Aux origines d’une grève
Le 23 juillet 2003 déjà, les travailleurs de ce qui était alors Baumgartner s'étaient mis en grève pour obtenir des garanties lors de la reprise de l'entreprise par Filtrona.
En juillet 2003, les salarié·e·s de Filtrona à Crissier avaient déjà débrayé durant deux heures pour défendre leurs droits. A l’époque, l’entreprise s’appelait encore Fibertec. Le groupe Baumgartner avait annoncé son intention de vendre cette société. Mais il refusait de négocier un plan social. Le débrayage avait débloqué la situation et un plan social avait été signé. Il couvrait jusqu’à fin 2004 toute personne licenciée suite à une restructuration. Quinze personnes en ont bénéficié.
Fibertec a été racheté par Filtrona en octobre 2003. Au printemps 2004, le nouveau directeur de Filtrona Suisse SA, M. Dylan Jones, a pris ses fonctions. Il était précédemment directeur de la succursale de Filtrona à Rovereto, en Italie. C’est lui qui l’a fermée brutalement en janvier 2004. Depuis 6 mois qu’il est responsable de l’usine de Crissier, Jones ne s’est toujours pas installé avec sa famille en Suisse. Un profil de « job killer ».
Depuis le mois d’août 2004, les représentants du personnel et le syndicat comedia, inquiets pour l’avenir du site, demandent des rencontres avec la direction pour en discuter. Ils revendiquent un contrat collectif de travail ainsi qu’un plan social, prenant le relais de celui arrivant à échéance fin 2004. La direction n’a pas donné suite.
Au début de l’automne, la direction a fait démonter trois Cavitec. Ces machines sont les rolls de l’usine de Crissier. Elles ont été mises au point par le personnel de Crissier. Elles assurent le remplissage des filtres spéciaux à cavité à une rapidité sans concurrence, et avec une très grande qualité dans la finition. Deux de ces machines ont été envoyées en Grande-Bretagne ; celle en attente devrait partir aux Etats-Unis. Simultanément, des salarié·e·s de Filtrona Jarrow, en Grande-Bretagne, sont venus se faire former par les salarié·e·s de Crissier sur la conduite de ces machines. Filtrona à Crissier est resté sans service de vente ni département de recherche indépendants. Par contre, le travail ne manque pas.
Les salarié·e·s de Crissier ont l’intime conviction que la direction de Filtrona organise le pillage de leur savoir-faire et de leurs outils de production. Avec le syndicat, ils demandent avec encore plus d’insistance l’ouverture de négociations sur l’avenir de l’entreprise et l’établissement d’un plan social. Le directeur, Dylan Jones refuse toute rencontre à ce sujet avant le 10 décembre (cf. ci-dessus). Les salarié·e·s ont le sentiment de se faire mener en bateau. Ils fixent un ultimatum : si le 29 novembre, date d’une rencontre prévue, la direction ne leur communique pas des informations claires et refuse d’ouvrir immédiatement des négociations, l’assemblée du personnel sera invitée, le lendemain, à prendre des mesures de lutte. La direction est inflexible. Le lendemain, la grève est votée.
M-magazine, numéro 20-2004
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