Un nouvel accord signé au pas de charge
Dario Lopreno *
Une déferlante d'attaques...
• Après avoir baissé, en janvier et juillet 2006, les prestations d'assistance sociale à deux reprises,
• après avoir imposé, en mars 2006 et pour 4 ans, 73 mesures diminuant nombre de subventions sociales, réduisant le personnel du secteur public de 5% par rapport à 2005, mettant davantage les salariés de l'Etat en concurrence entre eux, intensifiant leurs rythmes de travail et accroissant le stress, tout en prévoyant de forcer de facto les salariés genevois et leurs familles à devenir bénévoles pour "leurs" handicapés et "leurs" vieux (objectif: l'équivalent de 5% du personnel des établissements concernés),
• après avoir signé, en mars, un accord avec le Cartel intersyndical, imposant notamment 1% de perte du renchérissement en 2006, retardant le paiement de l'annuité et le suspendant pour les enseignants, supprimant la prime de fidélité (un 13e salaire partiel) pour la majorité du personnel,
• après avoir imposé 49 nouvelles mesures d'économies, en septembre, s'attaquant aux usagers (facturations tout azimut pour des prestations déjà payées via les impôts, durcissement dans la perception des amendes, augmentation des lits par chambre dans la nouvelle aile de l'hôpital) et au personnel (re-intensification du travail, augmentation du prix des parkings),
le Conseil d'Etat à majorité de gauche a fait signer au Cartel intersyndical [1] un accord détonnant.
...pour un accord de dupes
Bien qu'il mette en oeuvre les réévaluations collectives des fonctions demandées par le personnel et abusivement bloquées depuis très longtemps, cet accord entérine d'importantes attaques :
- Une nouvelle perte de salaire réel d'au moins 1% (0.4% de compensation de l'inflation pour 2007, alors qu'elle est prévue à 1.4 ou 1.6% en 2006).
- L'annulation d'une clause de l'accord signé en mars, afin de repousser encore de 6 mois le versement de l'annuité 2007 et de le différer d'1 an pour les enseignants.
- Le blocage de la prime de fidélité sauf pour ceux qui la touchent pour la première fois.
- La discussion (pas l'information mais la "discussion" !!! [2]) des licenciements avec les associations du personnel et les syndicats lors de suppression de postes.
- La renonciation "à tout moyen de lutte" sur les points de l'accord touchant l'indexation, la prime de fidélité et le nouveau projet de Loi sur le personnel (LPAC, un projet que vient de déposer le Conseil d'Etat, qui facilite et banalise les licenciements à l'Etat).
- Enfin le remplacement, en 2008, de la prime de fidélité (qui permet d'atteindre l'équivalent d'un 13è salaire après plus de 20 ans de service) par un 13è salaire; or aucune des modalités de ce remplacement n'est précisée, sinon que cela se fera grâce à : la diminution des annuités, le calcul d'une neutralité des coût sur... une carrière continue de 38 ans à l'Etat (au moment où on banalise le licenciement et la mobilité, où on diminue le personnel, où on privatise) et la ponction de 7% ou plus de ce 13è salaire en le soumettant au 2è pillier; tout cela restant en outre soumis aux imprévisibles "contraintes financières de l'Etat".
Ce très mauvais accord, en reconnaissant "le nouveau système de rémunération" - c'est-à-dire le nouveau système salarial de l'Etat - donne à l'Etat-patron un blanc seing en la matière, car ce "nouveau" système n'existe pas encore !
La démocratie en "24h chrono"
Le dernier accord signé en mars 2006 avait mis en colère nombre de salariés du (para-)public, parce qu'il avait été signé sans être soumis à l'assemblée générale du personnel et en laissant peu de temps pour le débat au sein des organisations du Cartel. Peu après sa signature, une résolution de l'assemblée générale du personnel a été votée, précisant qu'à l'avenir, "le Cartel soumettra tout projet d’accord à l’Assemblée du Personnel". Qu'a donc fait le Cartel intersyndical, 6 mois plus tard (signature de l'accord actuel)? Il a refusé de consulter l'assemblée générale du personnel - sous prétexte qu'il n'a pas de comptes à lui rendre statutairement - en se dépêchant de signer un accord qui n'avait aucun caractère d'urgence et il n'a même pas laissé le temps aux associations et syndicats membres du Cartel de consulter leurs membres : le 31 août un projet d'accord a été soumis par le comité du Cartel à l'Assemblée des délégués, qui l'a accepté [1] pendant que les négociations continuaient, le 11 septembre un texte d'accord comportant de très importantes nouveautés a été fourgué aux associations et syndicats du Cartel par son comité, soumis au vote de l'Assemblée des délégués le 12 (comment en débattre avec les membres en 24h?) et signé le 13 ! Autrement dit, une quarantaine de personnes - l'Assemblée solipsiste des délégués du Cartel - ont signé pour plus de 25'000 salariés.
On peut perdre une bataille syndicale. On peut se retrouver (volontairement?) sans avoir pu signer aucun accord. Mais il est inacceptable de capituler sans tenter de livrer bataille et sans consulter les salariés concernés.
Reste aux salariés du (para-)public à se mobiliser en nombre contre les prochaines attaques aux salaires et aux conditions de travail, pour la défense des prestations sociales à la population et - ce qu'on a trop tendance à mettre de côté - pour les droits démocratiques des usagers, afin que ce passage consentant du Cartel sous les fourches Caudines de l'exécutif de gauche ne prépare pas le terrain à une nouvelle défaite (consentante?) sur la suppression du statut du personnel, sur le budget 2007, sur les nouvelles attaques subreptices inlassablement menées dans les services, etc.)...
1. Les représentant du Syndicat des services publics (SSP) sont la seule composante du Cartel à avoir refusé la signature de cet accord, mais il ne s'agit pas d'en tirer une quelconque conclusion sur la nature de ce syndicat par rapport aux autres membres du Cartel.
2. La volonté de "discuter" des licenciements avec les organisations du personnel est une manière de les impliquer dans la décision de licencier (la co-gestion dont socialistes et écologistes à l'exécutif font la promotion). Il est juste de revendiquer que tout licenciement doive être annoncé à l'avance, ce qui laisse plus de marge pour le combattre, mais pas de le "discuter", ce n'est pas le rôle de s organisations des salarié·e·s.
* Membre du Syndicat des services publics - SSP (s'exprime à titre personnel) |