Italie: luttes sociales et débouchés politiques
 
 

Les débats au sein de Rifondazione Comunista

Assemblée de discussion-débat avec Franco Turigliatto
(membre de la direction nationale du PRC et responsable de l'intervention dans les grandes entreprises)
Mercredi 3 novembre 2004, à 20h00, au Cazard (salle de l'Octogone, rue Pré-du-Marché 15 à Lausanne)

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• En 1991, la plupart des dirigeants du Parti Communiste italien (PCI) - le plus important parti produit du stalinisme d'Europe occidentale - décident de renoncer explicitement à toute sortie du système capitaliste en créant un "nouveau" parti politique: les Démocrates de gauche (DS). De fait, depuis fort longtemps ce renoncement avait été exprimé à diverses occasions : à la fin de la deuxième guerre mondiale (1943-1944), ou lors de la mise en avant, en octobre 1973, par Berlinguer, du " compromis historique ", c'est-à-dire d'une coalition organique avec le parti bourgeois qui dominait 1a vie politique italienne: la Démocratie Chrétienne.

• Une minorité de dirigeantEs et de militantEs du PCI refuse cette transformation. Elle va participer, avec des membres d'organisations politiques anticapitalistes (Démocratie Prolétaire en particulier), à la création de Rifondazione Comunista (Parti de la Refondation Communiste - PRC -).

C'est un projet politique au sein duquel coexistent, au-delà d'une position générale de mise en cause radicale du néolibéralisme en plein essor, des orientations très différentes. On y retrouve alors : des personnalités comme Fausto Bertinotti - secrétaire général du PRC - qui vient du courant syndicaliste de gauche ; un secteur issu du PCI ; des secteurs plus marqués par l'histoire stalinienne de l'appareil du PCI, tels Armando Cossutta, un des responsables des liens avec l'URSS du PCI, parlementaire élu depuis 1972 et actuel dirigeant des Communistes d'Italie (scission du PRC en 1998). En outre, des forces issues du courant marxiste révolutionnaire sont aussi présentes dans PRC.

• En 1996, l'Olivier (Ulivo), coalition de centre-gauche, gagne les élections. Son représentant politique les plus en vue est alors Massimo Alema. Pour gouverner, l'Ulivo a besoin des voix de Rifondazione Comunista au Sénat. La majorité de la direction de PRC décide de soutenir de l'extérieur (de ne pas voter contre les propositions importantes présentées par le gouvernement au parlement, afin d'empêcher que se forme une majorité parlementaire et la droite). PRC ne participe donc pas au gouvernement de centre-gauche conduit par Romano Prodi (futur président de la commission européenne de PUE, qui termine son mandat fin octobre 2004 et se recycle dans la politique italienne en vue de former un nouveau gouvernement du centre en 2006).

• A l'automne 1998, la majorité de la direction de PRC décide de ne pas voter le budget d'austérité présenté par le gouvernement Prodi qui, n'ayant plus de majorité parlementaire, tombe. Les dirigeants et les militants liés à A. Cossutta sont opposés à ce refus d'appui au gouvernement Prodi. Cela aboutit à une rupture au sein du PRC. A. Cossutta fondera: les Comunisti italiani.

• Les textes votés par une large majorité du congrès de 2002 mettent l'accent d'abord sur l'actualité de la révolution, comprise - en faisant référence à Marx et aux aspects positifs de la révolution russe - comme une rupture radicale avec le mode de production capitaliste, donc comme la nécessité de « l'abolition du travail salarié », du profit, comme l'aboutissement des luttes des salariées démocratiquement gérées, intégrant la bataille contre les inégalités sociales, de genre, de nationalité et pour le respect de l'environnement.

Les textes en question condamnent aussi clairement la tradition stalinienne, le centralisme démocratique bureaucratique, en particulier. Néanmoins ils ne font pas le bilan de la tradition stalinienne dans la politique italienne après la seconde guerre mondiale. En Italie, cette approche devait se traduire par le renforcement de la présence des militantEs de Rifondazione dans le mouvement altermondialiste, par la participation à la construction d'un courant de gauche au sein de la CGIL (Confédération générale italienne du Travail, la moins à droite des trois grandes fédérations syndicales italiennes), et entre autres de la FIOM (Fédération italienne des ouvriers de la métallurgie). Ainsi, PRC se donnait l'objectif de stimuler les batailles contre la détérioration des conditions de vie et de travail de la grande majorité des salariéEs, étudiantEs et retraités. Loin, très loin des pratiques des partis de centre-gauche dont PRC avait soutenu le gouvernement jusqu'à 4 ans auparavant.

Le titre du rapport introductif de Fausto Bertinotti à ce Congrès de 2002, "Le tournant à gauche", semble lui aussi conforter les espoirs d'une évolution dans ce sens.

• Mais un peu plus d'une année plus tard, le groupe dirigeant lié à Bertinotti annonce la volonté de Rifondazione Comunista de faire une alliance programmatique avec le centre-gauche, conduit, encore une fois, par Romano Prodi, qui défend depuis la Commission européenne une politique drastique contre les intérêts des salariéEs. Il faut prendre en compte la réalité régionale de la structure politique de l'Etat italien. Dans ce contexte PRC va passer de nombreux accords avec le centre-gauche, soit à l'échelle de villes importantes, soit à l'échelle des régions. Cette réalité s'est installée au cours de la fin des années '90 et au début des années 2000.

• En Italie aujourd'hui est ouvertement discutée: quelle sera la coalition politique qui pourrait remplacer la coalition de droite présidée par Silvio Berlusconi ? La coalition de Silvio Berlusconi est un rassemblement de Forza Italia (regroupement mis sur pied par Berlusconi, un des capitalistes les plus riches d'Italie et qui contrôle l'appareil médiatique), d'Alliance Nationale (dirigée par Gianfranco Fini, des fascistes recyclés), la Ligue du Nord (en déclin comme son dirigeant Umberto Bossi). Il faut noter que la Démocratie Chrétienne qui a explosé au début des années 1990 a réussi à recycler une grande partie de son personnel politique soit dans le centre-droite, soit dans le centre-gauche actuel.

Les principaux acteurs de la coalition de centre gauche appelée aujourd'hui « Uniti per l'Ulivo » sont: Romano Prodi, Massimo d'Alema, Piero Fassino (ancien cadre du PCI dans la région de Turin, puis secrétaire de DS dès 2001) et Francesco Rutelli (ex-maire de Rome). PRC va-t-il s e placer dans le cadre politique que cherche à dicter « Uniti per l'Ulivo » afin d'écarter un gouvernement de droite largement discrédité : celui de Berlusconi? Accepter d'entrer dans ce cadre politique peut être qualifié de « tournant » important de PRC et de son leader Fausto Bertinotti.

Quels en seraient les enjeux pour la gauche italienne et européenne ? C'est de cela qu'il faudra discuter avec Franco Turigliatto.

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