, Nestlé a mis la clé sous la porte un peu vite, en résiliant les contrats de service postal, de ménage, d'enlèvement des détritus, en coupant le gaz et prélevant des matières premières, alors que la consultation se poursuivait. D'où son rappel à l'ordre.
Tout en se réservant le droit de faire appel, Nestlé l'a accepté. Il convoque lundi prochain le personnel, actuellement en congés forcés, pour l'informer du planning de reprise de la production. Et cela dans l'attente d'une autre décision: la cour d'appel doit statuer sur la légalité de la procédure de fermeture, validée par le tribunal de Marseille le 22 juin. Cette reprise risque donc de n'être que provisoire. Et les salariés s'attendent à «des coups tordus». Avocat de Nestlé, Me Luc Alemany les réfute par avance : «Nous avons agi de bonne foi et respectons les décisions.» Mais il prévient : «Il va falloir retirer de la production à d'autres sites de Nestlé en France pour alimenter Saint-Menet.»
Hard discount
En mai 2004, Nestlé avait annoncé la fermeture, la justifiant par un marché (café soluble et chocolat) «en stagnation, voire en baisse» et une usine fonctionnant «à 50 % de sa capacité». La production café irait donc à Dieppe et le chocolat ailleurs en Europe. Les salariés s'estiment sacrifiés sur l'autel du profit par le numéro un mondial de l'alimentaire, qui a annoncé, à la mi-août, une croissance de son bénéfice semestriel de 32,4 %. Ils veulent désormais faire accepter le plan de reprise, qui vise à produire pour le hard discount et les marques de distributeurs, en sauvant 300 emplois en théorie.
Mais la multinationale refuse de «se tirer une balle dans le pied [...] C'est demander à Nestlé de se laisser concurrencer sur des marchés où il est présent, indique un porte-parole. S'il s'agissait d'un autre produit, comme du chewing-gum, on serait peut-être OK. Ce n'est pas le cas». Représentant CGT, Joël Budanic va donc en appeler au gouvernement «pour qu'il pousse Nestlé à lever son veto».
La justice donne raison aux salariés de Nestlé
Aliette de Broqua-Le Figaro
Les salariés de l'usine de Nestlé Saint-Menet à Marseille viennent d'emporter une manche dans le bras de fer qui les oppose au groupe suisse, depuis que ce dernier a annoncé en mai 2004 son intention de fermer son usine en juin 2005. Le juge des référés de Marseille a en effet ordonné la reprise de la production réclamée par les salariés de l'usine dont Nestlé avait interrompu l'activité fin juin.
Le juge, qui avait été saisi par le groupe agroalimentaire pour clarifier une précédente décision du 4 juillet, indique que «la condamnation sous astreinte de Nestlé France à rétablir le fonctionnement normal de l'établissement de Saint-Menet vise l'ensemble des activités de ce site, y compris la production». Jusqu'à présent, Nestlé s'était contenté d'exécuter à la lettre la décision du 4 juillet lui ordonnant de rétablir le fonctionnement normal de l'établissement, en se limitant aux fournitures d'énergie, liaisons informatiques et prestations de service.
Le tribunal rappelle que «s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de s'immiscer dans la gestion d'une entreprise et de lui dicter ses choix stratégiques, il lui appartient, en revanche, notamment en référé, d'édicter toutes les mesures nécessaires au strict respect de l'obligation préalable de consultation imposée par la loi à l'employeur». Il souligne que Nestlé «anticipe sur la fermeture de l'usine alors que la consultation du livre III n'est pas achevée».
Chez Nestlé, on ne cachait pas sa déception hier : «Nous sommes déçus, mais satisfaits puisque nous avions saisi le juge pour avoir des éclaircissements. Mais nous nous réservons le droit de faire appel de cette décision», commentait Me Luc Alemany, conseil de Nestlé. Ces derniers ayant fait appel de cette décision, Nestlé doit désormais faire redémarrer l'usine – ce qui devrait être effectif le 5 septembre – en attendant le résultat de l'appel dans la procédure de consultation des salariés. «Le plus important pour nous maintenant est de demander à Nestlé de lever son veto ubuesque sur notre projet industriel», commentait Joël Budanic, délégué CGT.
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